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Journal d’un voyage de Genève à Paris/Dimanche

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Anonyme
J. E. Didier, imprimeur-libraire (p. 113-135).
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Dimanche.

L’on a bien raison de dire que le lit est le meilleur remède contre la fatigue, celui qu’on court le moins de risque à employer, et dont les effets sont les plus prompts. Le long sommeil que je viens de faire à rétabli entièrement mes forces ; je me sens disposé à continuer la route, dût-elle se prolonger encore durant plusieurs jours.

Il est sept heures, le jour commence à paraître : après un déjeûné composé de thé à l’eau, servi par les grandes filles dont j’ai parlé, nous montâmes en voiture. Le pays que nous avons traversé est absolument semblable à celui que nous avons parcouru hier : de grandes plaines, la rivière d’Yonne débordée, inondant une immense étendue de terrain, le canal de Bourgogne auquel mille ouvriers travaillaient, etc. etc.

Le soleil que nous avions à notre gauche nous fit supposer que nous allions au sud : aussi-tôt, de grands raisonnemens pour le prouver ; mais ils ne servirent qu’à mieux établir notre direction au nord-ouest. Le soleil se levant aux mois de Décembre et de Janvier beaucoup plus au midi que dans les autres saisons de l’année, il était tout naturel que nous l’eussions à notre gauche, et nous n’avons pas changé de direction jusqu’à Paris, d’une manière sensible, si j’en excepte les détours que la position accidentelle des lieux nous à contraints de faire.

L’heure que nous donnaient nos montres à notre départ de Genève n’était plus d’accord avec celle des horloges du pays, ces dernières étaient en retard d’une demi-heure. Nous calculâmes cette différence, qui nous parut trop considérable : les 24 heures se divisant en 360 degrés, ne donnent que 4 minutes par degrés. Nous avions parcouru trois degrés à l’ouest, nous ne devions donc être en avance que de 12 minutes ; trois degrés étant la 120e partie des 1440 minutes, (ou des 24 heures) qui divisent les 360 degrés… Il y avait certainement une erreur dans notre calcul ; (ce que je ne crois pas) ou bien les horloges, ou nos montres étaient mal réglées.

En descendant à Joigny, nous trouvâmes sur la porte de l’auberge une demoiselle assez grande, bien faite, belle à ravir, qui, après nous avoir envisagé les uns et les autres avec une attention toute particulière, demanda au conducteur s’il y aurait place pour elle dans la voiture. À peine avait-elle achevé sa demande, qu’un gros Monsieur, qui avait couru la poste toute la nuit pour prendre la diligence, arriva pour se joindre à nous. Blaque leur répondit que la voiture était remplie ; qu’il n’y avait de place que dans le cabriolet, que, s’ils voulaient l’occuper, ils pouvaient en disposer dès l’instant. Mais, ajoute-t-il, attendez un peu, je parlerai aux voyageurs pendant le dîner, et s’ils veulent s’arranger, il y aura place pour tous.

En attendant le repas, nous fûmes nous promener. La ville de Joigny a été autrefois une place forte et un poste important ; l’on voit encore les ruines des murailles dont elle était fermée, qui sont très-épaisses, et flanquées de grosses tours rondes très-bien bâties. Il y a un château, qui a, dit-on, été bâti par Renaud premier, comte de Sens, en 996. Depuis ce temps il a souvent été réparé et changé par ses successeurs.

