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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/22

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 683-687).


CHAPITRE XXII

L’ERRATUM



Transposé directement du latin en français, ce mot désigne la liste des erreurs, des fautes typographiques ou autres, subsistant dans un volume après l’impression ; cette liste contient également les rectifications que le lecteur est prié de faire au texte.
xxxx On emploie le mot erratum (singulier) s’il n’y a qu’une erreur à relever ; dans le cas contraire, on utilise le pluriel latin errata.
xxxx Larousse observe, à ce sujet, que « l’usage généralement suivi veut qu’on dise errata », même « lorsqu’il ne se trouve qu’une seule faute à relever dans l’ouvrage ». « Seulement, quand l’errata contient plusieurs indications de fautes, chacune de ces indications pourrait être appelée erratum ; ainsi, on pourrait dire : le premier erratum, le deuxième erratum, etc. ».
xxxx D’après Daupeley-Gouverneur, « on dit, avec la même acception, corrigendum ou corrigenda », que l’on peut interpréter, plus correctement, par le terme de « corrections ».

1. Suivant le-désir des auteurs, l’erratum se place soit au commencement, soit à la fin du volume.

Mis au début, du travail, l’erratum prévient le lecteur qui a ainsi la possibilité, avant toute étude, de remédier aux erreurs signalées. Afin de le dissimuler légèrement, s’il ne comprend que quelques lignes, on le met près du texte, généralement à un verso ; on dispose, au contraire, sa première page en un recto, si son étendue le fait déborder sur une deuxième page.
xxxx À la fin du livre, l’erratum est plutôt rarement consulté : soit que le lecteur néglige de s’y reporter, soit que ce rejet tende volontairement à ce résultat. Afin d’atténuer l’impression désagréable produite par le trop grand nombre de corrections qu’il peut contenir, on l’imprime de préférence avant la table des matières, toujours sur un recto, qu’il comprenne une ou plusieurs pages.
xxxx Il doit être rédigé et surtout composé très clairement, afin d’éviter au lecteur tout sujet de nouvelles erreurs.
xxxx Il doit mentionner : 1° la page ; 2° la ligne, en comptant de haut en bas, ou, suivant une autre méthode plus rapide, en indiquant le chiffre le moins élevé, soit en partant du haut, soit en partant du bas ; 3° le mot erroné ; 4° le mot correct.

Il est indispensable, sous peine d’erreurs plus graves que celles qu’il s’agit de réparer, de ne pas intervertir l’ordre de composition, quand celui-ci a été établi ; on ne saurait donc indiquer en premier lieu, tantôt dans une ligne le mot erroné, et tantôt, dans une autre ligne, le mot correct : la disposition acceptée pour la première ligne doit se poursuivre jusqu’à la fin sans aucun changement.
xxxx Il est également de toute importance, en reproduisant l’erreur, de ne pas modifier cette erreur, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une ponctuation ou d’une coquille dont à première vue on ne saisit pas la raison.

2. L’erratum se compose en caractère de corps inférieur à celui du texte, généralement de force analogue à celui des notes.

3. La composition a strictement lieu suivant l’ordre de la pagination : de page 1 à fin, et, dans chaque page, suivant l’une ou l’autre des méthodes antérieurement signalées.

4. Les dispositions acceptées pour la composition d’un erratum sont variables suivant les auteurs : colonnes, alignements, texte en sommaire courant ; elles présentent chacune leurs avantages.

a) La disposition en colonnes s’établit de la manière suivante :
xxxx Les têtes des quatre colonnes se composent en caractère de corps inférieur à celui du texte de l’erratum ou, plus rarement, à la demande de l’auteur, en caractère italique du corps du caractère utilisé pour le texte de l’erratum. La justification de l’une et de l’autre de ces colonnes est parfois fort inégale :

1° Celle des deux premières, restreinte le plus possible, est donnée par la largeur des mots page et ligne séparés l’un de l’autre par le blanc strictement indispensable pour permettre une lecture facile des chiffres, soit un cadratin.
xxxx Pour faciliter la composition des chiffres, qui remplissent ces deux colonnes, et qui sont fondus sur demi-cadratin, on adopte pour leur justification une longueur calculée rigoureusement sur un nombre déterminé de cadratins.

