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Le Diable au XIXe siècle/XXXIX

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Docteur Bataille ()
Delhomme et Briguet (tome 2p. 755-779).

ONZIÈME PARTIE


LA THÉURGIE OU MAGIE BLANCHE




CHAPITRE XXXIX

Le culte organisé de Lucifer Dieu-Bon


Il est hors de doute que le démon inspire les mages noirs aussi bien que les mages blancs, les satanistes aussi bien que les lucifériens ; à tous il se manifeste, plus ou moins fréquemment, sous des formes d’une extrême variété, se déclarant aux uns archange révolté ou esprit du feu, se faisant passer auprès des autres pour âme de trépassé. Rien n’est donc ridicule comme la prétention qu’affichent certains groupes d’avoir le monopole de ces manifestations surnaturelles : il n’y a vraiment pas de quoi être fier de posséder les faveurs de Satan, quelque nom qu’on lui donne ; mais, en tout cas, c’est sottise de s’imaginer que l’éternel ennemi de Dieu les réserve à quelques privilégiés, parce qu’ils l’invoquent et l’évoquent de telle façon plutôt que de telle autre.

Non, le diable n’est pas exclusif, et ces querelles de groupe à groupe, s’accusant réciproquement de supercherie, sont absurdes. Il est vrai que les charlatans ne manquent pas, ainsi que je l’ai établi ; mais, dès qu’un homme se met à haïr Dieu et son Église, et s’adonne à des pratiques occultes et diaboliques quelconques, l’enfer répond à son appel, sans distinguer entre ces divers sorciers ou mages, théurges ou goètes : et quand des évocations sont infructueuses, c’est Dieu seul qui s’est opposé à leur réussite, qui n’a pas permis aux puissances infernales de venir ; ce n’est nullement le fait de Lucifer ayant réservé à telle école d’occultisme ses trompeuses bontés.

Cela dit, il y a lieu de reconnaître que le Palladisme est néanmoins l’occultisme le mieux organisé, en tant que corps de doctrine et que culte rendu au démon : si tous les autres groupes sont des petites chapelles de diabolisants, le Palladium Réformé Nouveau ou la Ré-Théurgie Optimate est la grande Église de Satan sur notre globe. Albert Pike a été vraiment le plus étonnant apôtre que l’enfer ait suscité dans l’humanité ; il laisse bien loin derrière lui les hérésiarques les plus fameux ; sur les pages de l’histoire, son nom restera inscrit comme celui du véritable fondateur de la religion luciférienne, et son Palladisme, ainsi que l’a dit très justement la Civiltà Cattolica, est le plus formidable assaut qui ait été donné au catholicisme, à l’Église de Jésus-Christ.

Dans le Palladisme, toute la malice infernale se déploie ; c’est là que Satan se montre le mieux le « singe de Dieu ». En effet, pour peu qu’on l’examine, on constate que le culte des triangles est ni plus ni moins la copie servile, la contrefaçon du culte catholique ; c’est frappant.

Je comptais donner, avec tous les développements nécessaires, le tableau de l’organisation du Palladisme ; mais l’importance de cet ouvrage, la nécessité de le publier en fascicules mensuels, les évènements se précipitant dans la maçonnerie durant le cours de ma publication, tout cela a permis que je fusse devancé sur ce point. Suivant l’ordre de mon plan d’exposition des faits, je n’avais à traiter la question qu’en cette onzième partie ; et voici qu’une heureuse conversion, dont je me réjouis et rends grâces à Dieu, la conversion d’un palladiste marquant, M. Domenico Margiotta, de Palmi, a amené de nouvelles révélations, confirmant les miennes, les complétant et faisant connaître plusieurs choses que j’avais à dire, avant que j’en sois arrivé à écrire ce chapitre.

Pour le tableau complet du Palladisme, avec tous ses détails, je renvoie donc le lecteur à l’ouvrage si intéressant que M. Margiotta, notre nouveau compagnon d’armes, vient de publier sous le titre : Adriano Lemmi, chef suprême des francs-maçons, souvenirs d’un trente-troisième.

Voici, d’autre part, comment la nouvelle Théurgie a été répandue sur le globe : — Une habile sélection fut d’abord faite parmi les membres des hauts grades des principaux rites maçonniques officiels, surtout du Rite Écossais Ancien Accepté, et Pike fit constituer par ces élus trente-trois ateliers occultes de haute-maçonnerie, sous le vocable de Mère-Loge du Lotus.

On en fonda ainsi 14 dans les trois Amériques, 9 en Europe, 5 en Asie, 3 en Afrique et 2 en Océanie. Ce sont ces 33 Mères-Loges du Lotus qui ont créé ensuite tous les triangles du monde, répartis en 77 provinces triangulaires ; au chef-lieu de chaque province est un Parfait Triangle appelé également Lotus ou encore « Lotus de chef-lieu », et le Mage Élu, président de ce Parfait Triangle, est en même temps le grand-maitre provincial. Sauf quatre exceptions (pour Cologne, Rome, Tauris et Freetown), une Mère-Loge du Lotus est en même temps Lotus de chef-lieu dans sa propre province ; en tout cas, elle a toujours une prééminence honorifique sur tous les ateliers palladiques, non seulement de la province où elle a son siège, mais sur tous ceux des provinces où elle a exercé son action créatrice, et c’est là ce qui est appelé une « Seigneurie ».


AMÉRIQUE DU NORD

Mère-Loge : Le Lotus Canadien, siège à Montreal. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 1, province de Montreal ; n° 2, province de Hamilton[1].

Mère-Loge : le Lotus de New-York, siège à New-York. Seigneurie comprenant quatre provinces triangulaires : n° 3, province de New-York ; n° 4, province de New-York et Brooklyn ; n° 5, province de Buffalo ; n° 18, province de Providence.

Mère-Loge : le Lotus de Pensylvanie, siège à Philadelphie. Seigneurie comprenant trois provinces triangulaires ; n° 6, province de Philadelphie ; n° 7, province de Pittsburg ; n° 12, province de Cleveland.

Mère-Loge : le Lotus de Maryland, Colombie et Virginie, siège à Baltimore. Seigneurie comprenant trois provinces triangulaires : n° 8, province de Baltimore ; n° 414, province de Cincinnati ; n° 17, province de Washington.

Mère-Loge : le Lotus du Charles-River, siège à Boston. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 9, province de Boston.

Mère-Loge : le Lotus du Sud-Uni, siège à Charleston. Seigneurie comprenant cinq provinces triangulaires : n° 10, province de la Nouvelle-Orléans ; n° 13, province de Saint-Louis ; n° 16, province de Louisville : n° 20, province de Charleston ; n° 21, province de Memphis.

Mère-Loge : le Lotus des Lacs du Nord, siège à Chicago. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 14, province de Chicago ; n° 19, province de Détroit.

Mère-Loge : le Lotus Californien et des Montagnes Rocheuses, siège à San-Francisco. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 15, province de San-Francisco.

AMÉRIQUE CENTRALE

Mère-Loge : le Lotus du Mexique et du Centre-Amérique, siège à Mexico, Seigneurie comprenant cinq provinces triangulaires : n° 22, province de Mexico ; n° 23, province de Guadalajara ; n° 24, province de Guatemala ; n° 25, province de La Havane ; n° 26, province de Port-au-Prince.

AMÉRIQUE DU SUD

Mère-Loge : le Lotus Colombien, siège à Caracas. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 27, province de Caracas.

Mère-Loge : le Lotus du Brésil, siège à Rio-Janeiro. Seigneurie comprenant trois provinces triangulaires : n° 28, province de Rio-Janeiro ; n° 29, province de Bahia ; n° 31, province de La Paz.

Mère-Loge : le Lotus des Andes, siège à Lima. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 30, province de Lima ; n° 36, province de Valparaiso.

Mère-Loge : le Lotus d’Uruguay, siège à Montevideo. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 32, province de Montevideo ; n° 33, province de Treinta-y-Très.

Mère-Loge : le Lotus Argentin, siège à Buenos-Ayres. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 34, province de Buenos-Ayres ; n° 35, province de Tucuman.

EUROPE

Mère-Loge : le Lotus d’Angleterre, siège à Londres. Seigneurie comprenant cinq provinces triangulaires : n° 37, province de Londres 1re ; n° 38, province de Londres 2me ; n° 39, province de Birmingham ; n° 40, province de Liverpool ; n° 41, province de Manchester.

Mère-Loge : le Lotus d’Écosse, siège à Édimbourg. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 42, province d’Édimbourg ; n° 43, province de Glasgow.

Mère-Loge : le Lotus d’Hibernie, siège à Dublin. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire ; n° 44, province de Dublin.

