Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 6/Lecture 5

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Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 442-449).

LECTURE CINQUIÈME.
HYMNE I.
À Indra, par Pryamédha, fils d’Angiras.
(Mètres : Anouchtoubh et Gâyatrî.)

1. Ô puissant Indra, maître de la piété, vainqueur du mal, (héros) fameux par tes œuvres, nous t’invitons à pousser vers (nous) ton char ; nous (demandons) protection et bonheur.

2. Ô époux de Satchî, doué de toute sagesse, et célèbre par tes nombreux exploits, tu remplis (le monde) de ta grandeur.

3. Oui, tu es grand, et tes longs bras saisissent la foudre d’or qui parcourt (le ciel).

4. En votre nom, j’invoque le maître d’une force indomptable et qui dirige tout. (Qu’il vienne) au secours des hommes, et (donne) l’essor aux chars (des Marouts).

5. Tous les guerriers, au milieu des combats, demandent l’appui d’un (héros) qui relève leurs forces.

6. (Ils invoquent) Indra immense, terrible, opulent, digne de nos chants et maître de la richesse.

7. C’est cet Indra que j’invite à boire (le soma), pour obtenir de lui une grande opulence. Il vient (des airs), où il se balance[1], à nos louanges du matin, et règne sur les hommes.

8. Ô (Dieu) puissant, il n’est que le mortel ton ami qui puisse jouir de ta force.

9. Ô toi qui portes la foudre, fais qu’avec un auxiliaire tel que toi nous soyons vainqueurs dans les combats, et que nous obtenions la grande jouissance des ondes et du soleil.

10. Ô Indra qui reçois toutes nos louanges, nous t’honorons par nos sacrifices et par nos prières. Conserve au milieu des batailles le sage distingué par ses lumières.

11. Ô toi qui portes la foudre, ton amitié est douce, ta direction est agréable. Nous devons surtout sacrifier en ton honneur.

12. Ô Indra, donne une grande (fortune) à mon fils et à mon petit-fils ; (donne-nous) une large habitation. Accorde-nous une longue vie.

13. (Donne) une large voie à nos hommes, à nos vaches, à nos chars. Nous voulons t’honorer par le sacrifice.

14. Près de moi se tiennent dix ministres[2] qui distribuent le doux et enivrant soma.

15. J’ai reçu d’Indrata, fils de Rikcha et petit-fils d’Aswamédha, deux coursiers rapides et rouges.

16. (J’ai reçu encore) d’Atithigwa, (autre) fils de Rikcha et petit-fils d’Aswamédha, deux beaux (coursiers) attelés à un char magnifique et parés de beaux harnais.

17. Atithigwa et Indrata, dans le cours du brillant sacrifice, m’ont donné six chevaux avec leurs juments.

18. Au milieu de ces beaux présents apparaît la rouge cavale (du sacrifice)[3], fécondée par la libation et ornée des plus brillants harnais.

19. Ô vous qui prodiguez ainsi les mets (sacrés)[4], jamais aucun mortel n’aura l’audace de vous jeter le blâme et l’injure.


HYMNE II.
À Indra, et à divers dieux, par Pryamédha.
(Mètres : Anouchtoubh, Gâyatrî, Ouchnih et Panktî.)

1. En l’honneur de Soma, qui fait la joie des hommes, présentez votre offrande composée de Tritchtoubh. Il fait avec la sainte Prière l’honneur de votre sacrifice.

2. (Je parle) en votre nom. (Ô prêtre), tu demandes l’offrande destinée à celui qui est le héraut des Aurores et des Libations, le maître des Vaches immortelles (du sacrifice).

3. En l’honneur d’Agni, de pieux serviteurs[5], brillants de ses feux et puisant au réservoir du soma, forment un (doux) mélange (de pures offrandes) ; ils célèbrent la naissance des dieux et les trois stations célestes du soleil.

4. Honore, comme il le désire, Indra, seigneur des Vaches (divines), fils de la Piété, maître de la vertu.

5. Que les rouges coursiers s’élancent sur le gazon où nous chantons nos hymnes.

6. En l’honneur d’Indra, que les vaches (de la libation) donnent leur lait, aussi doux que le miel. Qu’(Indra) daigne s’en approcher.

7. Quand j’introduis Indra dans le brillant séjour du grand (Agni[6],) en buvant le doux (soma), partageons, dans la demeure de notre ami, (le siége composé de) vingt et une (tiges de cousa)[7].

8. Priyamédhas, chantez, célébrez (Indra). Louez, enfants, ce (dieu) vaillant. Regardez-le comme votre forteresse.

9. Cependant le tambour[8] résonne (dans l’air) ; et, contre la peau qui défend le bras, la corde (de l’arc) a rejailli avec bruit. Que le Sacrifice se lève pour Indra.

