Traité de la résolution des équations numériques de tous les degrés/Note 08

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NOTE VIII.

SUR LES LIMITES DES RACINES DES ÉQUATIONS ET SUR LES CARACTÈRES DE LA RÉALITÉ DE TOUTES LEURS RACINES.


La recherche des limites des racines est le premier problème qui se présente dans la théorie des équations, après celui de leur résolution générale. Comme cette résolution est bornée jusqu’ici au quatrième degré, et comme il est démontré par la considération des fonctions des racines que, si elle est possible au delà de ce degré, ce ne peut être qu’en résolvant des équations d’un degré beaucoup plus élevé, ce qui donnerait des expressions intraitables par leur complication, on peut dire que c’est du problème des limites que dépend maintenant tout l’art de résoudre les équations. En effet, dès qu’on a trouvé des limites particulières pour chaque racine, on peut les resserrer par des substitutions successives et approcher ainsi de la valeur de la racine autant que l’on veut.

1. On a senti avant la fin du xviie siècle la nécessité de s’occuper de ce problème, et, dès qu’on eut trouvé que l’équation formée en multipliant chaque terme d’une équation donnée par l’exposant de son inconnue renferme les conditions de l’égalité des racines de la proposée, on découvrit bientôt que les racines de cette même équation ainsi formée étaient les limites de celles de l’équation primitive. On sait que Hudde est l’auteur de la première de ces deux importantes découvertes, et je crois que la seconde est due à Rolle, qui l’a donnée dans son Algèbre, imprimée en 1690, et qui en a fait la base de sa méthode des cascades. Suivant cette méthode, les limites des racines d’une équation dépendent d’une équation d’un degré inférieur d’une unité, et les limites des racines de celles-ci dépendent de même d’une autre équation d’un degré moindre d’une unité, et ainsi de suite de sorte que, pour parvenir aux limites des racines de l’équation proposée, il faut résoudre des équations différentes et successives, qui vont toujours en baissant d’un degré. (Voir l’Analyse démontrée de Reyneau, où cette méthode est exposée avec beaucoup de détail.) Mais la longueur du calcul qu’elle demande et l’incertitude qui naît des racines imaginaires l’ont fait abandonner depuis longtemps, et l’on aurait peut-être été obligé de renoncer à avoir une méthode générale pour résoudre les équations si l’on n’avait pas trouvé, pour déterminer les limites des racines un moyen indépendant de la résolution de toute équation, comme on l’a vu dans le Chapitre I et dans la Note IV.

La considération des maxima et minima des lignes paraboliques a conduit Stirling à une méthode pour déterminer le nombre et les limites des racines réelles du troisième et du quatrième degré, laquelle a été généralisée par Euler dans son Calcul différentiel. Cette méthode revient à celle de Rolle dans le fond ; mais elle embrasse également les racines réelles et les racines imaginaires, et pourrait fournir des formules générales pour distinguer ces racines dans les équations du cinquième degré, au moyen des racines du quatrième.

La même considération a fait trouver à De Gua une méthode pour déterminer les caractères de la réalité de toutes les racines d’une équation quekonque. (Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1741.)

Nous avons vu que ce problème peut se résoudre aussi par le moyen de l’équation dont les racines sont les carrés des différences entre les racines de l’équation donnée ; mais cette solution est fondée sur la forme même des racines imaginaires, au lieu que la théorie de De Gua est indépendante de cette forme, et sa méthode a de plus l’avantage de n’exiger que le calcul d’équations de degrés inférieurs à celui de l’équation proposée.

Comme ces différentes méthodes sont intéressantes par elles-mêmes, et encore plus par l’usage dont elles peuvent être dans plusieurs occasions, j’ai cru qu’on serait bien aise de les trouver ici réunies et déduites d’une, même théorie, fondée uniquement sur les premiers principes de l’analyse des équations.

2. Soit en général une fonction rationnelle et sans diviseur, telle que

si l’on nomme les racines réelles de l’équation

c’est-à-dire les valeurs de qui peuvent satisfaire à cette équation, on aura l’équation identique

étant une pareille fonction de mais d’un degré moindre que et qui ne pourra jamais devenir nulle ni négative, quelque valeur qu’on donne à (Note II).