Mère-Loge : le Lotus Saint-Hermann ou de la Germanie Occidentale, siège à Cologne. Seigneurie comprenant quatre provinces triangulaires : n° 45, province de Hambourg ; n° 47, province de Munich ; n° 50, province de Francfort-sur-le-Mein ; n° 51, province de Strasbourg.

Mère-Loge : le Lotus Saint-Frédéric ou de la Germanie Orientale, siège à Berlin. Seigneurie comprenant trois provinces triangulaires : n° 46, province de Berlin ; n° 48, province de Dresde ; n° 49, province de Leipzig.

Mère-Loge : le Lotus de France, Suisse et Belgique, siège à Paris. Seigneurie comprenant quatre provinces triangulaires : n° 52, province de Paris ; n° 53, province de Lyon ; n° 54, province de Zurich ; n° 55, province de Bruxelles.

Mère-Loge : le Lotus des Victoires, siège à Rome. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 56, province de Milan ; n° 57, province de Naples.

Mère-Loge : le Lotus Ibérien, siège à Madrid. Seigneurie comprenant trois provinces triangulaires : n° 58, province de Madrid ; n° 59, province de Barcelone ; n° 60, province de Porto.

Mère-Loge : le Lotus du Danube, siège à Buda-Pest. Seigneurie comprenant trois provinces triangulaires : n° 61, province de Buda-Pest ; n° 62, province d’Yékatérinoslaw ; n° 63, province de Stamboul.

ASIE

Mère-Loge : le Lotus d’Apadno, siège à Jérusalem. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 64, province de Jérusalem.

Mère-Loge : le Lotus des Enfants d’Ismaël, siège à Tauris. Seigneurie comprenant, une seule province triangulaire : n° 65, province de Téhéran.

Mère-Loge : le Lotus de l’Inde, siège à Calcutta. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 66, province de Calcutta ; n° 67, province de Madras.

Mère-Loge : le Lotus des Yésidis, siège à Singapore. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 68, province de Singapore.

Mère-Loge : le Lotus Céleste, siège à Tong-Ka-Dou. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 69, province de Shang-Haï (ou Tong-Ka-Dou).

AFRIQUE

Mère-Loge : le Lotus Sainte-Hypathie, siège à Alexandrie. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 73, province d’Alexandrie ; n° 74, province de Constantine.

Mère-Loge : le Lotus Africain, siège à Port-Louis. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires : n° 15, province de Port-Louis ; n° 36, province de Capetown.

Mère-Loge : le Lotus des Tropiques, siège à Freetown. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 77, province de Monrovia.

OCÉANIE

Mère-Loge : le Lotus de Bratha-Yuda (la Guerre Sainte), siège à Batavia. Seigneurie comprenant une seule province triangulaire : n° 70, province de Batavia.

Mire-Loge : le Lotus Océanien, siège à Sydney. Seigneurie comprenant deux provinces triangulaires ; n° 71, province de Sydney ; n° 72, province de Dunedin.


Telles sont les Seigneuries des trente-trois Mères-Loges du Lotus palladique. Ces Mères-Loges sont centres de culte ; leurs Seigneuries forment, en quelque sorte, la division ecclésiastique, si l’on peut se servir de ce terme, comme les provinces triangulaires forment la division administrative.

En effet, il importe de ne pas perdre de vue que le Palladisme est à la fois haute-maçonnerie et église luciférienne. En tant que haute-maçonnerie, le Rite Suprême exerce une influence secrète sur les ateliers de tous les rites officiels, dirigeant leur action politique et sociale dans la guerre au catholicisme ; en tant que temples secrets de l’église luciférienne, les triangles palladiques rendent un culte rituel, liturgique, au prince des ténèbres, dont ils font le Dieu-Lumière, le Dieu-Bon.

C’est ainsi que pour les travaux non-rituels, le Palladisme a ses 77 provinces triangulaires réparties en quatre Gouvernements, dont le siège centralisateur est établi : à Washington, pour l’Amérique du Nord et l’Amérique Centrale ; à Montevideo, pour l’Amérique du Sud ; à Naples, pour l’Europe ; à Calcutta, pour l’Asie, l’Afrique et l’Océanie. Les corps souverains placés à la tête de ces gouvernements sont les quatre Grands Directoires Centraux (voir au premier volume de cet ouvrage, page 367 et suivantes). D’autre part, pour les œuvres rituelles, les triangles adressent à la Mère-Loge du Lotus de leur Seigneurie leurs communications sur les résultats magiques obtenus, et chacune des trente-trois Mères-Loges est en correspondance directe avec le Suprême Directoire Dogmatique, — lequel, ne l’oublions pas, était à Charleston jusqu’au 20 septembre 1893 et a été transféré depuis à Rome par le Convent Souverain, dont Lemmi s’est si bien servi pour duper le successeur de Pike et les cardinaux palladistes du Sanctum Regnum.

Les mystères des triangles sont donc de deux natures bien distinctes, et ici je ne m’occupe que des œuvres rituelles, c’est-à-dire du culte rendu à Lucifer, tout en faisant remarquer que le fonctionnement de l’action politique et sociale anticatholique est aussi bien organisé que le fonctionnement de ce culte démoniaque au plus haut degré. La main de Satan est vraiment là.

C’est pourquoi, toutes les tenues de triangles ne sont pas consacrées à combiner entre hauts-maçons les intrigues au moyen desquelles on agira au sein des ateliers des rites officiels avoués. En dehors de ces assemblées où l’on se met d’accord pour influencer et diriger la maçonnerie ordinaire, et en dehors des séances d’initiation aux grades palladiques, il y a les tenues strictement liturgiques. On a eu des aperçus des unes et des autres, au cours de mes récits de témoin ; mais il est bon de grouper, dans une énumération au moins sommaire, les principaux éléments de ce culte diabolique, le mieux organisé entre tous.

Disons d’abord que les tenues strictement liturgiques ont lieu en grand triangle-et en parfait triangle, c’est-à-dire que les frères Kadosch du Palladium et les sœurs Chevalières Élues Palladiques n’y sont pas admises. Le triangle, où les hauts-maçons du 1er degré du Rite Suprême travaillent avec les Hiérarques, les Maîtresses Templières et les Mages Élus, est principalement réservé aux débats et délibérations en vue de l’entente à laquelle je viens de faire allusion ; frères et sœurs du 1er degré palladique ont reçu la seule lumière qui leur a fait connaître l’existence du Palladium Réformé Nouveau comme haute-maçonnerie ; il leur est, il est vrai, facile de deviner le reste, dont la révélation définitive leur est promise et, en général, ne se fait guère attendre ; mais, en l’attendant, lorsqu’ils se livrent à d’autres passe-temps que ceux de leurs initiations et de leurs combinaisons d’influences, lorsqu’ils font, en un mot, de l’occultisme, c’est du moins sans franchir les limites du spiritisme connu. Nous avons vu, d’après l’initiation de miss Arabella D*** à Singapore, en quoi consiste la lumière donnée à l’Élue Palladique (tome Ier, de la page 192 à la page 207) ; quant à l’initiation du Kadosch du Palladium, elle est surtout gnostique, d’après les doctrines connues de Simon de Gitta et d’Apollonius de Tyane. Le vrai culte luciférien est réservé aux 2e et 3e degrés.

La contrefaçon du catholicisme est flagrante.

Les palladistes ont leur Pater, leur Ave, leur Gloria. J’ai déjà donné le Pater luciférien (tome Ier, page 128). L’Ave-Eva luciférien est la contre-partie de l’Ave-Maria catholique ; on salue Ève, en la glorifiant d’avoir désobéi au Dieu Mauvais. Le Gloria Lucifero Victori célèbre Lucifer comme futur vainqueur d’Adonaï ; il proclame le dogme de la divinité double, au lieu du dogme de la Sainte-Trinité.

J’ai donné le Credo luciférien (tome I, page 126). Quant au Confiteor, les palladistes n’en ont pas ; en revanche, ils ont la prière Prœmium da mihi, Domine, qui précède une sorte de glorification personnelle que chacun a le droit de faire en tenue de grand triangle pour célébrer ses propres mérites dans le sens luciférien. « Donne-moi la récompense, Seigneur ; pour ta gloire, j’ai vaillamment combattu, etc. » ; et, par fanfaronnade, le palladiste énumère, devant les frères et les sœurs, les actes anticatholiques dont il s’enorgueillit. C’est un examen de conscience, public et à rebours.

