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Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.17

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Gauthier-Villars et Fils (2p. 228-280).

CHAPITRE XVII.

CAS DES ÉQUATIONS LINÉAIRES.


177.Il nous reste maintenant :

1o À intégrer les équations (6 a), (6 b), (6 c), (5 a), (α) et (β) du no 169.

2o À voir comment on pourra, dans la formation de ces équations, discerner les termes qui doivent passer dans le premier membre de ceux qui doivent rester dans le second.

Je m’occuperai d’abord de l’intégration des équations (6 a) et (6 b) et j’y consacrerai le présent Chapitre.

L’équation (6 b), qui est la plus générale, s’écrit

étant regardée comme une fonction connue de c’est une équation linéaire à second membre, dont l’intégration se ramène à celle de l’équation sans second membre

Si nous transformons cette équation en changeant les notations et en posant

elle devient

Étude de l’équation de Gyldén.

178.Envisageons donc l’équation suivante

(1)

Nous venons de voir que M. Gyldén, dans le cours de ses recherches, avait été conduit à envisager l’équation suivante (Cf. no 169, équations (α) et (β))

(2)

étant une fonction développable suivant les puissances de et périodique par rapport à

Or il arrive, dans les applications que M. Gyldén a faites de cette équation, que les termes les plus importants de sont de la forme

étant une fonction périodique de seulement, et que tous les autres termes peuvent être négligés dans une première approximation.

L’équation (2) peut alors être remplacée par la suivante

(3)

C’est une équation linéaire à second membre, dont l’intégration se ramène aisément, comme l’on sait, à celle de l’équation sans second membre correspondante, qui n’est autre que cette équation (1).

Étudions donc cette équation (1) et rappelons d’abord ce que les résultats généraux, démontrés dans le premier Volume au sujet des équations linéaires (Chap. II, no 29, et Chap. IV, passim) vont nous permettre d’en dire.

Ils nous apprennent d’abord que cette équation (1) admet deux intégrales particulières de la forme

et étant deux fonctions périodiques de de période et les deux exposants caractéristiques et étant égaux et de signe contraire.

Pour aller plus loin, nous allons faire usage d’un théorème général que j’ai démontré dans mon Mémoire sur les groupes des équations linéaires (Acta mathematica, t. IV, p. 212).

Soit une équation linéaire de la forme suivante

(4)

Les coefficients sont des fonctions, non seulement de mais d’un certain nombre de paramètres dont elles dépendent linéairement.

Supposons, par exemple, qu’il y ait trois paramètres et appelons-les et Alors la fonction sera de la forme

Les fonctions et seront continues, ainsi que toutes leurs dérivées, dans l’intérieur d’un domaine d’où nous ne ferons pas sortir

Cela posé, donnons-nous les valeurs initiales de et de ses premières dérivées au point et faisons varier depuis 0, jusqu’à une certaine valeur en suivant un chemin déterminé. Soit la valeur que prendra quand arrivera au point Il est clair que dépendra :

1o Des valeurs initiales de et de ses dérivées (il en dépendra d’ailleurs linéairement) ;

2o Des paramètres

Eh bien, le théorème en question, c’est que peut être développé en une série procédant suivant les puissances croissantes de et et que cette série convergera, quelles que soient les valeurs de ces trois quantités ; ou, en d’autres termes, que sera une fonction entière de et

Appliquons ce théorème à l’équation (1).

Soit une intégrale particulière de cette équation telle que

[je désigne pour abréger par ].

Soit de même une seconde intégrale particulière telle que

Alors si et sont les valeurs initiales de et de pour on aura

Notre théorème, c’est alors que et seront des fonctions entières de et de Il en est de même de et

Supposons, en particulier, que

il viendra

et

Mais la fonction est périodique, de sorte qu’on a

d’où
D’où

Ainsi est une racine de l’équation en

On verrait de la même manière que l’autre racine est Donc la somme des racines est égale à de sorte qu’on a

Il en résulte que est une fonction entière de et de c’est-à-dire que peut être développé suivant les puissances entières de et de et que le développement est toujours convergent.

