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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/07/05

La bibliothèque libre.
Imprimerie de Chatelaudren (2p. 131-134).


V

LA RÉGLETTE


Ces travaux préliminaires exécutés et le nombre de copies composées et corrigées permettant de commencer la mise en pages ou la mise en placards, le metteur en pages établit une réglette de hauteur de page.

La page spécimen dont l’épreuve a été soumise à l’auteur ou à l’éditeur est établie, on l’a vu, sur un nombre donné de lignes, interlignées ou non, du texte de l’ouvrage : fréquemment ce nombre est indiqué par l’auteur ou l’éditeur, sans se préoccuper de la longueur qui en résultera pour le volume ; quelquefois il est fonction du nombre de pages à atteindre et n’est fixé dès lors qu’après estimation du manuscrit et composition de la page spécimen. Pour un même format, le nombre de lignes composant une page d’impression est donc essentiellement variable avec la force de corps du caractère, l’interlignage, la hauteur de page indiquée par l’auteur ou donnée par l’estimation.

Toutefois, à titre d’indication tout à fait générale et de simple renseignement, il paraît bon de rappeler ici les hauteurs de page courantes dans les formats les plus usités, ainsi que les justifications les plus habituelles pour ces mêmes formats :

FORMAT JÉSUS
  justification
(en douzes)
hauteur de pages
(en douzes)[1]
In-8 
24 43
In-16 
19 27
In-18 
17 29
FORMAT RAISIN
In-8 
22 39
In-16 
18 25
In-18 
15 26
FORMAT CARRÉS
  justification hauteur de pages
In-4 
31 43
In-8 
18 34
In-12 
17 29
FORMAT ÉCU
In-4 
28 40
In-8 
17 29
In-16 
13 19
FORMAT COURONNE
In-folio 
35 60
In-4 
25 35
In-8 
16 27
FORMAT TELLIÈRE
In-folio 
33 55
In-4 
23 34
In-8 
15 25
FORMAT POT
In-folio 
31 51
In-4 
21 30
In-8 
14 23

a) La réglette est, ordinairement en bois : suivant les habitudes de l’ouvrier, tantôt elle sera égale comme longueur à celle qui sera établie pour la page ou les placards, tantôt elle débordera d’une certaine quantité au delà de cette longueur : une encoche marquera, dans ce dernier cas, la hauteur du texte, folio compris (mise en pages) ou non (mise en placards) ; souvent, en effet, la réglette s’établit à double fin : pour les placards et pour la mise en pages.

Certains metteurs, particulièrement lorsque la hauteur de page tombe sur une longueur exacte de cicéro, préfèrent utiliser un lingot de 6, 9 ou 12 points, plutôt qu’une réglette en bois.

b) La confection de la réglette est assez importante pour que quelques lignes lui soient consacrées.

1o Nombre de metteurs en pages se bornent à l’établir d’après la hauteur donnée sur le plomb par la page spécimen acceptée par l’auteur.

La réglette, appuyée le long de la partie latérale libre du spécimen placé dans une galée, est poussée jusqu’à l’interligne de tête du folio ; elle reçoit une encoche à la rencontre exacte de l’interligne de pied de la dernière ligne ou, le cas échéant, du bord extrême du lingot formant ligne de pied : c’est la réglette de mise en pages ; pour la réglette de mise en placards, l’encoche est faite en poussant la réglette jusques et y compris l’interligne de tête de la première ligne (le folio et le blanc qui le suit exclus). Cette méthode est un peu empirique : la longueur de réglette ainsi obtenue est en effet plus ou moins exacte : elle est modifiée suivant que le metteur exerce sur la page une pression plus ou moins forte, elle change également selon l’élasticité de la page, variable avec le nombre de lignes, la force de l’interlignage et la longueur du texte.

2o De toute nécessité, pour obtenir une réglette de longueur rigoureuse, il est indispensable de recourir à une opération mathématique des plus simples.

Supposons que l’on veuille établir la réglette d’un volume de format raisin. La page spécimen établie sur les indications de l’auteur ou de l’éditeur comporte : l’interligne de tête de 3 points au-dessus du folio, le folio lui-même composé en petites capitales de corps 10, le blanc séparatif du texte et du folio de 9 points, 36 lignes de texte en corps 10 interligné à 3 points, l’interligne de 3 points de pied, enfin la ligne de pied.

Le calcul de la réglette se fait de la manière suivante :

Interligne de tête 
 003 points
Folio 
 010 xxxx
Blanc du folio 
 009 xxxx
Texte : 36 lignes en corps 10 
 360 xxxx
Interlignage : 35 interlignes de 3 points 
 105 xxxx
Interligne de pied 
 003 xxxx
Ligne, de pied : 1 douze 
 012 xxxx

Total 
 502 points

Cette hauteur de 502 points donne 41 cicéros 10 points, longueur d’après laquelle devra être très rigoureusement calculée la réglette.

Le procédé est simple et à la portée de tout ouvrier ; de plus, il est, on le comprend sans peine, d’une précision absolument irréprochable.

c) La confection de la réglette, nécessaire à la mise en placards s’exécute de la même manière : seuls ne figurent point dans le calcul le nombre de points du folio non plus que celui de son blanc qui n’existent pas dans ce travail.

d) Il est indispensable que cette réglette soit conservée avec soin. Lorsque le travail subit une interruption ou se compose d’un certain nombre de volumes, pour la retrouver plus aisément, le metteur y inscrit à l’encre le titre du labeur, le nom de l’auteur, ou telle autre désignation conventionnelle.

  1. Ces chiffres un sont qu’approximatifs pour les labeurs, puisque — il est bon d’insister sur ce pont, — la hauteur de pages doit, en toutes circonstances, être calculée d’après le nombre de lignes contenues dans une page pleine, sans se préoccuper du souci de tomber sur cicéro.