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Séduction, jeunes amours/02

La bibliothèque libre.
Aux dépens d’un amateur, pour le profit de quelques autres (imprimé à Paris) (p. 21-29).

CHAPITRE II

PREMIERS RENDEZ-VOUS


Dressant fièrement ses tourelles aux toits aigus, avec ses deux ailes de style Renaissance encadrant la cour d’honneur, avec son parterre et ses terrasses enclos de balustres de pierre, Messange, dominant toute la plaine environnante, était une habitation vraiment seigneuriale. Le marquis André, propriétaire actuel de ce château bâti par le cardinal d’Amboise, menait une existence des plus simples et des plus retirées. Tout entier à la science, ne songeant qu’à augmenter ses collections d’histoire naturelle, il s’était occupé fort peu de l’éducation de ses deux filles, Claire et Marguerite, laissant ce soin à la marquise qui s’en était du reste acquittée à merveille.

Claude Larcher avait été adopté au château, vivant de la même vie que tous. C’était le fils d’un ami d’enfance du marquis qui avait dû s’expatrier en Afrique pour y trouver des moyens de subsistance après s’être ruiné dans l’industrie, et n’avait point osé s’embarrasser de cet enfant dans une entreprise aussi lointaine et aussi hasardeuse. Il avait plu aux châtelains, qui avaient vainement attendu un descendant mâle, par sa franchise et sa gaieté et surtout par sa délicieuse figure enfantine aux yeux pétillants d’intelligence. Le marquis s’était particulièrement attaché à lui et lui enseignait le latin et les sciences, mais le joli gars aimait mieux folâtrer par les champs que de pâlir sur ses cahiers. Quand nous aurons cité la petite Marguerite, sœur de Claire, et Germaine, leur femme de chambre à toutes deux, nous aurons fait connaissance avec les principaux personnages de ce récit.

Il serait superflu de dire que Claude attendit avec impatience l’heure du rendez-vous donné le matin à son amie. La nuit venue, quand les hôtes du château se furent retirés dans leurs appartements, il s’échappa furtivement et s’en fut au bord de l’étang où nous l’avons accompagné le matin avec Claire, près d’un banc autour duquel s’éplorait un grand saule le couvrant presque comme un berceau. Il s’assit à cet endroit qu’il n’avait nullement désigné à la jeune fille, mais où il savait qu’elle viendrait, puisqu’il est pour les amoureux un livre auquel seuls ils savent lire. Son esprit surexcité par la vision si troublante du matin donnait un corps à ses rêves d’amour. Claire était déjà auprès de lui, il lui parlait, la respirait, la couvrait de baisers. Cette attente ne lui causait nulle inquiétude ; n’avait-il pas vu l’amour de Claire rayonner dans ses yeux ? Son cœur lui disait qu’elle viendrait, et le cœur peut-il se tromper ?

Non, car elle apparut soudain à la pointe d’une allée, la tête tendue en avant, délicieuse sous la pâle clarté de la lune.

En un instant, Claude fut près de la jeune fille. Il l’attira dans l’ombre et l’asseyant doucement sur un talus de gazon, s’agenouilla à ses pieds. Elle ne songeait pas à résister à cette violence silencieuse, obéissante et comme impassible sous ce grand mouvement de passion, dont le frisson montait jusqu’à elle. Penchant doucement la tête vers lui, comme pour l’assurer de sa propre tendresse, elle le laissa caresser de ses doigts frissonnants ses jambes, tandis que ses baisers montaient peu à peu sur les bas noirs jusqu’aux genoux, à la naissance du pantalon.

Alors elle l’attira à elle. Il posa ses lèvres sur celles de Claire qui ne se retirèrent pas, tandis qu’il l’étreignait dans ses bras et la pressait sur sa poitrine.

Longtemps ils restèrent ainsi, bouche à bouche, leurs corps étroitement enlacés. Claude buvait l’haleine de la jeune fille, se grisait des senteurs de sa peau fraîche et douce et du parfum de sa jolie chevelure, éperdu du bonheur de posséder entre ses bras la ravissante apparition du matin. Sa poitrine contre la sienne, il sentait les battements rapides de son cœur ; tous deux haletants de la même angoisse délicieuse où leurs deux êtres se fondaient. Claire avait fermé les yeux sous cette caresse suprême, toute pâle d’émotion. Ils n’échangeaient que des paroles entrecoupées, les baisers remplaçant les mots. Un bonheur immense débordait en eux, leur faisait monter des sanglots d’extase à la gorge et des larmes de joie aux paupières.

De plus en plus, il la renversait lentement au dossier de mousse fleuri que le revers du fossé élevait derrière elle, comme on couche, ainsi qu’une enfant dans son lit, la bien-aimée craintive qui retiendra votre tête près de la sienne avec son bras.

