Principes d’économie politique/II-2-II

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II

COMMENT SE RÈGLE LA PRODUCTION.

Ne pas produire assez est un mal : produire trop est un autre mal, moindre que le premier si l’on veut, mais réel pourtant. Tout excès de production en effet entraîne nécessairement non seulement un gaspillage de richesses, mais surtout une déperdition de forces, par suite une peine et une souffrance inutiles. L’état de santé pour le corps social, comme pour tous les corps vivants du reste, consiste dans un juste équilibre entre la production et la consommation.

Cet équilibre existe et se maintient tant bien que mal dans toute société prospère, mais en vertu de quelle loi ?

Là où chaque homme produit pour lui-même ce qu’il doit consommer, comme Robinson dans son île, ou plutôt comme dans la première forme, celle de l’industrie de famille, ce phénomène n’a rien d’étonnant. Chacun de nous individuellement, ou chaque petit groupe, est capable de prévoir dans une, certaine mesure ses besoins et, bien que ses prévisions puissent assurément le tromper, de régler sa production en conséquence.

Le fait n’avait rien de bien surprenant non plus même dans la second phase, celle du régime corporatif, puisque l’artisan travaillait d’ordinaire sur commande ; en d’autres termes, puisque chaque consommateur indiquait à l’avance au producteur ce dont il avait besoin.

Mais, dans le régime actuel où le plus souvent chacun spécule et produit sans attendre les ordres, il devient plus difficile de comprendre comment se règle la production et comment se maintient l’équilibre entre-ta production et la consommation.

Elle se règle cependant d’une façon automatique et cela tout simplement par le jeu de l’offre et de la demande, par la loi des valeurs telle qu’on l’exprime approximativement dans cette formule «les choses valent plus ou moins suivant qu’elles sont en quantité plus ou moins insuffisante pour nos besoins ».

S’il arrive que telle ou telle branche d’industrie ne se trouve pas suffisamment pourvue de bras et de capitaux, le besoin auquel elle correspond se trouvant en souffrance, ses produits acquièrent une valeur plus haute, qui se traduit par un accroissement de salaires ou de profits et qui a justement pour effet d’attirer dans cette branche de la production le travail et les capitaux. Les producteurs, et en particulier l’entrepreneur, réalisent de plus gros profits. Attirés par l’appât de ces profits supérieurs au taux normal, d’autres producteurs, capitalistes ou travailleurs, s’engagent dans cette voie. La production de la marchandise augmente donc jusqu’à ce que la quantité produite se soit élevée au niveau de la quantité demandée.

Toutes les fois, au contraire, qu’une marchandise quelconque se trouvera avoir été produite en quantité supérieure aux besoins, sa valeur doit baisser. La baisse de valeur a pour effet de réduire le revenu des producteurs et en particulier les profits de l’entrepreneur, le principal agent de la production et celui par conséquent qui en ressent directement tous les contre-coups. Il se retire d’une voie dans laquelle il éprouve des mécomptes ou des pertes, et la production de la marchandise se ralentit jusqu’à ce que la quantité produite soit retombée au niveau de la quantité consommée.