Les Oraisons du Rite Palladique sont innombrables. J’ai donné la plus usitée, celle à Lucifer (tome Ier, page 219). On a vu également l’Acte de consécration à Lucifer (page 220) ; car ces fanatiques se consacrent au diable déifié par eux, comme les chrétiens se consacrent à la Sainte Vierge ou au Sacré-Cœur.

En opposition au Sacré-Cœur de Jésus et de Marie, le luciférianisme des triangles rend les honneurs de l’autel au lingam d’Astaroth et au ctéis d’Astarté. La rosa-mystica palladique, c’est le ctéis d’Eva, mère du genre humain.

Le serpent, — et particulièrement celui d’Éden, — n’est pas oublié dans la religion occulte ; il a des cantiques, en diverses langues.

Parmi les cantiques les plus réputés, il faut citer, en opposition au Magnificat (cantique de la Sainte Vierge), l’ultra-impie Cantique de la Maîtresse Templière Souveraine, celui que seules peuvent chanter en grand triangle les sœurs du 2e degré ayant été favorisées de la révélation d’Astarté.

La hideuse idole templière est célébrée par le Salut au Baphomet, où le monstre est vanté comme symbole et personnification de toutes les forces de la Nature, et par la Prière au Palladium, où le même Baphomet est invoqué comme puissance protectrice ; cette antienne infernale est une parodie du Sub tuum prœsidium. Quant au Salut au Baphomet, c’est un hymne, que je ne saurais guère comparer, comme antithèse, qu’à notre Ave, maris stlella.

Le Salve, Regina a sans doute inspiré, à rebours, le Salve, Caïn et le Salve, fulgens Phœnix. À citer aussi les hymnes à Baal-Zeboub, à Asmodée, à l’Anti-Christ, à Astaroth et Astarté, à Hermès, au Feu Divin, etc.

La bénédiction luciférienne se donne par le signe ésotérique (voir tome 1er, page 201), de la main droite, tandis que la gauche, largement ouverte et les cinq doigts écartés, fait le geste d’enfoncer dans l’abîme un ennemi invisible ; et l’on dit, en même temps : Per benedictionem Luciferi, maledictus Adonaï adumbratur.

J’ai décrit le Signe de la Croix gnostique (tome 1, page 216).

Les chrétiens ont les sept Psaumes de la Pénitence ; les palladistes, eux, ont les Psaumes à Moloch, appelés encore les Sept Nekam, Adonaï, parce que les mots Nekam, Adonaï y reviennent constamment.

En fait de litanies, les Grands Triangles et Parfaits Triangles récitent : les Läbah des Noms sacrés de Lucifer, en opposition aux Litanies du Saint Nom de Jésus ; les Lâbah d’Astaroth et d’Astarté, en opposition aux Litanies de la Sainte Vierge ; les Lâbah des Septante-Sept ou de la Hiérarchie céleste, en opposition aux Litanies des Saints. Il y a aussi les Lâbah des Martyrs, à la gloire des Jacques Molay, Giordano Bruno, Jean Huss, Étienne Dolet et autres personnages du même genre. Aux Litanies du Saint Sacrement, les palladistes opposent une longue kyrielle d’imprécations contre la divine Eucharistie, nommée les Grandes Imprécatoires ; ces imprécations se débitent en chœur, dans les tenues solennelles, avant certaines profanations d’hosties sur lesquelles mieux vaut ne donner aucun détail, tant ces pratiques sont monstrueuses.

D’autre part, les palladistes appellent Petites Imprécatoires, quelques formules courtes, qu’ils prononcent tout bas hors de leurs ateliers, en diverses circonstances. Par exemple, dans un compartiment de wagon ou n’importe quelle voiture publique, un palladiste se trouvera en présence d’une personne catholique pieuse, et il s’apercevra qu’elle a un chapelet et qu’elle prie ; si, pour une raison quelconque, le palladiste est obligé de continuer sa route avec ce ou cette fidèle, dont la prière, même mentale, l’horripile, il dira de même, mentalement, à plusieurs reprises, chaque fois qu’il verra égrener le rosaire : Vade, Lilith, vade retro, Mirzam ; et maledictus sit Jesus Bethlemitus ! Par ces imprécations murmurées en lui-même, il s’imaginera détruire l’effet des prières de l’adversaire catholique.

Nous allons voir plus loin les « Pratiques d’Exécration ».

Dans les cènes triangulaires (banquets palladiques), il y a Benedicite et Grâces en style luciférien ; ces brèves oraisons célèbrent le rôle du Feu, principe surnaturel. Au dessert, on y chante le Goddaël-Mirar, hymne en langue incompréhensible. Dans les triangles italiens, et jusque dans les banquets de la maçonnerie ordinaire, Lemmi fait déclamer ou même chanter l’Hymne à Satan, au lieu du Goddaël-Mirar, et, par voûte encyclique du 21 janvier 1894, il a invité les poètes palladistes des divers pays à traduire en leur langue les strophes fameuses de Giosuè Cardacci.

Le Goddaël-Mirar n’est pas le seul de ces chants cabalistiques, passablement baroques d’apparence, imaginé par Albert Pike, et dont quatre-vingt-dix-neuf sur cent de ceux et celles qui les savent par cœur et les chantent ne comprennent pas un traître mot. Il y a aussi, en opposition au Veni, Sancte Spiritus, un certain extravagant Rabba-Rabbi Peyrèm, pour lequel j’eus toutes les peines du monde à garder mon sérieux, la première fois que je l’entendis. Ces chants cabalistiques sont au nombre d’une vingtaine. Les deux chefs-d’œuvre du genre sont le Gennaïth-Menngog, qui se chante pendant la première partie des œuvres de grand rite, comme un Veni, Creator, et, en second lieu, le Vanériam-Ohblerrak, qui se chante pendant la deuxième partie, si l’opération à bien réussi, et qui est ainsi comme un Te Deum d’actions de grâces.

J’avoue que je suis resté jusqu’à ces derniers temps à croire que ces sauvageries plus ou moins euphoniques n’avaient absolument aucun sens. J’ai été détrompé par un savant professeur de langues orientales, M. Le Chartier, à qui je fis transmettre le texte du Gennaïth-Menngog par mon ami M. De la Rive, à titre de curiosité. Même, je ne cachai pas mon peu de confiance dans le résultat de l’examen, tant j’étais persuadé qu’Albert Pike avait aligné des mots barbares sans signification, comme il arrive souvent pour les formules de vieux grimoires. « Qu’importent que les mots soient dépourvus de sens ! a écrit je ne sais plus quel enragé sorcier ; moins ils en ont, et meilleurs ils sont souvent pour opérer. »

Pour donner une idée de ces chants mystiques lucifériens, je reproduis donc le Gennaïth-Menngog.

Voici de quelle façon il est écrit sur les rituels :


    Mennggog comflexel aramoun-ir ;
    Menngog onnkippour sémetior,
            Barkeinrath !
    El-Gennaïth sacramenn foursillàh-gonn ;
    Marnitoubost elkramir soulp orem
            Frankollmar !

    Nailous émenn ilphô bey-ré :
    Gennaïth soutpernel-mounflâth,
            Sacramenn !
    El-coltamir neyl plouson-grazzinoul-lah ;
    Baremnistod el Gennaïth-Menngog,
            Gennaïth !
        Bel-alza marein-er,
        Soun pale ormour-eln ;
        El-Menngog azà !
        Gennaïth-Menngog !


Or, cette poésie infernale a parfaitement un sens complet, et M. Le Chartier l’a traduite et en a envoyé la traduction, mot par mot, à M. De la Rive et à moi. C’est de l’hébreu cabalistique. Mais je déclare ne pouvoir donner cette traduction ; c’est à faire rougir un turco.

Dans cette obscénité mystico-luciférienne, tout se suit, et il n’est pas besoin d’intervertir les mots ; mais il faut les lire avec d’autres coupures que celles de Pike et une autre ponctuation.

Les voici rétablis, comme ils doivent être ; c’est tout ce que je puis indiquer, par respect pour mes lecteurs :


    Menn Gog, com !… Flegs !… El aram ounir.
    Menn Gog, onn kippour, semeti or ;
            Bar kein rath !
    El genn aïth, sacr âmenn, fours illâh gonn ;
    Mar nitoub os ; tel hra mir, souly orem ;
            Fran koll mar !
    Naïlous émenn, ilphô beyré ;
    Genn aîth. Sout per nel moun flâth,
            Sucr âmenn !
    El rolt amir ; neyl plous om : Grazzin oullah :
    Baren nist od ; El genn aïth : menn Gog,
            Genn aïth !
        Bel alzâ ; marei ner ;
        Soun palem ; or mour eln.
        El, menn Gog, alzà !
        Genn aïth, menn Gog !


