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Histoire abrégée de l'île Bourbon/XXVIII

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Anonyme
Imprimerie de Gabriel & Gaston Lahuppe (p. 194-202).

CHAPITRE XXVIII

De Lormel (suite) — Autonomie — Souscriptions — Hôpitaux — Bureaux de bienfaisance — Télégraphe — Eaux et forêts — Mme de Lormel — Congé — Ouragan — Le million — Dengue — Scrutin — Comités — Arrêté sur l’ivresse — MM. Thiers et Mac-Mahon — Société — Reboisement — Croix sur le Bénard — Pharmacie — M. Viant — Ouragans — Impôt des voitures — Conseil sanitaire — Indemnité — Cercle.

134. Dans la session de février, le Conseil général reprit la question de l’autonomie des communes, question incomprise de plusieurs municipalités qui pensaient jouir de pouvoirs plus étendus que ceux qui leur avaient été attribués. Le service de la police devint l’objet de nombreuses réclamations, et il fut décidé, par arrêté du 23 mars, que dans toutes ses branches, la police formait un seul et même service, relevant simultanément du Directeur de l’intérieur, du Procureur général et des maires.

135. Un incendie ayant causé de grands dommages à Pointe-à-Pitre, on se souvint à la Réunion de l’offrande envoyée quelques mois auparavant par les Antilles. Le Gouverneur expédia à la Guadeloupe une somme de 26,069 francs, montant de la souscription en faveur des victimes de l’incendie. Non contente de cette générosité, la Colonie s’associa spontanément à la souscription métropolitaine qui avait pour but l’affranchissement du territoire français.

136. Le système de décentralisation et l’autonomie conféraient aux communes des droits nouveaux, mais aussi de nouvelles charges. Ainsi l’hospice de la Providence et l’hôpital militaire de Saint-Paul ne ressortissant plus au Département de la marine, les malades, les vieillards et infirmes cessèrent d’être dirigés sur ces établissements. La ville de Saint-Denis convertit aussitôt en hôpital[1] l’ancienne école du Butor ; elle organisa ensuite cinq bureaux de bienfaisance pour porter des secours à domicile aux fiévreux indigents. Saint-Paul et Saint-Pierre avaient aussi leurs hôpitaux ; mais soit défaut de moyens, soit indifférence, les autres communes se préoccupèrent peu de la situation des vieillards malades.

137. La Compagnie du télégraphe présenta au Conseil un mémoire établissant que pendant une période de 4 mois, les dépenses du service télégraphique s’élevaient à la somme de 3,525 francs et les recettes à celle de 1,912 francs. En conséquence du déficit, on vota à la Compagnie une subvention de 5,517 francs.

138. Un arrêté du Gouverneur en date du 26 mars, pris en Conseil privé, conformément à la loi du 14 février 1872, rendit provisoirement exécutoire le règlement forestier délibéré par le Conseil général. Cette loi faisait une obligation à l’Assemblée locale de n’édicter contre les délits et contraventions que des peines ne pouvant dépasser le maximum des pénalités fixées par le code forestier métropolitain. Les principaux points de ce règlement comprennent la délimitation et le bornage, le défrichement, l’exploitation, la conservation, le reboisement et les pénalités en cas de délits.

La division territoriale au point de vue forestier a été déterminée de la manière suivante :

1er Arrondissement : de la rivière des Galets à la rive gauche de la rivière de l’Est ;

2e Arrondissement : de la rivière de l’Est à la rive gauche de la rivière Saint-Étienne, y compris l’Entre-Deux et la Plaine des Cafres ;

3e Arrondissement : de la rivière Saint-Étienne à la rive gauche de la rivière des Galets.

Le cadre du service comprent : 2 gardes généraux, 11 brigadiers, 62 gardes et 40 engagés.

139. La mort de Mme de Lormel détermina le Gouverneur à prendre un congé ; il s’embarqua le 21 septembre, laissant à M. Laborde, Commissaire-Ordonnateur, les fonctions de gouverneur par intérim. Ce dernier eut l’honorable mission de recevoir Mgr Delannoy, troisième évêque de la Réunion, qui vint prendre possession de son siège le 20 décembre 1872.