10. Les Libations arrivent et contiennent encore leurs ondes pures. Prenez un torrent de soma pour l’offrir à Indra.

11. Qu’Indra boive avec Agni ; que tous les dieux se livrent à la joie. Que Varouna habite en ces lieux. Que les Ondes l’arrosent, et soient pour lui ce que les vaches sont pour leur veau.

12. Bienheureux est Varouna, par le gosier duquel passent les sept torrents (de libation)[9], comme par un canal bien percé.

13. Indra en faveur de son serviteur dirige son magnifique attelage, et, mesurant ses bienfaits avec sagesse, il délivre et amène le nuage (fécond).

14. Sacra triomphe de tous ses ennemis. Que ce (dieu) aimable, (touché) de nos chants, fende (la nue), et du haut (du ciel nous envoie) une nourriture abondante.

15. Tel qu’un jeune fils de famille porté sur un char nouveau, qu’il (aille frapper) le grand et merveilleux cerf (de la plaine céleste), et qu’il prépare pour son père et sa mère[10] un (précieux) aliment.

16. (Dieu) à la belle figure, maître de la maison, monte sur ton char d’or. Que je me place avec toi sur ce (char) brillant, rapide, fortuné, magnifique, porté sur mille roues.

17. Les (prêtresse avec leurs offrandes honorent ce (dieu) resplendissant, et l’engagent à répandre dans sa marche ses riches présents.

18. Pour honorer les (dieux), les Pryamédas (se tiennent) dans la demeure du (maître) antique. Assis sur un pur gazon, chargés des mets qu’ils ont préparés, ils présentent l’offrande du matin.


HYMNE III.
À Indra, par Pourouhanman.
(Mètres : Ouchnih et Vrihatî.)

1. Je chante le roi des hommes, l’intrépide conducteur de char, le superbe destructeur de toutes les armées, le vainqueur de Vritra.

2. Pourouhanman, célèbre cet Indra dont la protection nous fait sentir le double effet (de la terreur et de l’amour). Dans sa main brille la foudre, comme le soleil au ciel.

3. Personne ne peut l’emporter sur le (mortel) qui par ses sacrifices, honore Indra toujours magnifique, brillant, invincible, adorable.

4. (Indra) est terrible dans les combats, ferme et triomphant. À peine est-il né, et déjà il contient tous les cieux, toutes les terres, et ces grandes vaches à la marche rapide.

5. Quand ta grandeur est parfaite, le Ciel et la Terre, seraient-ils au nombre de cent, seraient-ils même accompagnés de mille soleils, ô (Dieu) armé de la foudre, ne sauraient jamais t’égaler.

6. Tout ce qui est fort, ô (Dieu) fécond et puissant, est plein de ta force suprême. Maghavan armé de la foudre, sauve-nous par tous tes secours, (mets-nous en possession) d’un pâturage rempli de vaches.

7. (Dieu) éternel, que le mortel impie n’obtienne pas l’abondance. Indra, qui attelle à son char deux chevaux blancs, y attelle aussi bien deux coursiers azurés.

8. (J’appelle) sur vous la magnificence du puissant et adorable Indra, que nous invoquons sans cesse, pour obtenir et des gués (favorables), et des routes faciles, et des combats (heureux).

9. Ô vaillant héros, ô magnifique Indra, donne-nous une grande richesse, une grande opulence, une grande gloire.

10. Ô robuste Indra, qui aimes nos sacrifices, fais notre bonheur du malheur de ton ennemi. Presse-lui le ventre de ton genou ; que le brigand succombe sous tes coups.

11. L’impie Dasyou, ennemi des dieux, suit d’autres lois que nous : il hait les enfants de Manou. Que Parwata[11], notre ami, le poursuive dans le ciel ; que Parwata par un coup heureux (le livre à la mort).

12. Ô puissant Indra, mets-nous sous la main ces (vaches célestes). Viens à nous, tenté par notre double offrande, comme (l’oiseau tenté) par les grains d’orge (qu’on lui jette).

13. Amis, sacrifiez (à Indra). Comment faire l’éloge de ce (dieu) qui, funeste (pour nos ennemis), est notre défenseur et notre illustre maître ?

14. Honoré par les mortels, et chanté par les Richis assis sur le gazon (sacré), ô terrible vainqueur, tu nous livres enchaîné chacun (de nos ennemis).

15. Que Maghavan, en le prenant par l’oreille, enlève aux impies et nous amène le veau de la vache[12] aimée des héros et des dieux : ainsi un maître (reconduit) la chèvre qu’il affectionne.


