Jérusalem (Loti)/12

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Jérusalem (1895)
Calmann-Lévy (p. 108-109).
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XII

Jeudi, 5 avril.

… Erré à cheval, au déclin du soleil, dans la triste campagne de Jérusalem, du côté du Levant et du Nord.

Comme il est pâle, ici, le printemps, — pâle, voilé et froid ! Il est vrai, nous sommes sur les hauts plateaux de Judée, à huit cents mètres environ au-dessus du niveau des mers, déjà dans la région des vents et des nuages.

Campagnes de pierres grisâtres, parsemées d’oliviers frêles ; par terre, une herbe courte et rare, et toujours les mêmes fleurs, des anémones, des iris, des cyclamens.

Un vent très frais s’est levé à l’approche du soir ; de longs nuages effilés arrivent de l’ouest et courent dans le ciel jaune. Le sol est jonché de ruines, plein de cavernes et de sépulcres, et, de temps à autre, au hasard des collines de pierres et des vallées de pierres, la muraille de Jérusalem, dans le lointain, apparaît ou se cache, toujours farouche et haute, évoquant les grands fantômes des Croisés et de Saladin.

Je m’arrête successivement à ces deux nécropoles souterraines, qui sont percées en labyrinthe au cœur des rochers et que les voyageurs visitent toujours : l’une appelée le « Tombeau des rois » et qui était vraisemblablement le lieu de sépulture de la reine d’Abidème avec ses fils ; l’autre, appelée le « Tombeau des juges » et qui, au dire des plus récents archéologues, fut creusée pour les membres du Sanhédrin. Toutes deux témoignant du faste grandiose des vieux temps, et toutes deux, vides, profanées, fouillées on ne sait combien de fois, pendant les invasions et les pillages.