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Cours d’agriculture (Rozier)/DÉPLANTER

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 661-662).


DÉPLANTER. C’est ôter de terre un arbre, un arbrisseau, une plante, pour les planter ailleurs. Il se dit plus particulièrement des deux premiers. Que fait le jardinier ordinaire ? Il commence avec la pelle ou la bêche par enlever la terre tout autour du tronc de l’arbre. À une certaine profondeur il trouve des racines grosses & petites ; il les coupe à un pied de distance du tronc ; enfin, sentant que l’arbre n’est plus retenu dans la terre que par le pivot, il le coupe. Que d’absurdités dans cette opération ! Il falloit s’y prendre d’une manière tout opposée, plus longue à la vérité, mais conforme aux simples loix du bon sens.

À six pieds de l’arbre dont le tronc à deux pouces de diamètre, commencez la fouille. Si vous rencontrez des racines grosses ou petites, ménagez-les, suivez-les dans toute leur longueur, ne les mutilez ni ne les coupez point ; débarrassez-les de la terre qui les environne ; creusez jusqu’à ce que vous trouviez l’extrémité du pivot ; conservez, autant qu’il est possible, la masse de terre nommée motte par les jardiniers, si l’arbre ne doit pas être replanté dans un endroit bien éloigné : si au contraire, il doit voyager, dégagez toutes les racines de leur terre sans les endommager ; liez-les doucement les unes près des autres & enveloppez-les avec de la paille. Je sais bien que cette manière d’opérer ne sera pas du goût des marchands d’arbres, des jardiniers asservis à leur aveugle routine ; qu’ils la taxeront même de ridicule : leur approbation m’importe peu, j’ai l’expérience pour moi.

Lorsque je me suis retiré dans le domaine que j’habite actuellement, j’ai trouvé un grand nombre d’arbres nains plantés à six pieds l’un de l’autre ; ils avoient huit ans de plantation, & leur tronc étoit de trois à quatre pouces de diamètre. Je les ai fait déplanter avec les précautions indiquées ci-dessus, sans avoir la peine de ménager le pivot qu’on avoit eu la mal-adresse de couper dans la pépinière. Ils ont été plantés, taillés comme s’ils n’avoient pas changé de place, & la même année ils m’ont donné presqu’autant de fruits que leurs anciens voisins restés en place : sur soixante-dix poiriers ou pommiers, je n’en ai pas perdu un seul ; sur vingt-trois pêchers ou pruniers, j’en ai perdu trois. Il faut être de bonne foi & avouer que les pêchers & pruniers fleurirent très-bien, mais ne retinrent point de fruit. Je demande & je prie quelqu’amateur de la culture des arbres, s’il lui reste le plus léger doute, de répéter l’expérience, & de juger par comparaison, en conservant autant de terre qu’il pourra autour des racines lors de la déplantation. De quelle manière faut-il planter  ? (Voyez ce mot.)