Dans la religion catholique, il y a des exorcismes ; les palladistes ont aussi les leurs. J’ai donné (tome 1er, page 125) le plus usité : « Au nom de Moloch, qui te combat et te repousse, éloigne-toi d’ici, Raphaël, etc. »

Il faut également compter les conjurations des éléments (page 84), avec les oraisons qui les suivent, pour se rendre propices les esprits appartenant aux milices de Lucifer.

Une étrange oraison, c’est la « Prière pour la recommandation d’une âme d’adonaïte en vue de sa conversion ». Il s’agit, là, d’une prière particulière. On ne la dit pas dans les ateliers triangulaires ; elle est simplement à l’usage des fervents du Palladisme ; car la religion luciférienne a ses dévots, croyant en toute sincérité que nous, catholiques, sommes dans l’erreur et qui font des vœux pour que nous en sortions. C’est cette prière-là que miss Vaughan dit de tout cœur, chaque soir, à l’intention de ses amis profanes qu’elle voudrait voir « s’arracher aux abîmes ténébreux de l’adonaïsme » ; elle les recommande pieusement à Lucifer, afin qu’il les « comble de sa grâce ».

La dévotion palladique comporte encore des Actes de Foi, d’Espérance et d’Amour envers le Dieu-Bon. Bref, comme on le voit, le culte est complet.

Quant aux sacrements lucifériens, ils sont au nombre de sept ; mais le premier ne se donne pas dans l’atelier triangulaire, même au premier degré. Quand de la maçonnerie ordinaire on passe au Palladisme, on a déjà reçu le premier sacrement de Satan depuis longtemps, mais sans le savoir.

Voici les noms de ces sacrements, dans leur ordre :

1. La Purification. — 2. L’Armement. — 3. L’Heptagathon. — 4. Le Saint-Sacrifice. — 5. Le Baiser du Mage. — 6. L’Éternel Pacte. — 7. La Préservation.

La Purification, ou baptême du feu, n’est autre que la cérémonie qui a lieu en loge de la maçonnerie ordinaire, lors de la première initiation. Tout le monde sait que le profane qui, après certaines épreuves, vient d’être, sur le consentement de la loge, admis à prêter son serment, est, à la suite de cette formalité, délivré brusquement, d’un seul coup, du bandeau dont ses yeux étaient couverts, en même temps qu’il est environné de flammes (au moyen d’une lampe à lycopode) et qu’il voit autour de lui des frères appuyant leurs épées sur son sein ; alors, une fois passé par les flammes, le néophyte est reçu définitivement, est consacré Maçon et proclamé au grade d’Apprenti. C’est ce « passage par les flammes » qui constitue le baptême luciférien ; l’adepte est ainsi purifié de la souillure du baptême adonaïte par l’eau. Tout maçon est donc, en principe, voué à connaître le dernier secret, c’est-à-dire à savoir qui est le Grand Architecte et à l’adorer. Mais, jusqu’à ce qu’il soit choisi par les parfaits initiés, il ignore la portée de la cérémonie qu’il a subie à son début dans la vie maçonnique. « De même, le nouveau-né catholique, écrit Albert Pike dans la Conduite secrète du Palladisme, a reçu inconsciemment le baptême de l’eau, qui l’a fait enfant d’Adonai, et il demeurera ainsi enfant d’Adonaï, sans le savoir, jusqu’à l’âge dit de raison, jusqu’à ce que l’évêque le confirme dans sa religion. »


Les Sacrements Lucifériens. — Le baptême du feu, donné dès les loges de la maçonnerie ordinaire, à l’initiation au grade d’Apprenti.

Pour la maçonnerie, où la vraie lumière n’est enfin donnée que dans les triangles, l’âge de raison n’est donc pas atteint, tant que la sélection secrète des chefs inconnus n’a pas ouvert à l’adepte les portes du temple palladique. C’est pourquoi, au premier degré du Rite Suprême, on reçoit le deuxième sacrement luciférien, qui correspond à la Confirmation chez les catholiques. L’Armement est conféré par un Mage Élu. Le baptisé du feu comprend maintenant le sens de son primitif passage par les flammes ; il est confirmé dans sa foi nouvelle ; il est armé, au nom de Baal-Zeboub, pour combattre désormais vigoureusement Adonaï et son Église.


Les Sacrements Lucifériens. — L’Armement.

L’Heptagathon est qualifié « sacrement de la fraternité palladique ». Il constitue une des roueries les plus perfides de Satan, pour se faire considérer vraiment comme Dieu-Bon, lorsqu’il entraîne dans la croyance à sa divinité certaines âmes charitables. L’Heptagathon est, en effet, la pratique habituelle de la bienfaisance envers les malheureux, les déshérités de la fortune, les misérables ; mais il faut soulager la misère, dans le but d’honorer Lucifer ; en d’autres termes, on sera sept fois bon en donnant son superflu aux pauvres, avec la pensée bien arrêtée que l’on combat ainsi Adonaï, auteur de tous les maux dont souffre l’humanité. Le palladiste charitable doit consacrer le septième de ce qu’il gagne ou de son revenu à l’exercice de l’altruisme et se dire, chaque fois qu’il donne : « L’homme fut créé pour être heureux sur terre, tous devraient avoir le bonheur, et il en est qui souffrent : maudit soit Adonaï ! » Aussitôt après avoir remis l’aumône, on baise pieusement une statuette ou une médaille du Dieu-Bon. Ainsi seulement, la charité est méritoire aux yeux de Lucifer. Donner aux pauvres, en se maintenant dans cet état d’esprit, c’est fréquenter le troisième sacrement. Inutile de dire, n’est-ce pas ? que, même avec de telles pensées antichrétiennes, ce sacrement d’Heptagathon est fort peu en vogue chez les palladistes ; les bienfaisants sont l’infime exception.

Par contre, le quatrième sacrement, le Saint-Sacrifice, est le plus en honneur dans le luciférianisme. Ce nom désigne l’acte conjugal, pratiqué aussi fréquemment que possible, même et surtout en dehors du mariage légitime. Ce sacrement est réputé le plus cher à Lucifer parmi ceux qu’il a institués ; son institution, est-il enseigné dans les triangles, remonte au Jardin d’Éden. Accomplir ce devoir, c’est faire la « vraie communion », dans le sens exact du mot, dit Pike, qui, à ce sujet, se livre à des comparaisons avec le sacrement catholique de l’Eucharistie, comparaisons blasphématoires qu’il m’est absolument impossible de reproduire. L’organisateur du Palladisme va jusqu’à fixer le minimum de fréquentation annuelle du quatrième sacrement luciférien, et il appelle « saints » ceux qui le pratiquent quotidiennement. Chaque fois que l’on a recours à cette communion, assure-t-il, on offre au Dieu-Bon le sacrifice qui lui est le plus agréable. Seules en sont dispensées celles des Maîtresses Templières qui ont reçu la révélation d’Astarté et qui, devenues ainsi Souveraines, sont épouses d’un esprit du feu.

Le Baiser du Mage est réservé aux frères et sœurs palladistes du 2e degré, en qui apparaissent certaines marques de prédestination aux faveurs du Divin Maître. Dès qu’il est reconnu que quelqu’un de ces initiés a particulièrement des aptitudes évocatrices, c’est-à-dire qu’il est vocate procédant, un Mage Élu lui confère ce cinquième sacrement ; par un baiser sur la bouche, il lui insuffle un esprit, lequel alors résidera en lui comme dans une demeure préférée. Ce baiser du Mage n’est donc, en réalité, qu’une haute imprégnation diabolique ; il fraye la voie au démon ; celui ou celle qui l’a reçu devient vocale élu et sera fort souvent en état de possession.

L’Éternel Pacte est le sacrement par lequel sont liés au diable les Mages Élus et les Maîtresses Templières Souveraines. Les premières, dans la séance de leur initiation au 3e degré palladique, et les secondes, le lendemain de leur désignation par la révélation d’Astarté, reçoivent l’onction du saint-chrême luciférien, fabriqué par les Godlike-Enchantress de l’Inde, et souscrivent le pacte de leur sang. L’Éternel Pacte correspond au sacrement de l’Ordre chez les catholiques.


Les Sacrements Lucifériens. — L’Éternel Pacte.

