Tante Gertrude/15

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Éditions du « Petit Écho de la Mode » (7p. 151-160).

CHAPITRE XV


— Voyons, chère Paule, ne vous désespérez pas ainsi. Puisque Jean vous a dit que quoi qu’il arrive vous pouviez compter sur lui, il faut avoir confiance et vous montrer courageuse.

— Mais que signifie l’arrivée de ce Ponthieu dont on n’avait jamais plus entendu parler ! Je suis sûre que ma tante aura encore manigancé là un tour de sa façon pour m’empêcher à n’importe quel prix d’épouser Jean ! Et le supplice de cette incertitude dans laquelle il m’a laissée !… Pourquoi ne m’a-t-il rien dit ? Que s’est-il passé hier entre lui et tante Gertrude ? Oh ! Thérèse, j’ai peur qu’il soit parti pour toujours et qu’il n’ait pas osé me l’avouer, craignant ma faiblesse et mes larmes ! Si j’allais ne plus le revoir !… Si tout était fini !…

Et une expression de terreur inexprimable passait dans les prunelles humides qui se levaient éplorées, cherchant à lire sur le visage de Thérèse sa pensée intime. Celle-ci, touchée par la peine de son amie, mais impuissante à la tirer d’inquiétude, ne sachant rien, étant comme elle dans une ignorance complète des projets de la vieille châtelaine, resta quelque temps silencieuse, puis embrassant Paulette, elle demanda :

— Que vous a dit Mlle Gertrude, hier soir, lorsque vous êtes rentrée ?

— Rien qui ait pu me rassurer… au contraire ! « Ma chère, a-t-elle déclaré de sa voix la plus sèche, tu voudras bien me faire le plaisir de ne plus me parler, pour le moment du moins, de ce Jean Bernard que j’ai mis à la porte et que je compte bien ne plus revoir ! J’attends demain M. de Ponthieu, qui m’a écrit pour m’annoncer sa visite et qui désire renouveler connaissance avec toi. J’espère que tu sauras lui faire l’accueil qu’il convient ; après son départ, si cette sotte affaire te tient encore à cœur, nous en recauserons tout à notre aise !… » Et elle est sortie de la salle sans même me regarder. Comme vous le savez, elle n’est pas descendue pour le dîner, prétextant des lettres pressées à écrire… Voilà tout !

— Oui, c’est vraiment bien étrange, murmura Thérèse.

— Vous n’avez pas vu Jean, lorsqu’il est venu hier ? interrogea Paule avec anxiété.

— Je l’ai aperçu seulement comme il quittait le vestibule. Il marchait très vite, la tête baissée, et semblait fort préoccupé. Voyons, ma chérie, continua Thérèse tendrement, il faut prendre courage. En attendant, venez vous faire belle pour recevoir le comte de Ponthieu.

— Me faire belle pour un autre que Jean ! Oh ! non ! — et la jeune femme secoua la tête d’un air de défi. Il me fait horreur, ce Ponthieu ! Rien que la pensée de le supposer de connivence avec ma tante pour comploter contre notre bonheur me le fait détester ! Je voudrais être laide ! laide à faire peur, pour me présenter devant lui ! Voyez, j’ai mis la toilette qui me va le plus mal, ma robe noire des mauvais jours, et j’ai arrangé mes cheveux de façon à être aussi vilaine que possible.

Pauvre Paulette ! elle n’avait guère réussi à s’enlaidir, pensait Thérèse, comme elle examinait, sans pouvoir s’empêcher de l’admirer, la jolie tête nimbée d’or, le visage aux traits si fins, si délicats, la bouche tendre, les prunelles éblouissantes dans leur bleu azuré, le teint éclatant de fraîcheur, que faisait valoir encore le sombre de la robe noire. La coupe simple et sévère de cette toilette que Thérèse lui avait taillée dans un de ses anciens costumes de deuil faisait ressortir admirablement le buste souple, la taille mince et élégante de la jeune femme ; la traîne la faisait paraître plus grande et ajoutait encore à sa démarche naturellement distinguée. Jamais Paulette n’avait semblé plus belle à Thérèse, qui déclara en souriant affectueusement :

— J’ai bien peur que M. de Ponthieu ne vous trouve pas trop laide, ma chérie. Vous feriez une bien jolie comtesse !

