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Le Livre des ballades/De veoir France que mon cueur amer doit

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Ballade

En regardant vers le pays de France
Ung jour m’avint, à Dovre ſur la mer,
Qu’il me ſouvint de la doulce plaiſance
Que ſouloie ou dit pays trouver ;
Si commençay de cueur à ſouſpirer,
Combien certes que grant bien me faisoit,
De veoir France que mon cueur amer doit.

Je m’aviſay que c’eſtoit nonſavance,
De telz ſoufpirs dedans mon cueur garder,
Veu que je voy que la voye commence
De bonne paix, qui tous biens peut donner ;
Pour ce tournay en confort mon penſer.
Mais non pourtant, mon cueur ne ſe laſſoit
De veoir France que mon cueur amer doit.

Alors chargeay, en la nef d’eſperance,
Tous mes ſouhays en leur priant d’aler
Oultre la mer, ſans faire demeurance,
Et à France de me recommander ;
Or nous doint Dieu bonne paix ſans tarder,
Donc auray loiſir, mais qu’ainſi ſoit,
De venir France que mon cueur amer doit.

ENVOY.


Paix eſt treſor qu’on ne peut trop louer,
Je hé guerre, point ne la doit priſer,
Deſtourbé m’a longtemps, ſoit tort ou droit,
De venir France que mon tueur amer doit.


Charles d’Orléans.