À l’Extrême-Onction est opposé le septième et dernier sacrement luciférien, nommé la Préservation. Un triangle apprend-il qu’un de ses membres est sur le point de trépasser ; vite un Mage Élu se rend auprès du moribond. Du bout de l’index de la main droite, le Mage Élu touche successivement au malade l’oreille droite, la bouche, et l’oreille gauche, en prononçant à voix basse certaines paroles cabalistiques. Cette opération a pour but, et, assure-t-on, aussi pour résultat « d’empêcher le moribond de parler et d’entendre, s’il vient à être mis en présence d’un prêtre du Dieu-Mauvais » ; elle le préserve et le sauvegarde « contre les assauts du sacerdoce adonaïte ». Ainsi, si un prêtre catholique veut convertir un palladiste à l’article de la mort, ses efforts demeureront infructueux ; il ne pourra l’exhorter efficacement ni lui arracher une parole ; ses tentatives de confession seront vaines, attendu que la bouche et les oreilles du luciférien agonisant seront et resteront « fermées pour l’ennemi, par l’effet du dernier triangle ».

Albert Pike explique, dans la Conduite secrète du Palladisme, comment chacun de ces sept sacrements, en particulier, a été divinement institué, et quelles grâces divines sont, à leur occasion, communiquées au fidèle de la religion luciférienne. Il est à remarquer que chacun a un signe visible ; ce qui rend complète la parodie des sacrements catholiques. Les 1er, 2e, 5e et 6e sacrements ne sont conférés qu’une seule fois, et leur vertu est qualifiée d’indélébile.

Les catholiques ont le scapulaire, des médailles bénites et indulgenciées ; les palladistes ont des amulettes, des talismans. J’en ai assez longuement parlé au cours de cet ouvrage, pour n’avoir pas à y revenir (voir, notamment, tome II, pages 338 à 349 ; dessins aux pages 233 et 321). Il importe seulement de faire observer que ces talismans sont divisés en deux catégories : les uns sont pour porter bonheur ou faire réussir dans telles ou telles opérations magiques ; les autres n’ont d’autre but que la satisfaction de la haine des palladistes contre Adonaï, c’est-à-dire contre Dieu. Tels, parmi ces derniers, les talismans de Hobbs et de Sophie Walder.

Ne se contentant pas d’outrager Dieu dans l’Eucharistie, l’infernale Sophia a récemment imaginé un sacrilège permanent du signe divin de la rédemption. Elle a fait fabriquer des petites croix d’une longueur de huit centimètres sur cinq de largeur, en lame de cuivre très mince ; cette croix se visse à la semelle de chaque bottine des sœurs Maîtresses Templières appartenant à la juridiction du Lotus de France, Suisse et Belgique. Les sœurs palladistes du 2e degré embrigadées par la fille Walder marchent ainsi constamment sur la croix. On porte les bottines avec croix, non seulement en triangle, mais même à la rue, excepté seulement quand la luciférienne doit aller dans une église catholique pour obtenir, par communion criminelle, une hostie consacrée ; la sœur palladiste, devant s’agenouiller comme le commun des fidèles, évite, par cette exception, de se dénoncer aux personnes qui se placeraient derrière elle.

La plus importante cérémonie du culte luciférien des triangles est la messe, missah, offrande solennelle. Comme dans notre religion, il y a diverses messes palladistes. Les plus fréquemment célébrées sont la Messe au Soleil et la Messe Blanche. J’ai dit plus haut qu’en palladisme, le culte, à proprement parler est réservé aux Grands Triangles et aux Parfaits Triangles. Néanmoins, il y a à cette règle deux exceptions : l’une est celle relative au deuxième sacrement, qui est conféré au 1er degré palladique ; l’autre exception a lieu pour la Messe au Soleil, qui se dit en simple Triangle. Cette cérémonie n’est pas nettement satanique, en ce sens que ni le nom de Lucifer ni ceux de n’importe quels esprits du feu n’y sont prononcés ; mais, en y assistant, le haut-maçon du 1er degré comprend sans peine qu’il y a dans les Grands Triangles et les Parfaits Triangles tout un culte parfaitement organisé, et, s’il est d’un caractère à se contenter d’user du Palladisme pour l’exercice des influences secrètes sur les ateliers de la maçonnerie ordinaire, il ne demandera pas à passer aux grades supérieurs : de cette façon, la révélation du luciférianisme n’est pas donnée inutilement.

Quant à la Messe Blanche, c’est la messe à Lucifer ; elle ne se dit qu’au 2e et au 3e degrés ; l’officiant doit toujours être un Mage Élu. Il est juste de noter que la Messe Blanche n’est pas accompagnée des obscénités de la Messe Noire en honneur chez grand nombre de satanistes ; mais elle n’en est pas moins essentiellement diabolique dans son esprit.

Il convient de signaler aussi la Messe d’Exécration, qui est une pratique hors triangle ; et, à son propos, je dirai quelques mots des « Pratiques d’Exécration ».

On comprend sous ce nom diverses pratiques spéciales, que les palladistes accomplissent en dehors de leurs ateliers, mais sans qu’il y ait obligation absolue pour eux ; ceux qui s’y livrent sont les fanatiques zélés, les plus haineux, car leur but est de « réduire à néant les influences adonaïtes » : ainsi, parmi les Petites Imprécatoires, celle que j’ai citée tout à l’heure, imaginée contre le Rosaire en haine de la Sainte Vierge et de son Divin Fils.

Dans ces pratiques, je ne saurais omettre celle des Trois saluts au Soleil. Le luciférien dévot s’y livre alors qu’à l’église voisine tinte la sonnerie de l’Angelus ; chaque coup de cloche lui rappelle la haine qu’il a jurée au catholicisme, et il éprouve une joie sauvage à réciter en son for intérieur ou à voix basse, cette salutation à l’astre solaire, répétée trois fois dans la journée, en même temps qu’ailleurs les chrétiens prient ; là le soleil est invoqué comme feu céleste, âme divine et visible de Lucifer, et les blasphèmes contre Adonaï sont intarissables, mêlés à la salutation palladique.

Le suprême bonheur des enragés, — on les rencontre surtout parmi les femmes, qui, lorsqu’elles se sont vouées au mal, s’y vautrent avec frénésie, avec fureur, — est d’aller dans les églises catholiques, pendant les offices, principalement le dimanche matin, au moment des messes. La Maîtresse Templière, en qui personne ne saurait soupçonner une luciférienne, vu l’absence totale de signes extérieurs et son maintien réservé, se mêle, dans les grandes paroisses, à la foule pieuse qui envahit la maison de Dieu.

En entrant, elle murmure une formule d’exécration ou Prière à Baal-Zeboub. Elle se dirige, comme tout le monde, vers le bénitier ; mais observez bien, elle fait le simulacre d’y tremper les doigts ; en réalité, elle se garde bien de toucher à « l’eau adonaïte ». Par contre, elle fait le signe de croix gnostique : ou bien si elle se signe sans laisser retomber les deux mains, c’est de la main gauche qu’elle aura fait le geste consacré ; elle rayonne, en savourant cette première profanation.

Après quoi, elle ira prendre place à quelque distance de l’autel ; elle choisit un endroit d’où elle ne perdra pas de vue le prêtre-officiant. Au mouvement de ses lèvres, ses voisins ou voisines croiront qu’elle prie dévotement ; non, elle murmure les formules de la Messe d’Exécration, dans laquelle Albert Pike, son auteur, a accumulé les insultes les plus blasphématoires à la divinité du Christ, de Dieu le Père et du Saint-Esprit. D’un bout à l’autre, la messe chrétienne qui se célèbre à l’autel est suivie par cette forcenée, insoupçonnable, tant elle est correcte extérieurement.

Au moment de la communion, si les fidèles se levant pour aller à la sainte-table sont en assez grand nombre, elle se lève aussi, et, confondue dans les rangs pressés des catholiques fervents, elle communie, elle ose communier ; et, de retour à sa place, agenouillée sur son prie-Dieu, la tête baissée sous son voile qu’elle a fait retomber, paraissant abimée dans la méditation et l’allégresse suave du chrétien qui vient de recevoir le pain des anges, cette infâme, cette diablesse, sans être vue, retire l’hostie divine de sa bouche sacrilège et la glisse dans une petite boîte ronde plate, qu’elle tenait dissimulée dans la main gauche. Alors, elle a sa proie.

Quand enfin elle redressera la tête et soulèvera de nouveau sa voilette, les voisins et voisines croyant sa prière finie, observez-la : ses yeux étincellent comme du feu, elle darde son regard aigu sur la statue de la Vierge ou sur le grand crucifix de l’autel. Observez-la, oui, observez-la bien alors ; car c’est le seul moment où sa haine épouvantable se trahit. Ce n’est pas l’extase de la piété qui illumine la prunelle de cette femme ; c’est un sombre éclair de défi qu’elle dirige contre Dieu et les saints.

Mais, presque aussitôt, veillant à ne pas être remarquée, elle sait imposer le calme à sa physionomie, elle reprend son expression hypocrite, et, après avoir murmuré une dernière formule d’exécration, elle quitte l’église lentement, dans le flot des fidèles qui s’écoule sous le porche.

