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Les Véritables régles de l’ortografe francéze/Chapitre II

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CHAPITRE II.
Des avantajes que le public poûra reſevoir de la conformité de l’Ortôgrafe Francéze avec la parole.


C Omme l’on ârive par degrés à la perféxion, il ï a long-tams que l’on tâche de réduire l’Ortôgrafe Francéze à la prononſiaſion ; & l’ordre que nous voïons relüire à prézant dans la Iuſtice, dans les Finiances, & dans la Police, nous ſôlicite à métre la derniére main à cét ouvraje.

Cand nous conſidérons que nôtre victorieus Monarque, a contraint dans une Campagne les plus grandes vîles de Flandre à le reconétre pour leur Souverain ; & que dans la rigueur de l’Hiver il a pû an tréze jours âſujétir toute la Franche-Comté à ſon obeïſance, nous pouvons crére qu’il ne s’ocupe qu’à faire la guerre. Mais cand nous faizons réfléxion ſur ſes axions à l’égard de la Réligion, de la Iuſtice, des Siances, & des Ars, nous jujons qu’il prand un grand ſoin des principales chozes qui regardent la conſervaſion & la beauté des Etas : car les blasfémateurs ſont punis ſelon la rigueur de ſes Ordonances : il ne donne point de grace aus infracteurs de céles qu’il a faites contre les duels : il veut que l’on obſerue éxactemant céles qu’il a établies pour regler les procédures de la Iuſtice : Les Savans de ſon Roïaume, & méme ceus des Roïaumes les plus élognés, conéſent par les gratificaſions qu’ils an reſoivent l’eſtime qu’il fait de la Siance. Anfin l’établiſemant des Académies, qu’ils antretient poupr la perféxion des plus beaus Ars, augmantera la gloire de la France : car les Peintres, les Sculpteurs, et le Architectes ï poûront atirer à leur tour les Italiens, pour admirer la beauté de leurs ouvrajes. L’ornemant que l’on ajoûte tous les jours à Paris, la néteté de ſes ruës, et la ſûreté d’i marcher la nuit ï feront venir un grand nombre d’Étrangers. Comme ils voudront aprandre nôtre Langue, nous ſommes an quelque faſon oblijés ed leur an faciliter l’intélijance ; et le meilleur moïen que nous puîſions prandre pour âriver à céte fin, ét de réduire nôtre maniére d’écrire à nôtre prononſiaſion.

Nous ne travaillerons pas ſeulemant an cela pour les Etrangers ; mais nous donnerons ancore aus anfans la facilité de lire les livres qui ſeront écris an nôtre Langue : et ſi nous éxaminons d’où vient que la plûpart des Francés ne prononſent pas bien les paroles qu’ils métent an uzaje pour exprimer leurs panſées, nous trouverons que ce defaut vient de celui de l’Ortôgrafe que ne répond pas à la prononſiaſion.

Nous devons donc écrire comme nous parlons ; pour contanter les Étrangers ; pour donner aus anfans la facilité de lire les livres qui ſeront écris an nôtre Langue ; & pour découvrir aus uns et aus autres la véritable prononſiaſion des mos qui la compozent.