2° Les deux dernières colonnes se partagent le reste de la justification, presque toujours par moitié, et très rarement de manière inégale, en raison de l’importance du texte. Dans ce dernier cas, avant d’adopter définitivement une longueur de justification pour chaque colonne, le compositeur se rendra compte des exigences plus ou moins importantes du manuscrit.
xxxx La justification de chacune de ces deux colonnes doit être établie de manière qu’au moins un cadratin de blanc — certains auteurs exigent un cicéro — existe entre la fin de la plus longue ligne d’une colonne et le début de la ligne de la colonne suivante.

Les expressions au lieu de et lisez sont composées au milieu de la justification de la colonne qu’elles commandent :

Pagexxxlignexxxxxxxxxxxxxxxau lieu dexxxxxxxxxxxxxxxlisez

Les chiffres de la pagination et de la numération des lignes s’alignent par la droite ; le début des expressions erronées, comme celui des mots rectifiés, s’aligne de manière rigoureuse ; la composition s’établit toujours en sommaire, lorsque l’un ou l’autre des termes erronés ou rectifiés déborde sur une deuxième ligne :

Page   ligne   au lieu de   lire
10 15 je veux l’éviter je puis l’éviter
150 20
il m’est impossible de m’y soustraire
il m’est possible de m’y soustraire

Pour obtenir un alignement irréprochable, il est nécessaire de composer chaque colonne, isolément, sur sa justification propre ; les justifications particulières sont ensuite rapprochées, suivant l’ordre du texte, pour former la justification totale. Chaque justification doit être prise sur un nombre de cadrats ou de cadratins, évitant le couchage d’un blanc lors de la réunion.

Henri Fournier[1] considère cette disposition de l’erratum en colonne comme « celui qui est le plus usité et celui qui paraît le plus simple » des alignements. Cependant d’autres auteurs, et parmi eux Théotiste Lefevre, Daupeley-Gouverneur et Émile Leclerc notamment, sont d’un avis légèrement différent, comme on le verra plus loin.

b) Pour l’erratum composé en alignement, on adopte la disposition suivante :

1° Les mots page, ligne, au lieu d’être placés en vedette, figurent dans la même ligne que le texte de l’erratum ; l’alignement ne subsiste que pour le chiffre indicatif de la pagination, celui de la ligne et le début du texte erroné ; l’expression au lieu de n’est pas indiquée, et les deux dernières colonnes sont confondues en une seule comprenant le terme erroné et le mot correct séparés par le verbe lisez :

Page 004,xxx ligne 05 :xxx le début lisez la fin
009, 17 : avant l’année 1835 lisez après
  xxxle début de l’année 1835
102, 08 : lui dit lisez lui demanda

Lorsque le texte s’étend sur deux lignes, la composition a lieu en sommaire sous le texte erroné, au delà de la référence des pages et des lignes, qui reste constamment à découvert.
xxxx Les mots page et ligne, exprimés à la première ligne de l’erratum ou à la première ligne de chacune des pages où celui-ci se continue, sont remplacés, aux lignes suivantes, par des moins ou tirets, afin de dégager le texte et de ne pas fatiguer le lecteur par la répétition incessante et inutile des mêmes termes.
xxxx Les chiffres sont rigoureusement alignés ; une virgule sépare l’alignement de pagination de celui des lignes ; et un deux-points appelle le texte de l’erratum.

Théotiste Lefevre et Daupeley-Gouverneur donnent une disposition analogue de l’erratum en alignement.