Je dis maintenant que ce développement ne contient que des puissances paires de

Si, en effet, on change en les solutions

deviennent

sont des fonctions périodiques en Par conséquent, les exposants caractéristiques ne changent pas.

En même temps, comme

l’équation (1) devient

ce qui veut dire que les exposants caractéristiques et, par conséquent ne changent pas quand on change en Or cela ne peut avoir lieu que si le développement de ne contient que des puissances paires de

Observons maintenant que l’équation (1) ne change pas quand on change en  ; il résulte de là que est une fonction paire de et une fonction impaire, c’est-à-dire que

Or les solutions de l’équation (1) sont développables suivant les cosinus et les sinus de étant un entier positif et négatif. IL résulte de là que ne contiendra que des cosinus pendant que ne contiendra que des sinus. On aura

variant de à Il vient alors

On a donc

179.Voyons maintenant comment on peut obtenir le développement de suivant les puissances croissantes de

Supposons que l’on cherche plus généralement le développement de et posons

nous aurons, pour déterminer la série d’équations suivantes

(5)

De plus les fonctions doivent être paires ; doit se réduire à 1 et les autres fonctions à 0 pour

On en conclut d’abord que

et

Il vient ensuite

étant des coefficients faciles à calculer, et l’on en déduit

On voit d’ailleurs que est égal La loi est manifeste, on a

La fonction devant être paire, le coefficient de

ne contiendra que des sinus si est impair et des cosinus si est pair.

Quelles sont maintenant les valeurs que peut prendre l’entier  ?

Dans le premier terme

variera de à dans le coefficient de pourra varier de à dans le coefficient de pourra varier de à et ainsi de suite, de sorte que ne pourra surpasser

On peut trouver à l’aide des équations (5) des relations de récurrence entre les coefficients je ne m’y arrêterai pas pour le moment.

Lorsqu’on fera on aura

et le premier terme de disparaîtra ; de sorte que

Nous savons d’ailleurs que sera nul si est impair, puisque nous savons d’avance que le développement de ne doit contenir que des puissances paires de

C’est ainsi que M. Tisserand calcule et, par conséquent, Il trouve ainsi

ce que j’écrirai

et seront des séries développées suivant les puissances croissantes de dont les coefficients seront rationnels en

La première question à résoudre est de savoir si est réel ou imaginaire. Si

est réel, la solution de notre équation différentielle est alors stable et de même que reste compris entre des limites finies. Si au contraire

est imaginaire ; et les deux fonctions et sont de la forme suivante

et étant des constantes réelles et une fonction périodique de de période Il en résulte que et peuvent croître au delà de toute limite et que la solution de notre équation différentielle est instable.

Si l’on considère un instant et comme les coordonnées d’un point dans un plan, ce plan va se trouver partagé ainsi en deux régions, l’une où sera plus petit que 1 et réel, l’autre où sera plus grand que 1 et imaginaire. Ces deux régions sont séparées l’une de l’autre par les diverses branches des deux courbes

Il y a donc intérêt à construire ces deux courbes au moins dans la partie du plan qui correspond aux petites valeurs de

Pour on a

Donc la courbe que j’appellerai la courbe coupe l’axe des en des points dont les abscisses sont des entiers pairs, et la courbe que j’appellerai la courbe coupe l’axe des aux points dont les abscisses sont des entiers impairs.

Tous les autres points de l’axe des appartiennent à la première région, celle où est réel.

Reprenons alors l’équation

qui lie à et à le premier membre s’annule pour il est développable suivant les puissances croissantes de et de enfin sa dérivée par rapport à se réduit à pour et par conséquent ne s’annule pas à moins que ne soit entier. Si donc nous supposons que n’est pas entier, le théorème du no 30 nous apprend que est développable suivant les puissances croissantes de et que la série est convergente pourvu que soit assez petit.