Personne, parmi ceux qui auront coudoyé la Maîtresse Templière, ne se sera douté du crime qui vient d’être commis, prélude du crime plus affreux encore qui se prépare, et pour l’accomplissement duquel la fille de Lucifer a reçu par fraude la divine Eucharistie.

Les palladistes qui s’adonnent aux pratiques d’exécration ne se bornent pas là. Il leur arrive aussi d’entrer dans une église, un jour de semaine, à l’heure où la maison de Dieu est à peu près vide. Ils se promènent paisiblement, comme ferait un touriste visitant le monument et s’intéressant aux statues, aux tableaux, au point de vue artistique ; mais, tout bas, ils débitent des Petites Imprécatoires dans chaque chapelle latérale, devant chaque autel. Ou bien, simulant la dévotion, ils s’arrêtent successivement devant les tableaux du Chemin de la Croix ; car le Chemin de la Croix peut se pratiquer lucifériennement, c’est-à-dire en exécration, à rebours, avec une série de blasphèmes spéciaux, où la liturgie palladique injurie le Christ jusqu’au Calvaire !

Enfin, au nombre des amulettes diaboliques, il y a les talismans d’exécration et les reliques d’exécration. Ces talismans lucifériens et ces reliques infernales sont considérés par les palladistes comme pouvant combattre, annihiler même « les influences adonaïtes ». Le Palladium ou Baphomet original est, nous le savons, le plus important de ces objets vénérés dans la secte ; d’après la légende, il est l’œuvre de Lucifer lui-même. Mais, si le Sanctum Regnum de Charleston possède le Baphomet original, chacune des trente-trois Mères-Loges du Lotus détient précieusement un fragment d’une prétendue « Vraie Corne de Baal-Zéboub ». Le lieutenant de Satan se serait dépouillé, un jour, de l’un de ses deux appendices frontaux, sauf à le laisser repousser ensuite ; et c’est cette corne, plus ou moins authentique, qui a été divisée en trente-trois morceaux : la pointe est au Lotus des Victoires, à Rome. D’autres talismans de moindre importance consistent en objets de diverses formes et de différentes matières, consacrés soit à Moloch soit à l’Ante-Christ ; des parcelles d’ongles ou encore des poils y sont le plus souvent adhérents, débris de provenance suspecte, considérés comme reliques de l’un ou l’autre de ces deux démons, et auxquels les fanatiques des triangles attribuent, des effets démoniaques prodigieux. Ainsi, l’on enseigne qu’il suffit que, dans une église catholique, un palladiste, porteur d’un talisman de l’Ante-Christ, le tienne sur son cœur au moment de la consécration, pendant la messe, « pour qu’Adonaï ne puisse pas pénétrer dans le pain eucharistique » ; les talismans de Moloch sont donnés comme efficaces « pour empêcher la production de prodiges sollicités par des adonaïtes réclamant l’intercession de Mirzam ». Tout cela, est-il besoin de le dire ? n’est que vaniteuse vantardise du père de l’orgueil et du mensonge, ne pouvant se résoudre à avouer sa chute et toujours plus furieux de son impuissance.

Quoi qu’il en soit, c’est en se basant sur toutes ces grossières tromperies, que le démon a créé son culte au sein des triangles, et c’est bien là qu’il est le plus complètement organisé.

Quant à leurs livres saints, les palladistes n’en manquent pas. Le livre par excellence, le livre divin, la Bible luciférienne, c’est le Livre Apadno, qui, assure-t-on à Charleston, n’a pas été écrit par une main humaine ; l’écriture passe pour être celle de Lucifer en personne. Vient ensuite le Livre des Révélations, dont l’écrivain inspiré est Albert Pike, manuscrit coté et paraphé à chaque page par une signature de diable. Ces deux livres sacrés ne sont pas et ne doivent pas être imprimés ; mais le Souverain Directoire Exécutif et chaque Grand Directoire Central en ont une copie complète, sur laquelle il est permis aux Mages Élus et aux Maîtresses Templières Souveraines de relever des extraits en vue des interprétations à donner en conférences triangulaires. Albert Pike a laissé aussi le Verbe Suprême, ouvrage essentiellement palladique, objet de vénération, et la Vraie Lumière, recueil d’épîtres et d’instructions, dont plusieurs sont applicables à la direction du Rite Écossais. Ces deux ouvrages, ainsi que la Conduite secrète du Palladisme, ne sont imprimés qu’à 77 exemplaires, répartis entre les 77 Lotus de chef-lieu des provinces triangulaires ; ils sont rédigés en trois langues, latin, anglais et français, les trois versions réunies dans chaque exemplaire. Un opuscule sacro-saint, de quelques feuillets seulement, c’est le Rituel de Mage Élu ; on l’attribue à Baal-Zeboub : il n’est pas imprimé, et il n’en existe que 33 copies authentiques délivrées par Charleston aux Mères Loges du Lotus.

Il est impossible de parler du culte luciférien des triangles sans mentionner, pour finir, les Godlike-Enchantress et les Serpents Roses.

J’ai déjà dit quelques mots des premières, dans la Revue Mensuelle (no 4), en réponse à un correspondant, évidemment palladiste, qui, dans une lettre agrémentée de quelques injures, — et non signée, bien entendu, — m’écrivait :


« Miss Diana a vos sympathies, on voit bien pourquoi : c’est uniquement parce qu’elle a le plus contribué à créer le schisme dans la haute maçonnerie ; orgueilleuse et indisciplinée, elle est un ferment de discorde. Vous en faites la huitième merveille : dans les pages que vous lui avez consacrées, vous vous êtes attaché à faire ressortir qu’elle est vierge, sachant que ceci la recommanderait particulièrement à l’admiration de vos lecteurs catholiques. Il n’y a pas de quoi, pourtant !… Pourquoi alors n’avez-vous pas parlé des Godlike-Enchantress ? Comment ! vous ne rougissez pas de violer votre serment de discrétion, et, pour rendre plus sympathique celle dont la révolte vous est si précieuse, vous gardez le silence sur les divines cantatrices ? Elles sont, cependant, bien vierges, elles aussi. Mais elles vous gênent dans votre argumentation, et vous tenez à ce qu’elles n’existent pas. Voilà votre bonne foi ! »


Après avoir cité ce fragment de l’épitre, je faisais remarquer, d’abord, à mon correspondant anonyme que, par sa lettre seule, il violait lui-même le fameux serment de discrétion. Mais j’avais soin de déclarer ensuite que je n’avais jamais eu l’intention de passer les Godlike-Enchantress sous silence ; seulement, d’après mon plan d’ouvrage, exposé au premier volume, il est évident que c’était à cette onzième partie que j’avais à parler d’elles.

Les Godlike-Enchantress constituent un ordre religieux diabolique, fondé par Albert Pike au sein du Palladisme ; s’est une sorte de congrégation féminine, une élite de jeunes sœurs. Toutefois, ce n’est pas le nom que Pike leur donne dans son livre la Conduite secrète du Palladisme, où se trouvent les règlements de cette institution. Il les appelle d’un nom latin : Divinæ Cantatrices. Mais la désignation en langue anglaise (the Godlike Enchantress) a prévalu dans les triangles, sans doute parce que cette archiconfrérie luciférienne n’a réussi jusqu’à présent qu’aux États-Unis d’Amérique (très peu) et dans les Indes (assez bien). La communauté la mieux organisée est aux environs de Calcutta. Il y en a aussi une à Tauris (province triangulaire 65), laquelle a été créée par la Mère-Loge le Lotus des Enfants d’Ismaël. Enfin, les triangles mixtes de la province 69, qui est la plus vaste comme territoire, ont fondé un certain nombre de ces communautés.

Dans un rapport à Albert Pike, le F∴ Gregor Milisch, inspecteur général du Palladisme en mission permanente à Llassa, se félicitait d’en avoir établi quatre au Thibet, d’accord avec les prêtres du lamaïsme, et il les disait en assez belle prospérité.

Ces vestales de Satan sont divisées en deux classes :

1o Les Minervales, qui sont des filles de condition vulgaire, des enfants de parias, volées dès leur bas âge et élevées dans le secret de la communauté, pour être les servantes, les esclaves des parfaites initiées de la congrégation ;

2 Les Cypriennes, qui sont prises parmi les filles naturelles de palladistes, nées de l’épreuve du Pastos et dont les Mages Élus font tout autant d’épouses mystiques du démon.