— Oh ! Thérèse, ne parlez pas ainsi !

Et les yeux bleus de la jeune femme prirent soudain une telle expression de souffrance que son amie en fut bouleversée.

— Pardon, ma chérie, pour cette innocente plaisanterie, je ne croyais pas vous faire de la peine, dit-elle vivement. Allons, je dois vous quitter pour retourner à mes occupations habituelles ; soyez calme et forte. Il est onze heures ; M. de Ponthieu ne tardera pas à arriver. À bientôt ! du courage.

Thérèse se retira après avoir embrassé tendrement Mme Wanel, dont la tristesse et l’air découragé lui faisaient mal à voir.

Restée seule, Paule retomba dans les sombres pensées auxquelles elle était en proie depuis la veille au soir. La nouvelle du départ de son fiancé que Thérèse avait apprise par la vieille Zoé en passant devant l’Abbaye et qu’elle venait de lui annoncer, ajoutait encore aux tristes pressentiments qui l’accablaient. Malgré l’assurance de Jean, elle avait peur de ne jamais plus le revoir… Cette visite inopinée du comte de Ponthieu l’intriguait et l’inquiétait tout à la fois… Elle sentait la main de sa tante dans ce retour aussi étrange qu’inattendu. Sans doute, la vieille fille avait renoncé à lui faire épouser M. Le Saunier, mais elle ne désarmait pas et espérait avoir plus de succès avec son ancien compagnon d’enfance… Qu’avait-elle dit à Jean Bernard ? Avec quelles insultes l’avait-elle chassé de Neufmoulins ? Où s’était arrêté le torrent d’outrages dont elle l’avait sans doute accablé ? Paule connaissait assez la nature emportée de sa parente pour se douter de ce qui avait dû se passer. Jean, toujours délicat, n’avait pas voulu lui en dire un mot pour lui éviter une nouvelle peine, un nouveau chagrin, mais elle ne devinait que trop la scène pénible et douloureuse, les affronts subis par le jeune homme. Pour la centième fois la même question lui martelait la tête :

— Que s’était-il passé ?

Lorsqu’il l’avait quittée pour se rendre à l’ordre intimé par la châtelaine de venir lui parler, sur l’heure, il était prêt à se sacrifier, à broyer son propre cœur, à renoncer à elle… Il l’avait suppliée de l’oublier, d’épouser un homme de son rang qui lui donnerait la place qu’elle devait occuper dans la vie, qui la ferait riche et honorée…

De retour auprès d’elle, il lui avait annoncé son départ obligé, mais il n’avait plus exigé le sacrifice… il l’avait laissée maîtresse de sa destinée, s’engageant à venir la chercher si elle l’aimait toujours, si elle le préférait à tous…

Que s’était-il passé, qui avait pu ainsi changer sa décision ?… Et prenant dans ses deux mains brûlantes sa tête lourde de pensées inquiètes, livrée à des suppositions contradictoires, à des alternatives d’espérance et de découragement, Paule songeait, songeait…

— Mademoiselle fait prévenir madame qu’on l’attend au salon.

La jeune femme tressaillit à ces mots prononcés par la servante qu’elle n’avait pas entendue entrer.

— Bien, j’y vais.

Et Paule, brusquement arrachée à sa rêverie, se leva, chancelante, bouleversée à l’idée de revoir ce comte de Ponthieu dont elle avait presque oublié la visite…

— Encore une épreuve ! pensa-t-elle en se dirigeant d’un pas automatique vers le salon qui se trouvait au rez-de-chaussée.

Puis le souvenir de son nom se présentant soudain à son esprit, son cœur se serra encore plus.

— Il s’appelle Jean, lui aussi, murmura-t-elle. Quelle dérision !