Voyons maintenant ce qui se passe quand est entier. M. Tisserand, en appliquant sa formule, a trouvé : pour

pour

pour

et enfin pour

En effet, quand est entier, devient égal à et s’annule ; mais il arrive en même temps que devient infini ; de sorte que le produit

tend vers une valeur finie quand tend vers un nombre entier. Considérons alors la limite

quand tend vers une valeur entière.

Cette limite sera développable suivant les puissances de mais, dans le développement de le coefficient de devient infini pour 0 ou 1, celui de pour 0, 1 ou 2, celui de pour 0, 1, 2 ou 3 ; il en résulte que, si tend vers un entier le développement de commencera par un terme en d’autre part, le développement de commence par un terme en C’est pour cette raison que dans les développements de

trouvés par M. Tisserand, le premier terme est en pour 0 ou 1 et en pour 1.

Considérons donc l’équation de la courbe qui peut s’écrire

La courbe passant par le point

( entier),

le premier membre s’annule pour il est d’ailleurs développable suivant les puissances croissantes de et de il est aisé de voir que ce développement ne contient ni terme de degré 0 ni terme de degré 1, mais qu’il commence par des termes du second degré

étant égal à

pour

et à 0 pour

Il en résulte que le point est pour la courbe un point double ; mais deux cas sont à distinguer :

1o Si les termes du second degré se réduisent à la somme de deux carrés, les deux branches de courbe qui passent par le point double sont imaginaires ; l’origine est donc pour la courbe un point isolé.

2o Si est nul ; les deux branches de courbe qui passent par le point double sont tangentes l’une à l’autre et coupent l’axe des à angle droit. Pour reconnaître si ces deux branches sont réelles ou imaginaires, il faut tenir compte des termes en et en

Le coefficient de est, comme nous l’avons vu,

ou

selon que ou

Le coefficient de s’obtiendra en prenant les dérivées de

par rapport à et en y faisant On trouve ainsi

Pour que les branches de courbe soient réelles (en supposant ), il faut et il suffit que la forme quadratique

soit indéfinie. Il ne peut y avoir doute que si cette forme se réduit à un carré parfait ; or c’est précisément ce qui arrive ; nous voyons ainsi que nos deux branches de courbe sont non seulement tangentes, mais osculatrices l’une à l’autre ; mais nous serions obligés, pour reconnaître si elles sont réelles, de calculer les termes d’ordre supérieur, si nous n’avions heureusement un moyen indirect de décider la question, moyen que j’exposerai plus loin.

Dans le cas de notre forme quadratique devient

et est indéfinie ; les deux branches de courbe sont certainement réelles.

Construisons maintenant la courbe dont l’équation est

Le premier membre s’annule pour

( entier impair),

et son développement suivant les puissances de et de commence par des termes du second degré

Si et sont de signe différent et les deux branches de courbe qui passent par le point double sont réelles.

Si est nul, les deux branches de courbe sont tangentes (et probablement osculatrices) l’une à l’autre ; pour décider si elles sont réelles, il faut employer le procédé indirect dont j’ai parlé plus haut.

Voici en quoi il consiste.

On peut se demander ce qui se passe quand on a

Alors, d’après ce que nous avons vu au no 29, la solution la plus générale de l’équation (1) est de la forme

et étant des fonctions périodiques de de période si et de période si (elles changent alors de signe quand se change en ). On a donc

Si n’est pas nul, c’est une solution de l’équation (1) ; or, est une fonction paire ; donc est paire et impaire ; donc se réduit à un facteur constant près à alors est périodique.

Si est identiquement nul, est périodique.

Trois cas peuvent donc se présenter :

1o Ou bien est périodique, et alors

2o Ou bien est périodique, et alors

3o Ou bien ces deux fonctions sont périodiques toutes deux, et alors

On peut arriver au même résultat de la façon suivante ; on a identiquement

Si alors

il viendra

Donc l’une au moins des deux quantités et est nulle.

De même, si

ou

on aura

et puisque

il viendra

Les différents points des deux courbes et appartiennent donc aux deux courbes

et réciproquement.