Les unes et les autres sont recluses, cloîtrées ; ce sont les nonnes du diable. À cet égard, la comparaison que mon correspondant anonyme tentait d’établir entre elles et miss Vaughan est tout à fait défectueuse : les Godlike-Enchantress ne sont nullement des inspectrices générales, des propagandistes allant et venant dans toutes les contrées du globe.

L’institution est loin de déplaire aux palladistes ; mais, si elle n’a pas encore complètement réussi, cela tient aux difficultés d’établir ces communautés. Ainsi, dans un pays comme la France, il serait absolument impossible de créer un de ces couvents sataniques sans que le public et les autorités le sachent. En Amérique, la chose est plus faisable. Dans les pays musulmans ou bouddhistes, il n’y a plus aucune difficulté. Ainsi, dans la province 65, les couvents de Godlike-Enchantress sont censément des harems, appartenant à tel ou tel puissant personnage. Au Thibet, on les confond avec les lamaseries. Aux Indes, on les prend pour des couvents brahmanes.

Ces femmes vivent donc ensemble, comme les odalisques d’un sérail, sous la direction de trois Custodiaires résidents (grand-chaplains) ; Pike leur donne le nom de Sacerdos Custos. Les vraies Godlike-Enchantress sont celles de la seconde classe, les Cypriennes ; les Minervales servent de domestiques à celles-ci, remplissent toutes les fonctions infimes, font la cuisine, le blanchissage du linge, veillent en un mot à tous les soins de ce grand ménage en commun. Les Castodiaires sont, en quelque sorte, comme les aumôniers du couvent ; il n’y a qu’eux qui sortent de l’immeuble. L’un d’entre eux est l’économe de la communauté ; un autre est chef spécial du service effectué par les Minervales ; le troisième est le supérieur de la maison. Ainsi que dans les harems, il y a quelques serviteurs, eunuques ; ce sont des palladistes de caste inférieure, gens incapables de gagner leur vie dans la société profane, et qui se résignent à ce bas emploi, avec la dégradation qu’il comporte, pour avoir l’existence assurée sans grande besogne à faire. Ces serviteurs eunuques vont aux provisions, sous la conduite du Custodiaire économe.

Les Minervales couchent ensemble, pêle-mêle, dans un vaste dortoir. Les Cypriennes, au contraire, ont chacune leur cellule. Dans la journée, les Cypriennes se réunissent dans une grande salle commune, appelée le Nuptorium, au centre de laquelle est une énorme statue du Baphomet. Là, elles chantent des hymnes et des cantiques au Dieu-Bon et aux esprits du feu ; elles obtiennent, parait-il, de fréquentes manifestations diaboliques. Elles jouent avec des serpents apprivoisés, nonchalamment couchées sur de moelleux sofas. Sous aucun prétexte, les Minervales (innuptæ cantatrices) ne peuvent pénétrer dans le Nuptorium.


LES GODLIKE-ENCHANTRESS, DANS LEUR NUPTORIUM.

Ce nom de la grande salle commune des Cypriennes, qui veut dire « chambre nuptiale », vient de ce que les Godlike-Enchantress de la deuxième classe sont, en cet endroit même, et non dans leurs cellules, épousées par les « daimons » qui leur apparaissent. Un pastos est au pied du Baphomet, et l’esprit du feu qui daigne se montrer aux vestales lucifériennes désigne la Cyprienne préférée. Il se passe alors des scènes d’orgie infernale qui ne sauraient être décrites.

Ce serait une erreur de croire que tout ceci n’est qu’une fantasmagorie, et que les couvents de Godlike-Enchantress sont des harems secrets à l’usage des palladistes, se faisant passer pour « daimons » aux yeux des recluses. Il n’y a aucune supercherie en ces retraites mystérieuses, et, du reste, les palladistes n’ont nullement besoin de cela ; les réunions ordinaires des triangles et même des simples loges d’adoption leur offrent assez de victimes. Les abominations du Nuptorium sont bien le fait de vrais diables ; jamais un enfant n’est né dans une communauté de Godlike-Enchantress ; aussi, les Cypriennes sont considérées comme demeurant vierges. Leur situation est fort enviée parmi les Maîtresses Templières des triangles asiatiques ; il est arrivé qu’une fille de bonne famille, s’étant fait initier au palladisme indien, a subitement disparu : on fait alors courir tel ou tel bruit dans les journaux de Calcutta ; la vérité est que cette malheureuse a obtenu des Mages Élus de son triangle la faveur de devenir Cyprienne. Par contre, il est arrivé, aussi qu’une Godlike-Enchantress, remarquée par un Mage Élu visiteur d’une communauté, a quitté le couvent diabolique ; tel est le cas de la sœur Mohovarut, de Bénarès, qui était une Cyprienne, avant de devenir la compagne favorite du F∴ Hobbs ; mais, pour qu’une si haute faveur soit accordée à un chef palladiste, il faut le consentement unanime des « daimons protecteurs » de la communauté, lesquels sont au nombre de onze et se décident rarement à abandonner leur proie à un humain, fût-il Mage Élu. Les cas semblables à celui de la sœur Mohovarut sont donc tout à fait exceptionnels.


Le F∴ Hobbs, Mage Élu, venu en visiteur dans un couvent de Godlike-Enchantress, obtint la faveur d’emmener la S∴ Mohavarut, une des Cypriennes, dont il fit sa compagne.

Il n’y a que les Mages Élus qui soient admis comme visiteurs chez les Godlike-Enchantress ; encore faut-il qu’ils se présentent au nombre de sept. Les Custodiaires les conduisent alors au Nuptorium, où une collation frugale leur est offerte. On procède à diverses cérémonies du culte luciférien ; un des Mages visiteurs dit la Messe Blanche. Dans l’argot palladique, on dit que les Cypriennes, recevant une visite de sept Mages Élus, se mettent « en tenue d’Olympe » ; c’est le nom que prend leur réunion dans cette circonstance.

La parole d’entrée à l’Olympe se compose de quatre mots : deux demandes et deux réponses.

D. Paphos ?

R. Elymas.

D. Elymas ?

R. Bar-Jesu.

Albert Pike a composé un rituel spécial pour les Godlike-Enchantress. Ces nonnes du diable doivent toujours avoir présents à la mémoire les malheurs du magicien de Paphos, le fameux Bar-Jesu dit Élymas. C’est pour cela aussi que les Godlike-Enchantiress (divines magiciennes) de la seconde classe sont qualifiées de Vengeresses d’Élymas.

« Tout roi d’Italie, tant que la maison de Savoie existera sur le trône et régnera à Rome, est-il dit dans les constitutions rédigées par Pike, aura de droit le titre d’Eximius Protector. » Ainsi le roi Humbert est, non seulement trente-troisième, mais encore Noble Protecteur des Godlike-Enchantress ; c’est, du moins, un titre qu’il a le droit de porter dans la haute-maçonnerie.

L’ordre religieux satanique des Godlike-Enchantress, qui n’existe que depuis une vingtaine d’années, a été prédit dans différentes prophéties. C’est peut-être d’une de ces nonnes du diable que naîtra l’Ante-Christ.

On sait que, d’après la tradition, l’Ante-Christ sera juif. Le secret de la Salette dit que son père sera un évêque (sans doute un évêque apostat, gagné secrètement au satanisme), et sa mère, une fausse religieuse.

Évidemment, ceci n’indique pas qu’une Godlike-Enchantress mettra au monde l’Ante-Christ ; mais ce passage du secret de la Salette mérite d’être rapproché des révélations de la sœur de Nativité, et alors la lumière se fait plus vive.

Que dit, en effet, la sœur de Nativité dans ses révélations ?… Lisez ; c’est frappant :

« Pour mieux contrefaire les institutions de l’Eglise, les impies établiront de prétendues religieuses, qui se voueront, de parole, à la continence et se nommeront par excellence les Épouses des Cantiques ou du Saint-Esprit… Les révélations, les extases ; les ravissements de corps leur arriveront sous les yeux de tous… Ces prétendus Saints Illuminés s’assembleront de nuit avec les prétendues Épouses des Cantiques… Je vois qu’une de ces impures doit donner le jour à l’Ante-Christ, qui vraisemblablement aura pour père un des principaux magiciens. »

Voyez encore ce passage de sainte Hildegarde :

« L’homme de péché naîtra d’une femme impie, qui, dès son enfance, aura été initiée aux sciences occultes et aux artifices du démon ; elle vivra dans le désert (c’est-à-dire retranchée du sein de la société) avec des hommes pervers, et s’abandonnera au crime avec une ardeur d’autant plus effrénée qu’elle s’y croira autorisée par les communications d’un ange. »

Il me paraît très naturel d’admettre que les Godlike-Enchantress répondent exactement à la définition obtenue par le rapprochement du secret de la Salette et des révélations de la sœur de Nativité et de sainte Hildegarde. En effet, les palladistes sont, dans le sens satanique, les parfaits illuminés, les vrais Saints (Kadosch, saint, consacré). Il ne faut pas oublier non plus que l’expression « Godlike-Enchantress » qui a prévalu correspond à l’expression latine de Pike « Divinæ cantatrices », soit : divines magiciennes ; et Cantatrix signifie à la fois « magicienne » et « diseuse d’incantations ». La salle des Cypriennes est le Nuptorium ; elles sont les nuptæ cantatrices, les magiciennes épousées par les diables ; par conséquent, le terme « Épouses des Cantiques » s’applique parfaitement à elles.

