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Encyclopédie anarchiste/École - Économie

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Collectif
Texte établi par Sébastien Faure, sous la direction de, La Librairie internationale (tome 2p. 618-629).


ÉCOLE n. f. (du latin schola). Il n’est pas nécessaire de définir l’école, mais il est utile de montrer les défauts les plus graves des écoles que fréquentent tous les jeunes enfants et d’indiquer ce qui devrait être fait pour rendre ces écoles meilleures.

Il n’est pas indispensable non plus d’étudier comment les écoles se sont différenciées ; mais il est bon de montrer que la différenciation qui a pour but de séparer les enfants des riches des enfants du prolétariat est combattue aujourd’hui par les partisans de l’école unique. Il nous faut signaler aussi l’influence de l’individualisme sur la différenciation des écoles, comment l’on se propose aujourd’hui de tenir mieux compte des intérêts et des capacités des enfants, pour aider ces enfants à devenir des hommes plutôt que pour en faire des croyants ou des citoyens.



Nul mieux que Roorda n’a su exposer d’une façon claire, et souvent caustique, les défauts des écoles d’aujourd’hui.

« Il y a, dit le pédagogue suisse, deux écoles :

« 1o L’école proprement dite…, où tous les enfants vont pour commencer ;

2o L’école spéciale ou professionnelle, où l’on entre plus tard, et où tous les élèves font un même apprentissage déterminé.

« Cette école spéciale sera, par exemple, une école de médecine, ou une école d’horlogerie, ou une école de droit, ou une école de commerce, ou une école de dessin, ou une école dentaire.

« On comprend que dans une telle école tous les élèves se livrent au même entraînement méthodique ; qu’on propose à tous les mêmes travaux et que, finalement, on exige de tous les mêmes connaissances techniques et un même minimum d’habileté : les uns exécuteront plus facilement que les autres les exercices réglementaires ; mais les exigences du maître ne varieront pas avec leurs aptitudes respectives. En somme, c’est sa science de spécialiste, ce sont ses propres talents, ses propres tours de mains qu’il s’efforce de communiquer à tous ses élèves indifféremment. Si les goûts de l’un de ceux-ci sont trop fortement contrariés par cette discipline uniforme, qu’il s’en aille. Car il y a des règles concernant la résistance des matériaux que doivent connaître tous les futurs constructeurs de ponts. Il faut exiger aussi de tous les élèves d’une école d’horlogerie, qu’en dépit de leurs tendances individuelles, ils fabriquent des montres marchant d’accord. Et je trouve bon que l’on interdise aux jeunes gens qui étudient l’art dentaire une originalité excessive dans la manière d’arracher les dents.

« Mais c’est de la première école que je veux parler, de celle que j’appellerai simplement l’École, et dont on oublie trop souvent l’un des caractères essentiels. Dans cette École-là, le maître s’adresse à des enfants qui exerceront par la suite les professions les plus diverses… L’École doit donc se demander : « Est-ce que la science que j’enseigne a une valeur générale ? … » Donc, ici, nous ne sommes plus à l’école professionnelle. Ici, en face de son maître, l’écolier n’est plus celui des deux qui doit comprendre l’autre. Il ne s’agit plus d’enseigner à tous les élèves les mêmes procédés et les mêmes formules. Il faut fournir à chacun d’eux l’occasion d’améliorer ce que la nature lui a donné de bon. Car chacun d’eux, en qualité d’être humain, a des aptitudes précieuses dont on pourrait favoriser le développement. Or, tous les enfants ne se développent pas de la même façon ; ils ne peuvent pas progresser tous de la même allure.

« …il est admissible que, dans certaines leçons, tous les écoliers fassent la même chose. Mais, à côté de ce domaine où l’instruction peut être obligatoire et uniforme, n’y en a-t-il pas un autre où la diversité et la liberté doivent être admises ?…

« Il existe beaucoup d’écoles où les jeunes gens peuvent se spécialiser. Mais nous n’avons pas encore celle où l’enfant pourra s’épanouir. »



Certes, la plupart des écoles méritent encore les reproches que Roorda adresse à l’École. On en comprendra la raison lorsque l’on saura que l’École est née de l’Université et non l’Université de l’École. Par routine, l’École est restée mieux adaptée à la préparation à des études plus complètes qu’à la préparation à la vie.

De plus en plus cependant, l’idée se répand que l’École est faite pour les écoliers, si divers en leurs aptitudes et en leurs intérêts, et que tous les écoliers doivent profiter de l’enseignement d’une école. Sans doute parmi les défenseurs d’une meilleure et plus juste adaptation des écoles aux écoliers, il en est un certain nombre qui se placent uniquement ou presque uniquement au point de vue social : pour qui les écoles spéciales pour arriérés ont pour but de déterminer les charges sociales, les écoles pour surnormaux de tirer le maximum de profit des élites, l’école unique — pas encore réalisée en France — de recruter toutes les élites. Mais que le but soit ou ne soit pas le progrès social, il n’en est pas moins vrai que les moyens envisagés se résument à peu près tous en une meilleure adaptation de l’enseignement aux individualités enfantines. Le progrès individuel et, partant, l’individualisation de l’enseignement sont les moyens du progrès social.

Le besoin de différencier l’enseignement par la création d’écoles différentes s’est surtout fait sentir à propos des enfants trop différents des autres pour pouvoir profiter de l’enseignement collectif. La première école pour sourds-muets fut créée à Paris en 1760 ; en 1784, à Paris également, on créait la première école pour aveugles ; cependant, l’écriture Braille, la plus usitée aujourd’hui pour les aveugles, ne fut inventée que vers 1829. L’enseignement pour les enfants infirmes et estropiés est encore aujourd’hui trop négligé, sauf peut-être au Danemark et aux États-Unis. À New-York, en 1921, près de 2.000 enfants estropiés étaient transportés journellement à des écoles spéciales par deux autobus municipaux et plusieurs véhicules loués ; plus de 500 étaient hospitalisés et 172, non transportables, instruits à domicile par 12 instituteurs volontaires.

Cependant, l’intérêt des enfants n’est pas toujours seul en cause, celui des instituteurs a également influé sur la différenciation des écoles. On comprend que les enfants arriérés, anormaux, vicieux, aient été une gêne pour leurs maîtres. On devine que les élèves particulièrement bien doués n’aient pas été dans le même cas et que les maîtres soient heureux de conserver de tels élèves dans leurs classes. Aussi, alors que la première école spéciale pour arriérés était créée en Allemagne dès 1867, ce n’est qu’en 1905 que des écoles pour surnormaux furent créés aux États-Unis. Aujourd’hui encore, l’École unique n’est désirée par la plupart des instituteurs qu’à la condition qu’ils n’y perdront pas leurs bons élèves.

Pour que chaque enfant profite au maximum du temps passé par lui à l’école et du travail qu’il y fait, il faut que l’école tienne compte de la diversité des aptitudes et des intérêts. Parmi les solutions qui ont été proposées pour satisfaire à cette condition, l’une consiste à différencier les écoles et les groupes d’une même école, chaque groupe homogène pouvant ainsi recevoir un enseignement collectif profitable ; l’autre à différencier les travaux dans la même école, à individualiser l’enseignement et à assurer le contrôle, soit directement par le maître, soit indirectement. Il est, enfin, des écoles qui s’efforcent de combiner les deux solutions précédentes. Nous remettons à plus tard un exposé des méthodes employées pour la sélection des groupes ou pour l’enseignement individualisé. La première de ces solutions est employée dans quelques grandes villes, la seconde convient aux petites écoles.

Un modèle de différenciation du premier genre nous est offert à Jackson (États-Unis) où, en 1921, on comptait :

1o Des ungraded schools pour enfants déficients ;

2o Des lower auxiliary schools pour jeunes arriérés ;

3o Des upper auxiliary schools pour arriérés plus âgés ;

4o Des opportunity schools pour les arriérés qui vont quitter l’école ;

5o Des speed schools, écoles rapides pour mieux doués ;

6o Des open air schools pour prétuberculeux et anémiés ;

7o Des schools for deaf pour sourds ou durs d’ouïe ;

8o Des schools for the blind or sight saving school pour aveugles ou vues faibles ;

9o Des maîtres-répétiteurs (spécial help) pour des enfants normaux mais retardés en quelque matière.

Parmi les autres types d’écoles spéciales, dont nous n’avons pas encore parlé, nous devons citer celles pour enfants vicieux, vagabonds, délinquants, qui se sont surtout développés en Angleterre et aux États-Unis.

Ajoutons encore les écoles destinées aux tout-petits et, parmi elles, les jardins d’enfants de Froebel, créés en Allemagne dès 1837, les écoles maternelles françaises organisées tout d’abord par Mme Pape Carpentier et la maison des enfants (Case deï Bambini), de Mme Montessori, apparue en Italie, en 1907.

Ainsi, peu à peu, en se différenciant, l’École tient de plus en plus compte des aptitudes diverses des enfants. En est-il de même en ce qui concerne les intérêts enfantins ? Certainement oui, mais si cet autre progrès peut être constaté dans les divers types d’écoles dont nous venons de parler, elle est surtout évidente dans ce qu’on a appelé les Écoles nouvelles et les Écoles du travail (Arbeitsschule). Claparède fait naître les premières en Angleterre en 1889 et sur le Continent en 1898, et les secondes aux États-Unis en 1896 et en Allemagne en 1907, mais il est certain que l’origine des méthodes mises en application dans ces écoles est bien plus lointaine. Écoles nouvelles et Écoles du travail sont aujourd’hui désignées le plus souvent sous le nom d’Écoles actives.

