Les Tableaux vivants/15

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Les Tableaux vivants (1870)
Éditions Blanche (p. 99-103).

XV

LE MANCHE DU GIGOT

— Allons donc ! fit Cora. Tu te vantes ! Si tu voyais, là, devant tes yeux, un jeune garçon bien beau, bien blanc, qui te présenterait le derrière, tu aurais peur et tu te sauverais à toutes jambes !

— Ah ! chère enfant, lui dis-je, vraiment non. Il faut connaître de tout un peu et…

— Bah ! reprit Cora en riant, tu aimes trop les femmes !

— C’est, en effet, ce que je vais te prouver sur l’heure !

Tandis que je le lui prouvais et qu’elle jouait des reins :

— Tu te vantais, tout à l’heure, me disait-elle, tu te vantais ; tu n’as pas tant de vices, et, même pour une fois, tu ne serais pas pédéraste… Mais va… va !…

Au bout d’une heure, j’avais oublié ce petit débat. Deux jours après, Cora m’écrivit pour me prier d’aller déjeuner le lendemain avec elle et une petite amie « avec qui je m’arrangerais bien. » Ce sont là les termes de sa lettre.

Le lendemain j’arrivai à l’heure dite. Le déjeuner était servi dans le boudoir tendu de satin rouge. Cora me présenta la jeune amie, qui se nommait Hyacinthe.

Hyacinthe était une grande fille, blanche, potelée, avec des cheveux du plus beau rouge vénitien que l’on pût voir. L’idée me vint aussitôt qu’ils étaient teints, suivant la mode du jour, que je goûte fort. Hyacinthe qui paraissait dix-huit ans au plus, avait de beaux yeux d’un brun clair, avec une grande pureté de traits et une bouche divine. Je lui demandai la permission de la baiser. Ce qu’elle m’accorda sans hésiter. Une fraîche haleine m’embauma. Cora, se penchant alors à mon oreille, me dit :

— Tu sais que je ne suis point jalouse !

On se mit à table ; les propos s’échauffèrent. Cora caressait Hyacinthe, à qui elle disait en me montrant du doigt :

Rends-lui mes caresses.

La bouche d’Hyacinthe vint de nouveau s’attacher à la mienne. Nos langues se mêlèrent… J’étais ravi de tant de grâce, de fraîcheur et de naïf abandon.

— Hyacinthe, donnez-moi votre sein à sucer, lui dis-je.

Là-dessus, voilà-t-il pas Cora qui part d’un grand éclat de rire ! Hyacinthe l’imite, les deux folles se pâment. Et moi je leur dis :

— Qu’avez-vous ? Cela les fit rire plus fort.

Cependant nous commencions de sabler le champagne. Les yeux de Cora se couvraient d’un voile, ceux d’Hyacinthe brillaient comme deux clairs soleils. Je la tenais serrée contre moi. Les mains de la belle enfant s’égarèrent, cherchant la preuve de l’émotion qu’elle me causait. C’était là une avance marquée que je n’avais garde de ne pas lui rendre.

Je passe donc une main sous ses jupes. Quelle peau ! quelles cuisses bien modelées !… Je monte et… je rencontre un grand vilain linge…

— Ah ! Hyacinthe, quel malheur ! Vous avez vos…

— Que veux-tu ! me cria Cora, qui riait de plus belle, ce n’est pas le bon jour !… Mais moi, Hyacinthe, moi, je n’ai pas mes affaires !

Ce disant, un verre de champagne à la main, elle se jette sur le sofa, troussée jusqu’à la ceinture. Hyacinthe tombe à genoux devant elle et lui baise le ventre et la motte ; et moi de tirer Hyacinthe en arrière.

— Que m’importent les règles ! Est-ce qu’un homme échauffé s’arrête devant cet accident de la nature ? Est-ce qu’un peu de sang pur qui coule sous l’assaut d’un membre amoureux n’est pas un condiment de plus au plaisir ?

Voilà ce que je disais à Hyacinthe, qui m’écoutait tout en léchant doucement le clitoris de Cora, qui commençait à jouir… Soudain celle-ci se leva.

