Traité de la résolution des équations numériques de tous les degrés/Chapitre 1

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TRAITÉ
DE LA
RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES
DE TOUS LES DEGRÉS[1].

CHAPITRE PREMIER.

méthode pour trouver, dans une équation numérique quelconque, la valeur entière la plus approchée de chacune de ses racines réelles.


1. Théorème I. — Si l’on a une équation quelconque, et que l’on connaisse deux nombres tels qu’étant substitués successivement à la place de l’inconnue de cette équation, ils donnent des résultats de signes contraires, l’équation aura nécessairement au moins une racine réelles dont la valeur sera entre ces deux nombres.

Ce théorème est connu depuis longtemps, et l’on a coutume de le démontrer par la théorie des lignes courbes ; mais on peut aussi le démontrer directement par la théorie des équations, en cette sorte. Soient l’inconnue de l’équation, et ses racines ; l’équation se réduira, comme l’on sait, cette forme

Or soient et les nombres qui, substitués par donneront des résultats de signes contraires ; il faudra donc que ces deux quantités

soient de signes différents ; par conséquent, il faudra qu’il y ait au moins deux facteurs correspondants, comme et qui soient de signes contraires ; donc il y aura au moins une des racines de l’équation, comme qui sera entre les nombres et c’est-à-dire plus petite que le plus grand de ces deux nombres, et plus grande que le plus petit d’entre eux ; donc cette racine sera nécessairement réelle.

2. Corollaire I. — Donc, si les nombres et ne diffèrent l’un de l’autre que de l’unité ou d’une quantité moindre que l’unité, le plus petit de ces nombres, s’il est entier, ou le nombre entier qui sera immédiatement moindre que le plus petit de ces deux nombres, s’il n’est pas entier, sera la valeur entière la plus approchée d’une des racines de l’équation. Si la différence entre et est plus grande que l’unité, alors, nommant les nombres entiers qui tombent entre et il est clair que, si l’on substitue successivement, à la place de l’inconnue, les nombres on trouvera nécessairement deux substitutions consécutives qui donneront des résultats de signes différents ; donc, puisque les nombres qui donneront ces deux résultats ne diffèrent entre eux que de l’unité, on trouvera, comme ci-dessus, la valeur entière la plus approchée d’une des racines de l’équation.

3. Corollaire II. — Toute équation dont le dernier terme est négatif, en supposant le premier positif, a nécessairement une racine réelle positive, dont on pourra trouver la valeur entière la plus approchée en substituant, à la place de l’inconnue, les nombres jusqu’à ce que l’on rencontre deux substitutions qui donnent des résultats de signes contraires.

Car, en supposant le premier terme et le dernier ( étant un nombre positif), on aura, en faisant le résultat négatif et en faisant le résultat positif donc on aura ici et donc les nombres entiers intermédiaires seront tous les nombres naturels donc, etc. (corollaire précédent).

De là on voit :

1o Que toute équation d’un degré impair, dont le dernier terme est négatif, a nécessairement une racine réelle positive ;

2o Que toute équation d’un degré impair, dont-le dernier terme est positif, a nécessairement une racine réelle négative ; car, en changeant en le premier terme de l’équation deviendra négatif donc, changeant tous les signes pour rendre de nouveau le premier terme positif, le dernier deviendra négatif ; donc l’équation aura alors une racine réelle positive ; par conséquent, l’équation primitive aura une racine réelle négative ;

3o Que toute équation d’un degré pair, dont le dernier terme est négatif, a nécessairement deux racines réelles, l’une positive et l’autre négative ; car, premièrement, elle aura une racine réelle positive ensuite, comme, en changeant en le premier terme demeure positif, la transformée aura aussi une racine réelle positive donc l’équation primitive en aura une réelle et négative.