En résumé, l’École a progressé, soit qu’elle s’efforce de tenir mieux compte du développement mental (Écoles pour arriérés, sur mesure, de plein air, pour surnormaux) soit qu’elle veuille s’adapter aux intérêts et, en particulier, au besoin d’activité des enfants (École active). Enfin, le souci de sélectionner l’élite, celui de mettre de l’ordre dans l’organisation scolaire et une poussée démocratique visent aujourd’hui le problème de l’École unique. Bien que ces formes du progrès soient inséparables en réalité, que, par exemple l’École active se préoccupe également de la diversité des aptitudes, nous adopterons cet ordre et cette division pour la suite de cette étude que nous terminerons en indiquant ce que doivent être l’École et les Écoles, selon nous.



Écoles pour anormaux et arriérés. Dans les villes comme dans les campagnes, on trouve un nombre considérable d’enfants anormaux et arriérés. Certains de ces enfants qui doivent leurs tares à des parents alcooliques, syphilitiques, ou tarés de toute autre façon, n’ont pas seulement le malheur d’être atteints de quelque infirmité ou d’être simples d’esprit, ils sont par dessus le marché les souffre-douleurs de leurs parents et de leur entourage.

D’autres trouvent leur plaisir dans le vagabondage, la brutalité, les farces stupides ; ils donnent de mauvais exemples à leurs frères et sœurs, dans la famille, à tous les enfants dans la rue et dans l’école où ils sont une source de trouble. Ils gênent l’évolution des autres enfants, l’activité professionnelle de leurs parents et causent à ceux-ci mille tracas.

Les uns coûtent à la société parce qu’ils sont incapables de se suffire, les autres coûtent également parce que nuisibles.

Il est certain que l’injustice sociale, avec ses taudis pourvoyeurs de cabarets, la mauvaise organisation du travail : oisiveté voulue ou non voulue (chômage) d’un côté et surmenage de l’autre est en grande partie la cause de la multiplication des anormalités.

Cependant, dans une certaine mesure, il semble que le progrès des uns nécessite la régression des autres, que les sociétés mieux organisées auront sans doute encore leurs déchets, que les progrès de la masse des individus sont à la fois cause et résultat de la formation d’individus dégénérés aussi bien que de la constitution des élites.

Faut-il s’occuper des enfants anormaux et arriérés ?

De multiples raisons justifient une réponse affirmative. À côté des raisons de justice et d’intérêt social qui s’explique par ce qui précède, on peut ajouter qu’un régime éducatif spécial, l’apprentissage de certains métiers peuvent alléger les charges sociales qui résultent des enfants inaptes ou dangereux.

On peut aussi faire remarquer qu’un traitement spécial, dans les écoles ou internats spéciaux, en débarrassant les enfants anormaux d’un voisinage nuisible, ne peut qu’être favorable à l’instruction et à l’éducation de ceux-ci.

Non seulement le traitement spécial des enfants anormaux ou arriérés diminue les inconvénients, les dangers et les charges qu’ils constituent, mais encore de ce traitement la médecine et la pédagogie retirent un grand profit pour l’éducation et la préservation des enfants normaux. De même que l’étude des maladies a eu pour effet de permettre les progrès de l’hygiène, de même l’étude des anormaux permet peu à peu de reconnaître et de prévenir les causes de dégénérescence.

Enfin l’étude des méthodes propres à l’enseignement des anormaux ou arriérés nous a déjà permis de reconnaître certains défauts de l’enseignement donné aux enfants normaux et d’améliorer nos méthodes générales d’enseignement.

Comment faut-il s’occuper des enfants anormaux et arriérés ?

D’abord, pour certains, un traitement physique s’impose : régimes, médications, cures de soleil, d’air, etc., selon les cas. Tout ceci est de la compétence des médecins.

Ensuite, un traitement éducatif s’impose également. Ce traitement éducatif spécial, dont nous reparlerons à propos de l’éducation, est évidemment très variable, car il y a une grande variété d’anomalies et d’infériorités ; aussi il exige le plus souvent des éducateurs spécialisés, ayant la charge d’un petit nombre d’enfants, et des écoles spéciales.

Moins l’hérédité a donné de valeurs latentes à l’enfant et plus l’influence du milieu éducateur devra être intense pour permettre au mieux l’épanouissement de ces valeurs.

Les écoles spéciales pour anormaux et arriérés ont donc en tout premier lien pour rôle de favoriser le développement physique, mental et affectif de ces enfants. Elles s’efforcent ensuite de les préparer à des professions qu’ils soient capables de remplir.

Ajoutons, pour terminer, qu’actuellement, en France, le nombre des écoles spéciales est tout à fait insuffisant et que, surtout dans les campagnes, la plupart des enfants arriérés ou ne vont pas à l’école, ou vont à l’école ordinaire et y font peu ou point de progrès tout en nuisant à l’instruction et à l’éducation de leurs condisciples.



École sur mesure. — En 1900 la ville de Mannheim (Allemagne) introduisit dans ses classes une organisation que l’on désigne tantôt sous le nom d’ « École sur mesure », tantôt sous celui de « système de Mannheim ». Ce système s’efforçait de tenir compte de la diversité des capacités des élèves en fractionnant chaque classe en trois divisions : l’une pour les enfants très intelligents, l’autre pour les moyens et la troisième pour les très faibles. Le système de Mannheim a été l’objet de nombreuses critiques et nous ne le signalons que comme la première tentative sérieuse de réaliser l’adaptation de l’enseignement à la nature de l’écolier.



Écoles pour surnormaux. — Dès la Révolution Française, les projets d’organisation de l’enseignement public, présentés à la Convention par Condorcet et Lepelletier de Saint-Fargeau, posaient le principe que les enfants qui témoignent d’une intelligence supérieure doivent continuer leurs études aux frais de l’État et devenir les « Pupilles de la Pairie ». Plus tard, Napoléon, en fit des « Élèves du Gouvernement ». Aujourd’hui nous avons, en France, le système des bourses. Ce système mérite de sérieuses critiques. D’abord il est une aide imparfaite et par cela-même profite beaucoup plus à la petite bourgeoisie qu’au prolétariat. Ensuite le choix des boursiers se fait à l’aide d’examens qui ont le tort de tenir beaucoup plus compte de l’acquis scolaire que des aptitudes enfantines. Enfin les élèves ainsi sélectionnés se trouvent réunis à des cancres de familles riches et l’homogénéité des classes n’est pas obtenue dans les écoles.

La sélection des mieux doués, sous sa forme actuelle, se fait surtout au profit de la classe sociale privilégiée qui tente d’aspirer les éléments les meilleurs du prolétariat. Il n’en est pas moins vrai qu’il y a un intérêt social évident à ce que l’on découvre très tôt l’élite intellectuelle et qu’on lui permette de se développer. L’intérêt social n’est pas seulement en jeu. Tout comme les anormaux, les normaux causent un déséquilibre des classes dont pâtissent les élèves moyens. Il y a enfin à cette sélection un intérêt individuel trop méconnu : l’enfant surnormal profite mieux d’un travail à sa mesure ; de plus, c’est souvent un enfant à surveiller au point de vue médical.

N’oublions pas qu’il ne faut pas confondre l’enfant précoce, qui devient de bonne heure un petit homme mais s’arrête très tôt dans son développement et l’enfant surnormal exceptionnellement doué. Dès 1905, un allemand : Petzoldt, réclamait des écoles spéciales pour surnormaux. En 1917 la ville de Berlin créa de telles écoles. Son exemple fut suivi en 1918 par Hambourg.

Dans le Northumberland (Angleterre) la sélection des mieux doués a aussi été organisée. Il en est de même en Autriche et en Amérique. En Belgique, une loi du 15 octobre 1921 a créé un « fonds provincial des mieux doués ».

Non seulement la sélection des mieux doués gagna du terrain, mais encore elle perfectionne une méthode : aux examens ordinaires, où triomphent surtout les élèves doués d’une bonne mémoire et gavés de connaissances, on préfère de plus en plus les tests psychologiques, épreuves qui permettent de juger beaucoup mieux les aptitudes des élèves.



Écoles de plein air. — Ces écoles naquirent en Allemagne et en France en 1904 et se répandirent peu à peu : les premières furent celles de Charlottenburg (Allemagne) et de Montigny-sur-Loing (France). Ensuite des écoles analogues furent créées au Danemark et en Hollande (1905), en Italie (1906), en Angleterre et en Norvège (1907), aux États-Unis et en Hongrie (1908), au Canada (1912), en Russie (1914), etc.

Un premier Congrès international des écoles de plein air s’est tenu à Paris du 24 au 28 juin 1922.

Ce Congrès a adopté un certain nombre de vœux ainsi que les modifications suivantes :

« 1o La classe aérée est une classe dans laquelle les fenêtres d’un côté ou de l’autre restent toujours ouvertes. Il est désirable que toutes les classes deviennent des « classes aérées ».


« 2o L’École de plein air est un établissement d’éducation situé hors des villes dans de bonnes conditions d’exposition et, pour le moment, réservé aux enfants non tuberculeux, mais ayant besoin d’un régime scolaire et hygiénique spécial, sous un contrôle médical. Elle peut être conçue sur le type externat ou sur le type internat ; celui-ci devra être offert à ceux des enfants qui subissent au foyer familial des conditions hygiéniques défectueuses. Il est désirable que ces types d’établissements scolaires se généralisent à l’ensemble de la population enfantine.

