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Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Rubis et vermeille

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RUBIS ET VERMEILLE

Quoique la densité du rubis[NdÉ 1] soit de près d’un sixième plus grande que celle du diamant, et qu’il résiste plus fortement et plus longtemps à l’action du feu, sa dureté et son homogénéité ne sont pas, à beaucoup près, égales à celles de cette pierre unique en son genre et la plus parfaite de toutes : le rubis contient moins de feu fixe que le diamant, il est moins combustible, et sa substance, quoique simple, puisqu’il ne donne qu’une seule réfraction, est néanmoins tissue de parties plus terreuses et moins ignées que celles du diamant. Nous avons dit que les couleurs étaient une sorte d’imperfection dans l’essence des pierres transparentes, et même dans celle des diamants : le rubis, dont le rouge est très intense, a donc cette imperfection au plus haut degré, et l’on pourrait croire que les parties métalliques qui se sont uniformément distribuées dans sa substance lui ont donné non seulement cette forte couleur, mais encore ce grand excès de densité sur celle du diamant, et que ces parties métalliques n’étant point inflammables ni parfaitement homogènes avec la matière transparente qui fait le fond de la substance du rubis, elles l’ont rendu plus pesant et, en même temps, moins combustible et moins dur que le diamant ; mais l’analyse chimique a démontré que le rubis ne contient point de parties métalliques fixes en quantité sensible ; elles ne pourraient en effet manquer de se présenter en particules massives si elles produisaient cet excès de densité : il me semble donc que ce n’est point au mélange des parties métalliques qu’on doit attribuer cette forte densité du rubis, et qu’elle peut provenir, comme celle des spaths pesants, de la seule réunion plus intime des molécules de la terre bolaire ou limoneuse.

L’ordre de dureté, dans les pierres précieuses, ne suit pas celui de densité ; le diamant, quoique moins dense, est beaucoup plus dur que le rubis, la topaze et le saphir, dont la dureté paraît être à très peu près la même ; la forme de cristallisation de ces trois pierres est aussi la même, mais la densité du rubis surpasse encore celle de la topaze et du saphir[1].

Je ne parle ici que du vrai rubis ; car il y a deux autres pierres transparentes, l’une d’un rouge foncé et l’autre d’un rouge clair, auxquelles on a donné les noms de rubis spinelle et de rubis balais, mais dont la densité, la dureté et la forme de cristallisation sont différentes de celles du vrai rubis. Voici ce que m’écrit à ce sujet M. Brisson, de l’Académie des sciences, auquel nous sommes redevables de la connaissance des pesanteurs spécifiques de tous les minéraux[2] : « Le rubis balais paraît n’être autre chose qu’une variété du rubis spinelle ; les pesanteurs de ces deux pierres sont à peu près semblables : celle du rubis balais est un peu moindre que celle du spinelle, sans doute parce que sa couleur est moins foncée. De plus, ces deux pierres cristallisent précisément de la même manière ; leurs cristaux sont des octaèdres réguliers, composés de deux pyramides à quatre faces triangulaires équilatérales opposées l’une à l’autre par leur base : le rubis d’Orient diffère beaucoup de ces pierres, non seulement par sa pesanteur, mais encore par sa forme ; ses cristaux sont formés de deux pyramides hexaèdres fort allongées, opposées l’une à l’autre par leur base, et dont les six faces de chacune sont des triangles isocèles. Voici les pesanteurs spécifiques de ces trois pierres : rubis d’Orient, 42 833 ; rubis spinelle, 37 600 ; rubis balais, 36 458[3]. » C’est aussi le sentiment d’un de nos plus grands connaisseurs en pierres précieuses[4] : l’essence du rubis spinelle et du rubis balais paraît donc être la même, à la couleur près ; leur texture est semblable, et, quoique je les aie compris dans ma Table méthodique, comme des variétés du rubis d’Orient, on doit les regarder comme des pierres dont la texture est différente.

Le rouge du rubis d’Orient très intense et d’un feu très vif ; l’incarnat, le ponceau et le pourpre y sont souvent mêlés, et le rouge foncé s’y trouve quelquefois teint par nuances de ces deux ou trois couleurs ; et, lorsque le rouge est mêlé d’orangé, on lui donne le nom de vermeille. Dans les observations que M. Hoppé a eu la bonté de me communiquer, il regarde la vermeille et le rubis balais comme des variétés du rubis spinelle ; cependant la vermeille dont je parle, étant à très peu près de la même pesanteur spécifique que le rubis d’Orient, on ne peut guère douter qu’elle ne soit de la même essence[5].