4. Remarque. — Comme on peut toujours changer les racines négatives d’une équation quelconque en positives, en changeant seulement le signe de l’inconnue, nous ne considérerons dans la suite, pour plus de simplicité, que les racines positives ; ainsi, quand il s’agira d’examiner les racines d’une équation donnée, on considérera d’abord les racines positives de cette équation ; ensuite on y changera les signes de tous les termes où l’inconnuese trouvera élevée à une puissance impaire, et l’on considérera de même les racines positives de cette nouvelle équation ; ces racines, prises en moins, seront les racines négatives de la proposée.

5. Théorème II.Si, dans une équation quelconque qui a une ou plusieurs racines réelles et inégales, on substitue successivement à la place de l’inconnue deux nombres, dont l’un soit plus grand et dont l’autre soit plus petit que l’une de ces racines, et qui diffèrent en même temps l’un de l’autre d’une quantité moindre que la différence entre cette racine et chacune des autres racines réelles de l’équation, ces deux substitutions donneront nécessairement deux résultats de signes contraires.

En effet, soient une des racines réelles et inégales de l’équation, et les autres racines quelconques ; soit de plus la plus petite des différences entre la racine et chacune des autres racines réelles de l’équation ; il est clair qu’en prenant et les quantités et seront de signes contraires, et que les quantités seront chacune de même signe que sa correspondante car, si et étaient de signes contraires, il faudrait que fût aussi compris entre et ce qui ne se peut ; donc les deux produits

c’est-à-dire les résultats des substitutions de et à la place de l’inconnue (no 1), seront nécessairement de signes contraires.

6. Corollaire I. — Donc, si dans une équation quelconque on substitue successivement à la place de l’inconnue les nombres en progression arithmétique

(A)

les résultats correspondants formeront une suite dans laquelle il y aura autant de variations de signes que l’équation proposée aura de racines réelles positives et inégales, mais dont les différences ne seront pas moindres que la différence de la progression ; de sorte que, si

l’on prend égale où moindre que la plus petite des différences entre les différentes racines positives et inégales de l’équation, la suite dont il s’agit aura nécessairement autant de variations de signes que l’équation contiendra de racines réelles positivés et inégales.

Donc, si la différence est en même temps égale ou moindre que l’unité, on trouvera aussi, par ce moyen, la valeur entière approchée de chacune des racines réelles positives et inégalesde l’équation (no 2).

Si l’équation ne peut avoir qu’une seule racine réelle et positive ou si elle en a plusieurs, mais dont les différences ne soient pas moindres que l’unité, il est clair qu’on pourra faire c’est-à-dire qu’on pourra prendre les nombres naturels pour les substituer à la place de l’inconnue ; mais, s’il y a dans l’équation des racines inégales dont les différences soient moindres que l’unité, alors il faudra prendre moindre que l’unité, et telle qu’elle soit égale ou moindre que la plus petite des différences entre les racines dont il s’agit ainsi la difficulté se réduit à trouver la valeur qu’on doit donner à en sorte qu’on soit assuré qu’elle ne surpasse pas la plus petite des différences entre les racines positives et inégales de l’équation proposée c’est l’objet du problème suivant.

7. Corollaire II. — Toute équation qui a un seul changement de signe a nécessairement une seule racine réelle positive.

Il est d’abord clair que l’équation aura nécessairement une racine réelle positive, à cause que son dernier terme sera de signe différent du premier (no 3). Or je vais démontrer qu’elle ne peut en avoir qu’une.

Soient (en supposant le premier terme positif, comme à l’ordinaire) la somme de tous les termes positifs de l’équation, et la somme de tous les négatifs, en sorte que l’équation soit et puisqu’il n’y a, par l’hypothèse, qu’un seul changement de signe, il est clair que les puissances de l’inconnue du polynôme seront toujours plus hautes que celles du polynôme de sorte que si est la plus petite puissance de dans le polynôme et qu’on divise les deux polynômes et par la quantité ne contiendra que des puissances positives de et la quantité ne contiendra que des puissances négatives de d’où il suit que, croissant, la valeur de devra croître aussi, et, diminuant, diminuera aussi, à moins que le polynôme. ne contienne que le seul terme auquel cas sera toujours une quantité constante ; au contraire, croissant, la valeur de diminuera nécessairement, et, diminuant, ira en augmentant. Soit la racine réelle et positive de l’équation, on aura donc, lorsque donc aussi donc, en substituant au lieu de des nombres quelconques plus grands que on aura toujours et par conséquent égal à un nombre positif, et, en substituant au lieu de des nombres moindres que on aura toujours et par conséquent égal à un nombre négatif : donc il sera impossible que l’équation ait des racines réelles positives plus grandes ou plus petites que