3o « Les Préventoriums sont des établissements situés à la campagne, où des enfants, le plus souvent exposés à la contagion dans le milieu familial, non fébricitants et non contagieux, atteints des formes initiales, latentes et curables de tuberculose non pulmonaire, sont soumis en régime d’internat, à une hygiène spéciale, constituée par une alimentation surveillée, une aération continue et une association de repos et d’entraînement physique, respectivement dosés par la collaboration d’un médecin et d’un pédagogue.



École active. — Le terme « École active » tend depuis quelques années à prendre la place d’un autre terme « Arbeitsschule » (école du travail), auquel les pédagogues reprochaient un certain manque de précision.

A. Pabst note, dans l’avant-propos d’un ouvrage allemand, consacré à la pratique de l’École du travail, que le terme Arbeitsschule « a eu assez fréquemment le tort d’être mal compris ». D’après lui, l’Arbeitsschule n’est ni simplement l’école de travail manuel ni l’ennemi de l’étude. Pour lui l’activité manuelle est une des formes les plus importantes de l’activité de l’enfant ; mais il ne faut pas omettre non plus l’enseignement par l’observation et l’expérience, l’enseignement occasionnel et l’enseignement en plein air. En outre « l’emploi des objets (enseignement de la réalité) et l’éveil de l’initiative et de l’activité personnelle de l’enfant doivent surtout être toujours placées au premier plan ». L’Arbeitsschule est une école d’éducation qui « place la formation de la volonté au centre de tout l’enseignement ». On ne peut, dit encore Pabst, « former et améliorer les hommes par le moyen d’un savoir verbal. C’est seulement sur une base de connaissances acquises par le travail personnel, par l’observation personnelle, la manière de faire et la pensée que peut se développer avec valeur la force de la volonté et celle de l’intelligence ».

Dans le même ouvrage (Aus der Praxis der Arbeitsschule), un instructeur de Leipzig, Karl Röszger, oppose la vieille pédagogie qui, sans souci de l’enfant, organisait le travail d’une façon logique, à la nouvelle pédagogie qui se place au point de vue psychologique et construit ses méthodes en partant de l’enfant. Par suite, trois questions se posent à l’instituteur de l’Arbeitsschule : 1o quel degré de développement a atteint l’enfant non encore entré à l’école ; 2o quelle est, dans le développement, la direction qu’il faut prendre ; 3o par quels moyens l’école peut-elle influencer heureusement le développement ?

La réponse à la première question nécessite des épreuves spéciales destinées à juger le développement : corps, taille, poids, des organes des sens (tests), du langage, etc.

C’est l’élève seul, dit-il, qui fait reconnaître la direction qu’il faut prendre, le pédagogue psychologue doit tenir compte des individualités et ne pas exiger la même chose de chacun. Cependant la tendance au mouvement et à l’activité est propre à tous. « C’est pourquoi l’enseignement doit être vivant, c’est dire que les élèves doivent toujours avoir quelque chose à faire, avec les mains et les jambes, avec la tête et le corps, et non seulement avec l’oreille, l’œil et la bouche ».

« La première parole, dit-il, doit provenir du besoin et non de l’exigence, et le premier succès doit encourager à une action ultérieure. » Il n’importe pas surtout d’obtenir une certaine quantité de résultats en un temps donné, ce n’est pas le maître seul qui doit déterminer le travail ; il n’est « pas là comme le directeur tout-puissant des volontés et des actions, qui ordonne et qui défend, rien que parce que cela lui plaît », mais il est celui qui, observant les enfants, connaissant leurs intérêts, s’efforce de trouver le moyen de suggérer à ses élèves la direction à prendre pour en retirer avantage ; il ne renonce pas à faire agir sa volonté, il n’oublie pas, que l’on n’apprend pas à lire, à écrire, à calculer sans certains exercices, mais toujours les exercices qu’il propose sont dans « un rapport quelconque avec les intérêts spéciaux des élèves. »

Tous les pédagogues allemands n’ont pas, il est vrai, conçu l’Arbeitsschule comme le font Pabst et Röszger. Avant d’être une école d’activité spontanée, aussi bien intellectuelle que manuelle, l’École du travail fut dominée par les préoccupations professionnelles pures, puis par un souci d’activité trop exclusivement manuelle.

Qu’on la désigne sous le terme d’Arbeitsschule ou sous celui d’École active on voit ce qui caractérise cette école. Elle est celle qui se préoccupe de la liberté, de la spontanéité enfantines. Elle ne veut pas imposer à l’enfant des efforts pour un but qui ne l’intéresse pas, elle se refuse même à tenter de rendre l’étude intéressante pour l’enfant. Ce qu’elle veut : c’est obtenir l’effort en vue d’un but intéressant par lui-même, sans récompense autre que l’obtention du résultat poursuivi, sans punition, sans artifices ; c’est l’organisation d’un milieu scolaire tel, que les enfants soient placés dans des conditions convenables pour qu’ils éprouvent le besoin d’agir, d’observer, d’expérimenter, de se développer corporellement et mentalement.

Tout ceci n’est point vraiment nouveau : Socrate, Rabelais, Montaigne, Luther J.-J. Rousseau, Pestalozzi, Froebel, furent des précurseurs des écoles actives d’aujourd’hui. Plus près de nous Tolstoï à Jasnaïa Poliana (Russie) ; Giroud, Delon et Robin à Cempuis, Sébastien Faure à La Ruche, M. Vernet à l’Orphelinat d’Épône ; Jean Ligtharten en Hollande ; Mme Montessori en Italie ; le Dr Decroly en Belgique ; John Dewey, Angelo Patri, etc., en Amérique ; Gaudig, Kerschensteiner, Lag, Scharrelmann, Gansberg, etc., en Allemagne ; Seidel, Oertli, Ferrière, Claparède, H. Tobler, etc., en Suisse ; O’Neill, Sanderson, etc., en Angleterre, ont été, ou sont encore, parmi les plus ardents artisans de l’École active.

Le pouvoir soviétique, lui-même, a voulu établir en Russie le régime de l’École du travail, mais il paraît certain que les instituteurs russes, en général, n’étaient pas suffisamment préparés au rôle qu’on a voulu leur faire jouer et d’autre part que la liberté et la spontanéité enfantines ont été trop négligées, pour satisfaire aux préoccupations politiques des dirigeants.

Une place à part doit être faite à ces écoles expérimentales qui s’efforcent d’améliorer l’École et portent le nom d’Écoles nouvelles. Nous extrayons de « Pour l’Ère nouvelle » des renseignements copieux sur ces écoles :

« Elles visent un triple but : satisfaire les besoins psychologiques spontanés de l’esprit de l’enfant ; l’armer pour la vie d’aujourd’hui ou, mieux encore, pour celle de demain ; enfin le mettre à même de s’élever par son effort propre jusqu’aux valeurs universelles de l’esprit, indépendantes du temps et du lieu : la vérité, le bien, la beauté !

« Le nom d’École nouvelle — en anglais new school — a été choisi par le Dr Cecil Reddie, qui créa la première institution de ce genre en 1889 à Abbotsholme dans le Derbyshire. Le sociologue Edmond Demolins l’importa en France, où il établit en 1899 l’École des Roches à Verneuil-sur-Avre (Eure). En Allemagne, le Dr Hermann Lietz désigna ses écoles du nom de Land-Erziehungsheime : foyers d’éducation à la campagne. Mais les plus récentes de ces écoles, celles tout au moins qui ont étendu à toute la communauté scolaire la pratique du self-government, portent le nom de Freie-Schulgemeinden.

Il n’est pas facile de caractériser l’école nouvelle.

Nombre d’institutions se dénomment « Écoles nouvelles » sans ressembler de près ni de loin aux écoles modèles qui ont donné à ce terme sa consécration…

« Il est bon toutefois que le public soit averti. « Méfiez-vous des contrefaçons », lui crierait-on volontiers.

Mais comment le public reconnaîtra-t-il le vrai du faux, puisqu’il ne s’y entend pas et que les directeurs d’écoles, à l’instar des politiciens de profession, le leurrent de belles promesses et de « plans fort beaux sur le papier… » ?…

Des séjours nombreux et prolongés dans les principales Écoles nouvelles de différents pays nous ont permis de déceler ce qui les distingue des écoles traditionnelles, et cela non plus seulement dans les principes — qui sont en soi invisibles et impalpables et dont le dernier « marchand de soupe » venu peut se réclamer — mais dans les réalités concrètes.

Trente traits caractéristiques, tirés de l’expérience même des Écoles nouvelles, permettent de « jauger » celles-ci, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Un bref séjour permettra à un père de famille de diagnostiquer si l’école à laquelle il voudrait confier son enfant est, ou non, une École nouvelle. Le procédé a sans doute forcément quelque chose d’un peu arbitraire : toute application d’une théorie à la pratique comporte ce caractère. Mais moins il y a d’arbitraire dans l’établissement de cette norme de valeurs, mieux cela vaut. C’est à quoi nous avons visé.

Caractéristiques des Écoles nouvelles
Organisation
1

L’École nouvelle est un Laboratoire de pédagogie pratique.

a) Pionnier des Écoles d’État, elle prépare le terrain en approuvant l’efficacité des méthodes nouvelles.

b) Elle s’appuie sur les données de la psychologie de l’enfant et sur les besoins de son corps et de son esprit.

c) Elle vise à préparer les enfants à la vie moderne avec ses exigences matérielles et morales.