Cette équation devant avoir lieu quelle que soit la valeur de elle aura lieu aussi en mettant à la place de quelle que soit la valeur de donc, développant les fonctions suivant les puissances de il faudra que tous les termes affectés d’une même puissance de se détruisent mutuellement, ce qui donnera encore autant d’équations identiques qu’on pourra trouver ainsi par le développement actuel. Mais, comme ces nouvelles équations ne sont autre chose que celles que nous avons appelées dérivées dans la Théorie des fonctions, nous emploierons ici, pour plus de simplicité, la notation et l’algorithme de cette théorie, et l’application que nous allons en faire aux équations fournira un nouvel exemple de son usage dans l’Algèbre, dont elle n’est proprement qu’une branche.

3. Désignons, pour abréger, par la fonction

on aura l’équation identique

d’où l’on tirera sur-le-champ l’équation dérivée

et l’on trouvera

Supposons que les racines soient rangées par ordre de grandeur, en commençant par les plus grandes positives et finissant par les plus grandes négatives. Il est facile de voir, par la nature de la fonction qu’en faisant on aura qu’en faisant on aura qu’en faisant on aura et ainsi de suite. D’un autre côté, en faisant on a toujours et par la nature de ces fonctions. Donc

et ainsi de suite.

Or, en prenant la fonction dérivée du polynôme on a

donc l’équation qui est du degré aura nécessairement des racines réelles qui tomberont entre les valeurs des racines et et et (Note I).

4. Désignons par les racines réelles de l’équation et l’on démontrera de la même manière que

et ainsi de suite.

D’où il s’ensuit que l’équation dans laquelle

aura aussi des racines réelles qui tomberont entre les valeurs des racines et et et ainsi de suite.

Il résulte de ces formules différentes conséquences que nous allons développer.

Si l’équation primitive a deux racines égales, l’équation dérivée aura une racine qui, devant tomber entre ces deux, leur sera encore égale ; par conséquent, le facteur qui contiendra cette racine sera un diviseur commun des deux polynômes et ce qui est d’ailleurs évident, parce que le polynôme contenant le facteur carré le polynôme contiendra encore le facteur simple Ainsi l’équation renferme la condition pour qu’une des racines de l’équation soit double.

On prouvera de la même manière que, si l’équation a trois racines égales, le facteur qui contiendra cette racine sera un diviseur commun des trois polynômes et et que les deux équations contiennent les conditions pour que l’équation ait trois racines égales, et ainsi de suite, ce qui donne les théorèmes connus sur les racines égales.

5. Considérons d’abord les racines réelles de l’équation en tant qu’elles peuvent être positives et négatives, et supposons qu’elle en ait un nombre de positives et un nombre de négatives. Donc l’équation aura nécessairement racines réelles positives, racines réelles négatives, et de plus une racine réelle qui pourra être positive ou négative, car, puisque entre deux racines consécutives de l’équation il en tombe nécessairement une de l’équation il en tombera positives entre les positives, négatives entre les négatives, et une entre la plus petite positive et la première négative, qui pourra être positive ou négative.

Donc, si l’équation a plus de racines positives que l’équation elle ne peut en avoir qu’une de plus, et, si elle a plus de racines négatives que celle-ci, elle n’en peut avoir qu’une de plus.

Or, comme toute équation a toujours un nombre pair ou impair de racines positives, suivant que son dernier terme est positif ou négatif (Note II), il s’ensuit que, si les derniers termes sans des équations sont de même signe, l’équation ne pourra pas avoir une racine positive de plus que l’équation donc, dans ce cas, elle ne pourra avoir qu’une racine négative de plus que cette dernière équation, et par conséquent aussi elle ne pourra av oir une racine positive de plus que celle-ci que dans le cas où les derniers termes des mêmes équations seront de signe différent.

Donc, en général, l’équation ne pourra avoir qu’une racine positive ou négative de plus que l’équation suivant que leurs derniers termes sont de signe différent ou de même signe. Par la même raison, l’équation ne pourra avoir qu’une racine positive ou négative de plus que l’équation suivant que leurs derniers termes seront de signe différent ou de même signe, et ainsi de suite.

Or on voit, par les formules ci-dessus, que le dernier terme de l’équation est que le dernier terme de l’équation est que le dernier terme de l’équation est et ainsi de suite ; de sorte que, en prenant ces équations à rebours,

et ainsi de suite. Mais la ième équation, ou devient

qui a, comme l’on voit, la racine positive ou négative suivant que est négatif ou positif. Donc la ième équation ne pourra avoir une racine positive ou négative de plus que celle-ci qu’autant que

sera de différent ou de même signe que De même, la ième équation ne pourra avoir une racine positive ou négative de plus que la ième qu’autant que sera de différent ou de même signe que et ainsi de suite.