Remarquons d’abord que et sont des fonctions entières de et de Pour ces fonctions se réduisent à

Donc, si passe par une valeur entière différente de 0, et s’annulent en changeant de signe, et ces valeurs de sont pour ces deux fonctions des zéros simples. Il en résulte que les points

( entier, ),

qui sont des points doubles, tantôt pour tantôt pour sont des points simples pour chacune des deux courbes

Si passe par 0, s’annule sans changer de signe (zéro double) et ne s’annule pas ; l’origine est donc un point double pour mais ne s’annule pas à l’origine.

Il y a donc quatre courbes analytiquement distinctes :

(α) 
(β) 
(γ) 
(δ) 

La courbe est alors formée de l’ensemble des deux courbes (α) et (β) ; chacune d’elles a un point simple en

et c’est pour cette raison que ce point est un point double de mais les deux branches de qui passent en ce point, appartenant ainsi à deux courbes analytiquement distinctes, ne peuvent être que réelles.

Il y a exception pour l’origine

ce point est un point double de (α), mais n’appartient pas à (β) ; d’après ce que nous venons de dire, le raisonnement qui précède ne s’applique donc pas et nous avons vu d’ailleurs que les deux branches de courbe sont alors imaginaires.

De même, la courbe est formée de l’ensemble des deux courbes (α) et (β) ; chacune d’elles a un point simple en

Les deux branches de qui passent par ce point appartiennent à deux courbes analytiquement distinctes et sont par conséquent réelles.

Nous avons vu plus haut que changer en c’est la même chose que de changer en

Considérons d’abord la courbe (α)

On a

d’où

La fonction est donc paire et périodique de période Si donc on change en se change en qui est encore paire et périodique. Si donc le point appartient à la courbe (α), il en est de même du point La courbe (α) est donc symétrique par rapport à l’axe des

La courbe étant symétrique dans son ensemble et se composant de (α) et de (β), nous devons conclure (ce qu’il serait d’ailleurs aisé de vérifier) que la courbe (β) est également symétrique par rapport à l’axe des

On doit conclure que les deux courbes (α) et (β) ne peuvent avoir au point

qu’un contact d’ordre impair.

Considérons maintenant la courbe (γ)

Il vient

La fonction est donc impaire et périodique. Si donc le point appartient à (γ), le point appartiendra à (δ). Les deux courbes (γ) et (δ) sont donc symétriques l’une de l’autre par rapport à l’axe des

Il en résulte que ces deux courbes ne peuvent avoir en

qu’un contact d’ordre pair.

Ainsi le contact des deux branches de courbes en est d’ordre 0 pour d’ordre 1 pour d’ordre 2 (au moins) pour d’ordre 3 (au moins) pour il est ensuite alternativement d’ordre pair et d’ordre impair et toujours au moins d’ordre 2.

Cela peut donner à penser que ce contact est toujours d’ordre mais je ne l’ai pas vérifié.

La figure suivante, contenue dans le rectangle

peut résumer la discussion qui précède. La région couverte de hachures est celle où est imaginaire.

Figure 1
Fig. 1.

On peut tirer de l’équation qui donne en fonction de et de divers développements, dont la convergence est plus ou moins rapide et qui donnent ordonné suivant les puissances de Mais je crois qu’il est préférable de calculer à l’aide des formules précédentes et d’en déduire par les Tables trigonométriques.

180.Une fois déterminé, il s’agit de trouver les coefficients du développement

D’après la définition même de on doit avoir

Il vient, d’autre part,

Mais, d’après ce que nous avons vu au no 29, notre équation (1) doit admettre deux solutions de la forme

et doit en être une combinaison linéaire ; cela ne peut avoir lieu que si

Il en résulte que

satisfera également à l’équation (1) et, par conséquent, que

Il est clair que est une fonction de et de mais ce n’est plus une fonction entière de ces deux variables comme l’était Ce n’est même pas une fonction uniforme. Il est évident que les seuls points singuliers de cette fonction sont les points des courbes

pour lesquels les fonctions et cessent de pouvoir être mises sous la forme que nous venons de leur donner.