2

L’École nouvelle est un Internat.

a) Seule l’influence totale du milieu permet de réaliser une éducation intégrale.

b) L’École nouvelle vise surtout les enfants dont la famille n’existe pas ou ne veut pas entreprendre l’éducation selon les exigences de la science moderne.

c) Elle tend à faire le pont entre la vie familiale et la vie sociale, en réalisant les groupements par « familles » adoptives, au gré des affections spontanées des enfants.

3

L’École nouvelle est située à la campagne.

a) La campagne est le milieu naturel de l’enfant. Il y trouve le calme dont son système nerveux a besoin.

b) Possibilité de se livrer aux ébats primitifs et aux travaux des champs.

c) Pour les adolescents, la proximité d’une ville est désirable pour l’éducation intellectuelle et artistique (musées, concerts, etc.).

4

L’École nouvelle groupe les élèves par maisons séparées.

a) Les groupes de dix à quinze élèves vivent sous la direction matérielle et morale d’un éducateur et d’une éducatrice.

b) L’élément féminin ne doit pas être exclu de l’éducation des garçons, ni l’élément masculin de l’éducation des filles.

c) Les habitudes d’ordre et les relations d’intimité ne sont possibles que dans un milieu restreint.

5

L’École nouvelle pratique le plus souvent la coéducation des sexes.

a) Laissés ensemble depuis leur plus jeune âge, tout en étant élevés selon les besoins particuliers de leur sexe, les garçons et les filles vivent en camarades.

b) Les éléments qui ne conviennent pas à la coéducation ou à qui la coéducation ne convient pas sont exclus.

c) En évitant les « refoulements » pathologiques, la coéducation prépare des mariages sains et heureux.

Vie physique
6

L’École nouvelle organise des travaux manuels.

a) Ces travaux sont obligatoires pour tous les élèves et ont lieu généralement de 2 à 4 heures.

b) Ces travaux poursuivent non pas un but professionnel, mais éducatif.

c) Ces travaux présentent une utilité réelle pour l’individu ou la collectivité.

7

L’École nouvelle attribue une importance spéciale à :

1o) La menuiserie qui développe :

a) l’habileté et la fermeté manuelles. — b) le sens le l’observation exacte. — c) la sincérité et la possession de soi.

2o La culture du sol :

a) contact avec la nature. — b) connaissance des lois de la nature. — c) santé et force physiques. — d) utilité de premier ordre.

3o L’élevage, sinon du gros bétail, du moins de petits animaux :

a) protéger et observer des êtres plus petits que soi. — b) habitudes de persévérance. — c) observations scientifiques possibles. — d) utilité.

8

L’École nouvelle provoque chez les enfants des travaux libres.

a) Concours et expositions de travaux d’élèves.

b) Développement des goûts individuels.

c) Développement de l’initiative par l’obligation de choisir, mais la liberté de choix.

9

L’École nouvelle assure la culture du corps par la gymnastique naturelle.

a) Pratiquée le torse nu ou même en bain d’air complet, elle aguerrit et écarte les maladies.

b) Elle rend souple et adroit sans ennuyer l’enfant.

c) Elle s’associe aux jeux et aux sports.

10

L’École nouvelle cultive les voyages à pied ou à bicyclette, avec campement sous la tente et cuisine en plein air.

a) Préparation à l’avance de ces voyages et notes prises en cours de route.

b) Adjuvant à l’étude : géographie locale ou des pays étrangers, visites de monuments, usines, fabriques, etc.

c) Culture de la force physique, aguerrissement apprentissage de l’entraide.

Vie intellectuelle
11

L’École nouvelle entend par la culture générale, la culture du jugement et de la raison.

a) Méthode scientifique : observation, hypothèse, vérification, loi.

b) Un noyau de branches obligatoires réalise l’éducation intégrale.

c| Pas d’instruction encyclopédique faite de connaissances mémorisées mais faculté de puiser dans le milieu et dans les livres de quoi développer, du dedans au dehors, toutes les facultés innées.

12

L’École nouvelle ajoute à la culture générale une spécialisation.

a) Cours spéciaux périodiques, choix libre mais obligation de choisir.

b) D’abord spécialisation spontanée : culture des goûts prépondérants de chaque enfant.

c) Puis spécialisation réfléchie : culture systématique développant les intérêts et les facultés de l’adolescent dans un sens professionnel.

13

L’École nouvelle base son enseignements sur les faits et les expériences.

a) Observations personnelles de la nature.

b) Observations des industries humaines et des organisations sociales.

c) Essais scientifiques de cultures et d’élevages et travaux de laboratoires — travaux qualitatifs chez l’enfant, quantitatifs chez l’adolescent.

14

L’École nouvelle recourt à l’activité personnelle de l’enfant.

a) Association d’un travail concret à la plupart des études abstraites.

b) Utilisation du dessin comme un adjuvant à toutes les branches d’étude.

c) On a dit : savoir, c’est prévoir. On pourrait dire à plus forte raison : savoir, c’est pouvoir.

15

L’École nouvelle établit son programme sur les intérêts spontanés de l’enfant.

a) Première enfance : 4 à 6 ans : âge des intérêts disséminés ou âge du jeu ;

b) Seconde enfance : 7 à 9 ans : âge des intérêts attachés aux objets concrets immédiats. — 10 à 12 ans : âge des intérêts spécialisés concrets ou âge des monographies ;

c) Adolescence : 13 à 15 ans : âge des intérêts abstraits complexes. — Préparation du futur père, économiste privé, citoyen et professionnel.

Organisation des études
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L’École nouvelle recourt au travail individuel des élèves.

a) Recherche de documents (dans les faits, les livres, les journaux, les musées).

b) Classement des documents (classeurs par catégories, fiches, répertoires).

c) Élaboration individuelle des documents (cahiers illustrés, ordre logique des matières, travaux personnels, conférences).

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L’École nouvelle recourt au travail collectif des élèves.

a) Mise en commun des matériaux réunis sur un même sujet.

b) Recherche des associations que suggère le sujet traité dans le temps et l’espace.

c) Recherche des applications : utilité (chez les enfants), systématisation scientifique (chez les adolescents).

18

À l’École nouvelle l’enseignement proprement dit est limité à la matinée.

a) De 8 heures à midi, il y a quatre heures. 24 heures par semaine doivent suffire largement pour un travail plus intensif qu’extensif.

b) Il y a étude personnelle de 4 1/2 à 6 heures, pas d’étude pour les petits, étude de répétition chez les moyens, étude d’élaboration chez les grands.

c) La classe sera d’ailleurs plus souvent une classe laboratoire ou une classe musée, qu’un lieu consacré à l’abstraction pure.

19

À l’École nouvelle on étudie peu de branches par jour.

a) L’intérêt soutenu n’est pas favorisé par le morcellement des études.

b) La variété naît non pas des sujets traités, mais de la façon de les traiter.

c) La concentration plus grande assure un rendement très supérieur : plus d’effets utiles pour moins d’efforts inutiles.

20

À l’École nouvelle on étudie peu de branches par mois ou par trimestre.

a) Système analogue à celui des cours universitaires.

b) Horaire individuel de chaque élève.

c) Les élèves sont groupés non pas d’après leur âge, mais d’après leur degré d’avancement dans les branches étudiées. Condition de concentration et d’efficacité des études.

Éducation sociale
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L’École nouvelle forme, dans certains cas, une république scolaire.

a) L’Assemblée générale prend toutes les décisions importantes concernant la vie de l’École.

b) Les lois sont les moyens tendant à régler le travail de la communauté en vue du progrès spirituel de chaque individu.

c) Ce régime suppose une influence morale prépondérante du directeur sur les « meneurs » naturels de la petite république.

22

À l’École nouvelle, on procède à l’élection de chefs.

a) Les chefs ont une responsabilité sociale définie qui a pour eux une haute valeur éducative.

b) Les élèves préfèrent être conduits par leurs chefs plutôt que par les adultes.

c) Les professeurs se trouvent ainsi libérés de toute la partie disciplinaire et peuvent se consacrer tout entiers au progrès intellectuel et moral des élèves.

23

L’École nouvelle répartit entre les élèves les charges sociales.

a) Collaboration effective de chacun à la bonne marche du tout.

b) Apprentissage de la solidarité et de l’entr’aide sociale.

c) Sélection des plus capables qui seront choisis comme chefs.

24

L’École nouvelle agit par des récompenses ou sanctions positives.

a) Les récompenses consistent en occasions fournies aux esprits créateurs d’accroître leur puissance de création.

b) Les récompenses s’appliquent uniquement aux travaux libres et favorisent ainsi l’esprit d’initiative.

c) Il n’y a pas de récompenses basées sur la concurrence. Dans les jeux, le seul enjeu est le mérite de la victoire.

25

L’École nouvelle agit par des punitions ou sanctions négatives.

a) Les punitions sont, autant que possible, en corrélation directe avec la faute commise.

b) Les punitions visent à mettre l’enfant en mesure, par des moyens appropriés, d’atteindre le but bon qu’il n’a pas atteint ou qu’il a mal atteint.

c) Pour les cas graves, il n’y a pas de sanctions prévues dans le code, mais une action morale personnelle exercée par un adulte, ami du coupable.

Éducation artistique et morale
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L’École nouvelle met en jeu l’émulation.

a) L’entr’aide, par appel aux services volontaires, a une efficacité de premier ordre.

b) Ce cas est le seul où registre peut être tenu avec notes appropriées.

c) Dans tous les cas, il faut comparer le travail actuel de l’élève avec son propre travail passé et non avec celui d’autrui.

