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Histoire abrégée de l'île Bourbon/XXIX

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Anonyme
Imprimerie de Gabriel & Gaston Lahuppe (p. 203-209).

CHAPITRE XXIX

Faron, commissaire-général, gouverneur — Proclamation — Éboulis — Trombe — Collège — MM. Dominge et Antoine — Léproserie — Élections — Sainte-Marie — Protectorat — Exposition de 1878 — Ouvroir — Lois diverses — Port et Chemin de fer — Nouvelles élections — Statistiques — Ouragan — Fièvre — Extradition — Souscriptions — Demi-million.
Faron — 19 novembre 1875

163. Dans sa proclamation, le nouveau Gouverneur félicita les habitants de leur courage à supporter la mauvaise fortune, et applaudit aux efforts du Conseil général en vue d’améliorer la situation ; il s’attacha ensuite à faire comprendre que la vie laborieuse accompagnée d’une intelligente initiative pouvait attirer sur le pays la protection du Ciel.

164. M. le Gouverneur Faron comptait à peine six jours d’administration, lorsqu’un éboulement eut lieu au Grand-Sable, le 25 novembre, à 5 h. 1/2 du soir. En moins de 5 minutes le pan Nord-Ouest des Salazes s’écroulait sous l’influence de pluies diluviennes et faisait disparaître un terrain de 2,000 mètres de long sur 1,500 de large. Soixante-trois personnes qui composaient le Hameau du Grand-Sable, hommes, femmes, enfants furent ensevelis vivants. La catastrophe avait été précédée de secousses et de détonations. À quelques pas du théâtre du sinistre, une famille de six personnes fut transportée à 200 mètres plus loin ; le sol glissant horizontalement avait laissé debout et intacts la maison et les arbres qui l’avoisinaient.

Un mois ne s’était pas encore écoulé depuis le désastre du Grand Sable, quand une trombe s’abattit sur la Colonie, et, en quelques heures la couvrit de ruines (22 décembre).

165. Le Collège Saint-Charles établi à St-Paul et dirigé par les Pères Lazaristes passa aux mains des Pères du Saint Esprit. Cet établissement transféré à Saint-Denis dans le local de l’ancien collège Sainte-Marie, reprit, sous la direction du Père Corbet, un éclat qui rappelait les brillantes études du collège des Jésuites. L’état précaire des ressources fit surgir entre Mgr Soulé et les Pères des difficultés qui obligèrent ces derniers à retirer leur personnel de la Colonie en 1878. Un an après le collège n’existait plus.

166. 1876 débuta par un ouragan qui vint augmenter la désolation, la misère et les ruines : conséquences de la trombe du 22 décembre. De mémoire d’homme, on n’avait vu une série aussi persistante de désastres.

167. M. Dominge, nommé par dépêche ministérielle inspecteur du service de l’Instruction publique à la Réunion, reçut le titre d’inspecteur d’Académie hors cadre ; son successeur, M. Antoine, arriva au mois d’octobre de la même année.

168. Le service de la léproserie avait été dirigé depuis son institution par les Pères du Saint-Esprit ; l’arrêté local du 14 février confia ce service à un agent comptable, et les Pères n’eurent plus à s’occuper que du spirituel.

169. Aux termes de la Constitution métropolitaine de 1876, le mandat des représentants de la Réunion était expiré et, en outre, la Colonie allait être représentée aux Chambres par un sénateur et un député. Les élections du 5 mars nommèrent M. de Laserve sénateur, et celles du 9 avril confièrent de nouveau la députation à M. de Mahy.

170 (12 juin) Promulgation de la nouvelle Constitution coloniale, augmentant les attributions du Conseil général et des conseils de commune.

171. Arrêté local du 11 août qui promulgue le traité sur l’Union générale des postes entre divers pays d’Europe.

172. (Septembre) Tournée du Gouverneur. Le 20 octobre suivant, nomination de Mgr Soulé à l’évêché de Saint-Denis ; il arriva dans son diocèse le 13 mai 1877.

173. Un décret présidentiel plaça l’île de Sainte-Marie de Madagascar sous la dépendance de la Réunion. Les états d’entretien de cette colonie présentent un budget de 79,000 francs dont 35,000 francs de subvention métropolitaine. Les recettes locales atteignent le chiffre de 44,000 francs.

174. La série des cyclones commencée en 1872 fut interrompue en 1877 ; mais, par contre, le pays eût à subir de nouvelles exigences au sujet des immigrants de l’Inde britannique.

Les travailleurs indiens ont su profiter de la liberté qui leur avait été précédemment accordée de s’établir dans la Colonie, sans contracter de nouveaux engagements ; un grand nombre se sont adonnés au commerce et à la petite culture ; dans certaines localités le jardinage et le bazar leur appartiennent ; ils jouissent d’une liberté qu’ils préfèrent aux meilleures conditions d’engagement. Aussi les nouvelles mesures de protection prises en leur faveur n’ont pas peu contribué à rendre leur service plus onéreux pour les propriétaires.

