Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 2/Lecture 2

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Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 131-141).

LECTURE DEUXIÈME.

HYMNE I.

À Mitra et à Varouna, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atisaknarî.)

1. Nos libations sont prêtes. Venez tous deux ! Sous le pressoir ont coulé ces liqueurs, auxquelles se mêle le lait de nos vaches, et qui causent une aimable ivresse ; oui, une aimable ivresse. Rois célestes, venez ici près de nous. À vous, Mitra et Varouna, ces brillantes libations qu’accompagne, oui, qu’accompagne le lait de nos vaches !

2. Accourez ! voici des liqueurs soigneusement exprimées, voici du lait caillé ; oui, du lait caillé : c’est pour vous. Au lever de l’aurore, au moment où brillent les rayons du soleil, cette libation est faite en l’honneur de Mitra et de Varouna ; oui, elle est faite en l’honneur du feu sacré.

3. C’est pour vous, ô héros, que cette vache a épuisé ses mamelles ; c’est pour vous que le pressoir, oui, que le pressoir à rendu ce soma pétillant. Venez donc ici près de nous pour goûter de cette boisson. Elle est à vous, ô Mitra et Varouna ! les ministres du sacrifice ont pour vous, oui, pour votre soif distillé ce soma.


HYMNE II.

À Pouchan, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî.)

1. Je chante la grandeur de Poûchan, célèbre par ses nombreuses naissances ; mais, auprès de sa puissance, la louange n’est rien ; oui, la louange n’est rien. Je souhaite la prospérité ; et j’implore l’heureux secours du dieu qui, honoré par nous, daigne accueillir, oui, accueillir notre sacrifice.

2. Poûchan, je veux par mes chants presser ta marche. Viens, et sois pour nous comme le chameau qui nous emporte ; oui, qui nous emporte loin des méchants. Divinité puissante, moi mortel, je demande ton amitié ; donne à ceux qui te louent, oui, donne-leur la force dans les combats.

3. Poûchan, quand tes chantres sont devenus tes amis, alors ils sont forts de ta puissance ; ils peuvent compter sur ton secours ; oui, ils peuvent compter sur ta protection. Nous demandons que tu charges de richesses ce char encore nouveau[1]. Sois bon pour nous, ô toi que nous comblons de louanges, et marche avec nous ; oui, marche avec nous dans les combats.

4. Sois bon, et reconnaissant de ce (char) que nous te donnons. Accorde tes bienfaits à ceux qui t’expriment leurs besoins, ô (dieu) dont les chevaux sont immortels ; oui, dont les chevaux sont immortels. Illustre protecteur, nous t’environnons d’honneurs et de louanges. Ô Poûchan, je ne suis pas de ceux qui dédaignent ton pouvoir ; je suis loin de blâmer ou de repousser ton amitié.


HYMNE III.

Aux Viswadévas, par Paroutchhépa.

(Mètres : Atyachtî, Trichtoubh, Vrihâtî.)

1. Invoquons (les dieux) ! D’abord ma prière implore Agni. Nous honorons votre force divine, ô Indra et Vâyou ; oui, nous l’honorons. Quand, près du foyer lumineux, la Prière accomplit son œuvre, puissent nos hommages monter vers les dieux ; oui, puissent-ils monter rapidement vers eux !

2. Ô Mitra et Varouna, lorsque près du feu sacré s’est élevé vers vous un hommage impie que vous adressait la passion, oui, que vous adressait la passion capricieuse du sacrificateur, nous n’avons revu dans nos demeures votre (char) d’or qu’au prix de nos prières, de nos adorations, de nos libations ; oui, de nos libations de soma.

3. Ô Aswins, les enfants d’Ayou vous honorent par leurs louanges ; ils semblent porter leurs cantiques jusqu’à vos oreilles ; oui, ils portent jusqu’à vous leurs holocaustes. À vous sont toutes les richesses, tous les biens, (dieux) qui possédez toute chose. (Nobles protecteurs), elles sont surchargées de biens ; oui, elles sont surchargées, les roues de votre char d’or.

4. On vous entend, (dieux) secourables ; vous montez au ciel. À votre char sont attelés des coursiers qui ne sauraient faillir, oui, qui ne doivent point faillir dans les voies célestes. Nous voulons, (dieux) secourables, vous affermir encore sur ce char d’or. Comme des voyageurs, vous traversez le ciel, où vous apparaissez, oui, où vous apparaissez pour régner.

5. Trésor de puissance, servez-nous nuit et jour par vos œuvres puissantes. Que vos dons ne faillissent jamais, pas plus que les nôtres !

6. Indra, tu es généreux, et ces libations te sont aussi généreusement offertes, jus limpides qui, dans le pressoir, ont fendu pour toi, oui, ont fendu pour toi (les grains qui les contenaient). Qu’ils t’enivrent, et te disposent à répandre sur nous tes dons nobles, riches et variés ! Célébré par nos chants, élevé par nos hymnes, viens, ô (dieu) bienfaisant, oui, viens auprès de nous.

7. Et toi, Agni, exauce nous ! Objet de nos chants, dis aux dieux dignes de nos sacrifices, oui, à (ces dieux) brillants et dignes de nos sacrifices : « Quand les Dévas donnèrent une vache[2] aux Angiras, Aryaman en a reçu le lait, et c’est (Agni) sacrificateur qui le lui a donné, à lui et aux autres dieux. Je donne encore le lait de la vache d’aujourd’hui à Aryaman et aux autres dieux. »

8. Que vos dons généreux soient pour nous durables ! Qu’ils ne périssent jamais entre nos mains ; oui, qu’ils ne périssent jamais ! Ô Marouts, tous ces biens variés, et d’âge en âge toujours nouveaux, par votre force rendez-les immortels en nous. Confirmez-les d’une manière invincible.

9. Avant moi Dadhyantch, Angiras, Priyamédha, Canwa, Atri et Manou ont vu le jour, oui, avant moi ils ont vu jour. Dans les Dévas (terrestres) ils se sont perpétués. Ayons confiance en ces (Dévas). Avec les hymnes qu’ils enseignent, j’invoque Indra et Agni ; oui, j’invoque Indra et Agni avec leurs hymnes.

10. Que le sacrificateur fasse son œuvre ! Que les dévots apportent leurs riches offrandes. (Agni), maître du sacrifice[3] reçoit avec ardeur les libations ; oui, les libations de toute espèce. Nous entendons la mesure du vers et la voix (du prêtre, qui retentit) au loin. Les boissons, sortant du pressoir, ont été par le (père de famille) intelligent, oui, par le (père de famille) intelligent, disposées en différentes places.

11. Ô dieux puissants, qui, au nombre de onze, régnez au ciel ; qui, au nombre de onze, restez sur la terre ; qui, au nombre de onze[4] habitez les ondes, ayez ce sacrifice pour agréable.