Si l’équation a plusieurs changements de signe, elle peut avoir aussi plusieurs racines réelles positives ; mais leur nombre ne peut jamais surpasser celui des changements ou variations de signe c’est ce théorème qu’on appelle la règle de Descartes. (Voir la Note VIII.)

8. Problème. — Une équation quelconque étant donnée, trouver une autre équation dont les racines soient les différences entre les racines de l’équation donnée.

Soit donnée l’équation

(B)

on sait que peut être indifféremment égal à une quelconque de ses racines. Soit une autre racine quelconque de la même équation, en sorte que l’on ait aussi

et soit la différencie entre les deux racines et de manière que l’on ait substituant cette valeur de dans la dernière équation et ordonnant les termes par rapport à on aura une équation en du même degré laquelle, en commençant par les derniers termes, sera de cette forme

les coefficients étant des fonctions de telles que

c’est-à-dire, suivant la notation du Calcul différentiel,

donc, puisque par l’équation donnée (B) on a l’équation précédente étant divisée par deviendra celle-ci :

(C)

Cette équation, si l’on y substitue pour une quelconque des racines de l’équation (B), aura pour racines les différences entre cette racine et toutes les autres de la même équation (B) ; donc, si l’on combine les équations (B) et (C) en éliminant on aura une équation en dont les racines seront les différences entre chacune des racines de l’équation (B) et toutes les autres racines de la même équation ce sera l’équation cherchée.

Mais, sans exécuter cette élimination, qui serait souvent fort laborieuse, il suffira de considérer :

1o Que étant les racines de l’équation en celles de l’équation en seront

d’où l’on voit que ces racines seront au nombre de e t que de plus elles seront égales deux à deux et de signes contraires ; de sorte que l’équation en manquera nécessairement de toutes les puissances impaires de donc, en faisant et l’équation dont il s’agit sera de cette forme
(D)

2o Que étant les différentes valeurs de dans l’équation (D), le coefficient sera égal à la somme de toutes ces valeurs, le coefficient sera la somme de tous leurs produits deux à deux, etc.

Or il est facile de voir que

mais on sait que

donc on aura

savoir

et l’on pourra, de la même manière, trouver la valeur des autres coefficients

Pour y parvenir plus facilement, supposons

et l’on aura, comme l’on sait,

Supposons de plus

il est facile de voir que l’on aura

ou bien

et, en général,

Les quantités étant ainsi connues, on aura sur-lechamp les valeurs des coefficients de l’équation (D) par les formules

Ainsi l’on pourra déterminer directement les coefficients de l’équation (D) par ceux de l’équation donnée (B). Pour cela on cherchera d’abord, par les formules ci-dessus, les valeurs des quantités jusqu’à ensuite, à l’aide de celles-ci, on cherchera celle des quantités jusqu’à et enfin, par ces dernières, on trouvera les valeurs cherchées des coefficients

9. Remarque. — Il est bon de remarquer que l’équation (D) exprime également les différences entre les racines positives et négatives de l’équation (B) ; de sorte que la même équation aura lieu aussi lorsqu’on changera en pour avoir les racines négatives (no 4).