L’institution va en se développant. Si aujourd’hui plusieurs de ses monastères diaboliques se dissimulent sous les apparences de harems musulmans ou d’annexes de lamaseries ou de couvents brahmanes, il est à craindre que quelque jour, si l’institution vient à prendre pied en Europe, elle établisse une de ses communautés sous d’autres dehors trompeurs, encore plus hypocrites ; et vraiment, quand on sait quelle est la mission secrète des Serpents Roses, on se demande si la chrétienté n’assistera pas à cette dernière abomination : un couvent de religieuses soi-disant catholiques et en réalité lucifériennes. :

J’arrive aux Serpents Roses.

Il ne s’agit plus ici d’une congrégation, d’un ordre religieux diabolique. Les Serpents-Roses, qui sont des sœurs palladistes aussi bien que les Godlike-Enchantress, manœuvrent isolément et n’ont été formées à leur mission dans aucun séminaire ou couvent maçonnique. Ce sont des missionnaires lucifériennes d’une catégorie particulière et des plus secrètes, à tel point secrète que j’avoue ne pas connaître, n’avoir jamais rencontré une seule de ces diablesses-là. J’en sais uniquement l’existence, parce que Lemmi, le fondateur de l’institution, a fait attribuer, par la caisse centrale de propagande, une somme annuelle de 200,000 francs pour couvrir les frais nécessités par les Serpents Roses et leur œuvre exécrable.

On m’objectera peut-être que ceci ne prouve pas d’une façon certaine que les Serpents Roses existent, et que l’extraordinaire fripon Lemmi est assez filou pour avoir imaginé ce moyen de mettre chaque année 200,000 fr. dans sa poche, l’emploi de ces fonds spéciaux ayant besoin du plus grand mystère. Mais non, les Serpents Roses n’existent pas seulement sur le bilan budgétaire du Palladium Réformé Nouveau. Si les missionnaires lucifériennes en question n’avaient été mises en œuvre que sous le pontificat d’Albert-Georges dit Mackey, on pourrait croire à une ingénieuse escroquerie de Simon ; le prétendu neveu du docteur Gallatin Mackey est fort bien capable de s’être laissé jouer. Mais comme Lemmi a inventé ses Serpents Roses du vivant du docte et très malin Albert Pike, comme celui-ci n’était pas homme à faire verser chaque année ladite forte somme à Lemmi sans avoir la preuve probante de son réel emploi, j’en conclus que les Serpents Roses ne sont pas un mythe, quoique étrangers aux triangles.

Devenir serpent rose n’est pas dans la nature de la première maçonne venue. Il faut, pour cela, savoir unir la haine d’Adonaï la plus vivace à la dissimulation la plus raffinée. Les Serpents Roses sont les espionnes palladistes des couvents catholiques de femmes. Voici, par exemple, une Maitresse Templière qui n’a pas sa pareille pour jouer son rôle infâme dans les églises, qui apporte à son triangle des hosties à profusion, qui a réussi à faire succomber un prêtre et à le gagner au Palladisme, qui est arrivé même à se faire prendre pour une catholique fervente dans sa paroisse : nul, dans le monde profane, ne se doute de ses sacrilèges quotidiens ; au contraire, ceux-là mêmes qui l’approchent ont la plus grande confiance en elle. Alors, les Mages Elus font à son sujet un rapport au grand-maître du Souverain Directoire Exécutif, et leur avis est que cette sœur doit être désormais employée comme Serpent Rose.

Son nouveau rôle commence ; elle reçoit sa mission. La haute-maçonnerie fait tous les frais de son entrée en religion. Et voilà une vipère glissée dans l’asile du Seigneur. Elle dissimulera quelque temps et s’appliquera peu à peu à corrompre ses compagnes : elle sèmera la zizanie dans le couvent, troublera les consciences des autres religieuses ; elle accomplira sa besogne infernale avec une perfidie consommée qui déroutera longtemps la vigilance de la supérieure et de l’aumônier. Sion la découvre, on l’expulsera, non sans ménagements ; car on la prendra pour une mauvaise tête, pour une cervelle détraquée. Une sœur Serpent Rose peut, comme on voit, faire beaucoup de mal, surtout s’il y a possibilité, après son exclusion, de la faire changer de ville et de nom, de lui créer de nouvelles relations et de lui permettre ainsi de recommencer, dans un couvent d’un autre ordre de religieuses, son œuvre épouvantable de dissolution.

En triangle, on ne fait jamais de rapport sur les agissements des Serpents Roses. Ces manœuvres mystérieuses sont connues seulement des grands-maîtres provinciaux, présidents de Parfaits Triangles Lotus, qui traitent directement avec Le Souverain Directoire Exécutif pour tout ce qui est nécessaire : appui à donner à la missionnaire luciférienne, influences à faire agir pour elle, argent à lui faire passer, etc. C’est pourquoi, à mon grand regret, je ne puis donner aucun nom de Serpent Rose. Mais je crois rendre service en signalant le rôle de telles diablesses ; les catholiques étant avertis, on pourra, je pense, arrêter plus facilement le mal dès le début, puisque maintenant la source sera facile à deviner.

Au point de vue de l’avantage direct, on ne voit guère quel parti la haute-maçonnerie peut tirer de l’institution des Serpents Roses : porter le trouble dans tel ou tel couvent, ce n’est point là ce qui peut assurer la prédominance de la secte. Aussi, convient-il d’envisager les choses autrement. À mon avis, en manœuvrant sur ce terrain, le Palladisme s’exerce, essaie une tactique. Les lucifériens du Souverain Directoire Exécutif veulent-ils préparer, par les Serpents Roses, la corruption de quelque ordre religieux, qui deviendrait, au sein du catholicisme, le réceptacle caché des infamies sataniques ? C’est possible. N’oublions pas les leçons de l’histoire. Les Templiers formaient un ordre religieux et militaire qui fut longtemps irréprochable sous tous les rapports ; le Gnosticisme d’Orient réussit à s’y insinuer, et cette chevalerie chrétienne devint une société secrète de diabolisants, tout en sauvegardant les apparences, tout en continuant à faire croire aux hautes vertus des membres de l’ordre. À l’heure qu’il est, un renouvellement de cette abomination se prépare peut-être ; par les Serpents Roses, on tâte le terrain. Vienne un Urbain Grandier pour empoisonner non plus un couvent, mais toute une congrégation, et voilà les religieuses-magiciennes, parmi lesquelles serait choisie, au moment propice, la mère de l’Ante-Christ. Après les faux chevaliers chrétiens, après les faux moines, les fausses religieuses, les Épouses des Cantiques. Voilà ce qui est à redouter.

Et qu’on ne vienne pas me dire que je suis pessimiste ; on ne saurait trop se défier des embûches du diable : le malin a plus d’un tour dans son sac.

Les chefs de la Ré-Théurgie Optimate ne reculent devant rien, imaginent et mettent à exécution les entreprises les plus invraisemblables. Leur malice, il y a peu d’années, les avait poussés à fonder une loge palladiste de petites filles dans un pensionnat dirigé par des religieuses. Ces malheureuses enfants, sous l’inspiration de parents criminels, se concertaient pour voler les hosties consacrées et éprouvaient une joie infernale à les enterrer, faisant dévorer les Saintes Espèces par des vers, par des fourmis. Ces horreurs furent découvertes. Les fillettes, coupables de tels forfaits, n’agissaient pas par inconscience. L’évêque du diocèse, informé, procéda discrètement à une enquête et eut bientôt la certitude que ces crimes contre la divine Eucharistie se perpétraient et s’accomplissaient à l’instigation de quelques parents des jeunes filles, tous francs-maçons, membres d’un triangle du chef-lieu.

N’est-ce point là le dernier mot des pratiques d’exécration du culte luciférien organisé ?

  1. Dans le volume de M. Margiotta, on trouvera l’énumération détaillée des territoires formant la juridiction ou l’obédience de chacune des 71 provinces triangulaires.