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Esprit des lois (1777)/L5/C10

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CHAPITRE X.

De la promptitude de l’exécution dans la monarchie.


Le gouvernement monarchique a un grand avantage sur le républicain : les affaires étant menées par un seul, il y a plus de promptitude dans l’exécution. Mais comme cette promptitude pourroit dégénérer en rapidité, les lois y mettront une certaine lenteur. Elles ne doivent pas seulement favoriser la nature de chaque constitution, mais encore remédier aux abus qui pourroient résulter de cette même nature.

Le cardinal de Richelieu[1] veut que l’on évite dans les monarchies les épines des compagnies qui forment des difficultés sur tout. Quand cet homme n’auroit pas eu le despotisme dans le cœur, il l’auroit eu dans la tête.

Les corps qui ont le dépôt des lois, n’obéissent jamais mieux que quand ils vont à pas tardifs, & qu’ils apportent dans les affaires du prince cette réflexion qu’on ne peut guere attendre du défaut de lumieres de la cour sur les lois de l’état, ni de la précipitation de ses conseils[2].

Que seroit devenue la plus belle monarchie du monde, si les magistrats, par leurs lenteurs, par leurs plaintes, par leurs prieres, n’avoient arrêté le cours des vertus mêmes de ses Rois, lorsque ces monarques, ne consultant que leur grande ame, auroient voulu récompenser sans mesure des services rendus avec un courage & une fidélité aussi sans mesure ?


  1. Testament politique.
  2. Barbaris candatio servilis, statim exequi regium videtur. Tacite, Annal. LV. V.