De plus, il est clair que l’équation (D) sera toujours la même, soit qu’on augmente ou qu’on diminue toutes les racines de l’équation proposée d’une même quantité quelconque ; donc, si cette équation a son second terme, on pourra le faire disparaître et chercher ensuite l’équation en on aura ainsi la même équation qu’on aurait eue si l’on n’avait pas fait évanouir le second terme. Mais l’évanouissement de ce terme rendra toujours la recherche des coefficients un peu plus facile, parce qu’on aura et par conséquent aussi de sorte que les formules du numéro précédent deviendront

10. Corollaire I. — Puisque les racines de l’équation (D) sont les carrés des différences entre les racines de l’équation proposée (B), il est clair que si cette équation (D) avait tous ses termes de même signe, auquel cas elle n’aurait aucune racine réelle positive, il est clair, dis-je, que, dans ce cas, les différences entre les racines de l’équation (B) seraient toutes imaginaires ; de sorte que cette équation ne pourrait avoir qu’une seule racine réelle ou bien plusieurs racines réelles et égales entre elles. Si ce dernier cas a lieu, on le reconnaîtra et on le résoudra par les méthodes connues (voir aussi plus bas le Chapitre II) ; à l’égard du premier cas, il suit du no 6 qu’on pourra prendre

11. Corollaire II. — Si l’équation (B) a un ou plusieurs couples de racines égales, il est clair que l’équation (D) aura une ou plusieurs valeurs de égales à zéro ; de sorte qu’elle sera alors divisible une ou plusieurs fois par Cette division faite, lorsqu’elle a lieu, soit l’équation restante disposée à rebours, de cette manière :

(E)

étant ou qu’on fasse et ordonnant l’équation par rapport à on aura

(F)

Qu’on cherche par les méthodes connues la limite des racines positives de cette équation, et soit cette limite, en sorte que surpasse chacune des valeurs positives de donc sera moindre que chacune des valeurs positives de ou de et par conséquent moindre que chacune des valeurs de à cause de (problème précédent).

Donc sera nécessairement moindre qu’aucune des valeurs de c’est-à-dire qu’aucune des différences entre les racines réelles et inégales de l’équation proposée (B).

Donc :

1o Si alors on sera sûr que l’équation (B) n’aura pas de racines réelles dont les différences soient moindres que l’unité ; ainsi, dans ce cas, on pourra faire sans scrupule (no 6) ;

2o Mais, si ou alors il peut se faire qu’il y ait dans l’équation (B) des racines dont les différences soient moindres que l’unité ; mais, comme la plus petite de ces différences sera toujours nécessairement plus grande que on pourra toujours prendre ou (numéro cité).

En général, soit le nombre entier qui est égal ou immédiatement plus grand que et l’on pourra toujours prendre

12. Scolie I. — Quant à la manière de trouver la limite des racines d’une équation, la plus commode et la plus exacte est celle de Newton, laquelle consiste à trouver un nombre dont, les racines de l’équation proposée étant diminuées, l’équation résultante n’ait aucune variation de signe, car alors cette équation ne pourra avoir que des racines négatives par conséquent, le nombre dont les racines de la proposée auront été diminuées surpassera nécessairement la plus grande de ces racines.

Ainsi, pour chercher la limite des racines de l’équation

(F)

on y mettra au lieu de et ordonnant l’équation résultante par rapport à elle deviendra

dans laquelle

et il n’y aura qu’à chercher une valeur de qui, étant substituée dans les quantités les rende toutes positives ; en commençant par la dernière de ces quantités, laquelle n’aura que deux termes et remontant successivement aux quantités précédentes, on déterminera facilement le plus petit nombre entier qui pourra être pris pour/, et qui sera la limite la plus proche cherchée.

Si l’on voulait éviter tout tâtonnement, il n’y aurait qu’à prendre pour le plus grand coefficient des termes négatifs de l’équation (F), augmenté d’une unité ; car il est facile de prouver qu’en donnant à cette valeur, les quantités seront toujours positives.

Cette manière d’avoir la limite des racines d’une équation quelconque est due, je crois, à Maclaurin ; mais en voici une autre qui donnera le plus souvent des limites plus approchées.

