Association de Demi-Vierges Vol.I/VI

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VI


C’était jour de fête chez monsieur et madame Primetard, père et mère de Balbyne. On recevait à dîner quelques parents et intimes et l’on donnait un bal. On murmurait que cette fête était un prétexte à la présentation d’un prétendant à la main de mademoiselle Balbyne.

Il importait fort peu à la jeune fille, qui déjà en avait éconduit trois très sérieux.

Elle eut tout juste le temps de se costumer pour le repas, et très curieuse, comme toute fille d’Ève, ne manqua pas de s’orner le corsage du bleuet, non qu’elle pensât trouver un priekeur parmi les parents et amis qui s’assoiraient à ta table, mais avec l’espoir qu’elle en rencontrerait bien un durant la soirée.

Entreprise par sa gouvernante, conseillée par quelques jeunes amies, elle savait que beaucoup de membres de la haute aristocratie s’y étaient fait admettre et elle ne doutait pas que s’il s’en trouvait dans les salons de son père, on chercherait à vérifier la certitude de son noviciat.

Elle faillit pousser un cri de stupeur en apercevant le petit V sur le plastron de son oncle maternel, le général de Mondino qui, arrivé un des premiers pour le dîner, lisait une gazette dans un salon de jeu.

L’étonnement de l’oncle, qui se levait pour embrasser sa nièce, ne fut pas moins vif. Cependant il n’hésita pas, et comme ils étaient seuls, il lui toucha le bras avec un pouce, et toute tremblante, elle porta le petit doigt au bleuet.

— Tu en es, murmura-t-il.

— Oui, mon oncle, depuis peu.

— Diable, diable, singulière position.

— Je ne m’y attendais pas.

— Ni moi non plus, tonnerre. Mais, je n’en suis pas fâché et toi ?

— En ai-je le droit ?

— C’est une réponse normande.

— J’ai tout accepté.

— En voilà une surprise… pas désagréable !

Elle recouvrit son sang-froid, elle répliqua :

— Vous trouvez…

— Je te crois ! Et toi, es-tu contrariée ?

— Non, pas du tout.

— Alors…

— Ma foi, je m’habitue à l’idée, et c’est peut-être de la chance de tomber d’abord sur vous.

— Pas d’aventure encore ?

— Aucune. Le bleuet est vierge.

— Et toi ?

— N’est-ce pas une des conditions de l’association !

— C’est juste. Tu sais, je te demande une causerie pour la soirée, et… pour l’instant… la vue.

— Vous, un vaillant soldat, vous aimez ces petites choses ?

— Diantre oui ! Il n’y a que ça de délectable au monde ! Dis donc, nous nous sommes reconnus, tu peux céder à ma prière, à moins que cela ne t’ennuie. Quitte ton bleuet pour la soirée.

— Eh mais, j’aurais bien voulu voir.

— Tu as le temps : et nous profiterons des occasions de causer en tête-à-tête.

— Un accaparement, mon oncle.

— Bien naturel, avoue-le. Et la vue sollicitée ?

— La vue de quoi ?

— Friponne ! Un bout de jambe, un bout de ce que tu voudras.

— Et moi, si j’exige voir auparavant ?

— Toi, coquine.

— Dame, ce n’est pas pour rien que me voici priekeuse.

— Montre vite un bon morceau de jambe.

— Ce n’est plus un bout ; et si on nous surprend.

— Dépêche-toi donc, tu le peux sans crainte.

— Je n’ai pas le droit de refuser, sans quoi…

Elle jeta un regard autour d’elle, et tranquillisée sur leur réelle solitude, comme elle faisait face au général, se troussa jusqu’aux genoux.

— Plus haut, dit-elle en souriant, vous ne seriez pas plus avancé ; il y a le pantalon et il est fermé. Vous voyez du moins les mollets.

— Oh la friponne !

Elle laissa retomber les jupes, et se penchant, dit :

— Je vois la bosse de votre pantalon. Je m’en contente. Dans la soirée, vous me montrerez la chose, eh !

— Démon adoré, embrasse-moi.

— Volontiers, comme d’habitude.

— Oh, en l’assaisonnant d’un peu de sel.

— Vous voulez que je mette du sel sur mes lèvres.

— Moqueuse ! Quitte ton bleuet.

— Pour cette fois seulement, vous savez !

— Tu me montreras davantage, n’est-ce pas ?

— Oui, mauvais sujet d’oncle, après dîner, dans ma chambre.

L’oncle et la nièce étaient d’accord. Le repas n’offrit aucune particularité. Il ne se prolongea pas trop, les salons de réception ouvrant de bonne heure leurs portes pour les invités du bal.