Arrivée devant la porte, elle s’arrêta. Une émotion étrange la faisait trembler, elle se sentait défaillir… elle devait être livide ! Elle posa une main sur son cœur pour en comprimer les battements qui semblaient l’étouffer… Sa pensée vola vers celui qu’elle aimait et qui était parti loin d’elle, dans l’inconnu, chercher sans doute un nouveau gagne-pain, errant triste et pauvre…

— Mon Jean, mon bien-aimé, je vous serai fidèle ! murmura-t-elle comme dans une sorte de protestation, et pour se donner du courage. Quoi qu’il arrive, je serai votre femme !…

Faisant alors un effort surhumain, elle entra dans le salon où l’attendait le comte de Ponthieu.

— Ma nièce, je te présente Jean de Ponthieu.

La voix forte de Mlle Gertrude avait un accent de triomphe qui blessa la jeune femme.

Les yeux baissés, les mains pendantes, elle s’avança. Une contraction pénible remplaçait le sourire tendre qui lui était habituel ; son visage pâle, son attitude contrainte faisaient peine à voir…

— Permettez-moi, madame…

Oh ! cette voix !… Elle releva vivement la tête. Que signifiait cette comédie ? Jean Bernard, souriant, ému, était là devant elle ; une lueur d’amour infini illuminait ses grands yeux noirs, son visage rayonnait d’un bonheur ineffable…

Paule, éperdue, se tourna vers sa tante.

La vieille châtelaine, transfigurée, elle aussi, la contemplait avec un sourire si tendre, une telle expression de joie que la jeune femme en fut comme éblouie.

— Je ne comprends pas, balbutia-t-elle, en devenant de plus en plus pâle.

— Allons, Jean, explique-lui… Vite ! soutiens-la ! elle va tomber, la pauvre petite !

Alors, appuyée sur la poitrine de son fiancé qui riait et pleurait tout à la fois, Paule, les yeux fermés, écoutant comme dans un rêve cette voix grave qui la berçait de son récit étrange et merveilleux, Paule apprit toute l’histoire…

Quand elle se dégagea des bras de Jean de Ponthieu, ivre d’émotion et de bonheur, pour courir toute frémissante se jeter au cou de Mlle Gertrude, celle-ci avait disparu, ne voulant pas troubler cette scène d’amour qui était son œuvre, craignant aussi de laisser voir son trouble et ses larmes.

— Eh bien ! ma nièce, déclara-t-elle gaiement en rentrant dans la pièce une heure plus tard, qu’est-ce que je t’ai dit que, moi vivante, tu n’épouserais pas ton Jean Bernard ! Vertudieu ! étais-tu assez furieuse ! « Tante Gertrude, je Vous jure que je ne serai jamais la femme du comte de Ponthieu ! Si vous avez caressé ce projet pour me détacher de Jean Bernard, vous n’y réussirez pas ! » Dis un peu que Gertrude de Neufmoulins n’a pas bien gardé la devise : Ce que Neufmoulins veut, Neufmoulins peut !

— Oh ! tante Gertrude ! tante Gertrude !

C’était tout ce que pouvait dire Paule, dans sa joie éperdue… Mais ses baisers parlaient pour elle, et pour la première fois ne recevaient pas les rebuffades habituelles de la vieille fille.

Celle qui fut bien étonnée aussi, ce fut Thérèse, lorsqu’elle arriva à l’heure du déjeuner dans la salle où les jeunes gens et la châtelaine se trouvaient déjà.

Son air absolument stupéfait n’échappa point aux yeux perçants de Mlle Gertrude.

— Tu cherches notre hôte, le comte de Ponthieu, dit-elle gaiement. Ma chère, il est devant toi !

Et désignant son régisseur qui s’avançait radieux, les mains tendues :

— Le comte de Ponthieu, ma petite !

La jeune fille s’était arrêtée à l’entrée de la pièce et regardait d’un air effaré tous ceux qui l’entouraient.

