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Chroniques du lundi/1

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Traduction par inconnu.
Aucune (p. 1-24).


ANNÉE 1891.



Chroniques du Lundi.


Lundi, 21 septembre.

Vous savez, c’est le bazar de la cathédrale.

Une nouvelle déjà vieille de huit jours, et que personne n’ignore ; il y en a même à qui elle fait mal au cœur, vis-à-vis du gousset. Mais, bast ! on se guérit aisément de ces petites saignées faites au porte-monnaie, et d’ailleurs, le beau moyen de refuser à ces jolies quêteuses qui viennent solliciter si gentiment votre contribution à la dépense commune !

Cependant, il serait intéressant, si la chose pouvait être possible, de constater dans l’addition des recettes, combien d’argent a été donné pour la seule considération de venir en aide à l’œuvre de la cathédrale, combien pour des motifs de respect humain, combien pour les beaux yeux de celle-ci ou parce que l’on n’avait pas le courage moral de refuser à celle-là ? Mais il ne faut pas ainsi disséquer toutes les bonnes actions ; leurs véritables intentions connues, on ne croirait plus jamais au bien.

C’est invitant et gai tout de même, chaque soir à la cathédrale. Ces couleurs vives, ces lumières se reproduisant sur les pittoresques décors, les fleurs, les jeunes femmes aux comptoirs, ou circulant dans les allées avec leur petite écharpe bleue ou rose, attachée au bras, forment une scène ravissante. Et quand il y a des habits noirs pour servir d’ombre et mettre le tout en relief, je vous assure que le tableau est parfait.

La foule est là bruyante, amusée : on s’aborde sans se connaître, — le bon prétexte que ces billets de loterie pour se voir de plus près ! — on se groupe, on rit, on cause et les bons mots se croisent pétillants comme une fine mousse de champagne.

Le long des murs et des lourds piliers, loin des centres tapageurs, des amoureux se sont rejoints, et se promènent à petits pas, parlant tout bas et lentement, Dieu sait de quelles insignifiances, mais heureux, satisfaits, le paradis dans le cœur.

Plus tard, dans quelques années, quand aux sons majestueux de l’orgue, les célébrants entonneront, au milieu des flots d’encens, devant un peuple à genoux, les graves antiennes liturgiques, il se trouvera quelque jeune femme qui, frôlant de sa main gantée le bras de ce monsieur en tenue digne à ses côtés, lui dira :

— T’en souvient-il, Henri ? C’était là, tu sais, là que tu m’as dit…

Mais lui, froid, correct, sévère, l’interrompra d’un geste. Il y a des redites qui peuvent être fort gênantes quand les circonstances ne sont plus les mêmes.

Pourtant, oui, il se souvient, lui aussi.

Pendant quelques instants, les autels, les longs cierges, les blancs surplis disparaissent à ses yeux ; il ne revoit plus que les buffets chargés de fleurs et de bibelots, une foule bruyante qui circule et là-bas, où sont maintenant ces gros anges joufflus en adoration, lui et elle, égrenant ensemble, d’une voix émue, les litanies de l’amour… Ah ! le temps si beau de folies si bêtes !

Une installation de tous les temps et où il se fait toujours un bon débit, c’est celle des crèmes à la glace. Tout le monde y vient, depuis les bonnes mamans qui ne craignent pas d’ajouter des glaces aux neiges de leurs cheveux, jusqu’aux bambins, comparant leurs verres entr’eux, pour savoir lequel est le plus rempli.

Les jeunes gens y conduisent galamment les dames, mais, puisque mon impartialité de chroniqueuse m’oblige à tout dire, je dois ajouter, que, sur le nombre, quelquesuns ne s’y rendent qu’à leur corps défendant, plutôt conduits que conduisant, par un essaim de rieuses fillettes dont les insinuations, plus transparentes que délicates, ont eu raison des récalcitrants.

Puis les couples qui s’en viennent deux à deux choisir leur petite table : celle-ci ? Non, l’autre, plus au fond, dans la pénombre projetée par les sapins, garantissant des regards curieux et des oreilles indiscrètes.

Laissons-les. Ils commandent tout, ne touchent à rien, et paient royalement ; c’est avec ceux-là que la recette s’élèvera plus rapidement. Ce sont eux, je vous le dis, qui bâtiront la cathédrale Saint-Pierre et le monument national.


Lundi, 19 octobre.

Moi, je suis curieuse.

Il s’en trouve qui n’aiment point à avouer ces petites choses-là, mais, ça m’est bien égal. Je crois qu’il vaut encore mieux le reconnaître soi-même et courir la chance d’être poliment contredite, qu’attendre qu’on vienne vous en accuser, car, alors, ce n’est plus la même chose, ah ! non, plus la même chose du tout.