Comment se comporte la fonction dans le voisinage d’un de ces points singuliers ?

Supposons que le point se rapproche indéfiniment d’un point M appartenant à la courbe

et que tende vers une valeur entière alors, à la limite, est encore périodique. Posons, pour abréger,

il viendra, en réunissant dans et les termes en et en

Si nous faisons alors

il viendra

Quand tend vers tend vers 1 et vers zéro ; mais, si tend vers l’infini, de telle façon que tende vers une limite finie, le produit tendra vers étant une constante.

Si alors le point M appartient à la courbe le développement de doit contenir seulement des termes en

et celui de des termes en et en

Il faut donc que tende vers une limite finie, et vers zéro. Donc et tendront vers des limites finies, égales entre elles. Si est pair, devra tendre vers zéro. Il est aisé de vérifier que, si

on aura, comme il convient,

Si, au contraire, le point M appartient à la courbe le développement de devra contenir des termes en

et

et celui de des termes en

Il faut donc que tende vers une limite finie, et vers l’infini.

Donc, et tendront vers l’infini, mais leur somme algébrique restera finie.

Mais, que le point M appartienne à la courbe ou à la courbe ce n’en est pas moins un point singulier pour la fonction En effet, quand le point tourne autour de M, la fonction s’échange avec la fonction comme le font deux déterminations d’une même fonction algébrique.

Il résulte de là que, si n’est pas entier, pourra se développer suivant les puissances croissantes de et que le rayon de convergence de ce développement sera le module du point singulier le plus rapproché, et les points singuliers seront les points des courbes et qui correspondent à la valeur de considérée.

Il reste à trouver les coefficients du développement. Supposons le problème résolu et soit

ou en développant suivant les puissances de il viendra

Ce développement, qui contient les lignes trigonométriques de multipliées par des puissances de doit être identique à celui que nous avons trouvé plus haut

Observons, en effet, que sont développables suivant les puissances croissantes de

En identifiant les deux développements, il vient alors

et

Nous avons donc le moyen de calculer les coefficients du développement. La convergence est généralement suffisante quand n’est pas voisin d’un nombre entier. Si est voisin d’un entier on peut augmenter la convergence de la manière suivante :

Comme et s’échangent quand on tourne autour du point singulier le plus rapproché, les deux fonctions

et

restent uniformes dans le voisinage de ce point singulier, mais la première de ces deux fonctions restera finie et la seconde pourra devenir infinie du premier ordre, si ce point singulier appartient à Mais alors

restera fini. Les développements de

et

seront donc beaucoup plus convergents que ceux de et On aura donc avantage à s’en servir et à en tirer ensuite et par une équation du second degré.

Observons, en terminant, que la discussion de la forme des courbes et dans le voisinage des points

sera singulièrement facilitée si l’on se sert du développement de et de au lieu de celui de

Ce qui précède constitue la théorie complète de notre équation (1). Je dois toutefois parler des diverses méthodes qui ont été proposées pour l’intégrer et qui sont celle qui est fondée sur l’application des théorèmes de Jacobi, et celles de MM. Gyldén, Bruns, Hill et Lindstedt.

Méthode de Jacobi.

181.On peut appliquer à l’équation (1) la méthode exposée en détail au Chapitre IX avec cette différence que les séries seraient certainement convergentes. L’équation (1) rentre en effet comme cas particulier dans l’équation (3) du no 2. Or nous avons vu que cette équation du no 2 pouvait être ramenée à la forme canonique des équations de Jacobi.

Si donc nous posons

et

l’équation

(1)

peut être remplacée par les équations canoniques

Le problème est alors ramené à l’intégration de l’équation aux dérivées partielles

(2)

à laquelle la méthode d’approximations successives du no 125 est directement applicable.

Mais il n’y aurait pas grand avantage à l’employer, à moins que l’équation (1) ne soit qu’une expression approximative du problème qu’on se propose et qu’après avoir intégré cette équation on ne veuille pousser plus loin l’approximation en employant la méthode de la variation des constantes ou qu’on ne veuille s’en servir comme vérification.