140. (1873) L’année 1873 débuta par un terrible ouragan. La quantité d’eau tombée le 7 février fut de 60 millimètres, le lendemain, elle était de 200 millimètres. En quelques heures, le Quartier-Français offrit le spectacle d’un immense lac et la plaine de Saint-Paul, celui d’un étang mesurant 1 mètre 20 de profondeur. Sur la demande de nos députés, l’Assemblée nationale accorda à la Colonie un secours d’un million de francs que l’Administration répartit comme suit, savoir : Service colonial, 6,000 francs ; service local, 586,000 francs ; travaux et édifices communaux, 158,000 francs ; indigents, 250,000 francs. Un secours tiré sur la Caisse de réserve avait déjà été distribué aux plus nécessiteux, ainsi qu’aux fiévreux de diverses localités.

141. (12 janvier) Le service des postes comprit dans son cadre l’agence de la Plaine des Palmistes, et une commission locale reçut la mission d’examiner le projet du port, présenté par M. Pallu de la Barrière.

142. Aux tristes conséquences d’un cyclone et de la fièvre paludéenne vint se joindre une épidémie apportée par des Indiens de Maurice et qualifiée de fièvre dengue. Elle causa peu de mortalités, mais le nombre des personnes qui en furent atteintes dépassa les deux tiers de la population, au moins quant à la ville de Saint-Denis. Il en résulta un tel accroissement de misère que l’Administration se vit obligée à de nouvelles distributions de secours.

Un décret en date du 25 février, portant organisation des bureaux de bienfaisance dans les communes, vint à propos favoriser l’accomplissement d’une œuvre qui, en s’iniposant comme devoir, était également le vœu de tous. Le soin des indigents retiré des attributions des conseils municipaux, appartenait désormais à une commission composée de 5 membres : le maire président, le curé et trois autres nommés par l’Administration.

143. Le 25 avril, l’Administration appliqua la loi du 18 février 1873, portant que nul n’est élu député à l’Assemblée nationale au premier tour de scrutin s’il n’a obtenu : 1° la majorité absolue des suffrages exprimés, 2° un nombre de voix égal à celui du quart des électeurs inscrits ; 3° au deuxième tour de scrutin, l’élection est valable à la majorité des votants.

144. Sur la proposition du Directeur des colonies, la commission supérieure de l’Exposition permanente reçut une nouvelle organisation ; des sous-comités, établis à Saint-Pierre, à Saint-Paul et à Saint-Benoit, eurent mission d’étudier les questions intéressant l’agriculture et l’industrie du pays ; les réunions de ces comités sont mensuelles ; ils adressent des procès-verbaux au comité central siégeant à Saint-Denis.

145. L’abus des liqueurs alcooliques dans la classe laborieuse obligea l’Administration à demander la promulgation de la loi métropolitaine sur l’ivresse.

Sont punis d’une amende de 1 à 5 francs, ceux qui seront trouvés en état d’ivresse manifeste dans les rues ou autres lieux publics. Et, en cas de récidive dans l’année, de 6 jours à un mois de prison. Deux condamnations en police correctionnelle pour ivresse emportent la perte du droit du vote et de l’éligibilité, du droit d’être appelé aux fonctions de juré ou autres.

146. Pendant le mois de juin, la Métropole supprima le contrôle colonial organisé par l’ordonnance du 21 août 1825. Le courrier du 12 apporta la nouvelle de la démission de M. Thiers et de l’élection du maréchal de Mac-Mahon à la présidence pour une durée de 7 ans.

147. D’après l’approbation métropolitaine, le Conseil général dégreva des droits d’entrée les marchandises étrangères (le tabac excepté) importées dans la Colonie. Néanmoins, l’octroi de mer continua d’être perçu à l’égard des marchandises de toutes provenances.

148. La Plaine des Cafres, dépendant de la juridiction des tribunaux et de la justice de paix de Saint-Pierre, est classée comme partie intégrante de la même commune.

149. Institution, dans plusieurs localités, de sociétés de secours mutuels pour l’instruction spéciale, secondaire et supérieure. Émission de papier monnaie pour la somme de 400,000 francs, dont 200,000 francs en billets de 10 francs et le reste en billets de 5 francs. Les derniers seuls sont restés en cours.

150. (22 novembre) M. de Lormel reprend ses fonctions de Gouverneur.

151. (1874) La fièvre, qui décimait la population de Saint-Louis, nécessita des mesures spéciales de salubrité, non-seulement pour le quartier, mais aussi pour l’Étang-Salé où l’Administration fit reboiser une superficie de 908 hectares de terrains achetés de 341 propriétaires.