HYMNE IV.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. Pour celui qui réside dans le lieu saint[5], qui habite nos demeures, pour le brillant Agni, apporte le foyer, lequel est, pour ainsi dire, le trône (du dieu). Ainsi que d’un vêtement, couvre de la prière (Agni) pur et lumineux, au char resplendissant, (Agni) qui tue les ténèbres.

2. Il naît sous deux formes[6] ; il reçoit (ici-bas) une triple nourriture[7], et cette nourriture ensuite va augmenter le corps de (l’astre) qui roule autour du monde. Sous une de ces formes, il est près de nous, et il croît de ce que sa langue consume. Sous l’autre forme, il inonde (de rayons) bienfaisants ses serviteurs, que (d’en haut) il couvre de sa protection.

3. Marquées de teintes noires et vivement agitées l’une contre l’autre, ses deux mères[8] produisent leur nourrisson, lequel tourne vers l’orient sa langue[9], qui dans sa marche tremblante, rapide, tortueuse, réclame de grands soins, et s’engraisse des libations de son père[10].

4. Arrivent les (flammes) vives et légères, salutaires à Manou quand il veut poursuivre son œuvre[11], traçant un noir sillon, s’avançant d’un pas inégal et pressé, poussées par le vent et précipitant leur course fougueuse.

5. Bientôt Agni prend une forme noire, large, énorme ; ses (flammes) en tremblant courent çà et là. De proche en proche il gagne du terrain ; soufflant, frémissant, il s’avance avec bruit.

6. Il s’attache aux branches, comme la parure (au bras). Il vient en mugissant, tel que le taureau qui court vers ses maîtresses. Il soumet à sa force tous les corps, et apparaît terrible, insaisissable, ayant l’air d’agiter ses cornes menaçantes.

7. Agni, se concentrant ou se divisant, embrasse les branches ; et quand une fois ils se sont bien connus mutuellement, (le dieu) ne les quitte plus. Cependant les flammes s’augmentent, s’élèvent et changent la face divine des deux aïeuls (du monde[12]).

8. Ces flammes, en se courbant, forment autour d’Agni une espèce de chevelure. Tantôt elles semblent se dresser, tantôt tomber et mourir. (Agni) revient les sauver de leur perte ; il fait entendre son grand souffle, et les rappelle à la vie.

9. (Agni), dévorant les libations que répand sur lui le maître du sacrifice, prend une vigueur nouvelle et poursuit son triomphe. L’un augmente la nourriture du (dieu) qui marche toujours ; l’autre la consume, et laisse après lui un noir sentier.

10. Agni, brille dans nos (demeures) riches en offrandes ! qu’on entende ton souffle, généreux Damoûnas[13] ! Brille en répandant tes flammes, qui sont comme tes nourrissons ; et, pour nous couvrir dans les combats, deviens notre cuirasse.

11. Ô Agni, que cet hymne que nous avons composé pour toi soit à tes regards plus précieux que tel autre hymne qui n’a pas eu de succès ! que cette partie de ton corps, qui brille pure et lumineuse, nous procure les biens que nous désirons !

12. Ô Agni, pour que notre maison traverse heureusement (ce monde), tu peux nous donner un vaisseau dont les rames marchent sans jamais s’arrêter, (un vaisseau) qui transporte à l’abri du naufrage nos guerriers, nos princes, notre peuple.

13. Agni, accepte cet hymne. Que le Ciel et la Terre, que les Mers, avec leurs ondes impétueuses, le reçoivent aussi ! Que les rougeâtres (Aurores) nous accordent de longs jours, et une heureuse quantité et d’orge et de vaches !


HYMNE V.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètres : Atyachtî et Trichtoubh.)

1. Le dieu, en prenant une forme apparente, se distingue par sa substance lumineuse, qu’il doit à la Force dont il est né[14]. Une fois produit, il est fortifié par la Prière, et les voies du sacrifice le soutiennent et l’accompagnent.

2. Les offrandes constituent une de ses formes[15]. Nos libations la perpétuent dans le foyer où il réside. Une autre de ses formes existe au sein des sept heureuses mères[16]. Une troisième est le (Soleil même), souverain des dix (régions célestes)[17], que (les prêtres) engendrent et nourrissent[18] pour extraire le lait de (ses rayons) généreux.

3. Quand les seigneurs et maîtres du sacrifice ont, par le moyen de la Force, tiré Agni de l’asile où gisait sa forme auguste ; quand ils l’ont, suivant l’antique usage, alimenté du miel des libations, Mâtariswan vient dans le foyer exciter son ardeur.

4. Cependant les diverses offrandes du père (de famille) sont apportées, et Agni monte rapidement dans les branchages du bûcher. Ce n’est plus alors la jeune et faible lueur qui brillait, quand ses deux (mères) venaient de lui donner le jour.

5. Bientôt il pénètre dans les (branches) encore intactes, et qui sont (comme) ses mères[19]; il s’étend, il s’élargit. Il envahit d’abord les plus élevées, et, toujours pressé, il va plus bas en attaquer de nouvelles.

6. Alors (les hommes) par leurs offrandes et leurs hommages honorent (Agni) sacrificateur, qui est comme Bhaga dans les régions célestes, en le voyant avec force et avec majesté s’approcher des Dévas (immortels), et venir recueillir les louanges des humains.

7. Mais voici que l’adorable (Agni) a changé de forme ; agité par le vent, il a courbé sa taille, et produit en résonnant des espèces de tourbillons. Toujours brillant, il brûle en divisant ses voies, et en laissant des traces noires de son passage.

8. Partant comme un char, il se dresse en crêtes rougeâtres, dont il va frapper le ciel. Aussitôt, loin de sa clarté, fuient les ténèbres, de même que les oiseaux se cachent des chaleurs du soleil.

9. Par toi, ô Agni, apparaissent et Varouna qui aime le beurre consacré, et Mitra, et le bienfaisant Aryaman. Dans tes œuvres successives, tu sembles te multiplier ; tu t’entoures d’autres êtres, comme la roue de ses rayons.

10. Agni, en faveur de l’homme qui t’adresse des hymnes et de précieuses libations, (dieu) toujours jeune, tu viens à cette fête, célébrée en l’honneur des dieux. Enfant de la Force, source de tout bien, (dieu) nouveau, nous t’honorons comme Bhaga dans l’œuvre du sacrifice.

11. (Maître des pieuses cérémonies), rends-nous favorable Damoûnas, (ce dieu) notre soutien, qui est pour nous tel qu’un riche trésor, ou tel que le généreux Bhaga. Celui qui sait gouverner les deux mères d’Agni, ainsi que les rênes (d’un char), doit savoir aussi diriger, au moment du sacrifice, les louanges qui s’adressent aux dieux.

