Aller au contenu

L’Âme des saisons/Sedes sapientiæ

La bibliothèque libre.
Veuve Fred. Larcier, Editeur (p. 66-68).
II


Sedes Sapientiœ


O Dame, en premier lieu, donnez-moi la sagesse.
Pas la science qu’on exige aux examens,
Ni tout ce qu’on apprend en tenant des deux mains
Son front (car c’est peut-être un péché de paresse
Que ce vœu de trouver en sa tête les points
Qu’il faut rechercher dans les livres). Néanmoins,
 
J’aimerais à savoir un peu de toutes choses,
Pour que, si d’aventure il advient que je cause
Avec ces grands savants qu’on rencontre à foison,
Je puisse, en écoutant leurs thèses et leurs gloses,
Sans trop d’hypocrisie et trop de trahison,
Adhérer de la tête et leur donner raison...


Mais la sagesse est comme un frais gazon dans l’âme,
Comme un gazon de calme et de sérénité,
D’où naissent, quand une heure grave les réclame,
Des crocus d’or et des tulipes de clarté,
Si bien que tout penser et tout geste s’ordonnent
Selon la joie intérieure qui rayonne...

O Dame, donnez-moi cette sagesse-là !
Hélas ! lorsqu’en ce mois parfumé qui vous aime,
La voix des rossignols tremble dans les lilas,
J’imagine parfois qu’elle chante en moi-même
Et crois que dans mon âme enfin j’ai découvert
Les fleurs de bon conseil et le frais gazon vert.
 
Et c’est la joie un peu, certes ; mais la sagesse,
Ce ne l’est pas !... Oh non ! Et même c’est alors
Que je fais les faux pas avec moins de remords,
En sorte que, bientôt, je pleure de détresse
Et qu’il me faut, hélas ! les plus rudes efforts
Pour sortir du fourré de ronce où je me tords.


Las ! ne permettez plus ces choses lamentables,
Chassez ces feux follets qu’enflamme le Malin
Pour m’égarer parmi les songes et les fables,
Eloignez de mon cœur tous ces mirages vains,
Sainte Vierge Marie ! et m’octroyez enfin
La clarté vraie et la sagesse véritable.