Page:Le Tour du monde - 15.djvu/284

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entendu la chanson des Bretons armoricains et des Gallois. En voici la traduction :

CHORUS.

Un navire, poussé par la tempête, est arrivé d’une terre éloignée, dans un port de Cambrie.

LES GALLOIS.

Étrangers ! dites-nous qui vous êtes et d’où vous venez ?

LES BRETONS.

Nous sommes Bretons de l’Armorique, venus pour vous visiter, au delà de la mer.

LES GALLOIS.

Votre arrivée est un heureux événement. Nous aussi, nous sommes Bretons ; nos grands-pères étaient les pères des vôtres, et nos mères sont de la même race.

CHORUS.

Alors, Frères, puisque nous avons trouvé aujourd’hui des frères[1], chantons la gloire de nos pères valeureux.


TOUTE L’ASSEMBLÉE.

Chantons ceux qui ne craignaient pas la face de César, quand il faisait trembler le monde ; ceux qui défirent les Pictes et les Saxons avec nos rois Arthur et Howel ; ceux qui chassèrent de l’Armorique la race des Francs, et résistèrent longtemps avec gloire au pouvoir normand. Le Breton de l’Armorique rencontre encore une fois le Cambrien ; la bannière noire se réunit et la bleue. Chantons ceux qui, depuis mille ans, combattirent pour Dieu, notre pays, notre liberté et notre langue ; ceux qui défendirent la patrie jusqu’à la mort. Comme l’a chanté le Barde dans sa prédiction, le Breton durera autant que son Océan[2].


LE BARDE.

Ô rochers ! qui n’avez jamais gardé l’écho d’un son ; gardez le cri de triomphe !

Ô rochers de Cambrie ! qui dominez la mer, répétez l’écho de la voix d’un barde de Bretagne. Répétez à jamais les courageuses actions de nos aïeux. S’ils les connaissaient, leurs cœurs seraient remplis de joie ! S’ils pouvaient mourir une seconde fois, ils béniraient leurs fils chéris.


Sommet du Snowdon. — Dessin du Grandsire d’après M. A. Erny.

Après les chœurs, plusieurs candidats récitèrent des poëmes dont l’un avait plus de deux mille vers ; un autre (composé sur y Eyr, l’armée) valut à son heureux auteur le grand prix et l’honneur de la chaire bardique. L’heureux Barde reçut la médaille (Ariandlws) des mains d’une dame, et fut placé dans la chaise bardique. Deux Bardes de premier rang vinrent chercher le vainqueur, le firent asseoir sur le fauteuil orné de festons et de plantes toujours vertes (symboles de l’immortalité bardique) ; au-dessus de sa tête l’un d’eux étendit l’épée nue, figurant la lance sanglante, sur laquelle les initiés juraient autrefois la guerre éternelle aux envahisseurs Germains et Saxons.

Contrairement aux traditions, l’Eisteddfod devait avoir une quatrième journée, mais la dernière séance fut presque vide, et cette innovation anglaise échoua devant les souvenirs du peuple.

Je profitai de cette journée pour visiter le château de Carnarvon, une des belles ruines du pays de Galles. Il est situé sur un rocher, au bord de la mer ; malheureusement les maisons qui l’entourent de plusieurs côtés empêchent d’en saisir d’un coup d’œil tout l’ensemble.

Les murs ont sept pieds d’épaisseur ; ils relient un grand nombre de tours qui communiquent entre elles par une triple galerie. La plus haute et la plus belle des tours est celle de l’Aigle, qui était anciennement surmontée d’un aigle en pierre. On monte jusqu’au faîte par un escalier de cent cinquante-huit marches. J’y suis

  1. On doit se rappeler à ce sujet la bataille de Saint-Caff, où les Bretons et les Gallois, après s’être reconnus, refusèrent de combattre.
  2. Tra mor tra Brython.