12. Qu’il nous entende, le (dieu) sacrificateur, aux belles clartés, aux chevaux rapides, au char magnifique ! que l’heureux et prudent Agni se rende à nos vœux, et nous conduise rapidement vers le bonheur et la richesse !

13. Nous avons célébré Agni, qui, par la vertu de ses feux puissants, est vraiment roi souverain. Que nos princes, que nous-mêmes, nous propagions notre race, comme le soleil grossit le nuage !


HYMNE VI.

À divers dieux, surnommés Apris[20], par Dîrghatamas.

(Mètre : Anouchtoubh.)

1. Agni, (surnommé) Samiddha[21], amène aujourd’hui les dieux vers celui qui lève la cuiller (des libations). Fais que ces abondantes offrandes soient une source de biens pour le serviteur qui a préparé le soma.

2. (Agni, appelé) Tanoûnapât[22], accueille, comme dignes de toi, et le beurre et le miel du sacrifice, que te présente un prêtre tel que moi, serviteur qui te comble de louanges.

3. Il aime la rosée et le miel du sacrifice, le dieu brillant et purificateur, (le dieu) admirable, (nommé) Narâsansa[23], qui trois fois[24], du haut du ciel et parmi les Dévas[25], reçoit nos hommages.

4. Agni, (célébré sous le nom) d’Ilita[26], amène ici le bon et magnifique Indra. (Dieu) à la langue brillante, c’est à toi que s’adresse cette prière.

5. Levant la cuiller (des libations), et jonchant la terre de gazon (sacré) en l’honneur de leur pieux sacrifice, (les mortels) présentent à Indra l’hommage le plus dévoué et le plus solennel.

6. Ouvrez-vous pour laisser passer les Dévas[27], Portes magnifiques et divines[28], vous que la piété sanctifie et que tant de vœux environnent, vous qui purifiez (les hommes) !

7. Ô Nuit, ô Jour (déités) fortunées et douées tant de beauté, augustes mères[29] du sacrifice, venez vous asseoir sur cet heureux gazon.

8. Couple sage et divin de sacrificateurs[30], ornés d’une langue brillante et amis des prières, daignez aujourd’hui présider à notre solennité, qui donne le bonheur et réjouit les dieux.

9. Que la brillante Hotrâ[31], placée parmi les Dévas, et Bhâratî[32], parmi les Marouts[33], qu’Ilâ et la grande Saraswatî, toutes dignes de nos hommages, viennent se placer sur notre gazon.

10. Que Twachtri[34] se joigne à nous dans notre foyer, et que, pour notre bonheur, pour l’accroissement de nos richesses, il prenne sa part de ces nombreuses et opulentes offrandes, pour lesquelles rien n’a été négligé !

11. Ô Vanaspati[35], sois bienveillant, et aide-nous à honorer les dieux ! Que le sage Agni, (noble) Déva parmi les Dévas, reçoive nos holocaustes !

12. Offrez l’holocauste à Indra, assisté de Poûchan, des Marouts, des Viswadévas, de Vâyou, et orné des beautés de la Swâhâ[36] et de la Gâyatri[37].

13. Indra, viens à notre fête ; prends ces holocaustes offerts avec la Swâhâ. Viens, et entends l’invocation de ceux qui t’implorent dans le sacrifice.


HYMNE VII.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. J’apporte à Agni, au fils de la Force[38] une offrande riche et nouvelle, l’hommage de la prière. L’enfant des ondes[39] est notre sacrificateur qui vient, au moment favorable, s’asseoir avec ses trésors à notre foyer de terre.

2. À peine né, il s’élève au-dessus du foyer, et apparaît au gré de Mâtariswan[40]. Il s’enflamme avec force, et remplit de son éclat le ciel et la terre.

3. Ses splendeurs immortelles éblouissent les regards ; sa belle tête se couronne de lueurs éclatantes. Les flots lumineux d’Agni sont comme une substance onctueuse qui coule et s’étend sans interruption.

4. Cet Agni, source de tout bien, que les Bhrigous ont avec majesté établi sur le foyer de terre, et qui, tel que Varouna, règne souverainement sur la richesse, tu peux, dans ta propre demeure, le fléchir par tes chants.

5. Tel que la voix des Marouts ou le choc d’une armée, ou la foudre divine, il ne connaît point de supérieur. Agni, de ses dents aiguës, attaque, blesse, dévore les branches, ainsi que le guerrier fait de ses ennemis.

6. Qu’Agni accomplisse nos vœux, et que les biens, dont il est le maître, comblent tous nos désirs ! Que par ses bienfaits il prévienne nos prières ! Telle est la requête que j’adresse au (dieu) qui a la face brillante.

7. Le (serviteur fidèle), allumant (le feu du foyer), honore comme un ami cet Agni, qui reluit sous le beurre consacré, et qui porte le fardeau de vos offrandes. Brillant, invincible, il exauce la prière qui s’illumine des feux du sacrifice.

8. Agni, hâte-toi de nous défendre ; accorde-nous un secours prompt, favorable et puissant. Né pour nous au sein du sacrifice, entoure-nous d’une protection que rien ne puisse faire trembler, fléchir ni sourciller.


HYMNE VIII.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Il vient, le sacrificateur, pour remplir son office : il reçoit la prière qui s’élève pure et intelligente. Couvert de nos offrandes, il s’approche des cuillers (de la libation), qui s’abaissent[41] vers le foyer (où il repose).

2. Tous les vases du sacrifice sont disposés autour du sanctuaire où siége le dieu. Ainsi placé dans le voisinage des ondes (sacrées)[42], qu’il boive les libations dont il est entouré[43] !

3. Quand (Agni) veut atteler son char[44], ses deux mères[45] travaillent d’abord par des efforts mutuels à lui donner un corps. Bientôt ce (dieu) qu’il faut invoquer comme Bhaga, et destiné à transporter nos offrandes, forme ses rayons, c’est-à-dire les rênes qui serviront à diriger ce char.

4. Ces deux mères, qui restent ensemble, gardent également dans leur sein leur fruit, qui, fidèlement conservé, naît jour et nuit[46], toujours jeune, toujours en mouvement, et immortel à travers les âges humains.

5. Dix ouvriers[47] différents délivrent ces deux mères. C’est ce dieu que, mortels, nous appelons à notre secours. Il tend son arc, et lance ses flèches[48] : qu’on vienne à lui, il possède tous les biens qu’on peut désirer.

6. Agni, tu règnes au ciel ; tu règnes sur la terre, dont tu es comme le pasteur. Nous invitons à venir avec toi, sur ce gazon sacré, ces deux êtres[49] grands et aussi beaux que l’or, qui suivent une marche oblique, et que nous aimons à invoquer.