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L’École nouvelle doit être un milieu de beauté.

a) L’ordre en est la condition première, le point de départ.

b) Les travaux manuels, en particulier d’art industriel, qu’on pratique, ainsi que les œuvres de ce genre dont on s’entoure, contribuent à la beauté du milieu ambiant.

c) Enfin le contact avec les chefs-d’œuvre de l’art et, chez les élèves les plus doués, la pratique de l’art pur satisfont les besoins esthétiques d’ordre spirituel.

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L’École nouvelle cultive la musique collective :

a) Par des auditions quotidiennes de chefs-d’œuvre après le repas du milieu du jour ;

b) Par la pratique quotidienne du chant en commun ;

c) Par la pratique fréquente de l’orchestre ; ces activités concertées d’ordre affectif, chez ceux qui aiment la musique, contribuent à resserrer les liens collectifs par l’émotion qui émane d’elles.

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L’École nouvelle fait l’éducation de la conscience morale :

a) En présentant chaque soir aux enfants des lectures ou récits empruntés à la vie fictive ou réelle.

b) En provoquant ainsi chez eux des réactions spontanées de leur conscience morale, véritables jugements de valeur.

c) En les liant ainsi pratiquement à ces jugements de valeur qui affermissent leur conscience et les déterminent au bien.

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L’École nouvelle fait l’éducation de la raison pratique :

a) En suscitant chez les adolescents des réflexions et des études portant sur les lois naturelles du progrès spirituel, individuel et social.

b) En associant à ces réflexions, d’une part, la biologie, la psychologie et la physiologie, d’autre part l’histoire et la sociologie.

c) En faisant converger toute la vie de la pensée vers l’accroissement de puissance de l’esprit, ce qui est proprement, qu’on se place ou non à un point de vue confessionnel, l’éducation religieuse.

Ad. Ferrière.
Directeur de la section d’Éducation



Dans un autre écrit, le pédagogue suisse se demande comment l’École peut tenir compte des intérêts des enfants, les préparer à l’activité solidariste et à la liberté réfléchie. Voici la solution qu’il recommande et qu’il a fait mettre en application à l’École Internationale de Genève.

Quatre modes d’activité sont conduits de front :

1o Travail individuel standardisé, pour l’acquisition des techniques et portant sur un programme minimum. Le programme est divisé en étapes. Les élèves s’efforcent de franchir ces étapes en se servant de fiches ou de manuels. La durée du travail n’est pas indiquée, ce qui permet aux élèves d’avancer selon leurs aptitudes. Les élèves ne doivent passer à l’étape suivante qu’après s’être soumis avec succès à un test, ou épreuve, de connaissance.

2o Travail individuel libre, en tenant compte des goûts individuels et des aptitudes, chaque élève avançant à son pas. Au début, les élèves choisissent leurs travaux parmi une liste de travaux proposés par le maître ; dès qu’ils sont capables de plus d’initiative, les élèves soumettent des projets de travaux à l’approbation du maître.

3o Travail collectif organisé et leçons collectives se rapportant à un programme de centres d’intérêts : étude des besoins primordiaux de l’homme, de leur satisfaction dans le passé (histoire) et à travers le monde (géographie).

4o Travail collectif libre : excursions à but scientifique : organisation de jeux, de pièces théâtrales, de coopératives scolaires, etc

Comme on le voit il y a tout de même un horaire, un emploi du temps, dans les écoles nouvelles ; mais il faut noter que cet horaire est plus souple et laisse beaucoup plus de liberté aux enfants que celui de l’école ordinaire.

Autre remarque : les pédagogues des écoles nouvelles croient que l’évolution de l’individu est une récapitulation abrégée de l’évolution de la race ; par suite, ils pensent que le régime scolaire doit aller de l’autorité avec les tout petits à la liberté avec les plus grands. À l’École nouvelle, on organise ainsi un apprentissage de la liberté.

École unique. — Cette expression nous vient du mot allemand, Einheitschule. Ce que l’on désigne par ce terme, assez peu précis, a été réalisé, au moins partiellement, en quelques pays : Allemagne, Suisse, etc…

Depuis la guerre, une vive campagne a été menée en France, pour ou contre l’École unique, mais cette campagne répond à des préoccupations diverses et parfois contradictoires que l’on peut résumer ainsi brièvement :

1o Réaliser l’égalité réelle des classes sociales devant l’enseignement ;

2o Remettre de l’ordre dans une organisation scolaire chaotique ;

3o (Pour quelques-uns), préparer le monopole de l’Enseignement et combattre l’Enseignement religieux ;

4o (Pour d’autres qui veulent limiter la réforme), aspirer l’élite du prolétariat au profit de la bourgeoisie.

Malgré l’augmentation du nombre des bourses, l’injustice de notre organisation scolaire actuelle est évidente. Il est vrai que l’on justifie la non gratuité de certaines écoles en disant que celui qui peut payer doit payer ; mais le paiement n’est qu’un trompe-l’œil puisque l’État subventionne les écoles (collèges, lycées, facultés, etc.) payantes. Il a été calculé qu’en 1910, un père de famille mettant un fils au lycée payait, en moyenne, le tiers de la dépense dont l’État fournissait les deux autres tiers. Ce calcul est d’un socialiste (Zoretti) mais nul ne l’a jamais démenti. Par suite du peu d’élèves de certains établissements, du traitement et du nombre des professeurs, etc., un petit bourgeois de dix ans, suivant les cours d’un collège payant, coûtera plus à l’État qu’un enfant d’ouvrier fréquentant l’École primaire, soi-disant gratuite.

Ajoutons que, compte tenu des subventions actuelles de l’État et de la possibilité de supprimer certains établissements d’enseignement secondaire, la réalisation de l’École unique entraînerait pour l’État des charges financières vraiment légères, comparativement à certaines dépenses improductives : plus de quarante millions, a déclaré un adversaire de la réforme.

Un universitaire, hostile à l’École unique, Abel Faivre, réclame un enseignement parallèle, mais le mal est précisément dans le parallélisme actuel :

Gratuit
Payant

1er degré : Écoles primaires.

2e degré : Écoles primaires supérieures, écoles normales.

3e degré : Écoles normales supérieures d’enseignement primaire.

Classes élémentaires des lycées et collèges.

Enseignement secondaire.

Facultés, grandes Écoles.



L’enseignement primaire ne devrait point se prolonger ainsi dans les 2e et 3e degrés et, par contre, l’enseignement du 2e degré devrait renoncer à cette doublure du primaire que sont les classes élémentaires des lycées et collèges.

Le désordre n’est pas seulement là. Des écoles techniques se trouvent placées sous la direction d’un Ministère du Commerce et de telles écoles s’efforcent parfois de préparer aux Brevets tout comme les Écoles primaires supérieures, dépendant du Ministère de l’Instruction publique. Il est vrai que ces dernières écoles concurrencent à leur tour les précédentes, en tendant à avoir un caractère technique.

Une différenciation des Écoles des 2e et 3e degrés est nécessaire par suite de la différenciation des études, conséquence elle-même de la diversité des professions ; mais, à une différenciation croissante doit correspondre une spécialisation de plus en plus étroite des écoles et non pas la concurrence et le chaos actuel.

Imaginons qu’une loi décide la suppression de ce désordre et réalise la gratuité de l’enseignement à tous les degrés. Cette simple hypothèse va nous permettre de montrer la complexité du problème. D’abord, peu de petits prolétaires pourront profiter des enseignements des 2e et 3e degrés. À cela deux raisons. Raison d’aptitudes d’abord : l’inégalité sociale cause l’inégalité physique et mentale ; l’enfant pauvre, né dans de plus mauvaises conditions, a de moindres chances d’un développement satisfaisant : alimentation, logement, soins, etc. Autre raison, surtout lorsqu’il reste des frères et sœurs à élever : l’enfant pauvre vient assez tôt à l’aide de sa famille.

Il est vrai que divers projets d’École unique prévoient non seulement la gratuité absolue, mais encore des allocations familiales de remplacement pour les parents dont les enfants sont capables de continuer leurs études. On peut donc supposer que le nombre des enfants des classes pauvres devant poursuivre les études sera plus élevé que nous ne l’avons imaginé tout d’abord. Même si l’on pouvait bâtir rapidement des écoles, on ne pourrait trouver immédiatement des professeurs compétents. Si trente petits prolétaires doivent, par leurs capacités, prendre place dans le lycée d’une petite ville, c’est que trente enfants des classes aisées, mais moins aptes, leur céderont la place. Les exclus iront renforcer l’Enseignement libre, c’est-à-dire religieux dans la plupart des cas, si l’on n’établit pas le monopole de l’Enseignement. Inutile de dire que ce monopole d’État ne nous dit rien qui vaille et que nous sommes partisans d’une véritable liberté de l’Enseignement. Cependant, imaginez les résultats d’une École unique sans monopole : tel fils d’usinier se verra sans doute préférer le fils de l’un des ouvriers de son père et sera par suite obligé de poursuivre ses études avec l’aide de maîtres de l’enseignement libre ; au bout de quelques années, il est probable qu’il sera moins capable que l’autre enfant de diriger l’entreprise paternelle ; mais, à moins d’être tout à fait un cancre, il pourra la diriger tout de même tandis que, malgré ses études supérieures, le fils d’ouvrier devra se contenter de postes subalternes, ou faire un déclassé, parce que la plupart des bonnes places resteront dans les mains des fils à papa, des neveux, cousins, etc…

Parfois, cependant, un petit prolétaire parviendra à une situation mieux en rapport avec ses aptitudes ; mais, presque toujours, ce sera au prix du reniement de sa classe et, en définitive, son accession à la classe supérieure consolidera l’inégalité sociale.