HYMNE IV.
À Agni, par Pouroumîlha.
(Mètres : Gâyatrî et Vrihatî.)

1. Ô Agni, conserve-nous contre les coups du mortel impie et cruel.

2. (Ô Dieu) notre ami, tu ne peux pas avoir de colère contre les hommes ; car ils t’honorent à la fin et au commencement des nuits[13].

3. Ô fils de la Force, brille heureusement avec tous les dieux, et donne-nous des biens de toute espèce.

4. Ô Agni, les impies ne peuvent enlever sa richesse au mortel généreux que tu protéges.

5. Ô sage Agni, celui que dans le sacrifice tu combles de tes dons, par ton secours obtient des vaches (fécondes).

6. Ô Agni, apporte au mortel qui est ton serviteur une opulence soutenue par de nombreux guerriers.

7. Ô possesseur de tous les biens, délivre-nous. Ne nous abandonne pas aux caprices d’un mortel méchant et insensé.

8. Ô divin Agni, qu’aucun impie ne vienne nous enlever tes présents. Tu es le maître de la richesse.

9. Ô fils de l’Offrande, ô notre puissant ami, tu nous donnes, à nous qui sommes tes chantres, de grandes richesses.

10. Que nos prières, que nos sacrifices et nos holocaustes aillent vers ce (dieu) qui brille sur le foyer, vers ce (dieu) opulent et fortuné, pour solliciter son secours.

11. (J’invoque) la magnificence d’Agni, enfant de la Force, possesseur de tous les biens, qui en même temps est immortel, et parmi les mortels remplit la fonction de bienheureux sacrificateur.

12. (J’invoque) Agni pour le culte des dieux ; je l’invoque dans tout le cours du sacrifice ; je l’invoque avant tous dans les prières et dans le combat ; je l’invoque pour obtenir de vastes domaines.

13. Agni est le maître de la richesse. Qu’il soit notre ami, et nous donne l’abondance. Pour nos enfants et nos petits-enfants nous implorons constamment Agni notre protecteur, le gardien de notre corps.

14. Ô Pouroumîlha, dans tes chants célèbre Agni qui brille sur le foyer. (Demande) au noble Agni son secours et sa richesse. Ô prêtres, (invoquez) Agni, qui est le soutien de (l’homme) pieux.

15. Nous chantons Agni pour qu’il daigne éloigner nos ennemis ; nous le chantons pour qu’il nous donne la fortune. Qu’il soit invoqué comme le sauveur du peuple et le protecteur des grands.


HYMNE V.
À Agni, par Haryata, fils de Pragatha.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. Offrez l’holocauste. Le (dieu) prêtre est arrivé, et procède avec sagesse à la célébration du sacrifice.

2. Pour plaire à Manou et répondre à son amitié, le (divin) sacrificateur s’est assis devant le brillant soma.

3. En faveur des mortels (les prêtres) attirent dans le foyer ce (dieu) protecteur : endormi au sein (de l’Aranî), il se laisse charmer par leurs voix.

4. Cependant (le dieu) prend son arc, (et lance ses flèches) ardentes. Fort de la nourriture qu’il prend, il s’élève au-dessus de son bûcher, et sa langue lèche la pierre (du foyer).

5. Alors le veau (divin du sacrifice) s’élance en brillant hors de ce foyer qui le contient. Il est accueilli par les sons (glorieux) de l’hymne.

6. L’œil est frappé du magnifique appareil de son large char, attelé de nobles coursiers[14].

7. Sept personnes[15], deux (maîtres de maison) et cinq (officiants), sont occupées à traire la vache[16] que le sacrifice a installée sur les bords de l’onde retentissante.

8. Indra, excité par (la liqueur qu’ont exprimée) les dix (doigts) du sacrificateur, a détaché du ciel le trésor (du nuage) avec son arme à triple pointe[17].

9. Le (dieu) rapide et doué d’une triple couleur[18] enveloppe le sacrifice de sa (flamme) nouvelle. Les prêtres l’arrosent de leur miel (savoureux).

10. Ils versent avec respect la libation au sein de ce (dieu) invincible et sauveur qui élève sa roue (dans le ciel), et qui, en parcourant le monde, a son pied sur la terre.

11. À ses côtés les Mortiers répandent dans le Pouchcara[19] leur douce liqueur, pour donner de la force à ce noble héros.

12. Vaches du sacrifice, approchez-vous de ce grand (dieu), dont les larges oreilles entendent nos prières, et sont pour nous comme une mine d’or[20].

13. Arrosez donc de vos libations celui qui est l’ornement et le soutien du Ciel et de la Terre. Faites siéger le puissant (Agni) au sein de vos Ondes.

