Aller au contenu

Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 143

La bibliothèque libre.
Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 318-320).

143.

LAGRANGE À D’ALEMBERT.

À Berlin, ce 10 mai 1776.

Voici, mon cher et illustre ami, le Mémoire sur les intégrales particulières que je vous ai annoncé. Je le soumets entièrement à votre jugement, et, si vos occupations littéraires et votre santé vous permettent de l’examiner, je vous supplie de le faire avec toute la rigueur et l’impartialité possibles. Je serai autant flatté de votre approbation que de votre critique ; je n’ai qu’un seul objet dans mes travaux, c’est l’avancement des sciences, et votre jugement m’est nécessaire pour savoir si j’ai bien ou mal rempli cet objet. L’autre Mémoire, qui concerne le mouvement des nœuds, vous intéressera peut-être moins ; d’ailleurs il y manque les figures, ne m’ayant pas été possible de les avoir jusqu’à présent ; aussi ne vous l’envoie-je qu’afin que vous le remettiez de ma part à notre ami le marquis de Condorcet, à qui j’aurai soin de faire parvenir les figures dès que je les aurai ; il doit déjà avoir reçu le Mémoire sur les intégrales particulières, que je lui ai adressé il y a une quinzaine de jours par une autre voie. Le Volume dont ces Mémoires font partie ne paraîtra peut-être que dans trois mois ; je vous l’enverrai alors avec les Mémoires de Gœttingue qui vous manquent et quelques autres Ouvrages que je compte qu’ils seront aussi prêts pour ce temps-là.

Je viens de voir dans la Gazette que le prix des comètes a été remis à 1778 ; je m’engage solennellement à y concourir, mais je ne vous promets pas une bonne pièce. La matière me paraît déjà bien usée, et il est peut-être très difficile d’ajouter quelque chose à ce que l’on a déjà. Quoi qu’il en soit, j’enverrai toujours ce que je pourrai trouver ; j’ai déjà quelques matériaux, mais je n’en suis nullement content. Au reste, je vous prie de me dire si on n’a rien changé au programme de 1774 et si on est toujours résolu de se contenter de la partie analytique.

Je compte que vous aurez reçu la Lettre que je vous ai écrite il y a deux mois[1]. L’affaire de la Chimie est toujours in, statu quo ; on n’a point fait de démarches ultérieures. M. Margraff ne fait que languir, il ne quitte point sa chambre ; s’il ne se rétablit pas cet été, je doute qu’il passe l’année.

Pouvons-nous espérer de vous voir ici, comme le bruit s’en est répandu, ou bien ne nous a+on repus que d’une fausse joie ?

J’ai mis de côté les Lettres qui contiennent vos objections contre mon Mémoire sur les ressorts ; j’attends vos ordres là-dessus ; je tâcherai de faire, lorsque vous le demanderez, les meilleures réponses que je pourrai à ces difficultés, en passant condamnation sur celles qui me paraîtront insolubles.

Je vous prie d’assurer le marquis Caraccioli de mes respectueux sentiments c’est par discrétion que je ne lui écris pas souvent, surtout n’ayant rien d’intéressant à lui mander.

Il a paru le cinquième Volume de Turin, dans lequel il doit y avoir deux Mémoires de moi ; mais ils roulent sur des matières qui ne vous intéresseront peut-être pas. Il y a si longtemps que je les y ai envoyés, que je n’en ai presque plus d’idée ; quoi qu’il en soit, je vous demande votre indulgence si vous les jugez dignes de votre attention. Je n’ai pas encore reçu ce Volume et j’ignore s’il y est question de l’établissement de la Société ; il y a un siècle que je n’ai entendu parler de cette affaire ; je la crois presque totalement manquée. Adieu, mon cher et illustre ami je vous embrasse de tout mon cœur et je me recommande à votre amitié ; ma santé est bonne, ayez soin de la vôtre.


  1. Voir plus haut la Lettre du 25 mars 1776.