Aller au contenu

Les jours et les nuits/IV/VII

La bibliothèque libre.
Société du Mercure de France (p. 165-166).

vii
chevaux de bois

Comme Don Quichotte chevauchant sa rosse entravée dans la forêt magique évadait vers les contes de sens dépourvus de Sancho le heurt invisible des marteaux-pilons, Sengle et Dricarpe sur leurs lits voisins écoutait et contait, et il y avait dans leurs cervelles des bruits de coups sur des cercueils fermés, ou, par les fentes de portes, vers la lumière. Et il leur paraissait naturel d’aboutir à des histoires de prisons, car on sait si bien être autre chose que la fable entendue qu’ainsi ils étaient comparativement libres, leurs paroles chassant au-dehors les verrous. Le conte de Sancho s’interrompait en des explosions de peur burlesque ; les poumons de Dricarpe s’écroulaient et coulaient en pus dans ses paroles, et il y avait des haltes tintantes de crachoirs reposés. Ainsi ils chevauchaient par-dessus les platanes et cyprès balancés du jardin.