7. Agni, accueille avec plaisir notre prière, toi qui portes l’offrande et, heureux de nos hommages, es né du sacrifice ; toi qui es accessible à tous, aimable et magnifique, et qui brilles à nos yeux comme une demeure où règne l’abondance.


HYMNE IX.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Priez-le ; il vient, il (nous) entend, il s’avance plein de sollicitude, il s’avance rapidement. Pour lui sont les bénédictions, pour lui les offrandes. Il est le maître de l’abondance, de la force, de la splendeur.

2. Il faut le prier : nul n’est trompé dans son attente, quand il est constant dans sa demande. Une première, une seconde prière peut être repoussée. L’homme qui ne se rebute pas doit compter sur la puissance d’Agni.

3. C’est pour lui que sont préparés ces vases (du sacrifice) ; c’est pour lui que sont composés ces hymnes[50] : que lui seul entende toutes mes paroles. Il nous comble de biens, il nous met à l’abri du danger, il accomplit les vœux du sacrifice, il nous donne un secours infaillible, il nous aime de l’amour d’un nourrisson : qu’il reçoive et exauce (notre prière).

4. Quand vous êtes assemblés, il vient près de vous ; il naît avec les qualités qui appartiennent à sa nature. Il promet le plaisir et le bonheur à son dévoué serviteur, quand ses hymnes viennent le charmer au sein du foyer qu’il habite.

5. Telle est la forme qu’a revêtue (ce dieu) désirable et accessible, (ce dieu) qui pénètre dans le bois du bûcher. Le sage Agni, ami de la justice et du sacrifice, a révélé aux mortels ce qui doit leur être utile.


HYMNE X.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Chante Agni aux trois têtes[51], aux sept rayons[52], placé entre les deux grands parents[53], et remplissant de ses clartés tout ce monde ou mobile ou inanimé.

2. Un généreux seigneur a rapproché ces deux (mères d’Agni)[54]. Le (dieu) immortel a paru disposé à nous secourir. Ses pieds reposent dans le vase de terre ; ses flammes sucent la mamelle (qui le nourrit).

3. Deux vaches[55] complaisantes s’approchent à la fois du nourrisson encore faible ; elles lui tracent les voies qu’il doit suivre ; elles satisfont à tous ses besoins.

4. Les sages, affermis dans la science et chargés de garder le (dieu), le guident avec empressement dans sa demeure inébranlable. Remplis de sollicitude, ils regardaient autour d’eux pour retrouver leur rapide (élève). À leurs yeux le soleil a paru[56].

5. Charme de nos regards, trésor de toutes les régions célestes, (Agni) est pour les pauvres mortels un objet de louange. En passant par ces divers enfantements, il est le (dieu) magnifique, que tous considèrent avec admiration.


HYMNE XI.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Agni, quand donc tes feux purifiants donnent-ils la vie et l’abondance ? C’est quand les Dévas (mortels), te présentant les deux filles du sacrifice[57], aiment à faire retentir les airs du sâman[58].

2. Jeune (dieu) qui portes la swadhâ[59], écoute la prière dont je t’offre le magnifique tribut. L’un de tes dévoués serviteurs répand des libations, l’autre fait entendre ses chants. Moi j’adore ton corps[60], ô Agni !

3. Tes rayons protecteurs, ô Agni, ont vu ma cécité[61], et m’ont délivré du mal. Le (dieu) qui possède tous les biens a protégé ces (hommes) pieux. Les ennemis qui avaient le dessein de nous nuire ont échoué dans leur projet.

4. Ô Agni, notre perfide adversaire va, dans sa haine, méditer notre perte. Sois notre conseiller, notre maître. Adoucis ta voix pour nous parler.

5. Si un mortel, confiant dans sa force, vient attaquer un autre mortel, ton serviteur, pour prix de ses hymnes, défends celui-ci. Agni, protége-nous contre tout oppresseur !


HYMNE XII.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Que Mâtariswan[62] vienne agiter (Agni) sacrificateur, qui revêt toutes les formes et honore tous les dieux, (Agni) qui est pour nous comme le bonheur, beau, varié dans ses beautés, (Agni) établi parmi les enfants de Manou.

2. Il est invulnérable, celui qui lui prodigue offrandes et prières. Agni est ma cuirasse, voilà ce que disent (ses serviteurs). Qu’il ait pour agréables toutes les œuvres de celui qui lui adresse des hymnes et des sacrifices !

3. Après avoir reçu Agni sur son siége immortel, et l’avoir entouré d’hommages, les hommes religieux savent encore le conduire et lui donner, sous le jet des libations, la vivacité des chevaux qui entraînent un char.

4. Le (dieu) secourable, avec ses dents, dévore les nombreux aliments (qu’on lui présente) ; il brille dans le bois, et répand au loin ses lueurs. En même temps le vent vient souffler dans les airs ses étincelles, qui ressemblent à la flèche homicide de l’archer.

5. Si, dans le sein qui le porte, de cruels ennemis ne peuvent le blesser, il n’a rien à craindre des aveugles ténèbres. De nobles gardiens se succèdent pour le protéger[63].


HYMNE XIII.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Anouchtoubh virât.)

1. Il est arrivé le maître de l’opulence, le souverain libéral, et qui siége au trône du roi des trésors. Il paraît, et la coupe (des libations) l’honore.

2. Ce (dieu) libéral, qui, recevant les aliments que lui donnent, à l’exemple des hommes, le Ciel et la Terre, en forme pour nous une espèce de libation vitale, réside dans le foyer, et y consume les offrandes.

3. Sage, rapide comme le vent léger, il vient illuminer la ville humaine, aussi brillant que le soleil, et animant tous les corps.

4. Né deux fois[64], il allume les trois feux, il illumine les trois mondes, sacrificateur et pontife souverain au siége des libations.

5. Le voilà le sacrificateur qui, né deux fois, possède tous les biens les plus précieux. (Dieu) mortel[65], nous sommes ses heureux enfants auxquels il réserve ses dons.


HYMNE XIV.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètre : Ouchnih.)

1. Père de famille, je t’invoque et te présente de nombreuses offrandes. Ô Agni, je te regarde comme mon maître, et j’ai recours à ta puissante protection.

2. Rejette la prière du riche qui refuse de te reconnaître comme maître et de t’offrir des présents, de celui aussi qui chante rarement tes louanges : tous les deux sont des impies.

4. Ô sage, grand est le mortel (qui honore Agni) ! il a dans le ciel une place distinguée[66]. Puissions-nous, ô Agni, être remarqués parmi tes serviteurs !


HYMNE XV.