Toujours est-il que j’avais une envie furieuse de voir de près cette petite guérisseuse de Ste-Cunégonde, dont les journaux ont tant parlé, et qui semble trouver tant de sympathie, chez nos bons Québecquois. Justement, je rencontre, il y a quelques jours, une mienne amie, que, pour rendre mon récit plus intelligible, nous nommerons Constance :

— Françoise, me dit-elle, veux-tu venir avec moi, chez l’enfant prodige de Ste-Cunégonde ? Je souffre depuis huit jours d’un vilain accès de dyspepsie, et j’aime encore mieux essayer la guérisseuse que la diète ; c’est ma seule alternative.

— Volontiers, ma chère, répondis-je magnanimement. L’amitié n’est pas un vain mot : en son nom je braverai les quolibets, les sarcasmes, les moqueries et t’accompagnerai jusqu’au bout dans ton pèlerinage.

Intérieurement, j’étais charmée. Il m’en coûtait un peu de n’y aller qu’en simple curieuse, mais avec une invalide, une vraie, le cas était différent. Nous hélons la première voiture disponible, et fouette, cocher !

Nous débutons par frapper à la mauvaise porte, — il y en a deux qui ont le même numéro, — et la bonne voisine répond à nos excuses réitérées en disant que nous n’étions pas les seules à commettre cette méprise ; vingt fois par heure, elle est demandée à la porte par des éclopés de toute espèce.

— Mon mari trouve, ajouta t-elle plaisamment, que mon voisinage avec la petite guérisseuse et le fait que nos deux logements portent le même numéro, devraient m’autoriser à guérir un peu de mon côté.

En attendant, il fallait chercher plus haut et grimper un escalier, bonté divine ! un escalier étroit, et raide, près duquel la tour de madame Malbrouck pâlirait assurément.

— D’abord, si nous redescendons sans nous rompre le cou, dit Constance, s’arrêtant essoufflée, ce sera déjà un miracle.

— Accordé, répondis-je.

Nous entrons. Nouveau désappointement. Une dame de la rue Sherbrooke avait envoyé sa voiture prendre la petite et son père, mais si nous voulions accepter des sièges, elle ne pouvait tarder, parce qu’il y avait déjà quelque temps qu’elle était partie. Nous nous asseyons dans une espèce de passage, servant à la fois de salon et de salle d’attente. Sur les murs sont accrochés quelques portraits fantaisistes, des cartes d’annonces enluminées, et sur une petite table, recouverte d’un tapis de laine rouge, le portrait d’un abbé des environs de Montréal, souvenir reconnaissant d’une cure dite merveilleuse ; au bas du portrait, — hommage symbolique, — on avait déposé une longue plume d’oie. Tout était propre et bien rangé ; le petit rideau flottant à la fenêtre entr’ouverte était d’une blancheur de neige.

De l’autre côté, une smalah d’enfants faisait un tapage assourdissant ; les chants de quelques-uns alternaient avec les criailleries de quelques autres, et dans les clameurs qui s’élevaient il était fortement question de souper.

Enfin, des pas pesants se font entendre dans l’escalier ; c’est le père qui monte, tenant sa petite fille dans ses bras. Une enfant de huit ans à peine et de taille plus petite que son âge ne pourrait le faire croire ; plutôt jolie, avec ses grands yeux bruns et sa bonne physionomie où se lisent la candeur et la simplicité. Une enfant, quoi ! Rien qui indique la duplicité ou une précocité trop marquée.

On nous fait passer dans un appartement plus spacieux, une chambre à coucher, qui sert en même temps, il est facile de le voir, de salle de consultation et d’opération. On y voit des plumes un peu partout, au pied du lit, sur le bureau de toilette, ici et là. Il doit s’en faire un débit énorme dans cette maison.

Je pris la main de l’enfant dans la mienne, une bonne petite main ronde et potelée, et lui demandai son âge, son nom, d’où lui venaient ces médailles suspendues à son cou. Une d’elles lui avait été donnée, répondit-elle, par M. le curé dans sa visite, l’autre, représentant Ste-Anne, avait été achetée au sanctuaire même de la grande thaumaturge. Elle répondait distraitement, comme un peu ennuyée, et je ne m’en étonne pas, quand je songe, au nombre de questions qui ont dû lui être posées par tant d’autres personnes.

Puis, tout à coup, d’un petit air docte, très grave :

— Qu’avez-vous ? dit-elle.

— Rien, me hâtai-je de dire. C’est mon amie, là, qu’il faut soigner.

Et donnant mon siège à Constance, j’allai m’asseoir près de la mère qui venait d’entrer dans la chambre. Pendant ce temps, la malade faisait, un peu à contrecœur, je l’avoue, le récit de ses maux. La petite Rose Délima s’emparant de la première plume qui s’offrit à sa main se mit à frotter la partie affectée, en disant du ton de quelqu’un qui récite une leçon :

— Faites une neuvaine à Ste-Anne et vous serez guérie.

