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Cours d’agriculture (Rozier)/SALSIFIX ou CERCIFI commun

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 67-68).


SALSIFIX ou CERCIFI commun. on ne doit pas confondre cette plante avec celle qu’on nomme mal à propos, à Paris & ailleurs, salsifix d’Espagne ; c’est lascorsonère, qui n’est pas du même genre que la plante que on va décrire. Ce vice de nomenclature a souvent trompé les écrivains & les cultivateurs. Tournefort place le salsifix dans la première section de la treizième classe des herbes à fleurs à demi-fleuron, dont les semences sont aigrettées, & il l’appelle tragopogon purpuro-cœruleum, porri folio, quod artifi vulgo. Von-Linné le classe dans la singénesie polygamie égale, & le nomme tragopogon porri folium.

Fleur ; composée de demi-fleurons, d’un bleu pourpré, imitant par la forme ceux de la scorsonère ; rassemblés dans un calice simple, à huit côtés, divisé en folioles aiguës, égales, réunies à leur base, & plus longues que les corolles.

Fruit, semences solitaires, oblongues, anguleuses, rudes, terminées par une aigrette plumeuse, qui a environ trente rayons, & qui est portée sur un pédicule en forme d’alêne. Les semences sont renfermées dans le calice, qui s’est resserré ; elles sont placées sur un réceptacle nu, plane, raboteux.

Feuilles ; embrassent les tiges par leurs bases ; elles sont étroites, roides & entières.

Racine ; en forme de fuseau, longue, droite, tendre, laiteuse, blanche.

P»u ; tige haute de deux à trois pieds, suivant le terrain ; creuse, herbacée, rameuse. Les fleurs naissent au sommet, solitaires, portées par des pédicules renflés par le haut ; les feuilles alternativement placées sur les tiges.

Lieux ; les jardins potagers. La plante est bis-annuelle.

Propriétés. La racine est douce au goût, apéritive, pectorale, stomachique. C’est un aliment très-sain.

Culture. La forme de la racine de cette plante, la croissance qu’elle doit acquérir dans la terre, indique qu’elle aime à végéter dans une terre profondément défoncée, légère, douce & substantielle. Elle ne redoute pas les engrais les plus actifs, & elle brave les hivers dont le froid excède dix-sept degrés. La gelée fane ses feuilles, mais elle n’endommage pas ses racines… Dans les provinces méridionales du royaume, on peut semer la graine de salsifix, dans une terre bien préparée, depuis la fin de février jusqu’au commencement de mars. Je conviens que s’il survenoit une gelée tardive, la jeune plante périroit ; mais le jardinier intelligent la garantit de ses effets en la couvrant avec des feuilles ou avec un peu de paille, qu’il enlève dès que le moment d’alarme est passé. Il gagne beaucoup à semer de bonne heure, parce que les racines du salsifix sont beaucoup plus grosses & plus nourries à la fin de l’automne, & font beaucoup plus de profit pendant l’hiver suivant. On sème par raies assez près, sur la même ligne, mais chaque raie doit être espacée convenablement, afin qu’on puisse arroser par irrigation, (consultez ce mot) suivant la coutume & les besoins du climat. Après chaque irrigation, il convient de travailler le sol, quand il est un peu ressuyé, ainsi qu’il a été dit dans cet article ; parce que l’irrigation rend la terre trop compacte relativement aux besoins d» cette racine, qui aime les terrains légers. On peut, si on le veut, pendant la première année, couper la fane épaisse & considérable, & la donner au bétail, qui la mange avec avidité.

Dans les provinces du nord du royaume, on la sème en avril ou mai, suivant les climats ; on la sème par raies, à six ou à huit pouces de distance les unes des autres. Quelques petits binages & arrosemens au besoin, sont les seules attentions qu’elle exige.

On a la coutume, environ vers la toussaint, & plus tard si la saison des froids n’est pas avancée, d’enlever de terre les racines des salsifix, de les transporter dans les serres ou jardins d’hiver, & de les enterrer, lit par lit, ou dans de la terre meuble ou dans du sable, qui les conservent fraîches pendant l’hiver. On réserve communément ces racines pour le carême.

Dans les provinces du midi, comme dans celles du nord, on laisse en terre une quantité de pieds suffisante pour la quantité de graines que l’on le propose de cueillir, soit pour vendre, soit pour son usage ; & on réserve les plantes les plus vigoureuses. L’époque de la maturité de la graine dépend & de la saison & du climat. La plante ne donne plus qu’à la seconde année, après quoi elle périt.

Le salsifix est moins délicat que la scorsonère, mais il réussit mieux dans les provinces du midi, & on le mange dès la première année, tandis que dans les provinces du nord, il faut attendre à la seconde pour avoir des scorsonères d’une grosseur convenable.