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La Source grecque/02/Platon/Extraits du ''Phèdre''

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Gallimard (p. 135-136).

EXTRAITS DU PHÈDRE

247 c.

Τὸν δ᾽ὑπερουράνιον τόπον οὕτε τις ύμνησε πω τῶν τῇδε ποιητὴς οὔτε ποθ᾽ ὑμνήσει κατ᾽ἀξίαν… ἡ γὰρ ἀχρώματός τε καὶ ἀσχημάτιστος καἰ ἀναφὴς οὐσία ὄντως οὖσα…

Le monde qui est au-dessus du ciel, aucun poète jusqu’ici ne l’a chanté, aucun ne le chantera jamais dignement … Car ce qui est sans couleur, sans forme, ce qu’on ne peut toucher, la réalité réellement réelle, elle ne peut être contemplée que par le guide de l’âme, par l’esprit. Elle est l’objet de l’essence de la connaissance vraie qui habite aussi ce monde-là (i.e. le monde qui est au-dessus du ciel).


247 d.

ἅτ᾽ οὖν θεοῦ διάνοια νῷ τε καὶ ἐπιστήμῃ ἀκηράτῳ τρεφομένη…

Ainsi, comme la pensée de Dieu se nourrit d’esprit et de connaissance sans mélange, de même aussi celle de toute âme ; au moment de recevoir ce qui lui convient, voyant à travers le temps la réalité, elle l’aime, et par la contemplation elle se nourrit de vérité, et elle est heureuse


247 d.

ἐν δὲ τῇ περιόδῳ καθορᾷ μὲν αὐτὴν δικαιοσύνην…

Dans le mouvement circulaire elle voit face à face la justice elle-même, elle voit la raison, elle voit la connaissance ; non pas celle qui est susceptible de production, qui est différente selon qu’elle se trouve chez l’un et chez autre, qui a pour objet ce que nous nommons maintenant les réalités ; mais la connaissance dans la réalité de son essence réelle. Et les autres réalités réelles aussi, l’âme les contemple et les mange … puis elle rentre chez elle.


250 b.

δικαιοσύνης μὲν οὖν καὶ σωφροσύνης, καὶ ὅσ᾽ ἄλλα τίμια ψυχαῖς…

Or de la justice et de la raison et des autres valeurs spirituelles, il ne se trouve aucune splendeur dans leurs images d’ici-bas. Mais par d’obscurs instruments, à grand-peine un petit nombre d’hommes allant vers leurs images aperçoit l’essence du modèle.


250 b.
250 d.

κάλλος δὲ τότ’ ἧν ἰδεῖν λαμπρόν… δεῦρό τ᾽ἐλθόντες κατειλήφαμεν αὐτὸ διὰ τῆς ἐναργεστάτης ασθήσεως… στίλϐον ἐναργέστατα… ἧ φρόνησις οὐχ ὁρᾶται.

Mais la beauté était alors (i.e. dans l’autre monde) brillante à voir… et venus ici-bas nous la saisissons elle-même dans son éclat si manifeste, par le plus clair des sens, auquel la sagesse n’est pas visible.


250 d.

δεινοὺς γὰρ ἂν παρεῖχεν ἔρωτας, εἴ τι τοιοῦτον ἑαυτῆς ἐναργὲς εἴδωλον παρείχετο εἰς ὄψιν ἰὸν καὶ τάλλ᾽ ὅσα ἐραστά.

Car elle susciterait de terribles amours, si elle suscitait de la même manière une image manifeste d’elle-même qui entrât dans la vue ; et de même pour tout ce qui est digne d’amour (i.e. les autres « valeurs spirituelles », justice, etc.).


250 d.

νῦν δὲ κάλλος μόνον ταύτην ἔσχε μοῖραν ὥστ᾽ ἐκφανέστατον εἶναι καὶ ἐρασμιώτατον.

Mais en fait le beau seul a cette destination, d’être parfaitement manifeste et parfaitement digne d’amour.

Remarquer que : « si la sagesse suscitait de la même manière (que la beauté) une image d’elle-même », cela veut dire une image qui soit elle-même. Car nous saisissons par les sens, ici-bas, la beauté divine elle-même. Platon pense que dans tout ce qui est purement, parfaitement et authentiquement beau ici-bas, il y a présence réelle de Dieu.