Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu’au milieu du XIXe siècle/Le moucheron

La bibliothèque libre.

Le moucheron.

Cette variation ukrainienne sur un thème très répandu nous représente en travesti le sort du cosaque. On trouve ce texte dans les recueils de la première moitié du xviiie siècle, mais il appartient de toute évidence au siècle précédent.

Des frappements se font entendre dans la forêt, il tonne ;
C’est le moucheron qui est tombé du haut d’un chêne,
Il est tombé sur une racine
Et s’est cassé la cuisse et une épaule.
Les mouches pleurnicheuses attirés par la nouvelle,
Viennent lui apporter des fourrures[1].
« Ah ! moucheron, notre maître,
Tu nous fais beaucoup de peine.
C’est donc ça qu’on ne te voyait pas,
Tu étais vraiment malade. »

— « Enterrez moi dans un champ
Tout près d’un vert bocage.
Quand je serai près de mourir,
Vous convoquerez la compagnie.
Le scarabée me portera,
Le taon fera de la musique,
La grue me servira de chantre
Et la mouche de pleureuse.
Faites autour de ma tombe une palissade
De mes fines flèches.
Puis vous mettrez par-dessus
Mon petit arc si dur à manier.
Quand les cosaques passeront par là
Ils diront en parlant de moi :
« Ci-gît le vieux moucheron,
Notre glorieux compagnon. »

Les menuisiers eurent fort à faire,
Ils construisirent un cercueil pour le moucheron,
Le couvrirent de plaques d’argent

Et l’ornèrent de clous d’or,
On creusa une fosse profonde,
On y descendit le moucheron.
Les rois et les seigneurs en passant par là
S’arrêtent tous pour demander :
« Quel noble personnage est ici enterré ?
Est-ce un roi, un hetman, un colonel ? »
Ce n’est ni un roi, ni un hetman, ni un colonel.
Car, ci-gît un vieux moucheron,
Cosaque de la glorieuse armée.

  1. Pour le couvrir, comme un malade.