— Tout de suite ? demanda Constance.

— Non, répliqua-t-elle, — manière de ne pas se compromettre, je suppose, — ça prendra un peu de temps.

— Occupez-vous pas, dit la mère, qui paraissait avoir de la foi pour tout le monde, ça va être vite fait. Y a des dames qui ont commencé à ressentir du soulagement, au bout d’une heure.

Pauvre femme ! fatiguée, harassée par ces longs jours d’ouvrage, au milieu de cette masse grouillante d’enfants tapageurs, elle était encore dérangée, à toute minute, par un flot de visiteurs et d’infirmes jusqu’à une heure avancée de la soirée.

Pendant que la petite était au plus fort de son œuvre de miracle, j’ouvrais un feu interrogatif du côté de la mère.

Comment s’était-on aperçu que l’enfant possédait ce prétendu don de guérison ?

C’est elle même, paraît-il, qui avait demandé de soigner un petit frère, — charity begins at home, — lequel s’était brûlé, un bon jour. Sous l’attouchement de ses doigts bienfaisants, la blessure s’était cicatrisée en quelques jours. Longtemps, on avait dérobé au public la science occulte de l’enfant, mais une voisine ayant été guérie, ne put taire ni sa reconnaissance, ni sa langue ; le bruit s’en répandit partout et, depuis ce jour, qui date du printemps dernier, une affluence considérable s’est constamment portée à Ste-Cunégonde.

— Lors de sa naissance, ou dans la suite, y a-t-il eu quelque manifestation extraordinaire ? demandai-je encore.

— Non, répartit la mère ; à part d’être la septième fille, ça été une enfant comme les autres.

À mon avis, c’était suffisant. Quand on est la septième fille, on a bien droit à quelque compensation. Personne qui ne soit assez peu raisonnable pour refuser cela.

Puis, me hasardant sur un terrain brûlant :

— Vous avez entendu parler, continuai-je, de cette circulaire du cardinal, défendant à ses diocésains d’avoir recours à votre petite fille, comme guérisseuse ?

— Oui, répondit la mère, d’un ton un peu bourru, si elle disait des méchantes paroles encore, on pourrait dire… Ça n’impose pas, reprit-elle d’un air triomphant, qu’elle a été demandée à Québec plusieurs fois depuis. J’en arrive justement encore cette semaine, on a été pour une dame du faubourg St-Jean, qui avait la figure joliment équipée par une dartre chancreuse. La dame était si contente de Rose qu’elle lui a fait poser son portrait et je vous assure qu’elle se ressemble comme deux gouttes d’eau.

La petite alla chercher la photographie en question et nous la montra, écoutant avec satisfaction tous les compliments qu’on voulut lui faire. C’était bien ressemblant, en effet ; son petit minois était fidèlement reproduit, et jusqu’à la fameuse plume blanche que l’enfant tenait dans sa main, un peu comme on tient un cierge.

— C’est vingt-cinq cents pour avoir mon portrait, fit l’enfant comme j’allais le lui remettre.

Ça fera une femme d’affaires, ou je m’y connais peu.

— À quoi s’occupe-t-elle tout le long du jour ? fis-je, reprenant mon interrogatoire.

— Voyez-vous, c’est pas une enfant qui aimait à jouer comme les autres enfants, elle a jamais été ricaneuse et à c’te heure, elle ne s’occupe que de ses malades.

Mais pour le moment, une paire de souliers, cuir au naturel, que son père lui avait achetée le jour même, occupait toute son attention. Elle les ôtait et les remettait sans plus se soucier de notre présence.

— Mouman, j’aime pas des souliers jaunes comme ça, moi. Poupa m’a dit qu’il les ferait noircir.

— C’est bon, ma petite fille, tu t’arrangeras avec ton père…

— Je veux les faire noircir tout de suite, insistait l’enfant…

Pour le coup, nous en avions assez. D’un commun accord, nous nous levâmes pour prendre congé de l’enfant-prodige dont les aspirations ne convenaient guère, à notre avis, à la position surélevée qu’elle occupe dans le monde des merveilles.

Sur le palier, nous avons croisé un grand dadais de garçon, avec un œil à Paris et l’autre à Versailles, qui venait les faire mettre d’accord pour quand il lui plairait de faire des yeux doux.

Si quelqu’un s’intéresse à la santé de Mademoiselle Constance R… qu’il sache qu’il lui est impossible de digérer la seule mention de son voyage à Ste-Cunégonde.

Moi, je ne suis pas si ingrate. Je reconnais en toute sincérité, avoir été bel et bien guérie… de ma curiosité.

Lundi, 21 novembre.

Le ciel est plus noir, le vent plus âpre, la terre plus désolée… Au grand cadran des âges, lugubre et sombre apparition, un autre mois vient d’apparaître… C’est novembre et ses froidures, novembre et ses douleurs, novembre, le triste mois des morts.

