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L’Âme qui vibre/À l’aide

La bibliothèque libre.
E. Sansot et Cie (p. 12-13).

À L’AIDE

Je voudrais être moine au fond d’un cloître rude,
Non pas par désespoir, mais par besoin d’amour.
Je voudrais n’être plus un jeune homme au front lourd,
Mais une âme d’ascète au sein d’un corps de prude.

Je voudrais être moine et je suis un vendu,
Un gourmand, un dormeur et qui plus est : un homme ;
Mon plaisir est de mordre à même dans la pomme,
Et de remordre encor après avoir mordu.

Je voudrais, malgré tout, devenir un trappiste ;
M’arracher de la terre où l’on veut m’embourber ;
J’aspire à me lever pour ne plus retomber,
Et je veux terrasser la chair qui me dépiste.

Contempler, contempler l’invisible Jésus
Et croire à la vertu divine de l’Hostie !
Mais c’est cela que je voudrais Sainte Marie !
Donnez-moi cette grâce et je ne crirai plus.

Donnez, vous voyez bien que je suis en dérive,
Vous voyez que j’appelle à pleins poumons la foi,
Et que je bats de l’aile au bord de votre toit,
Et que je me cramponne aux herbes de la rive.

Mais tendez-moi la perche, au moins, sinon je vais
M’enliser de nouveau dans la bourbe et la vase ;
Faites-moi boire au bol inouï de l’extase,
Faites que je devienne un croyant désormais.

Et vous ! qui vous murez dans votre sacrifice,
Habitants des Carmels et saintes d’autres Lieux,
Vous ! dont la voix pénètre et rôde dans les cieux,
Priez, priez afin que je me convertisse.