Aller au contenu

Le Livre des ballades/Qui par son mal a sa foiblesse apprise

La bibliothèque libre.


D’un Chat & d’un Milan

Ie vy n’aguere vn des plus beaux combats
Qu’il eſt poſſible, & vaut bien qu’on le ſache,
Vn milan vit vn chat dormant en bas,
Si fond ſur luy, & du poil luy arrache :
Le chat combat, & au milan s’attache
Si vivement, & l’eſtraint ſi très fort,
Que le milan faiſant tout ſon effort
De s’en voler, ſe tint pris à ſa prinſe,
Lors me ſouvint d’un qui a faict le fort,
Qui par ſon mal a ſa foibleſſe appriſe.

Ie laiſſe aux grands parler de grands débats
Ie ſens trop bien où mon ſoulier me mache,
Et ne veux point que ſous mon ſtile bas,
Il ſoit penſé que rien de grand ie cache :
Ce que i’entens n’eſt ſinon qu’il me fache,
Qu’en ce temps cy ou nous avons renfort,

Aux bonnes arts, que le commun meſpriſe,
Vn ſot buſard le moleſte à grand tort,
Qui par ſon mal a ſa foibleſſe appriſe.

Pour ce coup cy ſon nom n’eſcriray pas,
Ce m’eſt aſſez qu’on l’entende à ſa tache,
Mais s’en auant il fait iamais vn pas,
Qu’il ne s’eſtonne alors ſi on luy laſche
Infinis traitz : dont le moindre & plus lache
L’iroit trouuer iuſques dedans ſon fort,
De Lycambes taint au ſang noir & ord :
Pourtant qu’il preigne aduis ſur l’entrepriſe
Du fol milan volant pour chat qui dort,
Qui par ſon mal a ſa foibleſſe appriſe.


ENVOY.


Vn bien ſauant gueres ne poind ne mord,
Et l’ignorant s’il peut nuit en ſurpriſe,
Dont à la fin ceſt ennuy le remord,
Qui par ſon mal a ſa foibleſſe apprife.


Mellin de Saint-Gelais.