Tous ceux qui nous ont laissés, à l’heure des adieux suprêmes, tous ceux qui s’en sont allés dormir au grand dortoir reviennent en ce jour où nous pleurons la fête des morts, nos pauvres morts.

Nous les heurtons à chaque pas, nous sentons leurs ombres chères se projeter sur notre chemin, mais c’est en vain que nos bras ouverts voudraient les enlacer, que nos cœurs les appellent et les crient, rien désormais ne saura plus nous rendre nos morts, nos pauvres morts.

Qui ne pleure, ici-bas, ces départs sans retour ? Hélas ! partout, des enfants redemandent un père, des époux une compagne fidèle, et plus d’un chaste amour vit encore dans la tombe des morts, nos pauvres morts.

Que font-ils là-bas dans leur demeure dernière ? Dans leur couche étroite et dure, leurs corps frissonnent-ils sous le flageller du gel ? Leurs âmes, sœurs des nôtres, nous comprennent-elles toujours ?… Seule, la brise pénétrante répond à nos prières et chante doucement son éternel requiem, aux morts, nos pauvres morts.

Oh ! le rude chemin, où les jalons sont les tombes des morts, nos pauvres morts !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La nuit déploie ses larges tentures d’endeuillement… les bruits de la ville s’en vont s’affaiblissant dans la distance, et sur les hommes et sur les choses, un grand silence se fait solennel et troublant…

Soudain, une voix s’élève dans les airs, déchirante comme une plainte, triste comme un sanglot. On dirait un appel suprême, comme si, aux approches de la nuit, quelque chose souffrait et gémissait dans le silence des ténèbres.

Qu’est-ce qui trouble ainsi les échos de la ville qui s’endort ? Ah ! ce sont les soupirs des morts, nos pauvres morts !

Chaque soir leur touchant appel va retentir au beffroi de Notre-Dame. Chaque soir, ils nous disent : vous que nous avons aimés, souvenez-vous !…

Nous souvenir ! mais, nos longs regrets, mais nos amitiés constantes sauront défendre à jamais de l’oubli, nos morts, nos pauvres morts !


Lundi, 16 novembre.

Un journal hebdomadaire, le Tit Bits a ouvert ses pages à un débat des plus intéressants et des plus intéressés aussi, puisqu’il me faut bien tout dire.

On a posé la question suivante : « Les maris sont-ils fiers de la toilette de leurs femmes ? » et chacun est invité à résoudre le problème contenu dans ce gros point d’interrogation.

Ce sont les femmes qui jaseront, je les connais. Les maris n’osant répondre, ni affirmativement, de peur d’être exploités, ni d’une manière négative, par crainte d’être scalpés, — du moins ce sera leur raisonnement, — garderont un silence prudent.

En revanche, leurs tendres moitiés vont assez éplucher, désosser, déchiqueter la question que, la discussion terminée, si jamais on en voit la fin, — le sujet étant si fécond — il ne restera rien à se mettre sous la dent.

Dieu sait tout ce qui va se dire à ce sujet, et s’il va y avoir des coups de griffes contre ces pauvres maris. Ce n’est point que je veuille prendre leur parti. Ma foi ! s’ils ont mérité le châtiment, le moins qu’ils puissent faire c’est de l’accepter humblement.

Tout de même, ce ne sera pas le bon moyen de s’attirer leurs bonnes grâces et de réussir à se faire accorder la mirobolante toilette désirée pour le prochain bal qu’on annonce.

Ah ! cette toilette ! quel beau rêve pour quelques femmes, quel cauchemar pour les maris !

Moi, je n’ai guère voix au conseil, mais je trouve vilain d’aller cajoler, entortiller un homme, lui couler du beurre dans le dos, comme on dit vulgairement, pour obtenir par ces petits moyens, un objet de luxe que la fantaisie convoite.

Je le laisserais à sa générosité et à son cœur, et c’est là qu’il y aurait des études psychologiques intéressantes à faire. Pour les cadeaux qu’il me donnerait, je ne l’en aimerais pas moins, je vous prie de le croire, mais je serais trop fière pour lui reprocher ses omissions.

Deux Anglaises ont déjà donné, dans les colonnes du Tit Bits, leur appréciation sur le sujet qui nous occupe. Toutes deux se placent au point de vue de la plupart de nos ménages, où, le mari gagnant un salaire ordinaire, il n’est pas permis de dépenser sans compter.

Voici ce qu’écrit la première de ces deux correspondantes.

«  Rien ne devrait être plus agréable à un homme que de voir sa femme bien mise et gentiment parée.