Tout au contraire, dans l’exemple qu’il donne de cette disposition de l’erratum en alignement, Leclerc répète à chaque erratum particulier les mots page et ligne ; en outre, au lieu des deux-points devant le texte de l’erratum, il utilise la virgule suivie du cadratin :

Page 007, ligne 19,xxxesthétique lisez électrique
Page 016, ligne 04,xxxen lisières lisez en tutelle
Page 061, ligne 25,xxxla crainte qu’ils ont lisez la crainte qu’ils ont d’eux-
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxmêmes

2° Encore dans le but d’éviter une redite des termes page et ligne, certains écrivains exigent une disposition mixte tenant de la colonne et de l’alignement : les mots page et ligne sont seuls placés en vedette en tête des colonnes de chiffres ; le reste de l’erratum est composé de la même manière que l’exemple donné au 1° ci-dessus :

Page ligne  
xxx4 xx5 le début lisez la fin
xxx9 x17 avant l’année 1835 lisez après le début de
xxxl’année 1835

5. Dans le texte de l’erratum proprement dit aucune ponctuation autre que celle corrigée ou figurant dans la rédaction parce qu’elle est erronée n’est admise, même si le texte rapporté est celui d’une fin de phrase.

Daupeley-Gouverneur est assez affirmatif à cet égard lorsqu’il dit : « Il vaut toujours mieux ne pas faire figurer de ponctuation à la suite des membres de phrase, à moins qu’elle n’existe réellement dans le texte ou qu’elle ne soit elle-même l’objet d’une rectification. »

c) La disposition du texte en sommaire courant paraît avoir les préférences de plusieurs auteurs.

La composition a lieu sans aucun alignement, en un sommaire comprenant la pagination, l’indication de la ligne, l’erratum proprement dit et la rectification :

Page 25, ligne 4 : avant l’année 1835 lire avant le début de l’année 1835
Page 50, ligne 25 : il ne faut pus croire lire il faut croire.

Les termes lire, lisez, et, lorsqu’elle est exceptionnellement exprimée, l’expression au lieu de se composent en italique.

Toutefois certains auteurs préfèrent réserver l’emploi de l’italique pour le terme erroné et le nom modifié ; les expressions au lieu de et lisez, figurent en romain :

Page 12, ligne 18 : royale lisez loyale
Page 42, ligne 5 : au lieu de tantôt sentimentale lisez tantôt simplement sentimentale

Cette méthode, qui possède l’avantage de mettre en lumière les termes ou phrases qui sont la raison d’être de l’erratum, alourdit le texte, en raison de la moindre lisibilité du caractère italique trop fréquemment utilisé. Elle cadre d’ailleurs mal avec l’idée exprimée par Leclerc, pour lequel « l’errata, qu’il vaut mieux dissimuler, peut se passer de tout cet appareil typographique ».

Cependant Leclerc[2] recommande la composition de l’erratum en sommaire, parce que celle-ci est « beaucoup plus simple et infiniment préférable »[3].

Daupeley-gouverneur[4] exprime une opinion analogue : « La disposition de l’errata en sommaire offre, sur celle qui précède (la disposition en colonnes), l’avantage de dispenser de tout alignement. Elle est simple et claire à la fois, et convient surtout lorsque les passages de texte ont une certaine étendue ou sont l’objet de rectifications de diverses natures. On évite, en outre, ces blancs disgracieux qui se produisent dans les colonnes, par suite d’un trop grand développement de texte sur l’une d’elles. Pour ces motifs, nous donnons la préférence à cette disposition pour les petits et moyens formats. »

Avant les deux auteurs précédents, Théotiste Lefevre[5] donnait la préférence à l’erratum composé en sommaire courant « où tout se suit ».



  1. H. Fournier, Traité de la Typographie, p. 188.
  2. Leclerc, Nouveau Manuel complet de Typographie, p. 312 (éd. 1921).
  3. Leclerc appelle cette disposition : « en lignes ordinaires où tout se suit », cependant l’exemple qu’il donne est en sommaire.
  4. Daupeley-Gouverneur, le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 136.
  5. Théotiste Lefevre, Guide pratique du Compositeur et de l’Imprimeur typographes, p. 96.