Le diamant, le rubis, la vermeille, la topaze, le saphir et le girasol sont les seules pierres précieuses du premier rang ; on peut y ajouter les rubis spinelle et balais, qui en diffèrent par la texture et par la densité : toutes ces pierres et ces pierres seules avec les spaths pesants n’ont qu’une seule réfraction ; toutes les autres substances transparentes, de quelque nature qu’elles soient, sont certainement moins homogènes, puisque toutes donnent de doubles réfractions.

Mais on pourrait réduire dans le réel ces huit espèces nominales à trois : savoir, le diamant, la pierre d’Orient et le rubis spinelle ; car nous verrons que l’essence du rubis d’Orient, de la vermeille, de la topaze, du saphir et du girasol est la même, et que ces pierres ne diffèrent que par deux qualités extérieures.

Ces pierres précieuses ne se trouvent que dans les régions les plus chaudes des deux continents, en Asie dans les îles et presqu’îles des Indes orientales[6] ; en Afrique à Madagascar et en Amérique, dans les terres du Brésil.

Les voyageurs conviennent unanimement que les rubis d’un volume considérable, et particulièrement les rubis balais, se trouvent dans les terres et les rivières du royaume de Pégu[7], de Camboye, de Visapour, de Golconde, de Siam, de Lahor[8], ainsi que dans quelques autres contrées des Indes méridionales ; et, quoiqu’ils ne citent en Afrique que les pierres précieuses de Madagascar[9], il est plus que probable qu’il en existe, ainsi que des diamants, dans le continent de cette partie du monde, puisqu’on a trouvé des diamants en Amérique, au Brésil où la terre est moins chaude que dans les parties équatoriales de l’Afrique.

Au reste, les pierres connues sous le nom de rubis au Brésil ne sont, comme nous l’avons dit, que des cristaux vitreux construits par le schorl ; il en est de même des topazes, émeraudes et saphirs de cette contrée : nous devons encore observer que les Asiatiques donnent le même nom aux rubis, aux topazes et aux saphirs d’Orient qu’ils appellent rubis rouges, rubis jaunes et rubis bleus[10], sans les distinguer par aucune autre dénomination particulière, ce qui vient à l’appui de ce que nous avons dit au sujet de l’essence de ces trois pierres qui est en effet la même.

Ces pierres, ainsi que les diamants, sont produites par la terre limoneuse dans les seuls climats chauds, et je regarde comme plus que suspect le fait, rapporté par Tavernier[11], sur des rubis trouvés en Bohême dans l’intérieur des cailloux creux : ces rubis n’étaient sans doute que des grenats ou des cristaux de schorl, teints d’un rouge assez vif pour ressembler par leur couleur aux rubis ; il en est probablement de ces prétendus rubis trouvés en Bohême, comme de ceux de Perse, qui ne sont aussi que des cristaux tendres et très différents des vrais rubis.

Au reste, ce n’est pas sans raisons suffisantes que nous avons mis la vermeille au nombre des vrais rubis, puisqu’elle n’en diffère que par la teinte orangée de son rouge, que sa dureté et sa densité sont les mêmes que celles du rubis d’Orient[12], et qu’elle n’a aussi qu’une seule réfraction : cependant plusieurs naturalistes ont mis ensemble la vermeille avec l’hyacinthe et le grenat ; mais nous croyons être fondés à la séparer de ces deux pierres vitreuses, non seulement par sa densité et par sa dureté plus grandes, mais encore parce qu’elle résiste au feu comme les rubis, au lieu que l’hyacinthe et le grenat s’y fondent.

Le rubis spinelle et le rubis balais doivent aussi être mis au nombre des pierres précieuses, quoique leur densité soit moindre que celle du vrai rubis ; on les trouve les uns et les autres dans les mêmes lieux, toujours isolés et jamais attachés aux rochers : ainsi l’on ne peut regarder ces pierres comme des cristaux vitreux, d’autant qu’elles n’ont, comme le diamant et le vrai rubis, qu’une simple réfraction ; elles ont seulement moins de densité, et ressemblent à cet égard au diamant dont la pesanteur spécifique est moindre que celle de ces cinq pierres précieuses du premier rang, et même au-dessous de celle du rubis spinelle et du rubis balais. Le diamant et les pierres précieuses, que nous venons d’indiquer, sont composés de lames très minces, appliquées les unes sur les autres plus ou moins régulièrement ; et c’est encore un caractère qui distingue ces pierres des cristaux dont la texture n’est jamais lamelleuse.

