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Le grand troche, sorite/23

La bibliothèque libre.
Éditions Elaia (p. 33-34).

L’OISEAU DU MALHEUR


à Jean Vigo

Sur les tas de cailloux
sur les gargotes de Calypso
sur les châteaux d’eau
sur les chemins de fer
sur la corde des mondes

se pose l’Oiseau du malheur.

Il compte les arbres à gui
qui passent la rivière à gué
la peuplade des peupliers
la chaîne des chênes
l’assaut des saules

un arbre, deux arbres, dix arbres, mille arbres.

Surpris de la surproduction aqueuse
que jute l’ontologie pornographique
le soleil est débordé
par la fabrication en féérie
des rayons de la Bibliothèque universelle

les putains du bordel des arbres font l’école aux primevères

Un colosse à revolver freudien
passe indifférent

lèvres épaisses fesses légères
le long des charmes rompus
près de la voie ferrée
sur le billard des prés

le corbillard des cieux dodeline au-dessus de la tranchée.

Les hameaux atterrés
les haies déchues
les brouettes du néant
les potirons germés sur les gadoues
implorent sait-on quelle pollution divine

& quand l’Oiseau chante
le revolver décharge tout seul.