Aller au contenu

Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Pierre de touche

La bibliothèque libre.

PIERRE DE TOUCHE

La pierre de touche, sur laquelle on frotte les métaux pour les reconnaître à la couleur de la trace qu’ils laissent à sa surface, est un basalte plus dur que l’or, l’argent, le cuivre, et dont la superficie, quoique lisse en apparence, est néanmoins hérissée et assez rude pour les entamer et retenir les particules métalliques que le frottement a détachées. Le quartz et le jaspe, quoique plus durs que ce basalte, et par conséquent beaucoup plus durs que ces métaux, ne nous offrent pas le même effet, parce que la surface de ces verres primitifs, étant plus lisse que celle du basalte, laisse glisser le métal sans l’entamer et sans en recevoir la trace. Les acides peuvent enlever cette impression métallique, parce que le basalte ou pierre de touche, sur laquelle on frotte le métal, est d’une substance vitreuse qui résiste à l’action des acides auxquels les métaux ne résistent pas.

Il paraît que le basalte, dont on se sert comme pierre de touche, est la pierre de Lydie des anciens : les Égyptiens et les autres peuples du Levant connaissaient assez ces basaltes pour les employer à plusieurs ouvrages, et l’on trouve encore aujourd’hui des figures et morceaux de ce basalte[1], pierre de Lydie, dont la texture est feuilletée et la couleur brune ou noire. Au reste, il ne faut pas confondre ce basalte, vraie pierre de touche, avec la pierre décrite par M. Pott[2], et à laquelle il donne ce même nom ; car cette pierre de M. Pott n’est pas un basalte, mais un schiste dur, mélangé d’un sable fin de grès : seulement on doit dire qu’il y a plus d’une sorte de pierre dont on se sert pour toucher les métaux ; et en effet, il suffit pour l’usage qu’on en fait, que ces pierres soient plus dures que le métal, et que leur surface ne soit pas assez polie pour le laisser glisser sans l’entamer.


Notes de Buffon
  1. La pierre de touche est un basalte feuilleté noir, assez dur pour recevoir le poli ; lorsqu’on frotte cette pierre avec un métal, il y laisse un trait coloré qui cède à l’action de l’acide nitreux, si ce métal n’est pas de l’or ou du platine… Les Égyptiens s’en sont servis pour faire des vases et des statues ; j’en ai vu plusieurs à Rome qui m’ont paru de la plus grande dureté, cependant, lorsqu’on laisse ces pierres exposées aux injures de l’air, elles se couvrent d’une espèce de poussière ou rouille qui détruit insensiblement leur poli. Il y a en Suède un basalte cendré ou noirâtre et feuilleté, nommé saxum trapezum, parce que dans sa fracture il représente quelquefois les marches d’un escalier (trapp, en suédois, veut dire escalier) ; il m’a paru d’un grain moins fin que la vraie pierre de touche. Lettres de M. Demeste, t. Ier, p. 375.
  2. La pierre de touche a été mal à propos nommée marbre noir : c’est, selon M. Pott, un schiste d’un noir luisant, dont le tissu est assez fin, composé de couches comme l’ardoise, ne faisant point d’effervescence avec les acides, ne donnant point d’étincelles avec l’acier, ni ne se réduisant en chaux dans le feu : cette pierre entre parfaitement en fusion, sans addition, par l’action d’un feu violent, et produit un verre en manière de scories, d’un brun foncé, quelquefois verdâtre, quelquefois noirâtre ; on en trouve en Bohême, en Silésie. Minéralogie de Bomare, t. Ier, p. 133 et suiv.