Nous avons déjà observé que des trois couleurs rouge, jaune et bleue dont sont teintes les pierres précieuses, le rouge est la plus fixe : aussi le rubis spinelle, qui est d’un rouge profond, ne perd pas plus sa couleur au feu que le vrai rubis, tandis qu’un moindre degré de chaleur fait disparaître le jaune des topazes, et surtout le bleu des saphirs.

Les rubis balais se trouvent quelquefois en assez gros volume : j’en ai vu trois en 1742, dans le garde-meuble du roi, qui étaient d’une forme quadrangulaire, et qui avaient près d’un pouce en carré sur sept à huit lignes d’épaisseur. Robert de Berquen en cite un qui était encore plus gros[13]. Ces rubis, quoique très transparents, n’ont point de figure déterminée ; cependant leur cristallisation est assez régulière : ils sont, comme le diamant, cristallisés en octaèdre ; mais soit qu’ils se présentent en gros ou en petit volume, il est aisé de reconnaître qu’ils ont été frottés fortement et longtemps dans les sables des torrents et des rivières où on les trouve ; car ils sont presque toujours en masses assez irrégulières, avec les angles émoussés et les arêtes arrondies.


Notes de Buffon
  1. La pesanteur spécifique du rubis d’Orient est de 42 833 ; celle de la topaze d’Orient, de 40 106 ; celle du saphir d’Orient, de 39 941. Tables de M. Brisson.
  2. Ce travail de M. Brisson est un des plus utiles pour la physique ; on peut même dire qu’il était nécessaire pour avoir la connaissance des rapports et des différences des minéraux ; et, comme il n’est point imprimé, je crois devoir citer ici d’avance ce que l’auteur m’écrit à ce sujet : « Il y a vingt ans, dit M. Brisson, que je travaille à mon ouvrage sur la pesanteur spécifique des corps ; dans les commencements le travail a été lent, parce qu’il a fallu du temps pour se procurer les différentes substances et pour savoir où l’on pourrait trouver toutes celles que je désirais faire entrer dans cet ouvrage ; mais, depuis cinq ans, j’y ai travaillé sans relâche. L’on n’en sera pas étonné, lorsqu’on verra, dans mon discours préliminaire, tous les soins et toutes les attentions qu’il a fallu avoir pour obtenir des résultats satisfaisants.

    » Je n’ai fait entrer dans cet ouvrage que les substances que j’ai éprouvées moi-même avec le plus grand soin, et avec les meilleurs instruments faits exprès pour cela : toutes ces substances ont été éprouvées à la température de 14 degrés de mon thermomètre, et dans un lieu qui était, à très peu de chose près, à la même température, afin qu’elle ne variât pas pendant l’épreuve, qui quelquefois prenait beaucoup de temps.

    » J’ai donc fait entrer dans cet ouvrage toutes les matières susceptibles d’être mises à l’épreuve, et que j’ai pu me procurer ; savoir : dans le règne minéral tous les métaux, et dans tous les états dans lesquels ils sont en usage dans le commerce et dans les arts ; les différentes matières métalliques, toutes les pierres dures et tendres, en un mot, depuis le diamant jusqu’à la pierre à bâtir ; les matières volcaniques et les matières inflammables ; tout cela comprend huit cent trente espèces ou variétés ; toutes les pierres susceptibles de cristallisation, je les ai éprouvées autant que j’ai pu, sous la forme cristalline, afin d’être plus sûr de leur nature.

    » Ensuite, j’ai éprouvé les fluides et liqueurs et j’ai déterminé la pesanteur de cent soixante-douze espèces ou variétés.

    » J’ai ajouté à cela la pesanteur de quelques matières végétales et animales dont l’état est constant, telles que les résines, les gommes, les sucs épaissis, les cires et les graisses ; et j’en ai éprouvé soixante-douze espèces ou variétés.

    » Toutes ces substances ont été éprouvées sur les plus grands volumes possibles, afin que les petites erreurs, souvent inévitables dans la manipulation, devinssent insensibles et pussent être négligées.

    » J’ai eu soin de donner la description de toutes les pièces qui ont servi à mes épreuves, et de dire de quel endroit je les ai tirées, afin qu’on puisse, si on le juge à propos, répéter mes expériences et vérifier les résultats. » (Note envoyée à M. de Buffon par M. Brisson, le 6 décembre 1785.)

