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Traité de la résolution des équations numériques de tous les degrés/Note 03

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NOTE III.

SUR L’ÉQUATION QUE DONNENT LES DIFFÉRENCES ENTRE LES RACINES
D’UNE ÉQUATION DONNÉE, PRISES DEUX À DEUX.


La recherche de cette équation, qui est l’objet du problème du no 8, deviendrait très-pénible si l’on y employait la voie de l’élimination, qui se présente naturellement ; mais, par les formules que j’y donne, elle n’a d’autre difficulté que la longueur du calcul. Tout se réduit à calculer un certain nombre de termes de trois séries dont la loi est assez simple.

1. La première série, celle des quantités n’est autre chose que la série connue pour avoir les sommes des puissances des racines par les coefficients de l’équation donnée, et on en verra la démonstration dans la Note VI. La troisième série, celle des quantités qui forment les coefficients de l’équation cherchée, est l’inverse de la précédente ; elle donne ces coefficients par le moyen des sommes des puissances des racines qu’on a par la seconde série Je n’avais trouvé que par induction la loi des termes de celle-ci ; mais on peut la démontrer d’une manière générale.

Pour cela, il n’y a qu’à considérer la quantité

qui, étant développée suivant les puissances de devient

Comme ces deux expressions sont identiques, on y peut faire tout ce qu’on voudra. Qu’on suppose donc successivement et qu’on ajoute ensemble les résultats de ces substitutions, on aura

ce qui est évident, puisque, par la notation qu’on a employée, on a, en général,

Lorsque est un nombre impair, il est facile de voir que le premier membre de cette équation devient nul par la destruction mutuelle de tous les termes, et le second membre devient nul aussi de lui-même en remarquant que l’on doit avoir nombre des racines.

Mais, lorsque est un nombre quelconque pair le premier membre devient égal à suivant la notation des termes de la seconde série ; ainsi on aura

Comme les termes de cette série se trouvent les mêmes de part et d’autre du terme du milieu, qui contient en réunissant les termes égaux et divisant par on aura la formule générale de la valeur de que j’ai donnée dans l’endroit cité.

2. On pourrait, de la même manière, trouver des formules pour les sommes des racines prises deux à deux ; car, en considérant la quantité

on aura, par le développement, cette expression identique

Donc, faisant successivement et ajoutant ensemble les résultats, on aura

Donc, si l’on dénote en général par la somme des puissances ièmes des racines ajoutées deux à deux, on aura, à cause de cette expression de

Comme est supposé un nombre entier, il est clair que les termes également éloignés des deux extrêmes seront égaux ; or le dernier terme sera mais donc, réunissant le dernier au premier, l’avant-dernier au second, et ainsi de suite, et divisant par on aura, lorsque est un nombre impair,

et, lorsque est un nombre pair,

Si l’on détermine par cette formule les termes de la série et qu’on emploie ces valeurs dans les expressions des quantités de la troisième série, on aura les coefficients de l’équation, dont les racines seront les sommes des racines de l’équation donnée, prises deux à deux. Cette équation peut être utile dans plusieurs occasions.

3. Je dois, au reste, observer ici que Waring avait déjà remarqué dans ses Miscellanea analytica, imprimés en 1762, l’usage de l’équation dont les racines seraient

pour trouver les limites des racines réelles de l’équation dont les racines sont Mais je ne connaissais pas cet Ouvrage lorsque je composai mon premier Mémoire sur la résolution des équations numériques d’ailleurs, cette remarque, n’étant présentée dans l’Ouvrage de Waring que d’une manière isolée, serait peut-être restée longtemps stérile sans les recherches dont elle était accompagnée dans ce Mémoire.

Je dois ajouter que le même auteur a aussi remarqué avant moi les caractères qu’on peut tirer des signes de l’équation dont les racines sont les carrés des différences entre les racines d’une équation donnée, pour juger des racines imaginaires de cette équation. Il avait dit simplement dans l’Ouvrage cité que, si cette équation des différences n’a que des signes alternatifs, l’équation primitive a nécessairement toutes ses racines réelles ; autrement elle en a d’imaginaires ; mais il a donné ensuite sans démonstration, dans les Transactions philosophiques de l’année 1763, les conditions qui résultent des équations des différences du quatrième et du cinquième degré pour que les équations de ces degrés aient ou toutes leurs racines réelles, ou deux ou quatre racines imaginaires, ce que personne n’avait encore fait pour le cinquième degré.

Dans le second Mémoire, je m’étais contenté de donner les équations des différences pour le deuxième, le troisième et le quatrième degré ; la longueur du calcul m’avait empêché de donner celle du cinquième degré ; mais, comme elle peut être utile dans quelques occasions, je vais la rapporter ici, d’après Waring.

4. Soit donc l’équation du cinquième degré

l’équation des différences sera

dans laquelle

La réalité de toutes les racines de l’équation du cinquième degré exige donc que la valeur de chacune des quantités soit positive, ce qui donne, comme l’on voit, dix conditions ; mais il est possible que quelques-unes de ces conditions se trouvent renfermées dans le système des autres, ce qui en diminuerait le nombre, comme nous l’avons vu pour le quatrième degré. Si toutes ces conditions n’ont pas lieu à la fois, alors l’équation aura nécessairement deux ou quatre racines imaginaires, suivant que la quantité aura une valeur négative ou positive. Mais, si cette quantité était nulle, l’équation aurait deux racines égales ; elle en aurait trois égales si la quantité était nulle en même temps, et ainsi du reste.


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