14. Comme les veaux qui avec leurs mères (reviennent à l’étable), reconnaissez ici votre demeure, et accourez à l’envi avec toute votre famille.

15. Sur les lèvres (d’Agni) l’offrande est placée. Gloire et adoration au Ciel, à Indra, à Agni !

16. Que le père de famille[21], avec les sept rayons de Soûrya, présente l’offrande des mets (sacrés) et de l’hymne aux sept pieds[22].

17. Ô Mitra et Varouna, au lever du soleil (l’homme) pieux offre le soma. C’est là un remède pour tous ses maux.

18. Ainsi, que la flamme placée (dans le foyer) par Haryata étende de tous côtés vers le ciel sa langue (divine).


HYMNE VI.
Aux Aswins, par Gopavana, fils d’Atri ou Saptavadhri.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. Venez, Aswins, à la voix du sacrificateur ; attelez votre char. Que votre secours soit toujours présent !

2. Ô Aswins, accourez sur votre char plus rapide qu’un clin d’œil. Que votre secours soit toujours présent !

3. En faveur d’Atri, ô Aswins, détruisez la chaleur par le froid (de l’eau)[23] Que votre secours soit toujours présent !

4. Où êtes-vous ? Où vous êtes-vous retirés ? Où fuyez-vous, tels que des éperviers ? Que votre secours soit toujours présent !

5. En quelque lieu que vous soyez, écoutez aujourd’hui mon invocation. Que votre secours soit toujours présent !

6. Ô Aswins, que nous invoquons avec instance dans le sacrifice, j’implore l’assistance de votre amitié. Que votre secours soit toujours présent !

7. Ô Aswins, donnez à Atri un abri sûr. Que votre secours soit toujours présent !

8. Atri est un de vos chantres : défendez-le contre la chaleur d’Agni. Que votre secours soit toujours présent !

9. Saptavadhri[24] en vous louant, a fait briser la prison d’Agni. Que votre secours soit toujours présent !

10. Venez ici, vous qui êtes un trésor de fécondité. Écoutez mon invocation. Que votre secours soit toujours présent !

11. Pourquoi célèbre-t-on votre antique (activité), si aujourd’hui vous êtes lents comme des vieillards ? Que votre secours soit toujours présent !

12. Ô Aswins, vous avez la même origine, la même parenté (que nous). Que votre secours soit toujours présent !

13. Votre char, ô Aswins, parcourt les mondes, et le ciel et la terre. Que votre secours soit toujours présent !

14. Venez à nous avec mille (présents) de chevaux et de vaches. Que votre secours soit toujours présent !

15. Ne nous refusez pas ces mille (présents) de chevaux et de vaches. Que votre secours soit toujours présent !

16. Vienne l’Aurore amie du sacrifice, et vêtue de rougeâtres couleurs ! Qu’elle fasse la lumière ! Que votre secours soit toujours présent !

17. Ô Aswins, (Agni), tel que (le bûcheron) armé de sa hache, brille entre le bois (du sacrifice). Que votre secours soit toujours présent !

18. Ô (Dieu) vainqueur, attaqué par la race noire, brise (l’enveloppe où tu es renfermé) comme dans une place forte. Que votre secours soit toujours présent !


HYMNE VII.
À Agni, par Gopavana.
(Mètres : Anouchtoubh et Gâyatrî.)

1. En votre nom (les prêtres) accueillent avec leurs offrandes l’hôte chéri des nations. Moi-même je chante aussi, et je prie Agni, (dieu) domestique.

2. Les peuples, l’holocauste (à la main) et l’hymne (à la bouche), le célèbrent comme un ami, et l’arrosent de beurre (sacré).

3. (Je chante) l’adorable Djâtavédas, qui dans le sacrifice envoie aux dieux les holocaustes qu’il reçoit.

4. Nous implorons l’excellent Agni, le vainqueur de Vritra, le compagnon d’Anou[25], dont la flamme fait la gloire du grand Sroutarwan, fils de Rikcha.

5. (Nous implorons) l’immortel Djâtavédas, qui par son éclat repousse les ténèbres, l’adorable (Agni), et nous offrons le ghrita.

6. Unissant leurs hommages, les mortels chantent Agni ; ils allument le sacrifice, élèvent la cuiller (sainte), et jettent l’holocauste.

7. Ô sage et noble Agni, hôte illustre, qui réjouis (les hommes) par tes œuvres, nous t’adressons cet hymne nouveau.

8. Ô Agni, qu’il te soit agréable, cet (hymne) fortuné que nous accompagnons d’offrandes. Que nos louanges augmentent ta grandeur.

9. Que notre (hymne), qui se présente avec les mets savoureux de l’offrande, accumule sur nous, en retour, l’abondance conquise sur Vritra.

