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De plus il sait où il va, quel but il poursuit : « Mes expériences, dit-il, contribueront puissamment et rapidement aux progrès de la physiologie et de la biologie générales. La facilité et l’économie avec lesquelles on peut se procurer des infusoires, l’énergie de leur activité physiologique et la rapidité d’évolution de leurs phénomènes de développement, en font d’admirables sujets d’observation et d’expériences. Nombre de questions, à peu près inabordables avec les autres êtres, à cause des exigences de temps et des dépenses qu’ils nécessiteraient, pourront être fructueusement mises à l’étude sur les infusoires, dans les laboratoires pourvus des plus modestes installations. C’est ainsi qu’en un peu moins de deux années, il m’a été possible de mener à bonne fin l’étude expérimentale à peu près complète des phénomènes sexuels chez ces protozoaires[1]. Cette étude, je l’espère, contribuera au progrès général de nos connaissances sur le mécanisme et la signification de la sexualité chez les autres êtres vivants. Les problèmes se rattachant aux questions de l’hérédité, de la variabilité et de l’évolution des espèces, de linfluence des milieux, et tant d’autres, pourront être abordés à l’aide d’expériences faciles à combiner et à suivre[2]. »

M. Maupas nous présente ensuite, en une vingtaine de pages, un tableau animé de la vie et des luttes de ces petits êtres. C’est d’eux sans doute que nous autres, hommes, avons hérité notre fureur de destruction. Dans tous les cas, ils n’ont rien à envier, sous ce rapport, à l’espèce humaine.

M. Maupas a étudié le développement et la multiplication de vingt espèces, dont huit ont été observées pendant plusieurs mois, quatre pendant un mois, et le reste pendant au moins quinze jours.

Donnons en spécimen l’histoire abrégée des générations d’une de ces espèces, la Stylonichia puslulata.

Cet infusoire se multiplie, comme tous les ciliés, par bipartition ; quand la température est de 24° à 28°, il peut se fissiparer jusque cinq fois en vingt-quatre heures. Si toutes ces générations pouvaient trouver leur nourriture, le total des individus à la cent cinquantième génération, c’est-à-dire au bout de trente jours, donnerait un nombre commençant par 1 suivi de 44 zéros, et tous ces individus réunis en une masse unique, représenteraient une sphère un million de fois plus volumineuse que le soleil !

  1. Voir les Comptes rendus de l’Académie des sciences, t.  CII, 1886, p. 1569 ; t.  CIII, 1886, p. 482 ; t.  CV, 1887, p. 175 et 356.
  2. Op. cit., p. 178.