À Mitra et à Varouna, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Le Ciel et la Terre se sont rougis des feux du (dieu) adorable et bon, tuteur de tous les êtres, que par leurs œuvres, leur piété, leurs prières, les (prêtres), prodiguant les offrandes et les invocations, ont enfanté, pour être leur ami, au milieu des sacrifices et des libations[67].

2. Agréez tous deux les présents et le soma de Pouroumîlha, que vous présentent ces dévots serviteurs qui sont pour vous comme des amis, Pouroumîlha vous appelle : (dieux) généreux, écoutez (la voix) d’un père de famille.

3. Les hommes vous comblent de louanges. C’est à votre force héroïque, ô (dieux) généreux, qu’il faut attribuer la naissance du Ciel et de la Terre[68], quand vous vous portez vers le feu du sacrifice, quand vous venez prendre la part que vous fait l’homme religieux dans ses invocations et son œuvre (pieuse).

4. (Dieux) qui donnez la vie[69], cette enceinte (sacrée) doit vous être chère ; vous aimez le sacrifice, et vous en êtes l’ornement. Du haut du ciel, par un secours puissant et opportun, vous nous aidez à traîner notre fardeau : tel (à un char) on attelle un taureau.

5. Vous arrivez avec grandeur sur cette terre, et vous vous approchez de la coupe (de nos libations). (Voyez comme) ces vaches (du sacrifice[70]), et pures et fécondes, (brillent) dans leur pâturage. On entend leur bruit dans les airs ; elles tendent vers le soleil, telles que les Aurores bienfaisantes.

6. Pour votre sacrifice les (flammes) s’élèvent, présentant l’apparence d’une belle chevelure. Mitra et Varouna, daignez venir en ces lieux. Descendez, accueillez nos vœux. Vous régnez sur la prière du sage.

7. Quand le sage, prodiguant et l’offrande et la louange, vous honore par ses invocations et ses sacrifices, (homme) accompli dans la science de prier, alors vous vous approchez de lui, vous agréez ses présents, vous approuvez ses vœux et comblez ses désirs : vous venez vers nous.

8. Ô (dieux) qui aimez le sacrifice, vous êtes les premiers dans nos offrandes et nos libations : nous sommes unis à vous de cœur. L’hymne et la prière sont d’accord pour vous exalter. Votre âme invincible peut se satisfaire magnifiquement.

9. Vous recevez de superbes présents ; ô (dieux) vaillants, vous jouissez d’une opulence, d’une grandeur que relèvent mille prestiges de puissance. Ni les cieux avec les jours, ni les mers, ne connaissent rien d’égal à votre divinité, rien qui mérite les hymnes et les libations qu’on vous adresse.


HYMNE XVI.

À Mitra et à Varouna, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Vos vêtements sont amples et magnifiques. Quand vous les quittez, vous le faites avec sagesse, et ils ne se trouvent jamais déchirés. Triomphez de tout ce qui est mauvais ; car vous êtes, ô Mitra et Varouna, unis avec la bonté.

2. L’estime que l’on peut faire des hommes n’est jamais complète. Tel est juste et prudent, il aime les sages ; mais il est cruel. Tel autre se fait craindre et abuse de sa force pour opprimer un plus faible que lui[71]. Ô dieux, un tel reproche ne peut vous être adressé.

3. La première des (déités) douées d’un pied (léger), en est bientôt privé[72]. Mitra et Varouna, qui dirait la même chose de vous ? Votre enfant porte le fardeau de ce monde, soutenant ce qui est bon, repoussant ce qui est mauvais[73].

4. Nous voyons bien cet époux des jeunes (Aurores) s’avancer, poursuivre sa révolution, et couvrir ces espaces élevés et vastes, demeure de Mitra et de Varouna.

5. Mais, au moment de sa naissance, il était sans chevaux et sans rayons, (ce soleil), qui, rapide et retentissant, marche au plus haut des cieux. Que (les hommes) fassent de brillants apprêts, et qu’en l’honneur de Mitra et de Varouna ils allument le feu du sacrifice et chantent des hymnes.

6. Que les vaches donnent le lait de leurs mamelles pour mon sacrifice. Que le sage (Agni) obtienne toutes les libations qu’il désire ; que sa bouche (sacrée) touche (à mes holocaustes), et n’épargne rien de mes offrandes[74].

7. Ô Mitra et Varouna, puissé-je vous rendre agréables les honneurs que je vous rends, et mériter votre protection, ô dieux (favorables) ! Que notre piété nous donne la victoire dans les combats ! Que la pluie divine (de vos faveurs) nous serve à traverser heureusement (la vie) !


HYMNE XVII.

À Mitra et à Varouna, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Nous éprouvons une grande joie à vous honorer par nos holocaustes et nos invocations, ô Mitra et Varouna, (ô dieux) dont le beurre de nos offrandes relève l’éclat, tandis que nos prêtres, par leurs cérémonies, semblent vouloir vous exalter.

2. J’ai préparé des hymnes, ô Mitra et Varouna, et, attelant le char de votre sacrifice, j’apporte des vers harmonieux : cependant le père de famille fournit pour votre solemnité les holocaustes et les présents.

3. Que la vache donne tout son lait pour le sacrifice, ô Mitra et Varouna, en faveur du mortel qui vous présente cet holocauste, au moment où (le dieu) qui reçoit les offrandes[75], tel qu’un sacrificateur humain, vous honore et vous fête en ce jour.

4. Allons ! au milieu de ce peuple transporté de joie, que les vaches, que les ondes divines vous fournissent des libations ! Allons ! l’antique maître, (Agni), et pour nous et pour (le père de famille) ici présent, se charge de vous les offrir. Prenez votre part (du sacrifice), et buvez du lait de la vache[76].


HYMNE XVIII.

À Vichnou, par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Je chante les exploits de Vichnou qui a créé les splendeurs terrestres, qui par ses trois pas[77] a formé l’étendue céleste, (Vichnou) partout célébré.

2. C’est pour sa force que je chante Vichnou, redoutable comme le lion, semant la terreur sur ses pas, habitant la hauteur ; (Vichnou) dont les trois vastes pas embrassent tous les mondes.

3. Que ma prière touche vivement ce généreux Vichnou qui habite la hauteur, et se trouve partout célébré ; qui, incomparable, a mesuré en trois pas cette large et longue demeure !

4. Ses trois pas immortels sont marqués par de douces libations et d’heureuses offrandes. C’est Vichnou qui soutient trois choses[78] : la terre, le ciel, tous les mondes[79].

5. Puissé-je arriver à cette demeure de Vichnou[80], où vivent dans les plaisirs les hommes qui lui ont été dévoués ! Celui qui fait des libations en l’honneur de Vichnou aux larges pas devient son ami[81] dans cette région supérieure.