Arrivés sur la place de la parade, la garde défila devant nous ; surpris de la voir habillée en blanc, je demandai à une personne qui était auprès de moi, la raison de cette différence dans la couleur de l’habit d’uniforme national, qui, selon les décrets, devait être bleu : elle me répondit, que lors de la révolution, le peuple de Joigny, pressé de s’armer et d’établir sa garde nationale, s’était porté à un magasin de l’armée, et s’étant saisi de tous les uniformes qu’il renfermait, s’en était sur-le-champ revêtu, en attendant les ordres de l’assemblée pour se costumer autrement. La troupe me parut assez exercée : c’était le dimanche fixé pour le serment des prêtres ; nous suivîmes la foule à l’église. — Là plusieurs ecclésiastiques firent leur serment de gaieté de cœur. — M. l’abbé Bernier prêt à faire le sien, voulut s’aviser de discourir contre le décret, un garde national le touche aussi-tôt en joue, en lui disant : « l’abbé, on ne vous demande que votre serment, ou votre démission, optez sur-le-champ ou sinon ». Cette petite scène, arrivée dans un tel lieu qui ne dura pas deux minutes, me révolta ; si je ne vous dis pas quelles furent mes réflexions, c’est que je crois pouvoir m’en dispenser. Le pauvre abbé, qui avait eu la bêtise de dire qu’il se ferait plutôt tuer que de jurer fidélité à la constitution civile du clergé, eut le bon esprit de ne pas soutenir ce qu’il avait avancé ; il aima mieux, selon ses sentimens, vivre parjure que mourir martyr de son attachement aux biens du ciel, aux bénéfices, aux 800 fermes, etc. etc. Le bon homme ! je suis tenté de croire que la grâce opéra tout-à-coup en lui ; qu’aidé par des raisonnemens temporels, il fut éclairé par des lumières spirituelles, qui lui firent voir dans tout son éclat la philosophie de la constitution, et que ces causes réunies produisirent l’effet inattendu. Il prêta son serment.

Les chasseurs d’Alsace étaient en garnison à Joigny ; il faut en voir les casernes. Les quais, le pont, sont assez bien construits ; en général la ville est jolie.

Nous dînâmes avec un seul gascon que renfermait la diligence de Lyon. Pendant le repas Blaque vint nous proposer de recevoir parmi nous, en nous gênant beaucoup, Je personnage que nous avions vu avant le dîner, chevalier de St. Louis, ci-devant noble, toujours mécontent, jurant contre les gens, un aristocrate enfin qui voulait aller à Sens ; ou une demoiselle fort jolie qui nous suivrait jusqu’à Paris. — La demoiselle ! la demoiselle ! s’écrièrent nos étourdis, que ce Monsieur aille à pied s’il veut, nous ne voulons pas de lui. Le garçon, qui nous servait à table, nous dit que voyant la voiture remplie, la demoiselle ne voulait plus partir. — Vous la connaissez donc ? — Sans doute. — Qui est-elle ? — C’est une fille entretenue par M. le marquis… — Est-elle gaie ? — Infiniment. — Bon ! voilà ce qu’il nous faut ; vite une députation pour l’engager à venir. L’officier et mon ami sont dépêchés : elle ne promet rien ; nouveau message ; enfin elle accepte notre invitation. Je fus chargé d’aller la chercher : en moins de quatre minutes elle fut habillée, son paquet et ses adieux furent faits : elle monta en voiture.

Le gros Monsieur était dans une colère épouvantable, se voyant débusqué par une malheureuse : c’est ainsi qu’il qualifiait la demoiselle. Il se répandit en mauvais propos contre le conducteur, qu’il menaça des régisseurs, des fermiers, du diable, etc. etc. — Notre honnête Blaque le laissa crier aussi long-temps qu’il lui fit plaisir ; ce ne fut que lorsqu’il s’avisa de le tutoyer que celui-ci l’envoya poliment où vous savez. — Pour mettre fin à la dispute, je dis à ce grossier chevalier que je cédais ma place à Mademoiselle, et que me plaçant dans le cabriolet, les ordonnances se trouvaient exécutées. Je l’invitai à faire chercher des chevaux à la poste, l’assurant qu’il serait avant nous à Sens ; là-dessus je lui tourne le dos, je monte dans le cabriolet, et fouette, postillon. —