D’où l’on peut conclure que l’équation ou

ne peut avoir plus de racines positives ou négatives qu’il y a dans cette équation de termes consécutifs de différent ou de même signe, c’est-àdire que de variations ou de permanences de signe ; par conséquent, si l’équation a toutes ses racines réelles, elle aura précisément autant de racines positives que de variations et autant de négatives que de permanences.

C’est là le fameux théorème de Descartes, que les Anglais attribuent à Harriot, et dont on a différentes démonstrations données par De Gua dans les Mémoires de Paris, par Segner et Æpinus dans ceux de Berlin, par Kæstner dans le Commentaire sur l’Arithmétique de Newton, etc. J’ai rapporté la précédente parce qu’elle découle naturellement de notre analyse ; cependant la plus simple de ces démonstrations est celle que Segner a donnée dans les Mémoires de Berlin de l’année 1756. Elle consiste simplement à faire voir qu’en multipliant une équation quelconque par on augmente d’une unité le nombre des variations de signe, et qu’en la multipliant par on augmente aussi d’une unité le nombre des permanences, quelle que soit la valeur des coefficients de l’équation.

6. Nous allons considérer maintenant les racines de l’équation comme réelles ou imaginaires.

Soient, comme ci-dessus, les racines réelles de l’équation et les racines réelles de l’équation ces racines étant rangées par ordre de grandeur. Je dis que des racines il ne peut y en avoir qu’une qui soit plus grande que qu’une qui tombe entre et qu’une qui tombe entre et et ainsi de suite, et enfin une seule plus petite que la plus petite des quantités car, si et par exemple, étaient à la fois plus grandes que comme entre les deux racines et il doit tomber nécessairement une racine de l’équation cette racine serait alors plus grande que donc ne serait plus la plus grande des racines de comme on le suppose. De même, si deux racines et tombaient à la fois entre les deux et comme entre et il doit nécessairement tomber une racine de l’équation cette racine tomberait aussi entre et contre l’hypothèse, puisque celles-ci sont supposées se suivre relativement à leur grandeur, et ainsi de suite. Enfin, si plusieurs des racines se trouvaient plus petites que la plus petite des racines comme il tomberait nécessairement entre elles des racines de l’équation ces racines seraient donc encore plus petites que la plus petite des mêmes racines ce qui ne se peut.

Or, puisqu’on a en général

il est clair qu’en substituant au lieu de si aucune des racines n’est plus grande que la valeur de sera positive, et, si la seule racine est plus grande que la valeur de deviendra négative, puisque dans le premier cas tous les facteurs simples seront positifs, et que dans le second il n’y en aura qu’un de négatif, le polynôme conservant toujours une valeur positive.

Supposons ensuite qu’on substitue au lieu de et, si aucune des racines ne tombe entre et cette substitution donnera une valeur de de même signe que la substitution de mais elle donnera une valeur de signe contraire si une des racines tombe entre et Car il est visible que tout produit, comme est toujours nécessairement positif tant que la quantité est à la fois plus grande ou plus petite que chacune des quantités qu’au contraire il est nécessairement négatif si la quantité se trouve entre les deux quantités et c’est-à-dire plus grande que l’une d’entre elles et plus petite que l’autre. Or la substitution de au lieu de dans donne

et la substitution de au lieu de dans la même fonction donne

donc le produit de ces deux quantités, savoir la valeur de sera de la forme

Donc ce produit sera positif si aucune des quantités ne tombe entre les quantités et il sera négatif si une seule des quantités tombe entre les quantités puisque les quantités et sont toujours essentiellement positives ; par conséquent, les valeurs de et de seront de même signe dans le premier cas et de signe différent dans le second.

On démontrera de la même manière que la substitution de au lieu de dans donnera un résultat de même signe ou de signe contraire à celui de la substitution de suivant qu’aucune des racines ne tombera entre et ou qu’il en tombera une, et ainsi de suite.

