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Théorie des fonctions analytiques/Partie I/Chapitre 04

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Première partie


CHAPITRE IV.

Digression sur la manière de déduire les séries qui expriment les exponentielles, les logarithmes, les sinus, cosinus et les arcs de simples considérations algébriques.

18. Les séries qui représentent les quantités exponentielles et logarithmiques, ainsi que les sinus et les cosinus, ont été trouvées d’abord par le Calcul différentiel. Halley est, je crois, le premier qui ait imaginé de déduire celles des exponentielles et des logarithmes de la formule de Newton pour les puissances du binôme (Transactions philosophiques, no 216), en employant la considération de l’infini ou de l’infiniment petit. Cette méthode a été suivie par Euler et étendue aux sinus et cosinus dans les Chapitres VII et VIII du premier Tome de son Introductio in Analysin, etc. Mais, quoiqu’elle puisse être admise en Analyse, on ne saurait disconvenir qu’elle n’a pas l’évidence ni même la rigueur qu’on doit désirer dans les éléments d’une science, et nous croyons qu’on nous saura gré de nous écarter ici un moment de notre marche pour donner une démonstration des mêmes formules, fondée aussi uniquement sur celle du binôme, mais dégagée de toute considération de l’infini. Nous donnerons même à ces formules une généralisation qui servira à rendre les séries aussi convergentes qu’on voudra dans tous les cas.

Considérons l’équation générale

dans laquelle est le logarithme de pour la base mettons à la place de ce qui est la même chose, et ensuite à la place

de ce qui est encore la même chose que on aura

étant une quantité quelconque qui disparaît d’elle-même dans la valeur de .

Je développe maintenant le binôme dans la série

et j’ordonne les termes suivant les puissances de j’aurai

les coefficients étant donnés en et il est aisé de voir qu’on aura d’abord

cette quantité étant la même que celle du no 11 ; à l’égard des autres coefficients, nous n’aurons pas besoin de les chercher, puisqu’ils disparaîtront du calcul, comme on va le voir.

Faisant cette substitution, nous aurons

et, développant à la manière du binôme, il viendra

savoir, en effaçant les puissances de communes aux numérateurs et aux dénominateurs,

Maintenant, comme la quantité est arbitraire et doit, par la nature même de la fonction disparaître de l’expression de cette fonction, il faudra que tous les termes multipliés par chaque puissance de se détruisent mutuellement. Ne tenant donc aucun compte de ces termes, qui doivent disparaître d’eux-mêmes quel que soit on aura simplement

comme plus haut (no 11).

19. Cherchons de la même manière la valeur de en Pour cela, nous mettrons l’équation sous la forme

qui est identique avec la précédente, et où est encore une quantité quelconque à volonté, qui ne doit point entrer dans la valeur de en

Développant les deux membres à la manière du binôme, on aura

savoir, en effaçant l’unité de part et d’autre et divisant par

Or, étant, comme nous l’avons déjà dit, une quantité entièrement arbitraire et qui ne doit pas entrer dans l’expression de en il faudra que les termes multipliés par les différenties puissances de se détruisent d’eux-mêmes, en sorte qu’il ne reste que ceux où n’entrera pas. On aura ainsi, en ne tenant compte que des termes sans l’équation suivante, dans laquelle j’emploie, pour abréger, la quantité déterminée ci-dessus,

d’où l’on tire

formule connue et qui s’accorde avec celle du no 13, étant égal à

20. Mais cette formule n’est convergente que lorsque le nombre dont elle donne le logarithme, est peu différent de l’unité. Aussi n’estelle d’aucune utilité pour le calcul des logarithmes ordinaires. Voici un moyen de la rendre convergente pour tous les nombres.

Il est évident que l’équation fondamentale peut se changer en celle-ci étant un nombre quelconque entier ou fractionnaire. Employant donc cette dernière formule à la place de l’autre, il n’y aura qu’à changer dans celle-ci en et en On aura ainsi, en général,

où l’on pourra prendre pour une fraction telle que soit toujours un nombre aussi peu différent de l’unité qu’on voudra.

