Code de commerce 1807/Livre II, Titre I

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France
Livre II, Titre I : Des Navires et autres Bâtimens de mer.
(p. 34-37).

LIVRE II.
DU COMMERCE MARITIME.



TITRE I.er
Des Navires et autres Bâtimens de mer.


ART. 190. Les navires et autres bâtimens de mer sont meubles.

Néanmoins ils sont affectés aux dettes du vendeur, et spécialement à celles que la loi déclare privilégiées.

191. Sont privilégiées, et dans l’ordre où elles sont rangées, les dettes ci-après désignées:

1.o Les frais de justice et autres, faits pour parvenir à la vente et à la distribution du prix ;

2.o Les droits de pilotage, tonnage, cale, amarrage et bassin ou avant-bassin ;

3.o Les gages du gardien, et frais de garde du bâtiment, depuis son entrée dans le port jusqu’à la vente ;

4.o Le loyer des magasins où se trouvent déposés les agrès et les apparaux ;

5.o Les frais d’entretien du bâtiment et de ses agrès et apparaux, depuis son dernier voyage et son entrée dans le port ;

6.o Les gages et loyers du capitaine et autres gens de l’équipage employés au dernier voyage ;

7.o Les sommes prêtées au capitaine pour les besoins du bâtiment pendant le dernier voyage, et le remboursement du prix des marchandises par lui vendues pour le même objet;

8.° Les sommes dues au vendeur, aux fournisseurs et ouvriers employés à la construction, si le navire n’a point encore fait de voyage; et les sommes dues aux créanciers pour fournitures, travaux, main-d’oeuvre, pour radoub, victuailles, armement et équipement, avant le départ du navire, s’il a dejà navigué;

9.° Les sommes prêtées à la grosse sur le corps, quille, agrès, apparaux, pour radoub, victuailles, armement et équipement, avant le départ du navire ;

10.° Le montant des primes d’assurances faites sur le corps, quille, agrès, apparaux, et sur armement et équipement du navire, dues pour le dernier voyage;

11.° Les dommages-intérêts dus aux affréteurs, pour le défaut de délivrance des marchandises qu’ils ont chargées, ou pour remboursement des avaries souffertes par lesdites marchandises par la faute du capitaine ou de l’équipage.

Les créanciers compris dans chacun des numéros du présent article viendront en concurrence, et au marc le franc, en cas d’insuffisance du prix.

192. Le privilége accordé aux dettes énoncées dans le précédent articles, ne peut être exercé qu’autant qu’elles seront justifiées dans les formes suivantes:

1.° Les frais de justice seront constatés par les états de frais arrêtés par les tribunaux compétens;

2.° Les droits de tonnage et autres, par les quittances légales des receveurs;

3.° Les dettes désignées par les n.os 1, 3, 4 et 5 de l’art. 191, seront constatées par des états arrêtés par le président du tribunal de commerce ;

4.° Les gages et loyers de l’équipage, par les rôles d’armement et désarmement arrêtés dans les bureaux de l'inscription maritime;

5.° Les sommes prêtées et la valeur des marchandises vendues pour les besoins du navire pendant le dernier voyage, par des états arrêtés par le capitaine, appuyés de procès-verbaux signés par le capitaine et les principaux de l’équipage, constatant la nécessité des emprunts.

6.° La vente du navire par un acte ayant date certaine, et les fournitures pour l’armement, équipement et victuailles du navire, seront constatées par les mémoires, factures ou états visés par le capitaine et arrêtés par l’armateur, dont un double sera déposé au greffe du tribunal de commerce avant le départ du navire, ou, au plus tard, dans les dix jours après son départ.

7.° Les sommes prêtées à la grosse sur le corps, quille, agrès, apparaux, armement et équipement, avant le départ du navire, seront constatées par des contrats passés devant notaires, ou sous signature privée, dont les expéditions ou doubles seront déposés au greffe du tribunal de commerce dans les dix jours de leur date.

8.° Les primes d’assurances seront constatées par les polices ou par les extraits des livres des courtiers d’assurances.

9.° Les dommages-intérêts dus aux affréteurs seront constatés par les jugemens, ou par les décisions arbitrales qui seront intervenues.

193. Les priviléges des créanciers seront éteints,

Indépendamment des moyens généraux d’extinction des obligations,

Par la vente en justice faite dans les formes établies par le titre suivant;

Ou lorsqu’après une vente volontaire, le navire aura fait un voyage en mer sous le nom et aux risques de l’acquéreur, et sans opposition de la part des créanciers du vendeur.

194. Un navire est censé avoir fait un voyage en mer,

Lorsque son départ et son arrivée auront été constatés dans deux ports différens et trente jours après le départ;

Lorsque, sans être arrivé dans un autre port, il s’est écoulé plus de soixante jours entre le départ et le retour dans le même port, ou lorsque le navire, parti pour un voyage de long cours, a été plus de soixante jours en voyage sans réclamation de la part des créanciers du vendeur.

195. La vente volontaire d’un navire doit être faite par écrit, et peut avoir lieu par acte public, ou par acte sous signature privée.

Elle peut être faite pour le navire entier, ou pour une portion du navire,

Le navire étant dans le port ou en voyage.

196. La vente volontaire d’un navire en voyage ne préjudicie pas aux créanciers du vendeur.

En conséquence, nonobstant la vente, le navire ou son prix continue d’être le gage desdits créanciers qui peuvent même, s’ils le jugent convenable, attaquer la vente pour cause de fraude.