Enfin, si l’on désigne par la dernière en grandeur des racines on trouvera, par l’expression de en facteurs, que le résultat de la substitution de au lieu de dans sera positif ou négatif, suivant qu’aucune des racines ne sera plus petite que ou qu’il y en aura une plus petite que le nombre de ces racines étant pair, et que, lorsque ce nombre sera impair, le même résultat sera au contraire positif ou négatif, suivant qu’une des mêmes racines sera plus petite que ou qu’aucune d’elles ne sera moindre que Or, comme le nombre des racines imaginaires est toujours pair, le nombre des racines réelles de l’équation sera nécessairement pair ou impair, suivant que le nombre total des racines, c’est-à-dire le degré de l’équation, sera lui-même pair ou impair.

7. On pourra donc toujours juger de la nature des racines d’une équation quelconque de degré par celles de l’équation dérivée qui est toujours d’un degré moindre d’une unité, car, ayant les racines réelles de celle-ci, qu’on suppose rangées par ordre de grandeur, il n’y aura qu’à les substituer successivement au lieu de dans l’équation proposée ; et l’on en conclura :

1o Qu’elle aura ou n’aura pas une racine plus grande que selon que sera ou

2o Qu’elle aura ou n’aura pas une racine comprise entre et selon que sera de signe différent ou de même signe que

3o Qu’elle aura ou n’aura pas une racine comprise entre et selon que sera de signe différent ou de même signe que et ainsi de suite ;

4o Et qu’enfin elle aura ou n’aura pas une racine plus petite que selon que sera positif ou négatif dans le cas de impair, et négatif ou positif dans le cas de pair.

Ainsi l’on connaîtra par ces règles non-seulement le nombre des racines réelles de la proposée, mais encore leurs limites, et, si l’on veut compléter ces limites à l’égard des racines plus grandes que ou plus petites que il n’y aurait qu’à chercher encore, par les méthodes du Chapitre IV (no 12), les limites des racines positives et des racines de l’équation proposée.

Nous remarquerons ici, à l’occasion des règles données dans cet endroit d’après Newton et Maclaurin pour trouver ces limites, que Rolle les connaissait déjà, comme on le voit par les Chapitres V et VI du second Livre de son Algèbre.

8. Nous avons supposé jusqu’ici que l’équation proposée pouvait avoir des racines imaginaires mêlées avec les réelles ; examinons présentement ce qui doit résulter de la supposition que toutes ses racines soient réelles.

Il est d’abord évident que l’équation du degré aura racines réelles et que l’équation dérivée du degré aura aussi nécessairement racines réelles, puisque, entre deux racines réelles consécutives de l’équation il tombe toujours une racine réelle de l’équation Par la même raison, la seconde équation dérivée aura aussi nécessairement toutes ses racines réelles, et ainsi de suite.

Ainsi la première condition pour qu’une équation ait toutes ses racines réelles est que ses équations dérivées aient aussi toutes leurs racines réelles ; mais celles-ci pourraient avoir toutes leurs racines réelles sans que l’équation primitive en eût aucune.

Supposons donc que les racines de l’équation soient toutes réelles, et voyons quelles sont les conditions nécessaires pour que les racines de l’équation soient aussi nécessairement réelles. Puisque nous avons démontré, en général, que les racines réelles de l’équation ne peuvent tomber plus d’une à la fois dans chaque intervalle entre deux racines consécutives de l’équation et qu’il ne peut y en avoir aussi qu’une plus grande et une plus petite que la plus grande et la plus petite de cette équation, il est encore évident que, lorsque ses racines sont toutes réelles et au nombre de elles doivent nécessairement être telles que soit plus grande que que tombe entre et que tombe entre et et ainsi de suite. Au contraire, si elles n’étaient pas toutes réelles, comme le nombre des réelles ne pourrait alors surpasser et serait par conséquent moindre que celui des racines il est visible que la même disposition ne pourrait plus avoir lieu et qu’il y aurait nécessairement quelque intervalle entre ces desnières racines dans lequel il ne tomberait aucune de celles de l’équation ou au moins qu’aucune de celles-ci ne serait plus grande ou plus petite que la plus grande ou la plus petite des racines

Donc, par ce qui a été démontré ci-dessus, si l’on substitue sucessivement au lieu de dans toutes les racines on aura nécessairement dans le premier cas

et, dans le second cas, il y aura une ou plusieurs de ces conditions qui n’auront pas lieu.

