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Le Livre des ballades/Et les prelatz, que font ilz ? grosse chere

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Ballade

On ne voit plus un tas de ſaintes gens
Par les deſerts, comme au temps ancien ;
Ni départir les biens aux indigens,
Comme jadis faiſoient les gens de bien ;
Aucun paſteur, ſinon courtiſien,
On ne voit plus, ni qui preſche en la chaire ;
Ains preſche au peuple un moine, ou gardien
Qui vit du pain de ceux qui font du bien ;
Et les prelatz, que font ilz ? groſſe chere.

Pour obſerver les divins mandemens,
Ne laiſſe nul ſon avoir terrien,
Et n’y a plus nuls bons entendemens
Qu’a l’acquerir par maint divers moyen :
A ſon ſalut aucun n’entend plus rien,

Ains ſemble à maints que de Dieu n’ont que faire
Nul ne diſpute encore un arrien,
Un idolaſtre ou un lutherien :
Et les prelatz, que font-il ? groſſe chere.

De guerroyer les Turcs & Mécreans,
N’eſt plus propos, quoi qu’ils nous preſſent bien,
Ni de mourir comme fit ſaint Laurens ;
Autres auffi, pour la foi d’un chrétien,
D’alimenter un pauvre comme un chien,
Ou un oiſeau ou quelque bourdeillere,
Nul n’y a l’œil, ains d’un rude maintien,
Sont dechaſſés des huis ſans dire rien ;
Et les prelatz, que font-ils ? groſſe chere.


ENVOY.


Prince, qui es maiſtre aſtrologien,
Pour voir qui giſt au cœur du peuple tien,
Tu vois qu’on met ce de devant derrière ;
Tous les eſtats, par mechant entretien,
De t’offenſer font leur quotidien ;
Et les prelatz, que font ilz ? groſſe chere.


Eustorge de Beaulieu.