Œuvres complètes de Bernard Palissy/Discours admirables de la Nature des eaux et fontaines, etc./Advertissement aux lecteurs

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Texte établi par Paul-Antoine CapJ.-J. Dubochet et Cie (p. 132-133).

ADVERTISSEMENT
AUX LECTEURS.




A mi lecteur, le desir que i’ay que tu profites à la lecture de ce liure, m’a incité de t’aduertir que tu te donnes garde de enyurer ton esprit de sciences escriptes aux cabinets par vne theorique imaginatiue, ou crochetee de quelque liure escrit par imagination de ceux qui n’ont rien practiqué, et te donnes garde de croire les opinions de ceux qui disent et soustiennent que theorique a engendré la practique. Ceux qui enseignent telle doctrine prennent argument mal fondé, disans qu’il faut imaginer et figurer la chose que l’on veut faire en son esprit, deuant que mettre la main à sa besongne. Si l’homme pouuoit executer ses imaginations, ie tiendrois leur party et opinion : mais tant s’en faut, si les choses conceües aux esprits se pouvoyent executer, les souffleurs d’alchimie feroyent de belles choses, et ne s’amuseroyent à chercher l’espace de cinquante ans, comme plusieurs ont fait. Si la theorique figuree aux esprits des chefs de guerre se pouuoit executer, ils ne perdroyent iamais bataille. I’ose dire à la confusion de ceux qui tiennent telle opinion, qu’ils ne sçauroyent faire un soulier, non pas mesmes un talon de chausse, quand ils auroyent toutes les theoriques du monde. Ie demanderois à ceux qui tiennent telle opinion, quand ils auroyent estudié cinquante ans aux liures de Cosmographie et nauigation de la mer, et qu’ils auroyent les cartes de toutes régions et le cadran de la mer, le compas et les instruments astronomiques, voudroyent ils pourtant entreprendre de conduire vn nauire par tout pays, comme fera un homme bien expert et practicien ils n’ont garde de se mettre en danger, quelque theorique qu’ils ayent apprise : et quand ils auront bien disputé, il faudra qu’ils confessent que la practique a engendré la theorique. I’ay mis ce propos en auant, pour clorre la bouche à ceux qui disent, comment est il possible qu’vn homme puisse sçauoir quelque chose et parler des effects naturels, sans auoir veu les liures Latins des philosophes ? Un tel propos peut auoir lieu en mon endroit, puis que par practique ie prouue en plusieurs endroits la theorique de plusieurs philosophes fausse, mesmes des plus renommez et plus anciens, comme chascun pourra voir, et entendre en moins de deux heures, moyennant qu’il vueille prendre la peine de venir voir mon cabinet, auquel l’on verra des choses merueilleuses qui sont mises pour tesmoignage et preuue de mes escrits, attachez par ordre et par estages, auec certains escriteaux au dessouz, afin qu’vn chacun se puisse instruire soy mesme : te pouuant asseurer (lecteur) qu’en bien peu d’heures, voire dans la premiere iournee, tu apprendras plus de philosophie naturelle sur les faits des choses contenues en ce liure, que te ne sçaurois apprendre en cinquante ans, en lisant les theoriques et opinions des philosophes anciens. Aucuns ennemis de science se mocqueront des astrologues : en disant, où est l’eschelle par où ils sont montez au ciel, pour connoistre l’assiette des astres ? Mais en cest endroit ie suis exempt de telle moquerie ; par ce qu’en prouuant mes raisons escrittes, ie contente la veuë, l’ouye et l’atouchement : à raison dequoy les calomniateurs n’auront point de lieu en mon endroit : comme tu verras lors que tu me viendras voir en ma petite Academie.

Bien te soit.




D epuis que le liure a esté commencé de mettre suz la presse, plusieurs personnages m’ont requis d’en faire lecture, afin d’auoir plus certaine connoissance des choses difficiles, qui m’a incité d’escrire ce qui s’ensuit : à sçavoir que si apres l’impression dudit liure, il se présente quelqu’un qui ne se contente d’avoir veu les choses par escrit en son priué, et qu’il desire auoir vne ample interpretation, qu’il se retire par deuers l’imprimeur, et il lui dira le lieu de ma demeurance, auquel on me trouuera touiours prest à faire lecture et desmonstration des choses contenues en icelui.

Aussi si quelqu’vn vouloit edifier vne fontaine, selon le dessein y contenu, et qu’il ne puisse entendre clerement l’intention de l’aucteur, ie luy feray un modelle, par lequel il pourra facilement entendre ce que dessus.


LES PRINCIPAVX POINTS
TRAITEZ EN CE LIURE.



1.
D ES eaux des fleuues, fontaines, puits, cisternes, estangs, marez et autres eaux douces : de leur origine, bonté, mauuaistié, et autres qualitez : auec le moyen de faire des fontaines en tous lieux.
2. De l’Alchimie : des metaux, de leur generation et nature.
3. De l’or potable.
4. Du mitridat.
5. Des glaces.
6. Des diuerses sortes des sels vegetatifs ou generatifs, et soustenans les formes, en la generation de ces corps terrestres, de leur nature et merueilleux effects.
7. Du sel commun, la maniere de le faire auec la description des marez salans.
8. Des pierres tant communes que precieuses : des causes de leur generation : des diuerses formes, couleur, pesanteur, dureté, transparence, et autres qualitez d’icelles.
9. Des diuerses terres d’argille, natures et effects d’icelles.
10. De l’art de terre, de son vtilité : des esmaux et du feu.
11. De la marne, de son vtilité, avec le moyen de la connoistre et en trouver en toutes provinces.