Claire le regardait maintenant avec une expression d’amour adorable. Alors il voulut couvrir de caresses son joli visage. Connaissant toute la gamme des baisers amoureux, il embrassait doucement ses yeux, ses tempes, son front à la naissance des cheveux, puis ses lèvres caressantes descendaient embrasser ses oreilles, ce qui la chatouillait et la faisait rire, puis descendant toujours, elles couvraient de baisers ardents son cou délicieux et se perdaient jusqu’à la nuque.

Pendant qu’il la tenait ainsi palpitante sous ses brûlantes caresses, Claude avait insensiblement fait monter la main qui entourait la taille de la jeune fille et pressait doucement les seins qu’il sentait raidis sous l’étoffe. Un désir fou lui venait de les caresser eux aussi. Déjà il avait défait furtivement quelques boutons du corsage de Claire, mais elle arrêta sa main, subitement effrayée.

— Mon Claude chéri, dit-elle, ne me force pas à rougir : ce que tu fais là est vilain et me fait de la peine.

Mais Claude, passant sa main gauche sous la tête de la jeune fille, l’approcha de la sienne et couvrit d’ardents baisers sa bouche mignonne ; il passa même doucement sa langue entre ses lèvres, cherchant la sienne qu’il rencontra. Alors il sentit tout le corps de Claire qui s’alanguissait. Sous cette émotion trop forte, elle semblait prise de vertige. Sentant le moment propice, vivement il arracha les derniers boutons du corsage et eut vite fait de dégrafer le haut du corset, qu’il écarta, et de casser le ruban de la chemise.

Quand Claire se redressant, avec une plainte sourde, voulut l’écarter, le jeune homme avait déjà fait jaillir les seins splendides, dont la pointe vermeille était dressée, et il s’était jeté comme un affamé sur cette chair palpitante de vierge, la maniant, la baisant avec rage, enfonçant son nez et sa bouche entre les deux seins en les rapprochant. Tandis que la jeune fille cherchait encore à le repousser, il prenait à pleine bouche la chair parfumée de ses seins, à la peau plus douce que celle d’une pêche, comme s’il eût voulu en manger, les léchant de toute la largeur de sa langue et titillant vivement de ses doigts, puis de sa langue, leurs boutons charmants qu’il finit par sucer, comme un enfant eût fait à sa mère. Claire, sous le plaisir de cette caresse, nouvelle pour elle, n’avait plus la force de résister ; elle avait cédé malgré elle, tandis qu’un sanglot lui montait à la gorge.

Et maintenant, ils s’étaient de nouveau rapprochés. Ils disaient cette langue dorée des amoureux, si douce, semblable à une musique céleste, se promettant de s’aimer toujours. Claude avait une main négligemment étendue sur le corps de son amie ; en pressant par hasard, il sentit distinctement, au travers de l’étoffe légère la partie inférieure de son ventre, à la réunion des cuisses. Aussitôt tout son sang lui reflua au cœur. Il se rappela la décision prise par lui le matin, de ne rien risquer pour ne pas tout perdre. Mais il était abasourdi de son bonheur. Ce qu’on lui avait accordé avait mis ses sens dans un état d’agitation extrême ; il était comme fou et la perception si nette de ces charmes intimes, entrevus le matin, acheva de le griser.

En même temps qu’il détournait l’attention de Claire par ses baisers, il releva le bas de sa robe et bien doucement glissa sa main entre les jambes. Il arriva aux genoux, sentit le bas du pantalon, continua à monter entre les cuisses, cherchant la fente du linge intime qu’il trouva. Puis, comme affolé, il abandonna toute prudence et d’un seul coup atteignit le bas du ventre et prit à pleine main les parties sexuelles de la gentille enfant. Il sentit dans le haut le frottement des petits poils blonds. Les deux lèvres amoureuses firent sur sa main une impression infiniment douce ; il les sentit tout humides. Il glissa son doigt dans la fente et trouva dans le haut un petit monticule tout durci. Déjà il se disposait à le caresser, lorsque Claire, se reprenant enfin, repoussa énergiquement la main de Claude et parvint à se dégager de son étreinte.

D’une voix où il y avait autant de tristesse que d’irritation, elle lui dit :

— Ne recommencez jamais ce que vous venez de faire, Claude, nous ne serions plus amis. Aimez-moi comme je vous aime, mais je veux être respectée par vous.

Claire, en effet, était d’une pureté immaculée. Élevée sous les yeux de sa mère, elle ne connaissait rien des choses de l’amour, ni même du plaisir des sens. Ayant pour elle-même une pudeur extrême, elle devait considérer comme une injure véritable que Claude ne la respectât pas au point de porter la main à des parties secrètes de son corps qu’elle-même s’attachait à ne jamais laisser découvertes.

Subitement dégrisé, Claude garda une contenance fort penaude, très ennuyé, car il sentait bien qu’en voulant aller trop vite, il venait de compromettre son beau plan de séduction. Il se reprocha la folie des sens qui lui avait fait perdre toute mesure et il balbutia des excuses.

Devant son air si désolé, Claire sentit tomber toute son irritation ; elle lui pardonna gentiment, et tous deux, enlacés par la taille, reprirent lentement le chemin du château.