10. Ô hommes, ne vous lassez pas de chanter cet (Agni) rapide comme le coursier, brillant comme Indra. Il est le maître de la piété. C’est lui qui remplit vos chars ; c’est lui qui vous envoie l’abondance.

11. Ô Agni (surnommé) Angiras, (dieu) purifiant, puisse Gopavana, par ses louanges, capter ta libéralité ! Écoute mon invocation.

12. Unissant leurs efforts, les hommes te chantent pour obtenir l’abondance. Entends-les, et triomphe de Vritra.

13. Je t’invoque en faveur de Sroutarwan, le fils de Rikcha, qui abat l’orgueil de ses ennemis. Purifie la crinière de ces quatre (coursiers) dont les poils semblent se hérisser.

14. Que ces quatre chevaux rapides d’un (roi) puissant, attelés à un beau char, m’amènent vers (le lieu de) l’offrande, comme (autrefois) des coursiers ailés (transportèrent) le fils de Tougra[26].

15. Ô grande rivière de la Parouchnî[27], je t’en atteste. Ondes (purifiantes), il n’est point de mortel plus généreux en chevaux que ce (roi) puissant.


HYMNE VIII.
À Agni, par Viroupa, fils d’Angiras.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. Ô Agni, tel qu’un conducteur de char, attelle tes coursiers, qu’invoquent les Dévas. Prends ici, comme sacrificateur, la première place.

2. Dieu sage, en notre faveur appelle ici les (autres) dieux. Donne-nous tous les biens.

3. Ô enfant de la Force, (dieu) juste et toujours jeune, reçois nos invocations et nos hommages.

4. Le sage Agni est la source de la richesse ; il est le maître de biens qui se comptent par centaines et par milliers.

5. Ô Angiras, viens avec les (dieux) que nous invoquons comme toi, et façonne le sacrifice, ainsi que les Ribhous (ont façonné) la roue (céleste).

6. Ô Viroûpa, chante d’une voix infatigable ce (dieu) brillant et généreux.

7. Avec l’armée des (rayons) d’Agni, puissions nous vaincre Pani, et obtenir les vaches (célestes) dont le lait nous fait faute !

8. La vache ne prive pas son veau du lait de sa mamelle ; de même aussi que la race immortelle des dieux ne nous abandonne point !

9. Que le trait de l’ennemi insensé qui rôde autour de nous nous épargne, de même que la vague (épargne) le vaisseau !

10. Adoration au divin Agni ! Les hommes te chantent pour augmenter ta force. Triomphe de ton ennemi par ta puissance.

11. Ô Agni, donne-nous les abondantes richesses pour lesquelles nous combattons. Tu es grand ; traite-nous grandement.

12. Ne nous abandonne pas au milieu du combat, comme si tu succombais sous le fardeau. Triomphe, et donne-nous les riches trophées de ta victoire.

13. Ô Agni, que la crainte de la misère soit pour d’autres que nous ! Augmente notre vigueur et nos forces.

14. Agni se plaît à augmenter la fortune du serviteur fidèle, qui ne ménage pour lui ni les hommages ni les sacrifices.

15. Abats ceux qui nous sont opposés. Conserve ceux de mon parti.

16. Ô Agni, nous savons que jadis tu as secouru notre père. Nous implorons aussi ton assistance.


HYMNE IX.
À Indra, par Courousouti, fils de Canwa.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. J’invoque le merveilleux Indra, qui est roi par sa force et compagnon des Marouts. (Je le prie) de me protéger.

2. Indra, l’ami des Marouts, a brisé la tête de Vritra avec sa foudre aux cent nœuds.

3. Indra, l’ami des Marouts, grandissant avec force, a ouvert le sein de Vritra pour répandre les ondes de l’océan (aérien).

4. C’est par Indra, accompagné des Marouts et avide de notre soma, que la clarté céleste a été conquise.

5. Nous appelons par nos prières l’adorable et robuste Indra, l’allié des Marouts et le partisan du soma.

6. Par une antique prière nous invoquons Indra, l’allié des Marouts, et nous l’invitons à boire le soma.

7. Ô bienfaisant Indra, ô Satacratou, associé aux Marouts, et célébré par l’hymne du sacrifice, bois ce soma.

8. Ô (Dieu) qui portes la foudre, ô Indra l’allié des Marouts, ces libations sont versées pour toi. Tes chantres t’invoquent de cœur.

9. Ô Indra, ami des Marouts, bois le soma que l’on te présente dans ces jours de fête ; aiguise ta foudre avec force.