  3. Extrait de la lettre de M. Brisson à M. le comte de Buffon, datée de Paris, 16 novembre 1785.
  4. Voici ce que M. Hoppé m’a fait l’honneur de m’écrire à ce sujet : « Je prendrai, monsieur le comte, la liberté de vous observer que le rubis spinelle est d’une nature entièrement différente du rubis d’Orient ; ils sont, comme vous le savez, cristallisés différemment, et le premier est infiniment moins dur que le second. Dans le rubis d’Orient, comme dans le saphir et la topaze de la même contrée, la couleur est étrangère et infiltrée, au lieu qu’elle est partie constituante de la matière dans le rubis spinelle. Le rubis spinelle, loin d’être d’un rouge pourpre, c’est-à-dire mêlé de bleu, est au contraire d’un rouge très chargé de jaune ou écarlate, couleur que n’a jamais le rubis d’Orient dont le rouge n’approche que très rarement du ponceau, mais qui, d’un autre côté, prend assez fortement le bleu pour devenir entièrement violet, ce qui forme alors l’améthyste d’Orient. »
  5. Ayant communiqué cette réflexion à M. Hoppé, voici ce qu’il a eu la bonté de me répondre à ce sujet, par sa lettre du 6 décembre de cette année 1785 : « Je suis enchanté de voir que mes sentiments sur la nature de la pierre d’Orient ou du rubis spinelle aient obtenu votre approbation ; et si votre avis diffère du mien au sujet de la vermeille, c’est faute de m’être expliqué assez exactement dans ma lettre du 2 mai 1785, et d’avoir su que c’est au rubis d’Orient ponceau que vous donnez le nom de vermeille : je n’entends sous cette dénomination que le grenat ponceau de Bohême (qui est, selon les amateurs, la vermeille par excellence), et le rubis spinelle écarlate taillé en cabochon, que l’on qualifie alors, faussement à la vérité, de vermeille d’Orient. De cette manière, monsieur le comte, j’ai la satisfaction de vous trouver, pour le fond, entièrement d’accord avec moi, et cela doit nécessairement flatter mon amour-propre.

    » J’aurai l’honneur de vous observer encore que la plupart des joailliers s’obstinent aussi à appeler vermeille le grenat rouge jaune de Ceylan et le hiacinto-guarnacino des Italiens, lorsqu’ils sont pareillement taillés en cabochon ; mais ces deux pierres ne peuvent point entrer en comparaison pour la beauté avec la vermeille d’Orient. » Je n’ajouterai qu’un mot à cette note instructive de M. Hoppé, c’est qu’il sera toujours aisé de distinguer la véritable vermeille d’Orient de toutes ces autres pierres auxquelles on donne son nom, par sa plus grande pesanteur spécifique qui est presque égale à celle du rubis d’Orient.

  6. Il y a dans le royaume de Ceita-Vacca, de Candy, d’Uva et de Cotta, beaucoup de mines très riches ; on en tire des rubis, des saphirs, des topazes d’une grandeur considérable, et on en a trouvé quelques-uns qui ont été vendus vingt mille crusades. Histoire de Ceylan, par le capitaine Ribeyro ; Trévoux, 1701, p. 17. — Il y a dans l’île de Ceylan quelques rivières où l’on trouve plusieurs pierres précieuses que les torrents entraînent ; les Mores mettent des filets dans le courant des eaux pour les arrêter, et ordinairement, quand ils les retirent, ils trouvent des topazes, des rubis et des saphirs qu’ils envoient en Perse, en échange d’autres marchandises. On trouve dans les terres de petits diamants, mais non pas en si grande quantité ni de si haut prix qu’au royaume de Golconde, qui n’est pas beaucoup éloigné de Ceylan. Voyages d’Inigo de Biervillas à la côte de Malabar ; Paris, 1736, première partie, p. 166.
  7. Édouard Barbosa, qui nous a donné un Traité de ce qu’il a remarqué de plus considérable dans les Indes et de plus grand commerce, s’arrête particulièrement à décrire les différentes pierreries que l’on tire de ce pays-là ; il donne le moyen de les connaître, il marque les lieux où on les trouve et la valeur de chacune : il commence par les rubis, et il prétend que les meilleurs et les plus fins se trouvent dans la rivière de Pégu ; il dit qu’un rubis du Pégu fin et parfait, pesant 12 carats, ne valait pas de son temps plus de 160 écus d’or ; et il estime ceux de Ceylan du même poids, 200 écus d’or ; et il y en a à Ceylan, pesant 16 carats, qu’il prise 600 écus d’or : il ne marque pas qu’il y en ait de ce poids dans le Pégu, mais il paraît que les beaux rubis ne se trouvent pas si communément dans l’île de Ceylan. Voici comme on les éprouve : lorsqu’on a apporté un rubis d’une grosseur considérable au roi, il fait venir les joailliers, qui lui disent que ce rubis peut souffrir le feu à tel degré, et tant de temps, selon la bonté dont il est, car ces joailliers ne se trompent guère : on le jette dans le feu, on l’y laisse le temps qu’ils ont marqué, et, lorsqu’on le retire, s’il a bien souffert le feu, et s’il a une couleur plus vive, on l’estime beaucoup plus que ceux du Pégu. Histoire de Ceylan, par Jean Ribeyro ; Trévoux, 1701, p. 164 et suiv.
  8. Histoire du Japon, par Kæmpfer, t. Ier, p. 23. — Histoire du royaume de Siam, par Nicolas Gervaise, p. 296.
  9. Voyage à Madagascar, par Flacourt, p. 44.
  10. Mais ce qui augmente encore plus les richesses de ce royaume, qu’on estimait avant la guerre cruelle que les Péguans ont faite aux rois d’Arakan et de Siam, sont les pierres précieuses, comme les rubis, les topazes, les saphirs, etc., que l’on y comprend sous le nom général de rubis, et que l’on ne distingue que par la couleur, en appelant un saphir, un rubis bleu ; une topaze, un rubis jaune ; ainsi des autres. La pierre qui porte proprement le nom de rubis est une pierre transparente, d’un rouge éclatant et qui, dans son extrémité ou près de sa surface, paraît avoir quelque chose du violet de l’améthyste.