Supposons, ce qui est toujours possible, que la racine de ne contienne que l’unité avant la virgule, et qu’après la virgule il y ait zéros ; alors, si l’on s’arrête à décimales, il est visible que le terme et à plus forte raison les termes suivants ne donneront rien, de sorte qu’on aura simplement, dans ce cas,

De la même manière, on aura aussi, sous les mêmes conditions,

et par conséquent

C’est par cette formule que Briggs a calculé les premiers logarithiries. Il avait remarqué qu’en faisant des extractions successives de racines carrées d’un nombre quelconque, si l’on s’arrête, dans une de ces extractions, à deux fois autant de décimales qu’il y aura de zéros à la suite de l’unité, lorsqu’il n’y a plus que l’unité avant la virgule, la partie décimale de cette racine se trouve toujours la moitié de celle de la racine précédente, en sorte que ces parties décimales ont entre elles le même rapport que les logarithmes des racines mêmes ; c’est ce qui résulte évidemment des formules précédentes.

Ainsi, en prenant on trouve, pour

de sorte que

Si maintenant on veut avoir, par exemple, le logarithme de on fera et, employant de même extractions de racines carrées, on trouvera

et de là

Cette méthode est, comme l’on voit, très-laborieuse, par le grand nombre d’extractions de racines qu’elle demande pour avoir un résultat en plusieurs décimales ; mais la formule générale que nous avons donnée ci-dessus pour l’expression de en sert à la simplifier et à la compléter, car, quel que soit le nombre il suffira d’en extraire quelques racines carrées, jusqu’à ce qu’on parvienne à un nombre ou qui n’ait que l’unité avant la virgule ; alors les puissances de seront des fractions d’autant plus petites qu’elles seront plus hautes, et, par conséquent, la série deviendra assez convergente pour qu’il suffise d’en prendre un petit nombre de termes.

21. On peut appliquer la méthode précédente à la recherche des séries qui expriment le sinus par l’arc ou l’arc par le sinus, et pour lesquelles on emploie aussi (comme l’a fait Euler dans le même Ouvrage) la considération de l’infiniment petit et de l’infini.

En effet, en partant de la formule connue pour la multiplication des angles

on a réciproquement

où le nombre peut être quelconque.

Maintenant, quelle que soit l’expression de en série de l’arc elle ne peut être que de la forme car, puisque le sinus devient nul lorsque l’arc est nul, il est visible que cette expression ne doit contenir aucun terme sans Or, comme on aura

Les coefficients sont censés indépendants de l’arc par conséquent, ils seront les mêmes pour tout autre arc. Substituant donc pour on aura pareillement

Donc l’équation précédente deviendra

Développons le second membre à la manière du binôme, en faisant, pour abréger,

on aura

Comme les valeurs de et de doivent être indépendantes du nombre arbitraire il s’ensuit que tous les termes du second membre qui se trouveront multipliés par une même puissance de doivent se détruire d’eux-mêmes. Ne tenant donc compte que des termes où ne se trouvera pas après le développement, il est aisé de voir que la quantité se réduira à son premier terme et que les coefficients des puissances de se réduiront à de sorte que l’on aura simplement

En effectuant les puissances de et comparant les parties réelles des deux membres ensemble et les imaginaires ensemble, on aura

22. Pour avoir de même la valeur de en sinus et cosinus de il n’y aura qu’à reprendre la formule fondamentale

dans laquelle on mettra, à la place de et leurs valeurs en série et l’on développera la puissance du second membre. On aura ainsi

Or

donc

Substituant ces valeurs, la quantité ne se trouvera plus que dans les coefficients, et, ordonnant les termes suivant les puissances de cette quantité, le second membre deviendra de cette forme en faisant, pour abréger,

effaçant l’unité des deux membres et divisant toute l’équation par elle deviendra

et, comme elle doit avoir lieu indépendamment de la quantité qui doit demeurer indéterminée, il faudra que les termes qui contiennent les différentes puissances de se détruisent d’eux-mêmes, ce qui la réduira d’abord à savoir, en développant les puissances de