«  Un homme de bon sens, qui a une femme soigneuse, sait très bien que lorsque la compagne de ses joies et de ses peines lui demande un chapeau, c’est qu’elle en a besoin. »

Une nouvelle difficulté se présente ici, et j’aimerais que quelqu’un se chargeât de la régler. S’il y a tant de récriminations du côté féminin sur le peu de libéralité des maris, il faut croire que l’homme de bon sens et la femme soigneuse se trouvent rarement ensemble. Quand l’homme a du bon sens, la femme n’est pas soigneuse, et lorsque la femme est soigneuse, c’est l’homme qui n’a pas de bon sens. De sorte que les plaintes restent toujours les mêmes.

Mais continuons :

« Il est tout aussi important à la femme qu’à l’homme d’être mise correctement dans le monde, et je suis sûre que la galerie juge du caractère d’un homme par la tenue de sa femme. »

Entre nous, il faut avouer que ce raisonnement est du machiavélisme tout pur.

« Je crois que cette question de vêtements a plus d’importance qu’on ne croit… »

Ce « on » représente le sexe masculin, car, il n’y a pas à dire, les femmes comprennent parfaitement l’importance de cette question, et ce serait faire injure à leur vive intelligence que d’en douter un seul instant.

« Je sais, conclut enfin notre Anglaise, — qui parle un langage compris de toutes les nationalités, — que les hommes doivent avoir une tenue correcte pour aller à leur bureau, mais je n’en suis pas moins persuadée, que, si les hommes faisaient un partage plus égal entre l’argent qu’ils consacrent à leur toilette et celui qu’ils mettent à celle de leur femme, bien des petites scènes de famille seraient ainsi évitées… »

C’est triste de penser qu’une querelle peut survenir à l’occasion d’une paire de bottines, ou que le bonheur de plus d’un ménage a sombré avec le renouvellement d’une toilette. Mais, enfin, il faut bien que cela soit, puisque mes aînées viennent me l’affirmer.

Vous pouvez penser que l’autre correspondante du journal anglais opine du bonnet. Point de contradiction, et j’en citerais cent qu’elles seraient toutes en accord parfait. Pour qu’il y ait une telle unanimité, il faut vraiment que la cause soit sainte et bonne.

Et remarquez ici, cet esprit de dévouement, de sacrifice et de désintéressement qu’on rencontre chez la femme, car, ce n’est nullement son goût ou son inclination personnelle qu’elle consulte en plaidant ainsi sa mise soignée, du moins, si nous devons en croire la deuxième correspondante :

« Les hommes sont trop disposés à penser que leurs femmes s’habillent pour leur propre plaisir… »

Mon doux Seigneur, c’est-il possible qu’il y ait des hommes qui croient cela ? Les monstres ! nous calomnier de la sorte ! Aussi, je croyais que ce défenseur de notre sexe allait tomber dessus à bras raccourcis, mais elle se contente de dire :

« Ils se trompent. Une femme s’habille pour plaire à son mari, et il devrait voir dans son désir d’être bien mise, une délicate attention pour lui, qu’il est de son devoir de favoriser aussi généreusement que le comportent ses revenus… »

Bien trouvé. Si les maris ne se rendent pas après cela, c’est fini, il n’y a plus rien à faire. C’est l’endurcissement final.


Lundi, 23 novembre.

C’est donc cette semaine qui nous amène la Sainte Catherine.

Voilà une fête que je suis toujours aise de revoir et, qu’à nos jours de première jeunesse, j’aurais voulu célébrer plusieurs fois l’an. Fête des enfants, fête des jeunes gens, fête des vieilles filles, quelle populaire patronne que cette Sainte Catherine !

Vite, qu’on apprête le chaudron pour faire de la « tire ». Savez-vous que ce mets alléchant a pris naissance un vingt-cinq novembre ? Non ? Ni moi non plus ; seulement j’imagine qu’il faut que cela soit puisque l’un amène toujours l’idée de l’autre.

La Sainte Catherine n’est jamais au complet si l’on n’offre pas à la Sainte, en guise d’encens, l’odeur pénétrante du sirop en ébullition. C’est même de rigueur.

La neige aussi pourtant venait autrefois se mettre de la partie, et danser en gros tourbillons dans les grands champs, s’engouffrant dans les larges cheminées pour voir un peu ce qui se passait à l’intérieur de ces demeures, d’où s’échappaient de si bruyants éclats de rire.

Aujourd’hui où il faut sans cesse un programme nouveau, où l’on fait fi des meilleures traditions, on a changé tout, tout, jusqu’à la température.

Et la douce vierge ne secoue que rarement les petites étoiles blanches dont son manteau est parsemé. Qui sait ? Peut-être la mode est-elle aussi changée par delà les nuages et que l’on se fatigue aussi parfois de l’éternelle immutabilité des choses ?

Oui, j’aime la Sainte Catherine ! Ce qui me l’a fait aimer, tout d’abord, c’est que ce jour associait dans ma jeune intelligence, tout ce qu’il y avait de beau, de gai et de bon.