6. Nous souhaitons que vous alliez tous deux[82] dans ce séjour où paissent des vaches légères, aux cornes merveilleusement allongées[83]. Là brille la demeure suprême de ce (dieu) libéral et partout célébré.


HYMNE XIX.

À Vichnou et Indra, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Apportez vos libations et vos mets en l’honneur de Vichnou et du grand héros qui aime les prières, (en l’honneur de ces dieux) invincibles, qui se placent sur le dos des montagnes (célestes), comme sur un excellent coursier.

2. En votre honneur, ô Indra et Vichnou, (dieux) puissants par vos œuvres, Soutapas a formé cette brillante réunion. Et, pour récompenser un mortel, vous donnez l’essor à la flèche d’Agni, le magnifique archer[84].

3. Nos libations augmentent la puissante vigueur de Vichnou. (Soutapas) rapproche les deux mères qui doivent heureusement produire (Agni)[85]. Et alors le (dieu) obtient trois noms : l’un inférieur, celui de fils ; l’autre supérieur, celui de père ; et le troisième, qu’il possède dans la région lumineuse[86] du ciel.

4. C’est cette vigueur de Vichnou que nous chantons : (Vichnou) est maître, sauveur, bienfaiteur libéral. En trois pas il parcourt le monde, pour y répandre au loin et la vie et sa gloire.

5. Deux des stations de ce dieu touchent au domaine des mortels. La troisième est inaccesible à tous, même à l’oiseau qui vole.

6. Il fournit quatre-vingt-quatorze carrières[87], pareilles à la roue qui tourne. Son large corps a été par les poëtes divisé en plusieurs parties. Toujours jeune et florissant, il vient à notre appel.


HYMNE XX.

À Vichnou, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Sois facile comme un ami, heureux de nos libations de beurre, magnifique, accessible et généreux. C’est ainsi, ô Vichnou, que la louange sera célébrée par le sage, et que le riche offrira l’holocauste en ton honneur.

2. L’homme qui honore Vichnou antique et nouveau, (Vichnou) qui embrasse tout et qui naît pour le bonheur du monde, (l’homme) qui chante la grande naissance du grand (dieu), obtient certainement l’abondance.

3. Chantres éclairés, célébrez l’avénement de ce (dieu) antique, enfant du sacrifice, et, reconnaissant sa puissance, dites : « Ô Vichnou, tu es grand, et nous implorons ta bonté. »

4. Que le royal Varouna, que les Aswins prennent leur part du sacrifice offert à, ce Vichnou, qui soutient tout, et que les Marouts accompagnent. Vichnou a développé la force suprême qui fait briller le jour, et, uni aux (Marouts) ses amis, il a ouvert le pâturage (céleste).

5. Que le divin Vichnou, plus puissant que le puissant Indra, daigne se joindre à lui ! que le (dieu) sage qui siége en trois stations se plaise à notre sacrifice, et permette à l’Arya, qui le lui offre, d’en recueillir le fruit !


HYMNE XXI.

Aux Aswins, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Agni s’éveille sur son (siége) de terre ; le Soleil arrive ; la grande et brillante Aurore apparaît avec éclat. Les Aswins attellent leur char. Le divin Savitri a enfanté les deux parties de l’univers.

2. Ô Aswins, pendant que vous attelez vos généreux coursiers, versez sur nos champs le beurre et le miel. Accueillez nos prières, et secourez-nous dans les combats. Puissions-nous obtenir les riches dépouilles de nos ennemis !

3. Qu’il marche en avant, ce char des Aswins, attelé de rapides coursiers, chargé de biens savoureux, objet de tant de louanges ; (ce char) à trois roues et à trois siéges, magnifique et garni de toute espèce de richesses ; qu’il apporte le bonheur et pour nous et pour tous les êtres animés !

4. Ô Aswins, amenez-nous la force, et agitez sur nous votre fouet, d’où s’épand une douce abondance. Prolongez notre vie, effacez nos fautes, frappez nos ennemis, soyez toujours avec nous.

5. Vous portez la fécondité au sein des mères ; vous êtes au centre de tous les mondes. Généreux Aswins, on vous doit (ici) la présence d’Agni, des ondes (sacrées) et du bûcher.

6. Vous connaissez la médecine et la vertu des plantes ; vous êtes aussi habiles à conduire les chars. (Dieux) terribles, vous êtes les maîtres de la richesse. (Protégez) celui qui vous offre, avec sa prière, le don de son holocauste.