À un quart de lieue de Joigny, je fis arrêter : je rentrai dans la voiture, où je me trouvai fort à l’étroit. Mlle Ferrand, c’est le nom de notre nouvelle compagne, nous fit mille complimens ; elle nous assura que depuis quelque temps qu’elle avait formé le projet de retourner à Paris, elle allait attendre devant l’auberge les diligences, les voyageurs qui arrivaient, pour juger à leur physionomie s’ils étaient de bons vivans ; qu’après une assez longue attente, nous avions eu l’honneur d’être les préférés. « Si vous croyez, ajouta-t-elle, que je suis une honnête femme, vous vous trompez très-fort ; je ne suis rien moins que cela ; dès que je trouve un jeune homme qui me plaît, ich bald auf der magen lege. » De pareils propos faisaient rire nos jeunes gens ; mais Mad. B… eut très-raison d’en être scandalisée ; dès ce moment il s’établit entre ces deux femmes une espèce d’aversion, qui eût duré tout le temps du voyage sans ce qui arriva le lendemain, dont j’aurai occasion de parler.

Les environs de Villeneuve-Ie-roi sont charmans.

Nous entrons dans Sens : l’auberge, qui était autrefois sur la grande place, a été transférée au bout d’une longue rue fort étroite. La diligence de Lyon y était déjà arrivée. Je ne voulus pas passer dans cette ville sans avoir vu le tombeau du dauphin et de son épouse, dont j’avais souvent ouï vanter les beautés. Le Dôlois, mon ami et moi, nous nous rendîmes à l’église cathédrale. M. le Suisse se fit long-temps attendre : nous fîmes la conversation avec un de ses garçons de cuisine, jeune homme d’une nicodémerie inimaginable, et dont la bêtise nous divertit singulièrement. Enfin M. le Suisse, puisque M. le Suisse y a, arrive. Avec toute la gravité possible il donne l’ordre d’allumer un flambeau et de chercher les clefs.

Je lui demandai de quel canton de la Suisse il était. — « Monsieur, me répondit-il, je suis du Mans. — Ce n’est pas la peine de vous appeler Suisse si vous ne l’êtes pas plus que cela. »

L’église de Sens, dédiée à Saint-Étienne, est la plus riche du royaume en monumens de sculpture. Je ne puis facilement rappeler à ma mémoire tous les objets qui m’ont été présentés. Ce que je vais vous apprendre m’a été enseigné par M. le Suisse du Mans, dans le langage le plus ignare, le plus orné d’expressions triviales, et du style le plus impropre que j’aie ouï de ma vie.

Je ne vous parlerai pas de la chaire de St. Thomas de Cantorbéry, qui ressemble à un théâtre de marionettes, ni d’un chapeau de cardinal, qui est suspendu depuis un temps immémorial au plafond d’une chapelle, ni d’un morceau de la vraie croix, ni d’un doigt de St. Luc, ni du retable du maître-autel, qui a été porté à la monnaie. Mais je vous parierai de quelques tombeaux, c’est un sujet triste qui convient un peu à mon goût et à ma situation ; il n’en est aucun sur lequel je ne me sois placé, dont je n’aie examiné les inscriptions, les bas-reliefs, et les statues dans le plus grand détail. Le mausolée du cardinal Duperron, qui est fort beau, ne m’a pas fait autant de sensation que celui qui renferme les restes du chancelier Duprat. Cet homme infâme, à force d’intrigues s’était fait nommer à l’archevêché de Sens. Son corps pourri était sur le point de laisser échapper son ame ordurière ; il voulut que, dans le cas où il ne pourrait faire son entrée triomphale dans son diocèse avant sa mort, on plaçât son cadavre, revêtu d’habits de cérémonies, sur un cheval richement équipé, et qu’il fût ainsi porté dans l’église de St. Étienne de Sens, avec toute la pompe et les honneurs dont on l’aurait comblé s’il eût été vivant. Les morceaux de chair de mouton, qu’on appliquait sur son corps rongé de cancers, ne purent l’empêcher de mourir ; et les Français d’alors superstitieux au suprême degré, et respectant par dessus tout les desirs des prêtres, exécutèrent ses volontés ; un bas-relief représente ce honteux triomphe. J’étais révolté d’un pareil excès de vanité ; mon déplaisir cessa dès que j’eus jeté les yeux sur la figure couchée sur le tombeau, dont la sculpture est de la plus grande vérité. Elle représente le chancelier Duprat privé de la vie. Des vers qui sortent de son estomac apprennent aux curieux les vices de cet homme. Son orgueil lui-même l’a mis à sa place ; car ce sont là les droits de la postérité ; elle exerce sa reconnaissance sur les hommes qui ont bien mérité d’elle, et elle couvre d’opprobre ceux qui ont répandu les vices et le désordre sur la terre, et qui n’ont été enfantés que pour le malheur de leurs contemporains et de leurs descendans.