10. Lève-toi dans ta puissance, ô Indra, et, en buvant ce soma que te verse le vase (sacré), fais remuer tes mâchoires.

11. Indra, le Ciel et la Terre te vénèrent, quand avec bruit tu frappes le Dasyou.

12. De mon hymne qui marche sur huit pieds[28], et qui, pour l’honneur du sacrifice, s’enrichit d’ornements nouveaux, je fais (comme un vêtement) léger dont j’enveloppe (les dieux), à commencer par Indra.


HYMNE X.
À Indra, par Courousouti.
(Mètres : Gâyatrî et Vrihatî.)

1. Satacratou à peine né dit à sa mère : « Quels sont ces cris terribles que l’on entend[29] ? »

2. « Ce sont, » dit la puissante (déesse), Ornavâbla et Ahîsouva[30]. Ô mon fils, qu’ils soient vaincus par toi ! »

3. Le vainqueur de Vritra les a brisés avec sa foudre[31], tels que les rayons d’une roue dans le moyeu du char. Il a grandi, et a frappé les Dasyous.

4. Qu’Indra, d’un seul trait, boive donc les trente libations de soma qui lui plaisent.

5. Dans ces demeures aériennes qui n’ont point de fondations, Indra a frappé le (Nuage), Gandharva (céleste), pour le bien de ses dévots serviteurs.

6. Indra a lancé sa longue flèche sur les montagnes (de l’air), et il en a extrait pour nous une nourriture abondante.

7. Ô Indra, tu as pour compagne une flèche incomparable qui a cent pointes et cent ailes.

8. Maintenant que tu es grand et fort, que cette (flèche) te serve à procurer l’abondance à ceux qui te chantent, hommes et femmes.

9. Dans ta haute sagesse tu as fait, agrandi, consolidé tous ces ouvrages, dont la force frappe nos regards.

10. Que Vichnou, aux larges pas, dépêché par toi, nous découvre toutes ces œuvres. Ô Indra, (fais que) le sanglier (céleste nommé) Émoucha[32] nous donne des centaines de (ruisseaux) féconds, et une (heureuse) abondance de lait nourricier.

11. Ton arc fortuné est façonné avec art, et frappe des coups nombreux. Ta flèche d’or est sûre. Tes deux bras sont chargés d’ornements ; ils s’étendent pour nos plaisirs et notre bonheur.


HYMNE XI.
À Indra, par Courousouti.
(Mètres : Gâyatrî et Vricritri.)

1. Ô vaillant Indra, apporte-nous d’abondantes offrandes. (Donne-nous) des centaines, des milliers de vaches.

2. Donne-nous des vaches, des chevaux, des parfums, des ornements d’or.

3. Ô vainqueur puissant, apporte-nous des pendants d’oreille. Daigne nous entendre.

4. Ô sage et vaillant Indra, il n’est personne qui ait plus de grandeur, plus de bienfaisance plus de générosité que toi.

5. Indra ne saurait être vaincu ; Sacra ne saurait être dompté. Il entend tout, il voit tout.

6. Il est invincible, et déjoue les projets des mortels : il prévient jusqu’à leurs mauvaises pensées.

7. (Indra) donne la mort à Vritra, et quand son ventre est rempli de soma, son œuvre est puissante en faveur de son pieux serviteur.

8. Ô généreux Soma, en toi sont réunis tous les biens. Le bonheur est fixé en toi.

9. Mon désir s’attache à toi, et demande de l’orge, des vaches, de l’or, des chevaux.

10. Ô Indra, mon hymne sollicite le don qui est dans ta main. Ô Maghavan, quelle que soit la quantité de grain qui la remplit, daigne la jeter sur (mon champ).


HYMNE XII.
À Soma, par Critnou, fils de Bhrigou.
(Mètres : Gâyatrî et Anouchtoubh.)

1. Soma est digne de nos éloges ; il est sage et prudent ; il est invincible et puissant ; il surmonte, il brise tous les obstacles.

2. Il couvre ce qui est nu ; il guérit ce qui est malade ; par lui l’aveugle voit, le boiteux marche.

3. Ô Soma, quand nos ennemis nous accablent, c’est toi qui nous couvres de ta protection.

4. (Dieu) aux flots abondants, par ta sagesse et ta force, soit au ciel, soit sur la terre, délivre-nous du pécheur et du méchant.

5. Les pauvres vont à la richesse ; ils s’adressent à la générosité d’un bienfaiteur. Que ceux qui ont soif soient satisfaits.

6. S’il sait que ses (dons) ont péri (entre les mains d’un homme) pieux, qu’il le protége, et qu’il lui fasse traverser une vie heureuse.

7. Ô Soma, sois-nous favorable ; sois pour nous bon et clément, plein d’une force heureuse et invincible.

8. Ô royal Soma, ne jette point en nous l’émotion ni la crainte. Par ta splendeur ne porte point la mort en notre cœur.