152. M. Léon de Châteauvieux fit ériger une croix monumentale sur le sommet du Grand Bénard le 6 février 1874. Deux ans plus tard, ce monument était béni par M. Lacroix, aumônier du transport de l’État le Finistère.[2]

153. En février, parut un arrêté concernant le maintien du boisement : 1° sur les pentes de 45 degrés ; 2° des pentes d’encaissement des principaux cirques de l’île ; 3° sur les bords des rivières, autour des sources, mares, bassins, à la distance de 10 mètres. Le même arrêté aurait pu comprendre le reboisement des pentes lavées qui avoisinent les forêts ; leur retour à la végétation primitive s’impose d’urgence, soit par mesure de salubrité, soit pour entretenir les ressources du combustible monté à un prix exorbitant.

154. Le service de l’Hôpital thermal accorda aux habitants de Salazie la faculté de prendre à la pharmacie les médicaments au prix de facture, augmenté de 10 %o ; cette faveur était d’autant plus appréciable que les familles d’Hell-Bourg et de Saint-Martin ne perdaient pas moins d’une journée pour faire venir leurs médicaments de Saint-André.

155. Création de plusieurs écoles primaires à Saint-Paul, à Salazie, à la Plaine des Palmistes et en divers autres lieux. À cette époque, le mouvement des créations scolaires prit un développement qui atteignit les sections principales des communes et même les hameaux.

Depuis la mise en retraite de l’Inspecteur d’académie, le service de l’instruction primaire était dirigé par le secrétariat de la Direction de l’intérieur ; ce mode d’administration parut insuffisant aux représentants de la Colonie, et ils sollicitèrent la nomination d’un nouvel inspecteur. Tout en faisant droit à cette réclamation de nos députés, la Métropole délégua un inspecteur général, M. Viant, pour visiter toutes les écoles de la Colonie. Le passage de M. Viant à la Réunion eut pour résultat principal d’éclairer l’Administration locale sur la véritable situation des études, situation que le public se montra un instant jaloux de connaître, mais que l’impartialité, trop minutieuse peut-être, de l’inspecteur général ne permit de publier qu’en partie.

156. À la fin de mars, un ouragan frappa la région Sud de l’île ; la violence du vent, occasionna peu de dégâts, mais l’île entière subit une véritable inondation du 27 au 29.

157, Les vols considérables des lianes et des gousses de vanille donnèrent lieu à un arrêté par lequel ces produits sont demeurés soumis à une réglementation spéciale et ne peuvent circuler qu’avec des passavants.

158. À dater du 26 décembre, le service des postes effectua les envois par lettres des valeurs jusqu’à concurrence de 2,000 francs. Les échantillons de marchandises entrèrent comme spécialité dans le service des valeurs, mais à la condition qu’ils n’excéderaient pas le poids de 300 grammes. Le même jour était appliqué le nouvel impôt sur les voitures suspendues divisées en 7 catégories et taxées à 10, 20, 30, 40, 50, 75, et 100 francs.

159. (1875) Les apparitions fréquentes de la variole, du typhus, du choléra et d’autres épidémies à Maurice, dans l’Iode, à Madagascar et dépendances, déterminèrent l’Administration locale à établir un service sanitaire permanent. L’arrêté du 30 avril porte organisation d’une commission relevant de l’Ordonnateur et composée du chef du service de la marine, de 5 médecins responsables, de 3 médecins suppléants et des agents ordinaires de la police sanitaire. Le conseil sanitaire à Saint-Denis a été composé de quinze membres siégeant sous la présidence du maire.

160. Pendant le premier semestre de l’année 1875, la Colonie verse au Crédit foncier la somme de 1,188,674 francs pour les annuités de 1868, 1869, 1870.

161. (Juin) La Sténographie d’après la méthode de Duployé est introduite dans plusieurs écoles par l’initiative des Frères. Il se constitue à Saint-Denis un cercle de jeunes gens pour l’étude et la propagation de cet art ; les statuts du cercle sont officiellement approuvés le 12 juillet.

162. M. le Gouverneur de Lormel, ayant manifesté le désir de rentrer en France, partit par la malle de septembre, laissant pour la seconde fois l’administration de la Colonie à M. Laborde.

  1. Confié aux Filles de la Charité.
  2. À quelques kilomètres au-dessous du sommet, un grand nombre de tertres avertissent les voyageurs du danger dont le froid et la brume les menacent. Les malheureux qui gisent en cet endroit avaient cru faire halte pour se délasser ; au lieu d’un repos passager, ils ont trouvé un engourdissement général suivi de la mort.