175. La Colonie prend part à l’Exposition de 1878. Les récompenses décernées à nos produits attestèrent une fois de plus que la Réunion n’avait point perdu le rang si glorieusement conquis sous le gouvernement de M. Delisle.

176. Au mois de février 1877, M. l’abbé Delgéry, curé de Saint-Paul, ajouta à l’hospice déjà fondé par lui dans cette ville, un ouvroir-orphelinat destiné à l’éducation des jeunes filles pauvres de la commune sous la direction des Sœurs de Saint-Vincent de Paul.

177. Les mois suivants virent la substitution du code pénal métropolitain au code colonial, l’hypothèque sur les navires, le retrait des monnaies au titre de 800 millièmes, la loi relative à la surveillance de la haute police, et enfin la loi du 23 juin autorisant la construction du Port et l’établissement du chemin de Fer.

Les Chambres françaises votèrent à la Compagnie formée par MM. Lavalley et Pallu de la Barrière une garantie de 1,925,000 francs pendant 99 ans. Le Conseil général avait précédemment voté une subvention de 160,000 francs pendant 30 ans, et concédé les terrains nécessaires sur les pas géométriques pour une durée de 99 ans.

178. La dissolution de la Chambre des députés, le 17 juin, détermina la convocation des électeurs pour le 18 novembre.

M. de Mahy, réunissant le nombre de suffrages exigés par la loi, continua son mandat de représentant.

179. En novembre une statistique des communes établit le mouvement de la population pendant la période écoulée depuis 1872 ; ce mouvement, quoique en faveur de plusieurs localités, présente néanmoins une diminution totale d’environ 2,500 habitants sur le relevé de 1872. Les causes de cette différence proviennent nécessairement de la fièvre et des perturbations atmosphériques, qui ont si souvent dévasté le pays dans ce laps de temps :

État comparatif de la population
  1872 1877 DIFFÉRENCE
en plus en moins
Saint-Denis 
32,452 32,050 »  402
Saint-Pierre 
29,384 30,615 1,231 » 
Saint-Paul 
29,197 26,979 »  2,218
Saint-Louis 
19,302 18,149 »  1,153
Saint-Benoit 
16,371 16,697 326 » 
Saint-André 
10,299 10,437 138 » 
Saint-Joseph 
9,504 9,694 190 » 
Saint-Leu 
8,876 8,931 55 » 
Sainte-Suzanne 
6,710 6,974 264 » 
Sainte-Marie 
6,224 5,762 »  462
Salazie- 
5,978 6,107 129 » 
Sainte-Rose 
3,992 3,636 »  356
Saint-Philippe 
2,634 2,823 189 » 
Pl. des Palmistes 
1,753 1,441 »  312

180. La Colonie ne fut pas longtemps épargnée par les cyclones ; un ouragan vint de nouveau la frapper le 14 janvier ; il en résulta une recrudescence de la fièvre dans plusieurs localités durant les mois de février, mars et avril. À Saint-Benoit, entre autres, le chiffre des morts s’éleva jusqu’à 21 dans une journée.

181. À part les travaux du Port et du Chemin de fer que MM. Blondel, Molinos, Rollin et Lebrun poursuivaient avec activité, l’année 1878 s’écoula comme la précédente sans événements bien importants. On vit paraître le décret d’extradition des criminels entre la France et l’Angleterre, y compris les colonies des deux nations, l’impôt de 1 à 10 francs sur les chiens, le rétablissement des mandats-postes, l’amnistie pour délits de presse, la reprise des travaux du port de Saint-Pierre, et l’enquête sur l’Entre-Deux et le Bras-Panon, dans le but de les ériger en communes.

182. Dans une lettre à M. Faron, le gouverneur des possessions françaises de l’Inde, M. Trillard, remercia les habitants de la Réunion de la souscription faite en faveur des victimes du typhus et de la famine qui avaient sévi dans ces colonies.

183. À diverses reprises, pendant l’année 1879, la banque mit en circulation des billets pour la somme de 1,250,000 francs. Ce secours arrivait à propos, car les besoins du pays allaient être augmentés par un nouveau désastre : le cyclone du 21 mars. Aux cris de détresse que l’Administration locale fit entendre par l’entremise de représentants, les Chambres votèrent un secours d’un demi-million. Vers le même temps, le mobilier du clergé subit une réduction de 1,000 francs, et le cadre ecclésiastique fut diminué.

Après trois ans et demi d’Administration, M. le Gouverneur Faron demanda à être relevé de ses fonctions ; il quitta la Colonie le 29 avril.