Un morceau, qui est très-beau, est celui qui représente le martyre de St. Savinien, premier archevêque de Sens, qui fut massacré en disant la messe : la figure de ce saint, qui présente sa tête devant la hache de ses bourreaux, est du ciseau le plus parfait ; les détails sont de la plus grande beauté : les deux autres figures sont aussi supérieurement exécutées. La draperie jaune, sur laquelle est appuyée ce grouppe de marbre blanc, est de stuc et faite de main de maître.

Le Suisse du Mans ne cessait de nous parler son affreux langage, pendant le temps que nous examinions ces chefs-d’œuvres ; il nous montra les quatre colonnes qui étaient autrefois à Paris, sur la place des Victoires, qui ont été transportées à Sens après qu’on en eut ôté les quatre lanternes qu’elles portaient. Enfin nous arrivâmes au tombeau du dauphin ; le Suisse alors ayant élevé son flambeau, dont l’odeur nous suffoquait, commença le discours suivant, dont il n’est pas l’auteur, assurément.

« Ce mausolée, érigé par les ordres du feu Roi, est tout à-la-fois un témoignage éclatant de sa tendresse pour ses enfans, et un des plus riches monumens de sa magnificence. Il est l’ouvrage de feu Guillaume Coustou, fils et neveu de deux hommes, dont le nom sera à jamais célèbre dans les fastes de la sculpture.

« Ce monument représente un piédestal qui supporte deux urnes de porphire, enrichies d’ornemens de bronze doré, et qui sont censées con. tenir les cendres des deux augustes époux. Les deux urnes sont unies ensemble par une guirlande d’immortelles qui les embrasse.

« Sur le devant du piédestal, et en face de l’autel, sont deux figures de six pieds de proportion, dont l’une est la religion, l’autre l’immortalité. La religion caractérisée par la croix qu’elle tient d’une main, et par le voile qu’elle a sur la tête, pose de sa main droite sur les deux urnes qu’elle contemple, une couronne d’étoiles, symbole des récompenses célestes. Cette figure est pleine de majesté et de douceur, et les draperies en sont admirables.

« L’immortalité est à sa droite ; on la reconnaît à la couronne qu’elle a sur la tête, et mieux encore au cercle qu’elle tient dans sa main. Elle paraît s’occuper à former avec complaisance un faisceau des attributs symboliques des différentes vertus qui caractérisaient le dauphin, tels que la balance de la justice, le miroir et le serpent de la prudence, le lys de la pureté et de la candeur, etc.

« On doit remarquer avec quelle adresse l’artiste a su ménager dans cette figure les agrémens et la mollesse des contours qui appartiennent à son sexe, en lui conservant la noblesse et la gravité qui conviennent à son caractère.

« À ses pieds est le génie des sciences et des arts, dont ce prince faisait ses amusemens. Cet enfant tient un compas, avec lequel il paraît mesurer avec attention la surface du globe terrestre. On a tracé sur ce globe les routes qu’ont tenues les plus savans voyageurs de notre siècle, pour perpétuer l’époque de leurs découvertes. C’est dans la même vue qu’on a laissé appercevoir une partie du plan de la célèbre église de Ste. Geneviève, comme un des monumens de nos jours, qui doit faire le plus d’honneur à l’architecture.

« Sur le derrière du piédestal, on voit le temps, porté sur des ruines et des débris de toute espèce, qu’il foule à ses pieds. À la faveur de cet exhaussement, il a déjà enveloppé de son voile la première des urnes ; celle du dauphin mort le premier ; et on voit qu’il s’efforce de l’étendre sur celle de la dauphine, qui vivait encore lorsque ce mausolée a été commencé, et qui en avait préféré le modèle à beaucoup d’autres.