9. Quand tu vois d’insensés (ennemis pénétrer) jusque dans la demeure des dieux, ô roi généreux, repousse, oui, repousse ces profanes adversaires.


HYMNE XIII.
À Indra, par Écadyou, fils de Nodhas.
(Mètres : Gâyatrî et Trichtoubh.)

1. Ô Satacratou, je n’en (connais) point d’autre plus fort ni plus bienfaisant que toi. Ô Indra, protége-nous.

2. Tu nous as toujours soutenus de ta force invincible, et nous as donné l’abondance. Indra, protége-nous.

3. Auteur de tout bien, et sauveur de celui qui verse la libation, ô Indra, (sois) pour nous un (dieu) puissant.

4. Ô Indra, conserve notre char. Ô toi qui portes la foudre, il est peut-être le dernier (des chars) ; fais qu’il devienne le premier.

5. En ce moment tu sembles balancer. Fais que notre char soit le premier. Ô toi qui aimes l’offrande, approche-toi de nos mets.

6. Conserve notre char fortuné et rempli d’offrandes. Qui peut t’arrêter ? Donne-nous la victoire.

7. Ô Indra, sois fort ; car tu es notre rempart. Vers toi s’élève, dans le jour convenable, la Prière fortunée que tu honores.

8. Ne te laisse pas accuser. Que notre maison soit large ; que tes dons soient abondants ; que nos ennemis soient éloignés.

9. Quand tu es l’objet d’une quatrième invocation[33], tel est notre vœu. Et toi, tu es notre maître et notre soutien.

10. Ô Dieux immortels, et vous, déesses, Écadyou, au milieu des joies (du sacrifice), vous a glorifiés. Accordez-lui une fortune renommée. Vienne à nous dès le matin le (dieu) qui est le trésor de nos prières !


HYMNE XIV.
À Indra, par Cousida, fils de Canwa.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. Indra, ô toi qui as de grands bras, que ta main droite se dessaisisse pour nous de tes dons variés et précieux.

2. Nous savons que tu es puissant, libéral et généreux, que tes secours sont très-étendus.

3. Ni les dieux ni les mortels ne peuvent arrêter les élans de ta générosité, ô héros terrible comme un taureau (furieux).

4. Adressez-vous à Indra. Nous louons le maître brillant de la richesse. Il n’est que toi qui puisses faire notre fortune.

5. Louez, chantez (Indra). Qu’il entende nos accents, et qu’il nous accorde ses richesses.

6. Ô Indra, apporte-nous (tes présents). Donne-nous et de la main droite et de la main gauche. Ne nous prive pas de tes trésors.

7. Viens, (Dieu) vainqueur, et que ta (main) triomphante nous distribue les dépouilles de l’avare.

8. Ô Indra, jouis avec les sages de l’offrande qui t’appartient. Prends la libation que nous te versons.

9. Que tes superbes et rapides coursiers viennent vers nous ! Heureux et satisfaits, les (mortels) te chantent avec empressement.

