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Les fleurs poétiques, simples bluettes/01/04

La bibliothèque libre.
C. O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs (p. 23-26).

UNE CHAMBRE HANTÉE

traduit de longfellow

Les cœurs sont des chambres hantées
Où tombent de pâles rayons ;
Des formes vagues, agitées,
Soupirent le long des cloisons.


Parfois les ailes caressantes
Des doux fantômes du passé
Se glissent dans mon cœur, tremblantes,
Comme un rayon presque effacé.

Se glissent dans mon cœur, tremblantes,
Une forme est à la fenêtre :
Elle n’y vient jamais le jour.
Aussitôt que l’aube va naître,
Elle disparaît sans retour.

Se glissent dans mon cœur, tremblantes,
Elle s’assoit au clair de lune
Dans un silencieux maintien,
Et tend vers la fenêtre brune
Son doigt mobile, aérien.

Qui, mort au seuil de l’existence,
Devant la fenêtre entr’ouverte,
Comme le flot de mes soucis
S’agite la ramure verte
D’un if aux contours indécis.


Sous son dôme qui se balance
Repose un enfant adoré
Qui, mort au seuil de l’existence,
N’a jamais souri, ni pleuré.

Qui, mort au seuil de l’existence,
Qu’êtes-vous, ô pâles fantômes !
Qui hantez mon cerveau la nuit,
Le jour invisibles atomes
Reparaissant quand le Jour fuit.


Sinon des images sans vie
Qui surgissez loin de ce bord,
Sur la passerelle bénie
Du fleuve muet de la mort ?