Soient

les termes négatifs de l’équation (F) ; on prendra pour la somme des deux plus grandes des quantités

ou un nombre quelconque plus grand que cette somme. Cette proposition peut se démontrer de la même manière que la précédente ; ainsi nous ne nous y arrêterons pas.

Au reste, il faut observer que les limites trouvées de l’une ou de l’autre de ces deux manières seront rarement les plus prochaines limites. Pour en avoir de plus petites, on essayera successivement pour des nombres moindres, et l’on prendra le plus petit de ceux qui satisferont aux conditions que soient des nombres positifs.

13. Scolie II. — Ayant donc trouvé la limite de l’équation (F) et pris égal ou immédiatement plus grand que on fera (no 11), et l’on substituera successivementdans l’équation proposée, à la place de l’inconnue, les nombres

les résultats venant de ces substitutions formeront une série dans laquelle il y aura autant de variations de signe que l’équation proposée contiendra de racines réelles positives et inégales, et, de plus, chacune de ces racines se trouvera entre les deux nombres qui auront donné des résultats consécutifs de signes différents ; de sorte que si les nombres

et donnent des résultats de signe contraire, il y aura une racine entre et et par conséquent, le nombre entier qui approchera le plus de sera la valeur entière approchée de cette racine (no 2).

Ainsi l’on connaîtra par ce moyen, non-seulement le nombre des racines positives et inégales de l’équation proposée, mais encore la valeur entière approchée de chacune de ces racine.

Au reste, il est clair que si l’on trouvait un ou plusieurs résultats égaux à zéro, les nombres qui auraient donné ces résultats seraient des racines exactes de l’équation proposée.

Pour faciliter et abréger ce calcul, on fera encore les remarques suivantes :

1o Si l’on cherche par les méthodes des numéros précédents la limite des racines positives de l’équation proposée, il est clair qu’il sera inutile d’y substituer à la place de l’inconnue des nombres plus grands que cette limite. En effet, il est facile de voir qu’en substituant des nombres plus grands que cette limite, on aura toujours nécessairement des résultats positifs. Ainsi, nommant la limite dont il s’agit, le nombre des substitutions à faire sera égal à et par conséquent toujours limité.

En général, sans chercher la limite il suffira de pousser les substitutions jusqu’à ce que le premier terme de l’équation ou la somme des premiers termes, s’il y en a plusieurs consécutifs avec le même signe soit égale ou plus grande que la somme de tous les termes négatifs ; car il est facile de prouver, par la méthode du no 7, qu’en donnant à l’inconnue des valeurs plus grandes, on aura toujours à l’infini des résultats positifs.

2o Au lieu de substituer à la place de l’inconnue les fractions on y mettra d’abord à la place de ou, ce qui revient au même, on multipliera le coefficient du second terme par celui du troisième terme par et ainsi des autres ; et l’on substituera ensuite à la place de les nombres naturels jusqu’à la limite de cette équation, ou bien jusqu’à ce que le premier terme ou la somme des premiers, quand il y en a plusieurs consécutifs avec le même signe, soit égale ou plus grande que la somme des négatifs ; par ce moyen, les résultats seront tous des nombres entiers, et les racines de l’équation proposée se trouveront nécessairement entre les nombres consécutifs qui donneront des résultats de signes contraires, ces nombres étant divisés par comme nous l’avons vu plus haut.

3o Soit le degré de l’équation dans laquelle il s’agit de substituer successivement les nombres naturels je dis que, dès que l’on aura trouvé les premiers résultats, c’est-à-dire ceux qui répondent à on pourra trouver tous les suivants par la seule addition.

Pour cela, il n’y aura qu’à chercher les différences des résultats trouvés, lesquelles seront au nombre de ensuite les différences de ces différences, lesquelles ne seront plus qu’au nombre de et ainsi de suite jusqu’à la différence ième.