En résumé, il est utopique de croire qu’une société basée sur l’inégalité sociale réalisera une véritable égalité des enfants devant l’instruction, car l’inégalité sociale renforce l’inégalité naturelle des capacités et la fortune, plus que les capacités, ouvre la porte des situations les meilleures.

Cependant si l’inégalité ne peut disparaître tout d’un coup ni tout à fait, on peut espérer qu’elle s’atténuera peu à peu.

À certains égards même, la classe privilégiée nous paraît travailler à détruire son privilège. C’est ainsi qu’en s’efforçant de trouver des spécialistes pour ses usines, de réaliser l’orientation professionnelle, la classe capitaliste non seulement fournit un argument en faveur de la sélection des capacités, mais encore contribue à la recherche des moyens d’opérer une telle sélection.

Nous reviendrons plus tard sur la question de l’orientation professionnelle mais nous pouvons faire observer dès maintenant que, bien faite, elle devrait : 1o permettre de fournir à chaque profession (manuelle ou non) les travailleurs d’élite dont elle a besoin et à chaque postulant un emploi ; 2o guider les mieux doués, aptes à diverses professions vers celle qui exige, avec le plus d’aptitudes spéciales, le maximum d’intelligence.

École unique et orientation professionnelle nouent le problème de la sélection des élites. Quand et comment cette sélection devra-t-elle être faite ?

Certaines aptitudes se manifestent tardivement et ce n’est qu’après la puberté que l’on pourra vraiment juger si des enfants seront aptes à des écoles supérieures.

Devrons-nous donc faire la sélection après 15 ou 16 ans comme le voudraient quelques-uns ?

Il semble raisonnable de croire qu’on devra sélectionner à ce moment, mais ce serait certainement une erreur de croire qu’on ne doit pas sélectionner plus tôt. Non pas seulement parce que certaines études, le latin par exemple, demandent à être connues hâtivement, mais parce qu’il importe qu’avant cet âge les élites ne perdent pas leur temps.

Dans certaines communes de la Suisse romande, une sélection se fait à sept ans, qui permet de trier les élèves des écoles en trois classes : anormaux, retardés et normaux ; les bons élèves des classes de normaux doivent parcourir le programme primaire en 4 années au lieu de 5, si bien qu’à onze ans cette élite doit choisir entre l’école secondaire qui conduit aux facultés et l’école primaire supérieure qui se continue par les écoles techniques.

Cependant, ce dernier mode de sélection ne nous satisfait pas mieux que le premier ; il est beaucoup plus favorable aux enfants précoces qu’aux enfants vraiment bien doués.

Comment donc faire pour ne pas écarter une partie des élites sans perte de temps ?

Évidemment l’individualisation de l’enseignement, l’école sur mesure, fournissent la meilleure solution de ce problème, si, de plus, on procède prudemment par sélections successives et de plus en plus serrées.

Dès l’âge de 6 à 7 ans, on peut écarter les anormaux et les retardés ; une nouvelle sélection s’impose entre dix ou onze ans, pas trop sévère non plus et avec une organisation scolaire assez souple pour permettre d’en corriger les résultats au besoin ; enfin ce n’est que vers 15 ou 16 ans que doivent se placer les épreuves définitives pour les enfants se destinant aux études supérieures.

Je dis épreuves et non examens, car les examens actuels tiennent moins compte des aptitudes réelles que de la mémoire des candidats.

Je touche là à une des difficultés de réalisation de l’École unique. Ce n’est que depuis peu que l’on se soucie vraiment de la préparation de telles épreuves, c’est-à-dire des tests professionnels et des tests psychologiques et il ne s’agit pas seulement de reconnaître les aptitudes de chaque enfant, mais aussi de bien connaître celles qui sont nécessaires pour l’exercice convenable de chaque profession.

Toutes ces questions sont activement étudiées depuis quelques années et leur solution ne sera certainement pas sans influence sur la réalisation de l’École unique.

D’autres causes encore influeront certainement dans le même sens et je veux seulement en signaler une dont l’importance me paraît encore aujourd’hui méconnue. L’école deviendra plus active et en particulier l’activité manuelle y occupera une plus large place. D’abord, parce que, dans un monde plus actif, plus industriel, plus scientifique, l’école ne peut qu’évoluer et s’écarter davantage de la scholastique moyenâgeuse. Ensuite, parce que les progrès de la psychologie et de la pédagogie nous démontrent aujourd’hui l’importance de l’activité et en particulier de l’activité manuelle pour le développement des facultés logiques et de la volonté.

Par suite, la différenciation des études dans l’enseignement primaire devra naître, non plus d’une différence dans les buts poursuivis, professionnels ou de culture, mais de la différence des aptitudes individuelles ; or, c’est précisément là un des buts que poursuivent les partisans de l’École unique.

L’École de l’avenir. — Plus d’un penseur a bâti cette école en utopie et en uchronie.

En 1891, un socialiste anglais, W. Morris, publiait ses « Nouvelles de nulle part », œuvre d’imagination où nous trouvons un tableau de l’éducation des temps futurs. Point d’écoles et cependant « la plupart des enfants, voyant des livres autour d’eux, parviennent à lire quand ils ont quatre ans ». Tout aussi facilement et aussitôt ces enfants apprennent l’anglais, le français, l’allemand, le gallois, l’irlandais, le grec, le latin, etc. Ne croyez pas que cet etc. renferme une langue internationale : espéranto, ido ou autre, W. Morris n’a point songé à cela. Incontestablement le socialiste anglais manquait de connaissances psychologiques sérieuses et, au point de vue qui nous occupe, son œuvre d’imagination est tout à fait fantaisiste.

Un anarchiste belge, Elslander, a lui aussi tenté d’imaginer ce que serait une éducation rénovée. Moins fantaisiste que Morris, il nous trace le tableau d’une école idyllique qu’il baptise Novella. À vrai dire Novella est une ferme dans laquelle les enfants vivent actifs et joyeux. Au contraire des enfants de « nulle part », ceux de Novella n’apprennent pas à lire et à écrire avant dix ans.

Ce seul détail de l’apprentissage de la lecture nous permet de saisir le gros défaut des œuvres dont nous venons de parler brièvement. Ni W. Morris, ni Elslander ne placent l’époque d’apprentissage de la lecture au moment le plus favorable ; l’un fait apprendre à lire à des enfants qui en sont encore incapables et l’autre laisse passer le moment le plus favorable — 6 à 8 ans — pour cet apprentissage.

Avoir beaucoup d’imagination ne suffit donc pas pour imaginer ce que pourra être l’école de l’avenir. Pour cela il faut connaître les progrès qui ont déjà été réalisés ou qui se réalisent peu à peu chaque jour dans tous les coins du globe. Ce n’est pas par souci d’historien que nous avons parlé de ces progrès dans les pages qui précèdent, mais parce que leur connaissance peut aider à imaginer une école meilleure.

Si la psychologie de l’enfant et la pédagogie expérimentale sont des sciences encore trop peu avancées pour nous permettre certaines précisions de détail, elles peuvent cependant nous apporter une aide tout aussi précieuse que la connaissance du progrès accompli ou en cours.

Il est certain, par exemple, que l’école continuera de tenir de plus en plus compte des intérêts enfantins, que de plus en plus elle s’efforcera d’être l’école sur mesure, celle qui s’adapte à chaque enfant, à ses goûts et à ses aptitudes. Ceci nous permet de penser que les écoles se différencieront de plus en plus, permettant la sélection des élites, l’orientation professionnelle, comma aussi le maximum d’éducation et d’instruction possible pour les plus mal doués.

Déjà et de plus en plus, les éducateurs s’efforcent d’accroître la valeur individuelle de leurs élèves en cultivant leur spontanéité et en favorisant leur initiative.

Mais comment pourra-t-on parvenir à favoriser ainsi ce libre épanouissement des natures enfantines ?

En plaçant les enfants dans un milieu convenable et en leur assurant une bonne éducation par l’action concertée et éclairée des parents et des pédagogues.

Pour le petit enfant, le milieu convenable n’est pas la ville. Les music-halls, les cinémas, les étalages, la circulation, appartiennent à une civilisation trop avancée qui n’est pas à la mesure des enfants.

Ce qu’il faut, c’est un milieu naturel, vivant, qui fournisse aux enfants mille occasions d’agir sans trop de dangers, d’observer et d’expérimenter, où l’éducateur trouvera de nombreux prétextes pour faire penser, parler, dessiner, écrire, lire, calculer, etc.

L’école de l’avenir sera à la campagne, la culture, l’élevage ; les promenades permettront de voir la nature, d’observer les métiers simples, les machines les moins compliquées, les matières brutes, etc…

Dire que ce milieu convient le mieux au développement corporel et mental des enfants, cela suppose que l’école ne sera plus une prison, que le bâtiment scolaire sera un abri contre les intempéries, un atelier pour divers travaux et que la classe se fera souvent au dehors.

Pénétrons dans un de ces bâtiments. Le pédagogue n’étant plus celui qui surveille, commande, punit, fait des leçons, mais le compagnon plus âgé qui observe les enfants pour bien savoir ce qui leur convient, qui met sur leur chemin des occasions d’efforts fructueux, qui stimule et entraîne à l’occasion, ne trône plus dans un de ces massifs bureaux nécessaires aux pions de jadis.

Ici, les élèves sont libres. Les plus jeunes préfèrent travailler seuls le plus souvent ; mais les plus âgés s’associent librement et forment presque toujours de petits groupes qui se répartissent une œuvre collective formant ainsi l’image d’une société en miniature.