D’un autre côté, en substituant successivement les mêmes racines dans la seconde fonction dérivée on aura toujours, comme on l’a vu plus haut

Donc, en combinant ces conditions avec les, précédentes, on en conclura que, lorsque les racines de l’équation donnée sont toutes réelles, les quantités

seront toutes négatives, et qu’au contraire il y en aura nécessairement de positives si l’équation donnée a des racines imaginaires.

On aurait le même résultat si l’on considérait les quotients

et en général des fonctions de la forme

étant un coefficient positif ou une fonction quelconque essentiellement positive, et des nombres entiers impairs positifs ou négatifs.

Or, si l’on fait

et qu’on élimine ensuite au moyen de l’équation

dont les racines sont on aura une équation en du même

degré que cette équation, et dont les racines seront les valeurs de qui résulteraient de la substitution successive des racines à la place de Donc, si ces valeurs sont toutes négatives, l’équation en n’aura que des racines négatives, et, par conséquent, tous ses termes auront le signe Et réciproquement, si tous les termes de cette équation ont le signe elle n’aura que des racines négatives, et les valeurs de seront toutes négatives.

9. On peut conclure de là que les caractères de la réalité des racines de l’équation sont que l’équation dérivée

ait toutes ses racines réelles, et que l’équation en résultante de l’élimination de au moyen de cette dernière équation et de l’équation

ait tous ses termes positifs.

En appliquant les mêmes raisonnements à l’équation dérivée on en conclura aussi que les caractères de la réalité de ses racines sont que la seconde équation dérivée

ait toutes ses racines réelles, et que l’équation en résultante de l’élimination de par le moyen de celle-ci et de l’équation

ait tous ses termes positifs, et ainsi de suite.

Donc enfin, pour avoir tous les caractères de la réalité des racines de l’équation

1o On fera

et l’on éliminera au moyen de l’équation

on aura la première équation en

2o On fera

et l’on éliminera au moyen de l’équation

on aura la seconde équation en

3o On fera

et l’on éliminera au moyen de l’équation

on aura la troisième équation en et ainsi de suite.

Ces équations en seront au nombre de si l’équation primitive est du degré parce que la ième fonction dérivée de sera constante et ne contiendra plus .

10. Cela posé, les caractères de la réalité des racines de l’équation se réduiront à ce que tous les termes de ces différentes équations en soient positifs, c’est-à-dire du même signe que le premier dans chaque équation.

Or il est aisé de voir que, l’équation étant du degré les fonctions dérivées seront successivement des degrés et que les équations en seront aussi de ces mêmes degrés ; elles fourniront, par conséquent, chacune autant de conditions, de sorte que le nombre total des conditions sera

Nous avons déjà vu (Chap. V, no 28) qu’on peut déduire les caractères de la réalité de toutes les racines d’une équation de son équation des différences, laquelle doit avoir pour cela tous ses termes alternativement positifs et négatifs, ce qui donne autant de conditions qu’il y a d’unités dans le degré de cette équation ; de sorte que, étant le degré de l’équation proposée, sera le nombre des conditions nécessaires pour la réalité de toutes les racines. Ainsi les deux méthodes donnent le même nombre de conditions, ce qui est d’autant plus remarquable que, dans les équations du troisième et du quatrième degré, les conditions de la réalité des racines sont réductibles à un moindre nombre, comme on l’a vu dans le Chapitre cité (Art. II).

Mais la méthode précédente a cet avantage, que les conditions trouvées pour la réalité des racines des équations d’un degré quelconque peuvent servir pour tous les degrés plus élevés, ce qui n’a pas lieu à l’égard de celles qui résultent des équations des différences. Ainsi l’on pourrait facilement construire des Tables qui contiendraient successivement les caractères de la réalité de toutes les racines, en commençant par l’équation du second degré, et remontant successivement aux équations plus élevées.

11. Pour donner un essai de ces Tables, nous commencerons par la fonction la plus simple de qui est ou que nous désignerons par et nous remonterons successivement aux fonctions primitives, que nous désignerons par en sorte que sera la fonction dérivée de , la fonction dérivée de , et ainsi de suite. Nous aurons ainsi, en multipliant ces fonctions par les nombres pour éviter les fractions, et ajoutant successivement les constantes ,

Maintenant, pour l’équation du second degré

,

on fera

,
et l’on éliminera au moyen de l’équation

on aura l’équation en

Donc

sera la condition de la réalité des racines de l’équation proposée.