  1. Traduction du mot nritou, sallator.
  2. J’entends par ces mots les dix hotracas, ou des ministres chargés de dix offrandes différentes. Ainsi, l’on compte dix Angirasas. C’est peut-être aussi la personnification des dix doigts qui travaillent à extraire le jus du soma. Le texte porte chad dwâ dwâ : dans le premier mot le commentaire voit six rois présents au sacrifice ; et dans les deux autres mots, deux couples d’époux qui président aux cérémonies.
  3. Ce sens m’appartient, et je ne sais si j’ai été heureux en supposant que cette cavale est la flamme du sacrifice. Je ne serais pas éloigné de croire que les autres coursiers sont les libations employées par les sacrificateurs.
  4. Littéralement : vous qui êtes les parents de l’offrande.
  5. Le commentaire prétend que ces mots se rapportent aux vaches du sacrifice.
  6. Suivant le commentateur, il faudrait dire le soleil.
  7. Après avoir substitué l’idée de soleil à l’idée d’Agni, le commentateur cherche à se rendre compte du nombre 21, et il fait parcourir à ses personnages 21 stations d’Aditya, qui sont les 12 mois, les 6 saisons et les 3 mondes. Le lecteur jugera si j’ai eu raison de chercher un autre sens. Il se rappellera ce que nous avons pu dire ailleurs sur ce nombre sacré 21, ou 3 fois 7. On compte sur le bûcher vingt et un morceaux de bois ; on forme le siége du prêtre de vingt et une tiges de cousa. Nous avons vu, sect. III, lect. iv, hym. viii, st. 16 et page 387, col. 1, note 1, qu’il pouvait y avoir 21 mesures poétiques. Nous avons, sect. V, lect. ii, hym. xvii st. 11, un passage où Indra tue 21 Asouras. Nous avons pensé que par ce nombre 21 on honorait les 7 rayons d’Agni multipliés par le nombre 3. Au reste, je citerai ici une traduction de Colebrooke sur l’emploi du nombre 7 : « Sept sont tes aliments, sept tes langues, sept les sages sacrés, sept tes demeures chéries. Par sept manières, sept sacrificateurs t’honorent. » Colebrooke pense (tome I, page 190) que les noms des sept mondes trois fois répétés sont représentés par les vingt et un morceaux de bois.
  8. Ce tambour s’appelle gargara. Je pense que l’auteur fait allusion au bruit des nuages.
  9. Le commentateur suppose que ce sont les sept rivières, telles que le Gange, etc.
  10. Probablement le ciel et la terre.
  11. Parwata est le Nuage : c’est ici un nom d’Indra.
  12. Le lecteur comprend qu’il est ici question de la pluie.
  13. Traduction de l’adjectif kchapâvân.
  14. Le commentateur pense que dans tout ce passage il s’agit d’Agni Vêdyouta, ou du soleil s’élançant dans le ciel. J’ai restreint ce sens : je ne vois ici que le feu du sacrifice.
  15. Voir plus haut, page 437, col. 2, note 2. Le texte présent semble devoir faire modifier un peu cette note en admettant deux yadjamânas, sans doute l’époux et l’épouse. Le commentaire explique ce passage en disant qu’il y a deux personnages, appelés Pratiprasthâtri, et cinq autres, qui sont l’Yadjamâna, le Brahman, le Hotri, l’Agnidhra, et le Stotri.
  16. La vache du sacrifice est la flamme d’Agni, que la libation arrose et nourrit. Voilà pourquoi, au lieu de voir dans cette phrase les bords d’une rivière, comme la Sarasvatî ou autre, j’aimerais mieux supposer que tirtha est le vase des libations.
  17. Le texte porte khédayâ trivritâ. Le commentaire traduit le mot khédâ vaguement par rasmin. J’ai cru qu’il était question de la foudre, et que l’observation indienne pourrait être d’accord avec l’observation des poëtes latins, qui donnent à la foudre les épithètes de trifidum, trisulcum. J’aurais pu traduire : avec son char à trois roues ; car le sens littéral de trivrit est doué de trois roues ; mais il peut vouloir dire aussi triangulaire (trih pracâravartanavat).
  18. L’épithète tridhâtou fait allusion, dit-on, à la triple couleur d’Agni, rouge, blanche et noire.
  19. Nom donné au vase du foyer.
  20. J’avoue que la traduction de cette phrase est hasardée. Le texte donne au dieu deux oreilles d’or.
  21. Le commentaire suppose que le mot arih se rapporte au dieu Vâyou.
  22. Saptapadi. Allusion aux sept espèces de mètres tchhandas).
  23. Voy. pages 73, 109 et 114.
  24. Voy. page 302, col. 1, note 1, la légende de Saptavadhri.
  25. Nom général, synonyme de homme, comme Manou.
  26. C’est Bhoudjyou, dont la légende est connue.
  27. Je suppose toujours que c’est le nom de la rivière céleste, de la pluie, ou bien de la rivière de la libation.
  28. Il me semble que j’ai presque inventé le sens de cette phrase. Le commentaire, dans le mot achtâpadi, trouve une allusion aux huit régions célestes, appelées dis et vidis. La Gâyatrî, qui est le mètre de cet hymne, se compose de trois parties, lesquelles ont chacune huit syllabes. Il m’a paru que ce sont bien là les huit pieds dont il était naturel de douer l’hymne.
  29. Le début de cet hymne se retrouve plus haut, hymne xiv, lecture iii, st. 4.
  30. Noms de deux Asouras.
  31. Ici se retrouve le mot khédâ avec le âkhidati. Voy. plus haut page 445, col. 1, note 4.
  32. Ce sanglier (varâha) est le nuage chargé de pluie, et percé par la foudre d’Indra. Il en sort des ruisseaux, que dans son langage le poëte appelle des Mahichâh (buffles), par allusion sans doute à leur nature sauvage, à leurs bonds désordonnés au milieu de la plaine. Un avatare de Vichnou a eu ce nom de carâha.
  33. J’ai traduit ce passage sans y attacher un sens déterminé, tourîyam nâma. On honore quelquefois ensemble Agni, Vâyou et Sourya : Indra, en certaine circonstance, s’était-il adjoint à ces trois dieux ? Je l’ignore ; le commentaire ne donne aucune explication. Voy. plus bas, page 555, col. 1, note 1.