Cette organisation vivante et libre suppose un tout autre arrangement des classes, permettant des déplacements faciles, car de temps en temps l’un ou l’autre doit venir trouver le maître pour demander aide ou conseil, ou s’adresser à l’un de ses condisciples, ou aller chercher ailleurs un objet dont il a besoin. Ceci n’est possible qu’avec des locaux vastes et variés. Il en faut pour les travaux de ménage, pour ceux du bois, etc. On écrit, on lit, et on calcule ainsi dans notre école, on y écoute aussi le maître, bien qu’assez souvent ce soit un élève qui, ayant fait des recherches à propos d’un sujet d’étude — dans les livres de la bibliothèque ou au dehors — vient exposer à tous le fruit de ses travaux. Mais tout cela n’est plus l’occupation principale ; aussi, en place des tables de jadis, on a disposé des planches sur des tréteaux et chaque enfant a son siège individuel.

Les tables ainsi faites ne sont plus disposées face à la place du maître. La place du maître est tantôt ici, tantôt là, mais toujours où il y a besoin d’aider ou de stimuler quelqu’un. Ces tables, dis-je, sont placées en fer à cheval ou de toute autre façon, pourvu que leur disposition dans la vaste salle favorise l’activité tranquille des écoliers.

La salle n’est pas seulement vaste parce qu’elle doit permettre des évolutions faciles, mais aussi parce que, devant fournir de multiples occasions d’activité, elle renferme un riche matériel. Je ne veux pas dire par là que ce matériel est coûteux ; sa richesse, c’est son abondance, ce sont ses possibilités d’utilisation qui le font riche et précieux à mes yeux. Tout au contraire les maximes murales et tant de tableaux muraux qui ont fait la fortune de tant d’éditeurs ont été bannis de notre classe.

Cette classe est la salle des enfants et, si des rayons supportent de nombreux volumes, si on y trouve encore quelque matériel acheté, la plupart des objets que nous y pouvons voir ont été trouvés ou fabriqués par les enfants. L’ornementation des murs est leur œuvre. Ils ont trouvé la salle presque nue avec des consoles et des étagères nombreuses et facilement accessibles. Ils ont aussi trouvé quelques caisses et les grands ont contribué à enrichir ce mobilier par leurs propres travaux : classeurs où seront recueillis des images et des articles découpés dans des journaux ou des revues, boîtes en carton pour les collections, etc… Tous ces travaux ont évidemment nécessité quelque réflexion, des dessins, des calculs, etc…

Parfois les parents des élèves ont apporté leur contribution : le charpentier une collection de bois, le charron une petite roue non serrée par le fer, etc. ; et ceci a contribué à établir le lien nécessaire entre l’école et la famille. L’École, en effet, loin de vouloir supprimer l’influence familiale, s’efforce de lui restituer sa pleine valeur. Pédagogues et parents collaborent à l’éducation de la jeunesse.

Je ne veux point allonger inutilement cette étude ; mais cependant avant d’y mettre le point final et de l’envoyer pour compléments aux mots éducation, instruction, etc., je tiens à attirer l’attention du lecteur sur un fait. Cette école de l’avenir, que je viens de dépeindre, n’est pas une utopie. Si, parcourant le vaste monde, le voyageur visitait successivement la Maison des petits de l’Institut J.-J. Rousseau, à Genève, l’Orphelinat rationaliste et l’École de l’Ermitage à Bruxelles, le gymnase de Bogota dans l’Amérique du Sud et d’autres écoles encore qui se multiplient peu à peu, il pourrait constater que je n’ai fait que rassembler, en mon tableau de l’École de l’avenir, des fragments des écoles d’aujourd’hui.

Pour « l’enfance heureuse et libre » que rêva Ferrer, il ne cesse de se créer des écoles et ce nom est une raison d’espérer. — E. Delaunay.


ÉCONOMIE n. f. (du grec oikos, maison et nomos, loi). L’économie est le produit de l’épargne, ce que l’on soustrait de son revenu, du fruit de son travail. Avoir de l’économie. « C’est le travail qui chasse la misère et non l’économie. L’économie est le jugement appliqué aux consommations » a écrit J.-B. Say. Cela dépend comment on l’entend ; car, en réalité, le travail organisé tel qu’il l’est actuellement n’arrête pas la misère, qui pénètre malgré tout dans le foyer plébéien. Du reste il serait vraiment difficile au travailleur de faire des économies : l’exploitation qu’il subit lui permettant tout juste de vivre au jour le jour. L’économie chez le travailleur ne pourrait être vraiment que le fruit de l’avarice ou de privations encore plus grandes que celles qui lui sont imposées.

L’économie domestique est une qualité dont n’est pas dépourvue la femme du peuple, obligée par la force des choses de régler sagement ses dépenses et d’avoir de l’ordre dans la conduite de sa maison ou de son ménage. Cela nous fait sourire lorsque nous lisons à la troisième ou quatrième page des grands journaux bourgeois, les conseils d’économie domestique que donne quelque vieille bourgeoise en mal de copie et vivant probablement grassement de ses revenus. La ménagère qui n’a pour subvenir aux besoins d’une famille, que le modeste salaire de son compagnon, n’a, en vérité, que faire de ces conseils, et sait mieux que quiconque comment elle peut et doit s’arranger. Quant à faire des économies, il ne faut pas qu’elle y songe ; elle se considère déjà comme heureuse lorsque la maladie ne pénètre pas dans le foyer, venant troubler la quiétude relative dans laquelle s’écoule la vie de sa petite famille.

« La richesse et la fortune, disent certains, sont le produit de l’épargne et de l’économie ». Nous savons ce que vaut une telle affirmation, et ceux qui la propagent seraient bien embarrassés de donner des preuves à l’appui de leur assertion. Où est-il donc ce pays rêvé, ce pays heureux, cet Éden où le travailleur a la possibilité de vivre et d’épargner une partie de son salaire ? Il n’existe pas évidemment, c’est un royaume des cieux pour les pauvres d’esprit. Non, la richesse n’est pas le fruit du travail et de l’économie, elle est le fruit de l’oisiveté et de l’expropriation ; elle est le produit du vol et de la rapine, elle est la conséquence du travail de la majorité au profit de la minorité. Si économie est synonyme d’ordre, eh bien ce n’est pas au peuple qu’il faut prêcher l’économie, mais à ceux qui le dirigent, qui le gouvernent, et qui pataugent en plein dans le désordre.

En toute sincérité et sans aucun parti-pris, peut-on qualifier d’ordonnée, l’économie politique et sociale des sociétés modernes ? Si l’économie politique est « la science qui traite de la production, de la répartition des richesses, et l’économie sociale, la science de l’ensemble des lois qui régissent la société et ses intérêts », on peut dire que l’économie politique et sociale actuelle a fait totalement faillite et qu’en conséquence elle est condamnable.

Qu’est-ce que l’économie politique et sociale, ou plutôt que devrait-elle être ? Une science qui étudie les phénomènes découlant des transactions entre les hommes ; qui tient compte des besoins et des aspirations de la collectivité et de l’individu, et qui permette de maintenir l’ordre, au sein de la grande Cité commune que pourrait être l’humanité. Or, une telle science ne peut être féconde qu’à l’unique condition d’être à l’abri de toute autorité officielle, et débarrassée de tout parasitisme gouvernemental. C’est tout le contraire qui se produit dans l’économie politique et sociale moderne, et c’est au pouvoir central, au gouvernement que l’on confie la tâche économique d’assurer la prospérité de la nation et, par extension, du monde entier. Les exemples sont trop nombreux pour qu’il nous soit utile d’insister sur le rôle que joue un gouvernement. Dans l’entreprise qui lui est confiée et qu’il a la charge de mener à bien, il n’y a qu’une sorte d’intérêts qui le préoccupe, et ce sont ceux du capitalisme ; comment pourrait-il alors travailler utilement à satisfaire aux besoins de la collectivité ? Toute l’économie politique et sociale moderne est basée sur des principes faux et erronés et c’est pourquoi elle ne donne que des résultats négatifs.

D’autre part, la plupart des économistes furent et sont des livresques, qui ne touchent le peuple, le vrai, que de très loin et sont, par conséquent, incapables d’en connaître les besoins. Sans contester la valeur de leurs travaux, surtout au point de vue de la production, et tout en tenant compte de l’apport de leurs recherches, qui compose petit à petit le bagage intellectuel de l’humanité, c’est surtout sur le terrain social que leur économie se manifeste inopérante ; c’est qu’elle ne repose pas sur des bases solides, et que tous les économistes ou presque furent des réformateurs et non des destructeurs d’abord et des constructeurs ensuite.

Turgot, par exemple, fut un grand administrateur et un éminent économiste. Nous ne pousserons pas le ridicule jusqu’à lui reprocher de n’avoir pas été anarchiste. Ce fut pour son temps un homme de progrès. Intendant à Limoges, puis ministre des Finances de Louis XVI, il avait rêvé de grandes réformes et désiré mettre un peu d’ordre dans les caisses du roi de France. Adversaire de la routine — devant laquelle du reste il se brisa — il voulut établir la liberté du commerce et de l’industrie, abolir les corvées par tout le royaume, supprimer les abus de la féodalité…, etc. Ses projets étaient imbus d’une certaine indépendance, et cependant il ne put les réaliser, justement parce que toute son économie politique et sociale reposait sur « la réforme ». Ce qu’il ne put faire, lui, la Révolution française le fit à peine dix ans après sa mort. Le peuple moins instruit, moins éduqué, sut imposer par la violence, ce qui provoqua la disgrâce de Turgot, et pourtant il est probable que Turgot, baron de l’Aulne, noble par naissance, eût s’il avait vécu, soutenu et défendu la monarchie contre le peuple révolutionnaire.