    On distingue quatre sortes de rubis : le rubis, le rubicelle, le balais et le spinelle : le premier est plus estimé que les trois autres. Ils sont ordinairement ronds ou ovales, et l’on n’en trouve guère qui aient des angles ; leur valeur augmente à proportion de leur poids comme dans les diamants : le poids dont on se sert pour les estimer s’appelle ratis, il est de 3 1/2 grains ou de 7/8 de carat ; un rubis qui n’en pèse qu’un se vend 20 pagodes : un de trois, 185 ; un de quatre, 450 ; un de cinq, 525 ; un de six et demi, 920 ; mais, s’il passe ce poids et qu’il soit parfait, il n’a pas de valeur fixe. Voyages de Jean Owington ; Paris, 1725, t. II, p. 225 et suiv.

  11. Il y a aussi en Europe deux endroits d’où l’on tire des pierres de couleur ; à savoir, dans la Bohême et dans la Hongrie : en Bohême, il y a une mine où l’on trouve de certains cailloux de différente grosseur, les uns comme des œufs, d’autres comme le poing, et en les rompant, on trouve dans quelques-uns des rubis qui sont aussi beaux et aussi durs que ceux du Pégu. Je me souviens qu’étant un jour à Prague avec le vice-roi de Hongrie, avec qui j’étais alors, comme il allait avec le général Walleinstein pour se mettre à table, il vit à la main de ce général un rubis dont il loua la beauté ; mais il l’admira bien plus quand Walleinstein lui eut dit que la mine de ces pierres était en Bohême ; et de fait, au départ du vice-roi il lui fit présent d’environ une centaine de ces cailloux dans une corbeille : quand nous fûmes de retour en Hongrie, le vice-roi les fit tous rompre, et de tous ces cailloux il n’y en eut que deux dans chacun desquels on trouva un rubis ; l’un assez grand qui pouvait peser près de cinq carats, et l’autre d’un carat ou environ. Tavernier, t. IV, p. 41.
  12. La pesanteur spécifique de la vermeille est de 42 299 ; celle du rubis d’Orient, de 42 838. Tables de M. Brisson.
  13. On tient que le rubis naît dans l’île de Ceylan, et que ce sont les plus grands ; et quant aux plus petits, dans Calicut, la Camboye et Bisnagar ; mais les très fins dans les fleuves du Pégu… L’empereur Rodolphe II, selon le récit d’Anselme Boëce, son médecin, en avait un de la grosseur d’un petit œuf de poule, qu’il avait hérité de sa sœur Élisabeth, veuve du roi Charles IX, lequel il dit avoir été acheté autrefois soixante mille ducats. Merveilles des Indes, par Robert de Berquen, chap. iv, article Rubis, p. 24.
Notes de l’éditeur
  1. Le rubis oriental ou Corindon est composé d’alumine Al²O³ mélangée d’oxyde de fer, de chrome ou de titane.