Cette dernière différence sera nécessairement constante, parce que l’exposant de la plus haute puissance de l’inconnue est ainsi l’on pourra continuer la suite des différences ièmes aussi loin qu’on voudra, en répétant seulement la même différence trouvée ; ensuite, par le moyen de cette suite, on pourra, par la simple addition, continuer celle des différences ièmes, et, à l’aide de celle-ci, on pourra continuer de même la suite des différences ièmes, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on arrive à la première suite, qui sera celle des résultats cherchés.

Il est bon d’observer ici que, si les termes correspondants des différentes suites dont nous parlons étaient tous positifs, les termes suivants dans chaque suite seraient tous aussi positifs. Or, puisque la dernière différence est toujours positive, il est clair qu’on parviendra nécessairement dans-chaque suite à des termes tous positifs ; ainsi il suûira de continuer toutes ces suites jusqu’à ce que leurs termes correspondants soient devenus tous positifs_1, parce qu’alors on sera sûr que la série des résultats, continuée aussi loin qu’on voudra, sera toujours positive, et que, par conséquent, elle ne contiendra plus aucune variation de signe.

Pour éclaircir cela par un exemple, soit proposée l’équation

on trouvera d’abord que les résultats qui répondent à sont d’où l’on tirera les différences premières les différences secondes et la différence troisième ainsi on formera les quatre séries suivantes :

dont la loi est que chaque terme est égal à la somme du terme précédent de la même série, et de celui qui y est au-dessus dans la série précédente ; de sorte qu’il est très-facile de continuer ces séries aussi loin qu’on voudra.

La dernière de ces quatre séries sera, comme l’on voit, celle des résultats qui viennent de la substitution des nombres naturels à la place de dans l’équation proposée ; et comme les termes de la septième colonne, savoir sont tous positifs, il s’ensuit que les termes suivants seront tous aussi positifs ; de sorte que la série des résultats, continuée aussi loin qu’on voudra, n’aura plus aucune variation de signe.

14. Remarque. — On avait déjà remarqué que l’on pouvait trouver la valeur approchée de toutes les racines réelles et inégales d’une équation quelconque, en y substituant successivement à la place de l’inconnue différents nombres en progression arithmétique ; mais cette remarque ne pouvait pas être d’une grande utilité, faute d’avoir une méthode pour déterminer la progression que l’on doit employer dans chaque cas, en sorte que l’on soit assuré qu’elle fasse connaître toutes les racines réelles et inégales de l’équation proposée. Nous en sommes heureusement venus à bout, à l’aide du problème du no 8, et nous verrons encore, ci-après d’autres usages de ce même problème par rapport aux racines égales et imaginaires.

Au reste, la recherche de la quantité (no 11) ne serait point nécessaire si l’équation proposée n’avait que des racines réelles ; mais les conditions par lesquelles, on peut reconnaître d’avance la réalité de toutes les racines ; lorsqu’elle a lieu dans une équation donnée, dépendent de l’équation même des différences ou de formules équivalentes. (Voir la Note VIII.)


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  1. Le Mémoire de Lagrange Sur la résolution des équations numériques et les Additions au Mémoire sur la résolution des équations numériques ont paru d’abord dans les Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Berlin, t. XXIII, 1769, et t. XXIV, 1770. Nous les avons reproduits dans le tome II des Œuvres de Lagrange, p. 539 et p. 581.

    Lagrange, après avoir ajouté des Notes importantes, dont la longueur dépasse le double de celle des Mémoires et des Additions, a réuni l’ensemble de son travail en un seul volume qu’il a intitulé Traité de la résolution des équations numériques, et dont il a publié deux éditions en 1798 et 1808.

    Nous avons cru devoir respecter la disposition de Lagrange, et nous réimprimons intégralement ce volume, qui forme le tome VIII des Œuvres de Lagrange. Il eût été d’ailleurs peu commode pour le lecteur de lire le Mémoire et les Additions dans le tome II de ces Œuvres et les Notes dans le tome VIII. (Note de l’Éditeur.)