« À côté du temps, est l’amour conjugal, sous la figure d’un jeune homme. Il tient le flambeau de l’hymen éteint et renversé, et regarde avec douleur un enfant qui se désole lui-même de voir rompre entre ses mains une chaîne de fleurs, symbole de l’union des époux.

« Cette partie du mausolée est de la plus riche composition et de l’expression la plus noble et la plus touchante. La figure du temps est hardiment développée, prononcée avec force, et contraste savamment avec celle de l’amour conjugal. Ce contraste, qui donne du mouvement et de la chaleur à toute cette partie du mausolée, la met elle-même en opposition avec la partie antérieure, qui est comme elle doit être, et plus tranquille et plus grave. On voit que ce n’est pas sans dessein que l’artiste a placé du côté qui regarde la nef, les ravages du temps, et l’expression de la douleur qu’ils causent ; tandis que du côté de l’autel, il n’offre aux yeux du spectateur que les consolations solides de la religion et les douces espérances de l’immortalité.

« Sur les faces latérales du piédestal, on a gravé en lettres d’or les épitaphes du dauphin et de la dauphine, composées par S. E. le cardinal de Luynes, archevêque de Sens, et ci-devant premier aumônier de Mad. la dauphine.

« Ces épitaphes ne contiennent que des vérités attestées par l’Europe entière. Vérités exprimées par le savant prélat, avec toute la noblesse, toute la sensibilité qui caractérisent son âme dans la plus pure latinité et dans un style vraiment lapidaire.

« Au-dessous des épitaphes, sont appliqués les écussons aux armes du prince et de la princesse. Ces cartouches sont de bronze doré, et travaillés avec le plus grand soin ; ils n’ont pour tout ornement que des branches de cyprès qui les accompagnent, mais qui sont d’une vérité rare et du fini le plus précieux. »

M. le Suisse s’arrêta là pour reprendre haleine ; je vous fais grâce de l’explication des épitaphes qui ne respirent que la plus basse flatterie. Je vous dirai que le dauphin, père de Louis XVI, est mort le 20 Décembre 1765, âgé de 36 ans, et la dauphine, Marie-Josephe de Saxe, le 13 Mars 1767, âgée de 35 ans.

Requiescant in pace.

C’est dans cette ville que s’assembla le comité qui jugea en 1140 le malheureux Abeilard, le plus infortuné des amans.

On fait à Sens beaucoup d’horloges d’eau, dont un Bénédictin de St. Pierre-le-vif montra le méchanique à un ouvrier : on en envoie par tout le royaume et jusques dans les colonies.

Revenus à l’auberge, nous trouvâmes la compagnie auprès du feu, qui nous attendait pour se mettre à table. Un voyageur de la diligence de Lyon, placé près de moi, faisait mille récits de ses voyages, et mentait, selon l’usage, avec une assurance persuasive ; il accompagnait ses narrations de petits traits vrais ou possibles ; je commençais à croire ce qu’il racontait, mais il finit par trop parler ; je ne vis plus en lui qu’un bavard, il devint le sujet de mes réflexions, et je le plaçai sur un théâtre pour y jouer les rôles de fourbes.

Après le souper, je fus me mettre sur un lit pour reposer quelques instans avant notre départ ; mais il fallut renoncer au repos. Mlle Ferrand et compagnie firent un tel bruit dans la salle à manger, au-dessus de laquelle je me trouvais, que leurs éclats de rire m’empêchèrent de fermer l’œil.

À minuit l’on me fit descendre ; nous nous plaçâmes dans la voiture, et nous continuâmes de courir jusqu’au matin. Je dormis profondement une partie de la nuit ; il faisait à peine jour lorsque je m’éveillai.

La voiture s’arrêta pour changer de chevaux, dans un village dont j’ai oublié le nom. Les relais se firent attendre ; nous descendîmes déjeûner. Le soleil se leva, et nous nous mîmes de nouveau en route.