Nul, à l’attitude des deux priekeurs, ne se doutât de l’entente établie entre eux. L’oncle gâtait sa nièce : on ne s’étonna pas de leur tête-à-tête dans la chambre de la jeune fille.

Écroulé sur un fauteuil, le général éprouvait un moment de faiblesse familiale. Cette enfant qu’il avait vu grandir et qu’il aima chastement jusqu’alors, descendait de son socle virginal pour se parer de couleurs courtisanesques, où l’amour devenait un gêneur. Ne lui appartenait-il pas de crier : « Casse-Cou », et de la mettre en garde contre des entraînements charnels qui, détruisant ses notions de moralité, la livreraient, fleur fanée, aux trimbalements des heurts masculins.

Il ne la reconnaissait plus. Elle ne lisait pas dans son cœur, elle ne se souvenait plus que des conseils de l’abbé Tisse : provoquer les désirs de contemplation et de toucher.

Elle cherchait sa boîte à bijoux et elle jouait des hanches. Elle la prit, la porta sur une table devant le général et, se baissant, murmura :

— Nous ne pouvons rester longtemps, dites, profitons.

Il se secoua et brutalement répliqua :

— Quand on est priekeuse, ma fille, on ne revêt pas de pantalon, en se servant du bleuet. Et tu ne l’as pas encore ôté. Donc, une faute à ton acquit, parce qu’on te supposait plus entraînée. Qui t’a conduite ?

— On ne trahit pas ces secrets.

— Tu peux ne pas les trahir, je me doute bien de la personne. Elle a fait un beau coup, ta gouvernante.

— Si c’est l’oncle que je reçois, je vais reprendre le bleuet.

— Inutile, tu as à réparer ta faute.

— Vous avez raison.

Bravement, elle souleva ses jupes et, en un tour de main, se débarrassa du pantalon.

— Il faut espérer que je ne tomberai pas en dansant, dit-elle. Me voici dans les conditions requises ; Monsieur désire ?

— Montre-toi.

Dans un ballonnement de jupes, elle exhiba ses cuisses.

— Oh mais, tu es moulée !

— Je vous crois, et vous ?

— Tiens, vois, ton effet agit.

Il sortit la queue, elle la saisit dans ses doigts en laissant retomber ses jupes et dit :

— Elle est plus grosse que celle de l’abbé.

— Tu en as vu beaucoup d’autres ?

— Non, vous êtes le troisième.

— Nom de… Quel est le deuxième ?

— Vous êtes un terrible indiscret, pour appartenir à une association mystérieuse. Rassurez-vous, après l’abbé, vous êtes le seul que j’aie tripoté ainsi ; mais je compte bien ne pas m’en tenir là. Ça vous plaît bien, ma main là-dessus ?

— Ah, ta main, ta main et le reste aussi me plairait.

— Le reste ?

— Ta… bouche, par exemple.

— Ah, on met aussi la bouche là ?

— Encore tout innocente, ma Balbyne ! Il se passe de drôles de choses dans mon esprit.

— Laissez ces choses, si elles vous font oublier ce que nous sommes maintenant l’un à l’autre. Moi, je commence à trouver très heureux de vous avoir rencontré comme premier initiateur. Mon petit oncle, donnez-moi des leçons.

— Des leçons, des leçons de quoi ?

— De quelle manière on s’amuse avec ça, et comment on peut le faire amuser.

— Certes, très volontiers, mais tu l’as dit, nous n’avons pas grand temps.

— Nous reprendrons la conversation dans la soirée, toutes les fois que l’occasion se présentera.

— Tu le demandes ?

— Et je compte sur vous pour favoriser les occasions.

Il renferma sa queue et comme ils étaient debout pour sortir, afin de se rendre dans les salles de bal, il considéra la joliesse de ses épaules, coula les yeux vers la naissance des seins et murmura :

— Et les tétés, tu en as.

— Regardez-les, répondit-elle en les tirant hors de son corsage très décolleté.

— Gentillets, gentillets, on les adorerait à deux genoux, on les becquetterait avec ivresse, un petit baiser, eh ?

— Prenez-en tant que vous voudrez, je vous préfère ainsi. Dites, je sais les montrer ?

— Oh, le démon que tu seras !

— Ah, ah, ne me froissez pas la robe, vous voulez me toucher les fesses, attendez que je m’arrange les seins, et puis, nous nous sauverons.

De nouveau elle troussa les jupes et le général non seulement pelota le cul, mais le contempla quelques secondes.

— Nom de…

— Qu’avez-vous, vous ne juriez jamais !

— Ah, si j’avais vingt ans de moins et que je ne sois pas ton oncle !

— Et bien donc, vous ne me tripoteriez peut-être pas, et vous n’admireriez pas de si près… ma petite pendule.