Pour l’équation du troisième degré

on aura d’abord la condition précédente ; ensuite on fera savoir

et l’on éliminera au moyen de l’équation

on trouvera cette équation du second degré

en faisant pour abréger

ainsi l’on aura de plus ces deux conditions

Pour l’équation du quatrième degré

on aura d’abord les trois conditions précédentes ; ensuite on fera

et, éliminant au moyen de l’équation

on aura une équation en du troisième degré, qui, étant représentée par

donnera de plus les trois conditions

et ainsi de suite.

12. Au reste, nous ne devons pas oublier une très-belle conséquence que De Gua a tirée de sa théorie ; voici en quoi elle consiste.

Si dans l’équation on substitue à la place de on a, par la formule du développement des fonctions, la transformée

dont on peut faire disparaître un terme quelconque, contenant par exemple la puissance en déterminant de manière que l’on ait Or, nous venons de voir que, si toutes les racines de l’équation sont toutes réelles, les valeurs de et sont nécessairement de signes contraires pour toutes les valeurs de qui résultent de l’équation donc aussi les valeurs de et de seront de signes contraires pour toutes les valeurs de résultantes de l’équation D’où il s’ensuit que, si l’on fait évanouir un terme quelconque de la transformée en les deux termes voisins auront nécessairement des signes différents si la proposée a toutes ses racines réelles ; par conséquent, elle aura des racines imaginaires si les termes voisins de celui qui disparaît ont les mêmes signes, et de là on peut conclure aussi que toute équation à qui il manque des termes a nécessairement des racines imaginaires si les termes voisins de ceux qui manquent sont de même signe.

13. Lorsque toutes les racines de l’équation s’ont réelles, on peut trouver leurs limites sans le secours d’aucune autre équation, par le moyen de la seule règle de Descartes dont nous avons parlé plus haut (no 5) ; car, si l’on diminue, par exemple, toutes les racines d’une équation en de la quantité en y substituant à la place de la transformée en ou en aura autant de variations de signe de moins qu’il y aura de racines positives de l’équation en qui seront devenues négatives dans l’équation en et par conséquent, parmi les racines positives de l’équation en il y en aura autant qui seront moindres que Donc, si l’on forme successivement les transformées en chaque variation de signe qui disparaîtra d’une transformée à l’autre, par exemple de la transformée en à la transformée en indiquera une racine positive moindre que mais non moindre que et par conséquent contenue entre les limites et On pourra trouver ainsi successivement les premières limites des racines positives, et l’on aura de même celles des racines négatives par la considération des permanences dans les transformées en

14. J’ignore si cette remarque avait été faite avant le Mémoire que M. Budan présenta à l’Institut en 1803, et qu’il vient de publier avec des augmentations, sous le titre de Nouvelle méthode pour la résolution des équations numériques. L’Auteur y donne un moyen simple et élégant de former les coefficients des transformées en et, appliquant la règle de Descartes à ces transformées ainsi qu’à d’autres déduites de celles-là, il trouve les limites de toutes les racines et leurs valeurs aussi approchées qu’on veut. On peut dire que cet Ouvrage ne laisse rien à désirer sur la résolution des équations numériques dont toutes les racines sont réelles, et il pourrait à cet égard servir de supplément au présent Traité.

Au reste, si l’équation avait des racines imaginaires, il pourrait disparaître des variations de signe d’une transformée à l’autre sans qu’aucune des racines réelles positives devînt négative, comme on peut s’en convaincre aisément par des exemples ; ainsi l’équation

a pour transformée en

où l’on voit que deux variations de signe ont disparu ; cependant, elle n’a pas de racines entre et

Mais, si le nombre des variations de signe qui disparaissent d’une transformée à la suivante était impair, on en pourrait toujours conclure l’existence d’une racine réelle positive, car cela ne peut arriver à moins que le dernier terme pe change de signe. Or il est visible que les derniers termes des transformées en ne sont autre chose que les résultats des substitutions de et de à la place de dans la proposée, parce que ces transformées se réduisent à leur dernier terme en y faisant ainsi il doit nécessairement y avoir une racine réelle entre et (Chap. I, no 1 ). La transformée en de l’équation ci-dessus est

qui a une variation de moins que la précédente aussi y a-t-il une racine de la proposée entre et


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