Plus tard, mais encore au temps des jupons courts, j’appréciais davantage les joyeuses réunions, les congés heureux que signalaient le retour du vingt-cinq novembre.

Je me souviens surtout, d’un air spécial composé tout exprès, croyions-nous, en l’honneur de la Sainte, qu’on appelait la «  Belle Catherine » et sur lequel on se met en danse comme pour Sir Roger de Coverley.

C’est un air vif, entraînant que je n’ai plus guère entendu après avoir laissé les bancs de l’école.

Nos chagrins d’alors ne résistaient pas à ce rythme joyeux ; dès les premières notes, nous accourions, souriantes et légères saisir en cadence le premier anneau de la chaîne et danser avec tout l’entrain que l’on y met à quinze ans.

Oh ! ma Belle Catherine, qu’avez-vous fait de votre charme ? Quand je vous entends, je ne vous souris plus et vous faites monter des larmes jusque dans mes yeux.

Nos mères qui ont été jeunes aussi, s’amusaient, il fallait voir ! Et n’étaient-elles pas aussi bonnes que nous et plus aimables et plus belles ?

Maintenant, on ne s’amuse qu’autant que nous le permet une rigide étiquette.

Les plaisirs ne nous convient plus ; c’est nous qui les invitons, sur des cartes, en leur assignant des heures. Et ces petits génies qui avaient leurs coudées franches, jadis, ne s’accommodent pas beaucoup du cérémonial d’aujourd’hui et refusent souvent d’être présents à nos fêtes.

J’assistais, il y a quelques saisons, à une soirée dramatique, donnée par les bonnes religieuses de la Malbaie, au bénéfice de leur petite chapelle.

On n’y jouait rien de bien mondain, comme vous pouvez croire, ni Cléopâtre, ni Théodora, mais une pièce qui avait bien son mérite aussi, la sanglante tragédie du martyre de Sainte Catherine, sous Maximin II.

J’étais assise près des parents de l’actrice, personnifiant l’héroïne, une robuste gaillarde, qui, par parenthèse, était bien de taille à donner une tripotée à ses bourreaux. Comme je m’extasiais, — histoire de faire plaisir à mes bons voisins — sur les beautés du drame et les qualités de l’actrice, le bonhomme, que la fille avait, sans aucun doute, préalablement averti du dénouement, me répondit avec une pointe d’orgueil ;

— Ah ! mé, attendez, elle n’est point au plus creux de ses traverses. Vous allez voir tantôt, les protestants qui vont revenir avec des varges et y vont varger dessus avec !

C’est à vingt-cinq ans que l’on coiffe la Sainte Catherine. Certaines assurent que c’est à trente, et de plus intéressées encore ne veulent pas abdiquer avant quarante. Mais, le proverbe dit : À vingt-cinq ans, on se marie sans choisir : d’où il faudrait conclure que le quart de siècle est, en effet, le terme fatal.

Un savant, M. Guitard, a donné l’explication suivante sur la prétendue coiffe de Sainte Catherine :

« C’était autrefois l’usage en plusieurs provinces, le jour où, une jeune fille se mariait, de confier à une de ses amies, qui désirait faire bientôt comme elle, le soin d’arranger la coiffure nuptiale, dans l’idée que cet emploi portant bonheur, celle qui le remplissait ne pouvait manquer d’avoir, à son tour, un époux dans un temps peu éloigné. Or, comme cet usage n’a jamais été observé à l’égard d’aucune autre sainte connue sous le nom de Catherine, puisque, d’après les légendes, toutes les saintes portant ce nom sont mortes vierges, on a pris de là occasion de dire qu’une vieille fille reste pour coiffer Sainte Catherine, ce qui signifie qu’il n’y a de chance pour elle d’entrer en ménage, qu’autant qu’elle aura fait la toilette de la Sainte, condition impossible à remplir. »

Cette explication me semble, — c’est bien le cas de le dire — tirée par les cheveux. Pour ma part j’aime mieux celle-ci, plus simple et fondée plutôt sur l’ancienne coutume de coiffer de fleurs les statues des saintes dans les églises.

Comme on ne choisissait que des vierges pour couronner ainsi Sainte Catherine, la patronne des vierges, il était très naturel de considérer cet office comme dévolu à celles qui vieillissaient sans espoir de mariage.

Hé, oui ! c’est à vingt-cinq ans, décidément, que l’on coiffe la Sainte Catherine ; cérémonie d’un caractère tout privé, dont le secret est bien gardé par les initiées et pour laquelle, personne n’a encore reçu de carte d’invitation.

Pourtant, pourquoi pas ? Le vent est au progrès, qui sait si quelque jeune fille, fin-de-siècle ou plutôt quart-de-siècle, ne consentira pas à encadrer publiquement son minois de la coiffe accusatrice !…

Mais, voyez, jusqu’à quels écarts une imagination trop vive peut entraîner !