— Tu n’y comprends rien, hein ? continua la châtelaine, ça ne m’étonne pas ! Il n’y a que Gertrude de Neufmoulins qui ait su se tirer d’un pareil imbroglio ! Enfin, ça ne fait rien ! Assieds-toi à table et pendant que tu mangeras, ma nièce, à qui la joie a bien sûr ôté l’appétit — regarde-moi cette figure extasiée ! je suis certaine qu’elle nage dans les régions éthérées, au troisième ciel, sinon plus haut ! — ma nièce, dis-je, te mettra au courant de l’histoire.

Jean, qui pendant ce colloque avait pris dans les siennes les mains de l’orpheline et les serrait bien fort, la voyant toute troublée, lui parla doucement, comme aux jours où il la réconfortait, dans ses moments de tristesse et de désespérance.

— Mademoiselle Thérèse, n’avez-vous rien à dire à votre ami ? Ne me félicitez-vous pas de mon bonheur ?

— Monsieur le comte…

— Chut ! voulez-vous bien vous taire ! Il n’y a et il n’y aura jamais pour vous que « monsieur Jean », le conseiller, le compagnon de travail…

La jeune fille, trop émue pour répondre, se dégagea et courut à Paulette. Les deux amies s’embrassèrent dans une longue étreinte, tandis que Thérèse murmurait tout bas, au milieu de ses larmes :

— Enfin, Paulette, vous allez être heureuse ! le ciel a exaucé mes prières !

Après le déjeuner, pendant lequel l’orpheline avait été mise au courant de tout ce qui s’était passé, on se réunit dans le cabinet de la châtelaine.

— J’ai vécu ici les heures les plus douces et les plus cruelles de ma vie, déclara Paule d’une voix joyeuse, mais encore pleine d’émotion contenue.

— Eh bien, ma petite, il faudra, à l’avenir, faire de cette pièce ton petit salon favori, ton boudoir, comme vous dites, vous autres, jeunes fashionables, répondit Mlle Gertrude, en s’installant dans un fauteuil.

— Oh ! tante Gertrude, je ne voudrais pas vous en priver.

— Ah çà ! crois-tu donc que je vais encore prendre la peine d’administrer votre fortune à tous les deux ? Non, non, ma chère, j’en ai assez de tout cet embarras ! Je vais vous remettre les clefs de cet immense caravansérail, j’y joindrai les deux millions que mon frère vous destinait, puis je retournerai planter mes choux !

Une même protestation s’échappa des lèvres des jeunes gens.

— Ta, ta, ta ! paix, mes tourtereaux ! Mon cher Jean, je me suis donné assez de mal pour toi et pour cette petite personne qu’il fallait dresser selon les désirs de ton cœur, maintenant débrouillez-vous ! Moi, je vais me reposer. Croyez-vous donc, mes enfants, que ce soit pour mon plaisir que j’aie pris la charge de cette fortune ? Vertudieu ! vous ne me connaissez guère ! Moi qui ai horreur de l’argent et de tous les ennuis qu’il nous procure ! Non, non, Gertrude de Neufmoulins mourra pauvre comme elle a vécu ! Vous allez vous dépêcher de vous marier, et ensuite, bonsoir ! je regagne mon vieux nid que j’ai toujours regretté.

— Oh ! tante Gertrude, vous ne ferez pas cela, s’écria Paulette, tout éplorée. Vous resterez avec nous, vous ne nous quitterez jamais. Jean, venez à mon secours, dites à ma tante qu’elle ne peut pas s’en aller ainsi — et la jeune femme adressa un regard suppliant à son fiancé.

— Non, Jean, mon enfant, protesta la châtelaine de sa voix impérieuse en voyant que le comte de Ponthieu s’apprêtait à parler, toute insistance serait inutile ; ma résolution est prise. Je vous rends ce legs que je n’avais accepté que comme un dépôt. Jean de Neufmoulins doit tressaillir de joie dans sa tombe ; je suis arrivée à ce qu’il avait désiré et n’avait pu réaliser : voir Paulette, qu’il aimait, comtesse de Ponthieu et femme de ce Jean qu’il aimait aussi et tenait en si haute estime. Je retourne vivre seule dans mon trou…

— Vous ne serez pas seule, mademoiselle, dit Thérèse de sa voix douce et grave, je ne vous quitterai pas.