Comme on peut prendre le radical en plus ou en moins, il est visible qu’en le prenant successivement en plus et en moins, et soustrayant les deux équations l’une de l’autre, on aura, après avoir divisé par

Au reste, il est visible que l’équation trouvée au no  21,

se réduit directement à celle-ci

par la formule du no  11, en prenant pour une quantité dépendante de comme nous l’avons déterminée dans ce même endroit, c’est-à dire en sorte que étant un nombre donné qui est la base des logarithmes hyperboliques.

De cette formule on tire tout de suite, en prenant le radical en plus et ensuite en moins, les expressions connues de en exponentielles imaginaires,

et, passant des exponentielles aux logarithmes,

ou bien, en prenant successivement le radical en plus et en moins, et soustrayant une équation de l’autre,

d’où l’on peut déduire les séries trouvées ci-dessus en employant les développements des exponentielles et des logarithmes exposés dans les nos 18 et 19.

Mais il y a ici une remarque importante à faire c’est que, dans les formules que nous venons de trouver, la quantité ainsi que étant arbitraire, le système de logarithmes peut être pris à volonté, au lieu que, dans les formules ordinaires relatives aux arcs de cercle, le module est égal à l’unité, ce qui donne pour la base le nombre dont le logarithme hyperbolique est l’unité. Ainsi celles-ci ne sont qu’un cas particulier de celles que nous avons trouvées, mais cette particularisation est nécessaire pour qu’elles soient applicables au cercle, comme nous l’allons démontrer.

23. Tout se réduit à prouver que dans l’expression de en série le premier terme doit être simplement au lieu que nous l’avons supposé en général (no 21). En employant la considération des infiniment petits, cela est évident, car on voit que, dans le cercle, le sinus, à mesure qu’il diminue, s’approche de plus en plus de l’arc, jusqu’à s’y confondre dans l’infiniment petit. Ainsi, en supposant l’arc infiniment petit, on a par conséquent,

Mais, comme nous avons cherché à rendre notre analyse indépendante de la considération des infiniment petits, nous devons aussi en affranchir la démonstration du point dont il s’agit.

Pour cela, nous ne supposerons que le principe, établi par Archimède, que le sinus, qui est la moitié de la corde de l’arc double, est moindre que l’arc auquel il répond, et que la tangente est plus grande que ce même arc. Nous aurons ainsi

or, comme

on aura

Employant donc l’expression de en série trouvée dans le no 21,

il faudra que l’on ait, quelque petit que soit l’arc

Donc aussi, en divisant par

Comme

il est clair que

et en même temps on voit que

car la différence est ainsi la quantité qui est plus grande que sera à plus forte raison plus grande que de sorte qu’on pourra réduire l’espèce d’équation d’inégalité ci-dessus à cette forme

Or, en prenant tel que soit il est visible que la série sera convergente et mais parce qu’en ajoutant ensemble le second et le troisième terme, le quatrième et le cinquième, et ainsi de suite, on n’aura que des quantités toutes négatives, et qu’au contraire, en ajoutant le troisième et le quatrième, le cinquième et le sixième, etc., on n’aura que des quantités toutes

positives. Donc, étant supposé on aura, à plus forte raison,

par conséquent,

ce qui devant avoir lieu quelque petite que soit la valeur de il s’ensuit que l’on aura nécessairement En effet, si étant une quantité quelconque très-petite positive, il n’y aurait qu’à prendre tel que et alors la condition de n’aurait plus lieu. De même, si il n’y aurait qu’à prendre et l’autre condition serait en défaut. Donc on a nécessairement dans le cercle ; par conséquent, nombre dont le logarithme hyperbolique est l’unité (no 12), ce qui fait rentrer nos formules dans les formules connues pour les fonctions circulaires.


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