Lundi, 7 décembre.

Vous le savez, — personne ne se gêne d’ailleurs pour le dire — on trouve toujours qu’il y a assez de filles sur la terre et, pour la plupart, quand elles font leur apparition première sur notre planète, on ne leur fait pas habituellement le plus aimable des accueils.

Et combien l’on s’apitoie sur les pauvres mères dont la famille ne se compose que de filles !

En fin de compte, me dira-t-on, quelle est la raison de ce détestable préjugé, poussé si loin dans certains endroits, en Chine, par exemple, où l’on n’a trouvé rien de mieux, pour empêcher le sexe féminin d’augmenter en nombre, que de faire mourir les filles dès leur naissance ?

Après avoir si longtemps et si patiemment enduré toutes ces avanies, il n’est pas étonnant que ces pauvres filles se rebiffent un peu d’être sans cesse reléguées au second rang, et que, dans leur ardeur d’affirmer leurs droits, elles dépassent un peu le but.

Puisque le sexe masculin, comme on peut s’en convaincre par les statistiques des différents pays, est inférieur en nombre au sexe féminin, celui-ci obtiendra bientôt par « la raison du plus fort qui est toujours la meilleure, » le droit de coudoyer ses seigneurs et maîtres dans leurs plus hautes fonctions de l’État.

Ainsi, l’on parle déjà pour le vingtième siècle, de la femme-député, de la femme-académicienne, avocate, juge, etc., etc., tout excepté, je le crains bien, de la femme-femme.

Qu’il y a loin du temps où, au concile de Constance, l’on discutait la fameuse question :

— La femme a-t-elle une âme ?

Ah ! elles ont pris leur revanche depuis, assurément, et les vieux docteurs de l’Église seraient fort édifiés d’apprendre, en vérité, une théologie nouvelle sur la chûte de l’homme. Dans un congrès féminin tenu à Erfurt, au mois de novembre de l’an de grâce, mil huit cent quatre-vingt-onze, on a prouvé, de la manière la plus claire et la plus positive possible, que c’est à l’inconcevable faiblesse d’Adam que l’humanité doit d’être déchue de sa grandeur native.

Suivez bien ce raisonnement ;

« Adam était le pouvoir exécutif, Ève le pouvoir délibératif. Or, gouverner, c’est prévoir, suivant un axiome moderne. Adam n’a rien prévu. Il était indigne du pouvoir. Donc, le sceptre doit incontestablement passer à Eve. »

Qu’on dise maintenant que les femmes n’ont pas de logique !

Mais, revenons à notre sujet, et calculons nos forces par le monde entier.

En Angleterre, d’après le dernier recensement, le nombre des femmes et des filles, qui s’est accru de deux cent mille en dix ans, l’emporte de six cent mille sur celui des hommes et garçons.

En Allemagne, la Prusse compte un excédant de six cent mille femmes sur le nombre des hommes, et l’empire germanique, un million !

Dans la Suède et la Norvège, le sexe féminin a une majorité de deux cent cinquante mille.

En Autriche-Hongrie de six cent mille.

En Danemark de soixante mille.

Et ainsi de suite dans tous les pays de l’Europe.

Aux États-Unis, au Canada et dans l’Australie, le sexe masculin l’emporte encore, il est vrai ; mais patience ! dans peu de temps, comme les statistiques de chaque année l’indiquent, l’élément féminin ne tardera pas à prédominer.

Chose piquante à constater, et très flatteuse pour nous, c’est que, dans tous les pays où la civilisation est moins avancée, la population féminine est de beaucoup moindre que la population masculine.

Qu’en pensent les moralistes et les ethnographes ?


Lundi, 28 décembre.

Dire comme le temps passe ! C’est incroyable. Nous voilà déjà rendus aux fêtes, et il me semble qu’hier encore nous courions par les sentiers fleuris et que les feuilles bruissaient aux arbres. Il faut dire que les longs et beaux jours d’automne ont bien fait quelque chose pour nous garder longtemps l’illusion des jours radieux de l’été.

Aujourd’hui, en cette fin de décembre, nous entendons les derniers râles de l’année agonisante. Pauvre année, qui s’en va, si tôt, si vite, emportant avec elle nos joies, nos douleurs, nos rêves. Oui, nos rêves.

Si l’on pouvait « sur l’océan des âges jeter l’ancre un seul jour, » il semble que ce jour devrait être un trente-un décembre. Ce serait le moment des réflexions, des retours en arrière, des récapitulations du passé, des mille et une réminiscences à classer, à étiqueter soigneusement dans la loge aux souvenirs.

À quelques-unes de ces réminiscences nous ferions la part plus large ; elles occuperaient, tout de rose habillées, la place d’honneur, sans que les années, ô merveille, ne vinssent ternir leurs fraîches couleurs. Celles-là seraient toujours prêtes à notre appel pour illuminer notre route quand se montreraient les moments sombres.

