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j. delbœuf. — pourquoi mourons-nous ?

M. Maupas a poursuivi la multiplication de cet infusoire jusqu’à la 316e bipartition[1].

Voici comment il procédait. Il isolait un individu, le pourvoyait d’une nourriture abondante et le laissait se multiplier ordinairement pendant trois, quelquefois pendant quatre ou cinq jours, parfois pendant un ou deux jours seulement. Après ce laps de temps, il avait presque toujours plusieurs centaines d’individus. De nouveau, il en isolait un, qui servait de souche pour une seconde série ; et ainsi de suite. Il commença ses cultures le 27 février, et, le 10 juillet, il était en possession de 510 individus du 346e rang. Il isola encore un de ces 510 ; mais celui-ci ne donna plus naissance qu’à des avortons incapables de se reproduire et qui moururent bientôt.

Tel fut le sort commun de toutes les cultures de Stylonichia pustulata. Cette extinction, M. Maupas l’attribue à ce qu’il appelle la dégénérescence sénile. Il s’appuie sur ses observations pour écarter — avec raison, ce me semble — d’autres causes supposables, telles que altération du liquide, insuffisance de nourriture, mauvais choix des individus reproducteurs, accidents de toute sorte.

Dans une de ces cultures, M. Maupas s’est attaché à observer la dégénérescence sénile dès le début de son apparition : « Je crois, dit-il[2], avoir saisi son évolution sous sa forme vraie et complète. Cette culture, en effet, commencée avec une stylonichie sortant de conjugaison[3], doit représenter un cycle évolutif parfait de cette espèce. La dégénérescence y apparaît d’abord, pour ainsi dire, à l’état sporadique, n’attaquant que quelques individus, et cela dès la 100e génération. Puis, plus tard, vers la 200e génération, elle tend à se répandre et attaque un nombre d’individus de plus en plus grand. Elle se généralise enfin vers la 230e à 240e génération, à partir desquelles tous les individus en sont affectés. La mort et l’extinction de ce cycle de générations devient alors inévitable, dans un délai plus ou moins long. À l’état libre, dans les conditions naturelles de la lutte pour l’existence, ce délai doit être court, et les stylonichies, affectées du premier degré de dégénérescence, ne peuvent réussir à s’y conserver et propager qu’avec grande difficulté. Elles sont, en effet, devenues plus faibles et plus délicates ; et si, dans mes cul-

  1. Si toute cette descendance avait pu se maintenir, elle formerait une masse dont la 4096e partie comprendrait autant de sphères un million de fois plus volumineuses que le soleil que chacune de ces sphères elles-mêmes comprendrait de stylonichies.
  2. P. 210.
  3. On verra plus loin ce que signifie cette expression. Une semblable stylonichie doit être considérée comme absolument vigoureuse. La conjugaison est un acte analogue à une fécondation réciproque opérée par deux individus accouplés.