Et c’est l’erreur grave de tous les économistes de chercher à vouloir confondre et associer les intérêts d’une collectivité alors que cette collectivité est séparée à sa base et est appelée à se diviser de plus en plus. Ce fut l’erreur de tous les économistes du passé et c’est encore l’erreur d’un des plus sérieux des économistes modernes : M. Charles Gide.

De nos jours plus que jamais l’économie politique et sociale du monde est dans le marasme. Les conflits se succèdent ; on leur trouve une solution provisoire, momentanée, mais ils éclatent ensuite avec plus de violence et de ténacité. La guerre entre le travail et le capital devient de plus en plus intense, plus brutale, plus terrible et naturellement, en connaissant les causes, les économistes, cherchent les remèdes. L’unique remède susceptible d’assurer la paix sociale, ils le rejettent avec dédain, bien que toutes les méthodes basées sur le réformisme aient définitivement échoué à leur application. Afin de calmer l’effervescence populaire on lui propose, de temps à autre, certaines modifications dans l’exploitation qu’il subit et c’est ainsi que, dans certaines industries, le travailleur a une participation aux bénéfices, qu’il lui est alloué une somme supplémentaire en raison de ses charges de famille, que se sont créées des coopératives de consommation et de production, etc., etc… Tous ces moyens sont restés et resteront inefficaces et ne peuvent qu’asservir le travailleur et le river un peu plus fortement à sa chaîne.

Dans un ouvrage qu’il fit paraître récemment, un ouvrier, H. Dubreuil, croit trouver dans ce qu’il appelle « la République industrielle » l’apaisement à tous nos maux. Son étude est digne d’intérêt, mais nous ne pensons pas cependant que là soit la solution du problème, car Dubreuil veut, lui aussi, améliorer le sort du travailleur en réformant le mode de production. « La crise économique ne peut être résolue que par le travail, mais ce travail ne peut être fécond que si l’ouvrier a sa liberté. Organisons donc le travail en « commandite d’atelier », tel qu’il existe déjà dans l’imprimerie, et la production en sera intensifiée.

Telle est la thèse soutenue par Dubreuil qui déclare à l’appui de celle-ci : « Quiconque est né et a vécu dans les couches les plus profondes de la classe ouvrière, sait combien il est commun d’entendre affirmer qu’on aime mieux y vivre de pain et de fromage, dans une situation indépendante, que dans un bien-être relatif en travaillant « chez les autres ».

Il est évident que la liberté dans le travail mettrait fin à bien des conflits, et si une telle formule était pratiquement matérialisable personne ne s’opposerait — du moins parmi les amis sincères et dévoués de la classe ouvrière — à l’application d’une telle méthode de production. Mais nous la croyons irréalisable en régime capitaliste et l’expérience nous donne raison.

Comme le démontre pourtant avec clarté Dubreuil, dans le premier chapitre de son ouvrage, le droit au travail n’existe pas dans les sociétés modernes. Ce qu’il faut ajouter, c’est qu’il n’existera jamais, qu’il ne peut pas exister, tant que subsistera une parcelle de capitalisme. Le droit au travail n’existant pas, la liberté dans le travail ne peut être que relative, subordonnée à un nombre incalculable de facteurs d’ordres économiques, sociaux et politiques, et l’économie politique capitaliste — j’appelle économie politique capitaliste, celle qui entend régler l’ordre social par voie diplomatique, c’est-à-dire en dehors de toute action révolutionnaire — ne peut trouver pour équilibrer un ordre troublé que des palliatifs temporaires et des pis aller.

Prenons un exemple : dans une petite ville du Sud-est de la France, le travail était organisé de telle façon que chacun était son propre maître. Les industriels — non pas par philanthropie, mais parce que ce mode de production leur paraissait avantageux —, avaient divisé leurs usines en un certain nombre d’ateliers qu’ils sous-louaient aux travailleurs. L’industriel fournissait l’outillage, la machinerie et le travail dont le prix était débattu à l’avance. La plus grande, la plus large liberté était permise, accordée à l’ouvrier, qui était en apparence son propre maître, venait et quittait son travail à l’heure qui lui plaisait, œuvrait selon son bon plaisir, quatre heures ou dix heures par jour et touchait à la livraison de son ouvrage le montant de la somme qui lui était dûe. La paix la plus absolue régnait au sein de cette communauté. Survient une catastrophe indépendante de la volonté des « ouvriers » et des patrons : la mode des cheveux courts pour les femmes. Or, dans la petite ville en question on ne fabriquait que du peigne et la nouvelle mode déclanche une perturbation sur le marché. Le manque d’ouvrage provoque l’abondance de main-d’œuvre, et l’abondance de main-d’œuvre la diminution du prix du travail ainsi que le chômage. Que devient alors la liberté du travail, alors que le droit au travail n’existe pas ? et jamais au grand jamais, un capitaliste — ce serait sa fin — ne consentira à employer de la main-d’œuvre lorsque celle-ci lui est inutile.

Lorsque le phénomène est local, il est de faible importance, mais lorsqu’il est national il provoque une énorme perturbation. Que peut l’économie politique moderne ? Pas grand’chose, rien. Le protectionnisme a été condamné de longue date par tous les économistes sérieux ; quant au libre échangisme, il ne donne pas et ne donnera pas les résultats que certains en attendaient. Voir le mot : Échange (libre).

Quant à ce qui concerne l’État, son rôle dans tous les phénomènes économiques c’est d’assurer au capitalisme le maximum de bénéfice et le minimum de pertes.

« L’interventionnisme, l’intrusion de l’État ignorant, aveugle et brutal dans le jeu des phénomènes économiques, est une conception rétrograde, absurde, barbare », écrit Urbain Gohier, et il a raison ; mais où nous ne sommes plus d’accord, c’est lorsqu’il ajoute : « L’interventionnisme, c’est proprement le socialisme. Le mot de socialisme ne signifie rien, s’il ne désigne l’intervention de l’État dans tous les faits sociaux, spécialement dans les faits économiques. »

« Mais s’il y a une excuse à l’intrusion de l’État dans les phénomènes économiques, ce ne peut être que la nécessité de protéger les faibles, de limiter et de réprimer l’avidité des puissants, de rétablir dans l’enfer social une apparence de justice et d’humanité. » (Urbain Gohier.) « La Révolution vient-elle ? » — Le nouveau pacte de famine.

Qu’Urbain Gohier nourrisse des illusions sur la possibilité d’un État indépendant et humanitaire en matière d’économie politique et sociale, nous autres anarchistes, nous sommes fixés à ce sujet et l’expérience russe nous suffit amplement pour affirmer que nous ne nous trompons pas. Nous restons convaincus que seule la disparition du capitalisme et de l’État peut donner naissance à une société harmonieuse, et que l’économie politique n’est qu’un tampon entre le capital et le travail, mais que ce tampon ne peut être avantageux que pour le capital.

Que faire alors ? La Révolution ? Mais les économistes sont des pacifistes qui ont une sainte horreur de la violence et qui voudraient que tout se passât dans le calme. Pas tant que les Anarchistes. « Nous aussi, nous avons horreur de la violence ; nous aussi, il nous répugne de verser du sang ; nous aussi, nous avons l’amour, de la paix, de la joie et du bonheur, mais lorsqu’on a souffert de cette société, dit Jean Grave, lorsqu’on a vu les siens souffrir de la faim, mourir d’épuisement, certains scrupules disparaissent, et lorsque la force vous opprime, qu’il n’y a plus que la force comme suprême argument, ceux-là qui ne maintiennent leur tyrannie qu’à l’aide de la violence, sont mal venus de se plaindre lorsqu’elle se retourne contre eux.

Lorsque la bête est acculée, elle voit rouge, fonce sur les assaillants, renverse ce qui lui fait obstacle ; tant pis pour ceux qui se trouvent sur sa route. La responsabilité première en est à ceux qui la poussèrent au désespoir. » (Jean Grave : L’Anarchie, son but, ses moyens).

Nous sommes des révolutionnaires parce que nous voulons la liberté : liberté sociale, liberté individuelle et liberté économique. Or, l’économie politique moderne ne peut nous donner satisfaction, puisqu’elle prétend rechercher un terrain d’entente entre le capital et le travail. Qu’elle poursuive ses recherches. Que les économistes bourgeois blanchissent à la tâche, qu’ils découvrent les apparences trompeuses qui retarderont peut-être l’heure de l’échéance, mais quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent, la révolution viendra, entraînant avec elle le despotisme économique et la tyrannie politique. La société bourgeoise est puissante, elle a l’argent et avec l’argent tout s’achète ? C’est vrai.

« Il est fort l’homme qui dispose de quelques millions ; mais il est redoutable, l’homme qui n’a pas de besoins, qui n’a pas de crainte, et qui garde une âme ferme, une pensée lucide, l’œil juste et la main prompte. » (Urbain Gohier)

Tout passe ; la bourgeoisie a vécu plus qu’elle ne vivra et avec un peu de conscience, de raison et de courage, le peuple aura bientôt fait de se libérer de l’étreinte qui l’oppresse. Il pourra alors organiser son économie, librement, sans le concours des ruffians de la politique qui ne font qu’embrouiller la solution d’un problème qu’il serait si facile de résoudre. — J. Chazoff.