D’autres, habillées de gris, dissimulées dans les angles, dormiraient longtemps sans qu’on songeât à les évoquer. Ni gaies ni tristes, elles relieraient entre eux les événements saillants de notre existence.

D’autres enfin, de noir vêtues et plus nombreuses que leurs sœurs roses, demanderaient plus d’espace, leurs longs voiles d’endeuillement s’épandant en frôlements sinistres pour marquer les trop fréquentes apparitions du malheur.

Voilà à quoi nous songerions en faisant nos adieux à l’année qui s’en va. Puis, nous, nous disposerions à accueillir cette inconnue qui s’appelle 1892.

Une nouvelle année ! bon gré, mal gré, il faut réfléchir. Bien qu’aucun changement dans l’ordre de la nature ne marque la disparition de l’année et la venue de l’autre, cependant, notre âme est envahie par je ne sais quoi de solennel, en songeant à tous les événements que celle-ci nous apporte dans les plis de son manteau.

La raison, l’expérience nous ont appris que le sablier du Temps n’écoule pas ses douze mois sans changer, retrancher, ajouter quelque chose à notre destinée.

Ce qui fait peur, voyez-vous, c’est l’inconnu, c’est l’imprévu, « spectre toujours masqué, qui nous suit côte à côte » et que nous sommes impuissants à éloigner.

Demain, le sort peut nous favoriser, nous cajoler ou nous frapper, nous écraser, nous broyer le cœur, et, plus que tous les lendemains une nouvelle année fait peur.

Une nouvelle année ! Heur ou malheur ?… Mais trêve de réflexions. Ce qu’elle apportera tout d’abord, je le sais, moi. Ce sont les visites du jour de l’an.

Avec quelles anxiétés ce premier jour de l’année n’est-il pas attendu de tout le monde. Les femmes se demandent :

— La couturière fera-t-elle défaut ? Aurons-nous beaucoup de visiteurs ?

Les hommes, eux, disent aussi quelque chose, en faisant le nœud de leur cravate et en boutonnant leurs gants, mais je me garderai bien de l’écrire.

Jetez-moi la pierre, si vous voulez, chères lectrices, mais, le premier janvier, je plains sincèrement les hommes de la tâche qui les attend. Car, voyez-vous, quelque efforts que l’on fasse, on ne peut enlever ce je ne sais quoi d’intimidant qui fait le caractère des visites du jour de l’an.

Quels souhaits adresser ? C’est le moment de regretter la bonne salutation de jadis ;

— Une bonne et heureuse année et le Paradis à la fin de vos jours !

Ce serait toujours autant de dit et pendant ce temps peut-être un autre visiteur viendrait vous délivrer.

Quelle conversation tenir pendant les quelques minutes que vous êtes sur le gril ? C’est vrai qu’il y a toujours l’inépuisable sujet de la température. Cette année fort heureusement, elle est exceptionnelle et prêtera des remarques de ce genre :

— Quel temps avons-nous ! Quelle pluie il a fait hier, la semaine dernière, à Noël, etc.

Et ces messieurs partent mécontents d’eux-mêmes, mécontents de leurs hôtesses, répéter dans la maison voisine la même ritournelle.

L’année dernière, trois amis s’engagèrent solennellement à ne pas dire un mot de la température dans le cours des cent et trente-trois endroits où il leur fallait rendre leurs hommages. Celui qui manquerait au traité recommencerait toutes ses visites, fut-il parvenu à la dernière.

On eut bien quelque peine, sans doute, à s’abstenir du thème favori, mais enfin, chacun y mettant du sien, on traita bals, concerts, voire même quelque grande nouvelle d’outre-mer.

L’après-midi s’achevait lorsqu’à la cinquante-septième visite, nos trois amis se trouvèrent aux prises avec une jeune débutante, qui babillait plus, paraît-il, aux heures du silence dans son couvent que dans le salon de sa maman.

Mademoiselle, n’ayant aucune idée à énoncer sur les fêtes passées, la conversation allait demeurer suspendue… que faire ? L’un d’eux, se dévouant pour la cause commune, aborda le sujet défendu.

À cet instant critique on annonça d’autres visiteurs. Trop tard ! Le mot fatal était lâché. Il lui fallait recommencer à gravir les stations de la voie douloureuse.

Oui, je le concède, les visites du jour de l’an sont détestables, ennuyeuses, tous les mauvais qualificatifs que vous voudrez, mais il serait dommage de voir disparaître cette antique coutume. Que de réconciliations se sont effectuées par elles ! Sans compter que le moment est propice à ces timides aspirants, qui, depuis des mois, soupirent après l’instant heureux, où, grâce à un ami compatissant, ils verront s’ouvrir pour eux le seuil d’un séjour plein d’attraits.

Le bon côté de la médaille pourrait faire oublier le revers.