  1. Nous rappelons au lecteur que c’est une manière de désigner le sacrifice. Le mot navyasî, que j’ai rendu par nouveau, peut aussi signifier hymne et louange.
  2. Dans ce passage, le mot vache doit s’entendre des offrandes et des effets du sacrifice. Je suppose aussi que le mot déva peut ici désigner les personnes riches et recommandables qui font les frais du sacrifice, et donnent aux Angiras, c’est-à-dire aux prêtres, tout ce qui est nécessaire pour l’accomplir. En pareil cas, le lait de la vache, c’est-à-dire, l’offrande destinée à Aryaman ou à tout autre dieu, est déposée dans le feu, qui la dévore et est censé la transmettre à qui de droit. Voici maintenant la légende faite sur cette circonstance. On dit que les dieux, touchés des prières d’Angiras, lui avaient envoyé des vaches qui s’approchaient de lui pour lui donner leur lait. Mais comme il ne pouvait les traire lui-même, il invoqua Aryaman, et il obtint, par la vertu de son holocauste, de pouvoir jouir de ce lait désiré.
  3. Le texte dit Vrihaspatî.
  4. Cette énonciation générale de 33 dieux est bien régulière. Il n’est pas aussi facile de nommer ces dieux avec les distinctions ici tracées. Dans l’Oupnékhat, tome I, page 207, les 33 dieux sont les 12 Adityas, les 8 Vasous, les 11 Roudras, puis Indra et Pradjâpati, c’est-à-dire Brahmâ.
  5. Ce lieu saint, c’est le védi, c’est-à-dire, l’espace réservé pour le sacrifice.
  6. Il y a une espèce de correspondance entre le feu du sacrifice et le feu du soleil. Ces deux feux sont le même, et le soleil, pour s’allumer, semble attendre que le sacrifice soit commencé. Ce sont les libations qui nourrissent sa lumière ; le culte rendu au feu qui réside dans le foyer terrestre augmente l’ardeur du feu qui réside dans le disque céleste. Agni naît donc le matin doublement sur la terre et dans le ciel ; il brille pour brûler au sacrifice et pour éclairer le monde.
  7. Cette triple nourriture donnée au feu, ce sont les libations qui ont lieu trois fois par jour.
  8. Ce sont les deux pièces de bois qui forment l’aranî, et tirées du Sami et de l’Aswattha.
  9. C’est-à-dire, sa flamme. Le foyer est tourné du côté de l’orient.
  10. Le père d’Agni, c’est le maître du sacrifice.
  11. Littéralement, quand il veut se conduire en Manou. Manou, c’est l’homme en général ; mais en particulier c’est l’homme religieux, fondateur des rites pieux, et principalement instituteur du culte du feu.
  12. Du ciel et de la terre.
  13. Voy. page 122, col. 1, note 1.
  14. Nous savons qu’Agni est nommé l’enfant de la force, à raison des efforts que l’on a faits pour l’extraire de l’aranî.
  15. Nous rappelons au lecteur qu’Agni est quelquefois considéré sous trois rapports : comme feu du sacrifice, comme feu éthéré, védyouta, comme feu solaire.
  16. Ces sept mères, suivant le commentaire, ce sont les sept vents qui amènent les nuages, où réside le feu éthéré, le feu de l’éclair et de la foudre.
  17. On compte dix points de l’horizon ; et le soleil, en parcourant le ciel, règne sur ces dix régions.
  18. Nous avons vu tout à l’heure comment le soleil était l’enfant du sacrifice, et, par conséquent, le nourrisson des prêtres.
  19. Le texte porte seulement le mot de mères. Le commentateur l’entend des dix régions célestes ; il semble comprendre que le feu s’étend dans l’air, et entre en possession de l’atmosphère, ainsi, plus haut, on disait que le soleil était le maître des dix régions, c’est-à-dire du ciel entier. Je n’ai pas cru pouvoir adopter ce sens ; je n’ai pas vu dans cette phrase les régions de l’est et de l’ouest ; j’y ai vu les branches supérieures et inférieures qui composent le bûcher, et que gagne successivement le feu.
  20. Voyez, pour ce mot et pour l’hymne entier, la section 1, lecture i, hymne 13.
  21. L’épithète sousamiddha remplace, dans la section I, celle de samiddha qui signifie enflammé.
  22. Surnom d’Agni, que l’on explique de diverses manières : destructeur de son corps, parce qu’il dévore le bois, et semble consumer sa substance ; ou bien enfant de son corps, parce que ce même bois nourrit et entretient le feu. Voy. ce même mot, page 47, col. 2, note 3.
  23. C’est-à-dire, loué par les hommes.
  24. Le matin, à midi, et le soir, aux heures des trois savanas.
  25. J’emploie le mot Déva quand on peut douter s’il est question des dieux ou des sacrificateurs.
  26. C’est-à-dire, chanté, célébré.
  27. Voyez la note ci-dessus (note 4).
  28. Ces portes sont celles de l’enceinte destinée au sacrifice. Elles reçoivent une espèce de consécration qui les élève à la dignité des dieux : elles sont appelées dévi.
  29. Le sacrifice se fait au moment des deux crépuscules, qui semblent, selon les idées indiennes, lui donner naissance.
  30. Voir page 48, col. 1, note 3. Ces deux divinités sont peut-être les Aswins. Cependant, en voyant que l’auteur leur donne le nom de sacrificateurs, et les décrit de la même manière qu’il décrit Agni, on peut croire, avec le commentateur, que ce sont deux formes de ce dieu. Ne seraient-ce pas les deux sacrifices du matin et du soir ?
  31. L’offrande personnifiée.
  32. Voy. page 43, col. 1, note 1.
  33. Pour expliquer ce passage, il me semble qu’il faut distinguer, parmi les ministres du sacrifice, des officiers appelés les uns Dévas, les autres Marouts et chargés de fonctions différentes. Les premiers (le mot déva signifiait brillant) auraient entretenu le feu ; les seconds, dont le nom rappelle la légèreté du vent, auraient eu, dans leurs fonctions, tout ce qui concerne l’action déclamatoire, et peut-être la danse sacrée. Dans beaucoup d’endroits le mot Marout ne peut s’expliquer que par l’idée de prêtre, ministre du sacrifice ; et ce sens une fois adopté nous donne l’interprétation de plusieurs légendes où les Marouts figurent avec les Angiras. Les Marouts alors ne sont pas les vents bruyants ; c’est une espèce de prêtres qui font entendre les bourdonnements de la prière.
  34. Twachtri, comme nous l’avons vu, est Agni créateur des formes plastiques ; c’est le feu artiste.
  35. Agni, considéré par rapport au bois du bûcher : maître du bois. Le commentaire veut que ce soit le bois des poteaux : youpâgni.
  36. Exclamation prononcée au moment de l’offrande. Le poëte l’a personnifiée.
  37. Mesure particulière de vers employée dans les hymnes.
  38. J’avais pensé que ces mots fils ou enfant de la force pouvaient se traduire par l’idée de très-fort, très-robuste. Cependant je suis forcé de les faire rapporter à l’action du prêtre qui, avec force, extrait le feu des bois qui composent l’aranî. Le feu, ainsi produit, est dit fils de la force.
  39. Ces ondes sont les liquides employés dans les sacrifices ; ce sont les libations, surtout celles de beurre, qui font croître et entretiennent le feu. L’enfant des ondes, c’est Agni. Ce même mot ondes semble quelquefois désigner les nuages, les eaux célestes.
  40. Nom du vent, qui va aussi servir à entretenir le feu.
  41. L’expression de l’auteur est plus pittoresque : elle signifie osculantur.
  42. C’est-à-dire, des libations.
  43. Le commentaire se perd ici dans une explication où il est question du feu brillant dans le ciel, et entouré des nuages. Je crois mon interprétation moins recherchée et plus vraie.
  44. Nous savons que ce char des dieux, c’est le sacrifice.