— Tu le veux ! me cria-t-elle.

— Si je le veux ! répondis-je avec ardeur ; règles ou non, j’enfilerai Hyacinthe, et toi après elle, et Hyacinthe encore après toi !

— Seigneur, dit plaisamment Cora, que votre volonté soit faite !

Elle annonça qu’elle voulait diriger la chaude action qui allait s’ouvrir entre la belle Hyacinthe et moi. Elle fit mettre Hyacinthe à genoux sur le sofa. Je troussai la jeune hétaïre, et tandis qu’on lui ôtait la serviette, je baisais ses jolies fesses. La croupe m’apparut un peu courte, mais d’une rondeur parfaite avec des chairs moelleuses et une peau de velours… Cependant la serviette tombe.

— Une, deux, trois… en avant ! crie Cora.

J’avance une main frémissante et je trouve un… un vit !… un énorme vit !…

Cora, retombée sur un fauteuil, se mourait encore de rire.

— Va, va ! me criait-elle… Ah ! tu as voulu tâter d’un joli garçon !… Mais tu n’oseras point… Je te l’ai bien dit que tu n’aurais pas le courage… Eh bien !… Eh bien !… mais il l’enc…

— Je l’encule ! m’écriai-je.

— Mais, fit Cora en se redressant, je veux ma part… Arrêtez, mes amours, arrêtez !… Hyacinthe me le fera par devant, tandis que tu le lui feras par derrière.

— Par tous les diables ! non ! répondis-je résolument ; je garde tout ! Il me faut le manche du gigot !

J’étais entré sans difficulté dans l’admirable derrière du bel et sensible Hyacinthe, je maniais à pleines mains son membre, plus dur que du fer. Quelle sensation étrange !

J’avais sodomisé bien des femmes, un homme jamais. Le plaisir est différent. Est-ce le préjugé qui s’y mêle ? Est-ce la victoire remportée sur ce préjugé ridicule qui rend la jouissance plus âcre et plus véhémente ? Oui ou non, la nature m’a-t-elle donné la faculté de jouir ? Elle n’a fait la distinction des sexes ni des moyens !

Jamais je n’avais pressé de fesses si moelleuses que celles de ce jeune garçon. Je le pénétrai jusqu’aux entrailles, je le branlai avec fureur, et son foutre brûlant inonda ma main… Cora se tenait à nos côtés, ivre de désir, rugissante, et nous débitant mille injures :

— Pourceaux ! Pédérastes infâmes ! Gibier de Sodome ! Et moi, ne jouirai-je donc point ?…

Hyacinthe, épuisé, venait de s’asseoir sur le sofa. Sous sa robe de femme, encore relevée jusqu’à la ceinture, ses cuisses brillantes m’apparurent… Ah ! je n’étais pas moins ivre que la pauvre Cora, déshéritée et altérée de plaisir ! Que ce jeune Hyacinthe était séduisant ! Quand tout en lui semblait si féminin, était-il bien sûr que ce fût un homme ? Il n’y avait point jusqu’à ce membre si gros et si robuste, jusqu’à cette pièce superbe qui ne montrât encore je ne sais quelle grâce inconnue ! Je ne pus m’empêcher d’y attacher mes lèvres !…

Mais Cora se jeta sur nous comme une lionne. Il n’était que juste de céder aux fureurs de la pauvre fille dépourvue.

— Baise-la, Hyacinthe, m’écriai-je, baise-la donc !

Le spectacle qu’ils me donnèrent tous les deux me rendit capable d’un second combat. Mais cette fois je priai mon jeune ami de quitter ses vêtements de femme : j’avais le courage de mon crime !

Hyacinthe, nu, m’apparut comme un de ces beaux adolescents dont parlent les poètes antiques. Le charmant enfant, brûlant de me plaire, voulut me procurer une jouissance nouvelle : il s’agenouilla devant moi.

Ah ! Qu’il était à ce jeu plus habile qu’une femme ! Il n’a point connu le bonheur, celui qui n’a pas été sucé par un bardache !