— Ma petite, c’est ce qui te trompe. Je n’ai pas besoin de toi du tout ! Il y a assez longtemps, pauvre enfant, que je te fais languir après la réalisation de tes vœux ! Mais tu me pardonneras lorsque tu sauras mon motif. Que veux-tu, nous autres, les vieux, nous sommes toujours un peu des égoïstes ! Il me fallait ton aide, ton exemple, pour faire de ma nièce une femme de ta trempe et de ta valeur ! Alors je t’ai gardée ! Jean s’est mis de la partie, et à lui seul, vois-tu, il a fait des miracles ! Mais tu as bien travaillé aussi à la conversion de notre Paulette… Désormais, tu continueras en priant pour elle, là-bas, dans ton couvent, où j’irai te conduire le lendemain du mariage.

Puis, voyant les larmes de l’orpheline, elle continua d’une voix tendre que cette dernière ne lui connaissait pas.

— Ma bonne petite Thérèse, il faut que je t’aime bien et que je veuille ton bonheur pour avoir ainsi le courage de me séparer de toi ! J’ai appris à tant t’apprécier depuis que je t’ai à mes côtés ! C’est bien vrai que Dieu prend pour lui tout ce qu’il y a de meilleur !… Ne pleure pas, va ! Ta vieille amie ira te voir quand elle se sentira prise d’un trop grand ennui, et plus tard, si Paulette a des enfants, elle te les donnera à élever ; tu sauras en faire de vraies femmes… Mais, assez d’émotions, sapristi ! déclara gaiement la châtelaine, après un instant de silence. Les domestiques vont croire à des catastrophes extraordinaires, eux qui n’ont jamais vu leur vieux dragon que bougonnant et pestant ! Maintenant, mes enfants, embrassez-moi et allez vous promener. J’en ai des comptes à débrouiller !

Mais les fameux comptes ne durent guère se débrouiller ce jour-là, car après le départ des jeunes gens, la vieille fille, brisée d’émotion, resta bien longtemps enfoncée dans son fauteuil, pleurant de joie, se remémorant ses alternatives d’espoir et de découragement dans l’exécution du projet aussi peu commode qu’original, que grâce au ciel elle avait enfin pu réaliser !

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Il ne fut bruit pendant un mois, dans la petite ville d’Ailly, que des événements qui s’étaient passés au château, de Jean Bernard, comte de Ponthieu, et du mariage de Mme Wanel. Comme toujours, les commérages allèrent leur train ; puis, comme tout marche dans la vie et que tout s’y succède avec une rapidité vertigineuse, on parla bientôt d’autre chose.

Mlle de Neufmoulins revint occuper sa modeste maisonnette, mais elle n’y était pas souvent seule. Chaque matin, on la voyait prendre la direction du château, escortée d’une grande fillette, aux cheveux bruns flottants, aux yeux noirs rieurs et superbes, que tout le monde se montrait avec admiration et qui répondait joyeuse à tous les saluts, aux attentions dont elle était l’objet.

— C’est Mlle Madeleine de Ponthieu. Elle est aussi belle que bonne, répétait-on sur son passage.

Et le soir, les habitants qui prenaient le frais sur le pas de leurs portes se découvraient respectueusement devant la vieille fille, qui passait, droite et fière, appuyée au bras d’un élégant cavalier de haute taille, de tournure distinguée, au visage mâle et énergique.

— Quel homme, que ce comte de Ponthieu ! murmuraient les jeunes gens d’un air envieux.

— A-t-elle eu de la chance, la petite Paulette ! disaient les femmes d’un ton jaloux et dépité.

Mais la comtesse de Ponthieu, inconsciente des critiques, rayonnante et plus jolie que jamais, marchait gaiement bras dessus bras dessous avec Madeleine, fière de son mari et de l’estime dont il jouissait…

Si son regard se détachait parfois de celui qu’elle aimait éperdument, c’était pour se poser débordant de reconnaissance sur la vieille parente à qui elle devait son bonheur !

FIN