  45. C’est-à-dire, les deux pièces de bois qui forment l’aranî.
  46. Autrement, le matin et le soir, époques du sacrifice. Le commentateur entend ce passage, comme s’il était question du père et de la mère de famille qui offrent le sacrifice.
  47. Les dix ouvriers sont les dix doigts du prêtre qui extrait le feu de l’aranî.
  48. Ce sont des étincelles du feu.
  49. Ce sont, suivant le commentaire, le ciel et la terre, ou peut-être le matin et le soir, autrement les Aswins.
  50. Le commentaire donne au mot arvatîh le sens de stoutayah.
  51. On distingue trois espèces de feux : ce sont les trois têtes d’Agni. Le commentaire explique encore cette idée en disant qu’Agni brille dans les trois mondes, ou bien qu’on l’allume à trois époques de la journée.
  52. On décompose la flamme en sept rayons ; suivant le commentateur, ces sept rayons seraient les sept espèces de mètres (tchhandas) sur lesquels se composent les hymnes.
  53. C’est-à-dire, entre le ciel et la terre.
  54. C’est l’aranî ; ou bien ce sont ces deux vaches dont il va être question. Le commentaire entend ce passage d’une manière toute différente, en le rapportant au ciel et à la terre, produits par Agni.
  55. Ces deux vaches, qui nourrissent Agni, ce sont les deux espèces d’offrandes, l’une liquide, l’autre solide, les boissons et les mets. Je ne pense pas qu’il soit ici question de deux sacrificateurs, ni du père et de la mère de famille.
  56. Ce distique fait allusion à ce que l’on appelle la seconde naissance d’Agni ; par la vertu du sacrifice et par les directions du sacrificateur, il naît dans le soleil. C’est là sa forme, qu’on appelle Sanskâraroûpam.
  57. Ces deux filles du sacrifice, ce sont l’offrande (ich), et la louange sacrée (stouti). Suivant une autre explication, ce seraient la vie et l’abondance, annâyouchî.
  58. Le sâman est un recueil d’hymnes chantés dans les sacrifices. Plus tard, un des Védas prit ce nom.
  59. Espèces d’offrandes, quelquefois personnifiées.
  60. C’est-à-dire, le feu qui est dans le foyer.
  61. Il est singulier que presque tous ces vieux sages soient considérés comme ayant été aveugles. Je croirais assez qu’il ne faut pas entendre par ce mot une cécité réelle, mais les ténèbres de la nuit, dont Agni est venu les délivrer. Ici le commentaire raconte une petite légende, assez obscène, sur Dîrghatamas, qui avait été aveugle dans le sein de sa mère, et qui, par la protection d’Agni, avait été guéri. Au reste, je remarque que toutes ces légendes, en général, sont faites sur des passages qu’elles prétendent expliquer, et qui s’expliqueraient fort naturellement sans cela.
  62. Nous l’avons vu, Mâtariswan est le vent, qui souffle pour exciter le feu.
  63. Ce distique n’est pas suffisamment clair, il serait possible que Dîrghatamas y fît encore allusion à sa cécité. Je comprends qu’Agni, caché au sein de l’aranî, n’a pu être détruit par ses ennemis qui pouvaient le croire éteint pour toujours, et que, par conséquent, ces aveugles adversaires ne peuvent jamais espérer de l’atteindre. Les prêtres veillent pour perpétuer sa vie.
  64. Nous avons traduit ailleurs ce mot de dwidjanman par né sous deux formes ; ce qui nous a paru présenter la même idée que né deux fois : né une fois comme sorti de l’aranî, né une seconde fois comme transporté dans le soleil par les invocations des prêtres. Le commentateur incertain entend le mot dwidjanman comme signifiant né de deux parents : ces deux parents seraient les deux pièces de l’aranî, ou bien le ciel et la terre.
  65. Agni est mortel, dans ce sens qu’il est le commensal des mortels, et qu’il meurt au sein du foyer du sacrifice, pour renaître plus tard.
  66. Ici le commentateur entre dans des détails sur la manière dont l’homme pieux arrive dans le monde de la lune, porté sur les rayons du soleil. Le mot tchandra, contenu dans ce vers, et, suivant moi, mal interprété par lui, l’a entraîné dans cette description.
  67. Ce mot est entendu autrement par le commentateur, qui ne voit pas ici les libations, mais les ondes des nuages, les eaux qui enveloppent Agni vêdyouta.
  68. Ces dieux, dans leur révolution, amènent le jour, qui révèle le ciel et la terre : le poëte leur en attribue la naissance.
  69. Le poëte les appelle du nom d’Asoura.
  70. Ces vaches sont les flammes, les rayons d’Agni.
  71. L’expression de l’auteur est singulière. Elle se traduit ainsi littéralement : triangularem occidit quadrangularis.
  72. Il est ici question de l’aurore : rapide et légère, elle est arrêtée par le soleil ; elle disparaît dans ses rayons, suivant le poëte indien, elle perd son pied. La mythologie postérieure, en substituant à l’aurore le personnage d’Arouna, l’a privé de pieds : on trouve ici l’explication de ce mythe.
  73. Mitra et Varouna, dit le commentaire, c’est le Jour et la Nuit (ahorâtrô). Dans l’intervalle du jour et de la nuit naît le soleil, qui semble sortir de leur sein et devient leur fruit, leur enfant, garbha. Le soleil amène la lumière et repousse les ténèbres, et se montre de cette manière l’ami du bien et l’ennemi du mal.
  74. Ce passage peut tout aussi bien s’entendre du sage sacrificateur.
  75. Le commentaire semble reconnaître ici le nom d’un prince qu’il nomme Râtahavya.
  76. Je n’ai pas besoin de faire remarquer que le mot vache, ici et ailleurs, peut être pris au propre ou au figuré, et, dans ce dernier cas, signifier le sacrifice, la libation ou les rayons d’Agni.
  77. Les trois pas de Vichnou, ne l’oublions pas, sont les trois stations du soleil, à son lever, à midi, à son coucher.
  78. Ces trois choses, suivant le commentaire, seraient ou les trois mondes (locatrayam), ou les trois temps (câlatrayam), ou les trois qualités (gounatrayam).
  79. Ces mondes (bhouvanâni), au nombre de sept, composent un espace intermédiaire entre le ciel et la terre. Des mondes connus sous le nom de loca, on peut en compter tantôt trois, tantôt quatorze.
  80. Cette demeure est le ciel ou peut-être le soleil, où les Indiens pensaient qu’ils devaient être transportés après la mort.
  81. Le mot bandhoû est plus fort : il signifie parent, attaché par le lien de la famille.
  82. C’est-à-dire, pour le père et la mère de famille, pour les deux familles offrant le sacrifice.
  83. Ces vaches sont les nuages, ou, suivant le commentateur, les rayons du soleil.
  84. Agni porte sur ses flammes, qui sont ses flèches, les vœux des mortels adressés aux dieux, ou bien il lance ces mêmes flammes contre leurs ennemis.
  85. Le commentaire entend cette phrase de Vichnou, qui fait apparaître le Ciel et la Terre, grands parents de la Nature.
  86. Ce passage m’a paru difficile. Voici comme je le comprends. Agni doit être considéré sous trois rapports : comme fils de l’aranî, comme père du ciel et de la terre, et enfin comme Vichnou illuminant le ciel. Il serait absurde de trouver ici la moindre allusion au dogme d’une trinité quelconque.
  87. Voici les noms et les nombres de ces 94 périodes : 1 an, 2 ayanas ou demi-années, 5 ritous ou saisons, 12 mois, 24 pakchas ou demi-mois, 30 jours, 8 yâmâs ou heures, 12 lagnas ou divisions de l’équateur. Dans ce calcul je trouve 5 saisons ; je serais porté à n’en compter que 4, et à ajouter aux 12 mois le mois supplémentaire.