Observons en passant que l’intégration de l’équation (2) se ramène à celle d’une équation différentielle du premier ordre,

Quoi qu’il en soit, cherchons quelle relation il peut y avoir entre la fonction définie par l’équation (2) et les fonctions et définies dans les numéros précédents.

Nous trouverons pour la solution générale des équations canoniques dérivées de l’équation (1) par le changement de variables qui précède l’expression qui va suivre ; je rappelle que nous avons posé

notre expression sera, en désignant par des constantes d’intégration,

Si l’on élimine entre ces équations les deux constantes et et que l’on résolve par rapport à et à on aura et en fonctions de et et d’autre part

sera une différentielle exacte (Cf. no 19, in fine).

Posons alors, pour abréger,

il viendra

et il s’agira d’éliminer entre ces deux équations.

Pour effectuer cette élimination, observons que ces deux équations peuvent s’écrire

les étant des fonctions périodiques de de période et qui s’expriment aisément à l’aide de et En résolvant ces équations par rapport à et il vient

les quatre fonctions étant périodiques de période et s’exprimant aisément à l’aide des et, par conséquent, à l’aide de et En faisant la somme des carrés, il vient alors, si l’on observe que doit être une fonction paire en

les deux fonctions étant encore périodiques de période et s’exprimant aisément à l’aide de et

Or nous aurons

d’où cette conclusion :

est une fonction périodique de période tant par rapport à que par rapport à et son développement contient, comme on le verra en appliquant la méthode du no 125, des termes en et peuvent prendre toutes les valeurs entières possibles. Mais la fonction inverse

qui est aussi périodique en et ne pourra contenir que des termes en

ou

étant évidemment une fonction paire tant par rapport à que par rapport à

Si nous posons

l’équation (2) nous donne

Les procédés du no 125 sont applicables à cette équation bien qu’elle ne contienne pas seulement les dérivées de mais la fonction elle-même.

On trouve

est une constante, et il est aisé de vérifier que sont bien de la forme indiquée, c’est-à-dire que

Il est aisé de former des relations de récurrence qui permettent de déterminer les constantes

et

quand on connaît les et les

Méthode de M. Gyldén.

182.M. Picard a démontré le théorème suivant :

Si une équation linéaire a pour coefficients des fonctions doublement périodiques et si son intégrale générale n’a d’autre singularité que des pôles, cette intégrale s’exprime à l’aide des « fonctions doublement périodiques de deuxième espèce », c’est-à-dire des fonctions qui se reproduisent multipliées par un facteur constant quand la variable augmente d’une période.

L’importance de ce théorème provient des deux circonstances suivantes :

1o Il est toujours facile de reconnaître sur l’équation même si l’intégrale générale n’a d’autre singularité que des pôles ;

2o Toute fonction doublement périodique de deuxième espèce s’exprime simplement à l’aide des fonctions de Jacobi ou des fonctions de M. Weierstrass.

M. Gyldén a eu l’idée ingénieuse d’appliquer ce théorème à l’intégration de l’équation (1). Mais il serait injuste de présenter les choses sous cette forme sans citer le nom de M. Hermite. Ce que M. Gyldén a appliqué en réalité, c’est un théorème de M. Hermite sur l’équation de Lamé, qui n’est à la vérité qu’un cas particulier de celui de M. Picard, mais qui lui est notablement antérieur.

Notre équation (1) peut s’écrire

(2)

en posant

Considérons la fonction

).

Il est clair, d’après la définition même de cette fonction, que tendra vers quand tendra vers zéro. On peut donc, si est très petit, remplacer l’équation (2) par la suivante

(3)

et l’approximation sera d’autant plus grande que sera plus petit.

Cela posé, voyons quelles sont les conditions pour que l’intégrale générale de (3) n’ait d’autre singularité que des pôles. Le seul point singulier de l’équation (3) est le point

en appelant et les périodes de En effet, pour

devient infini. On sait que le résidu de est de sorte que nous aurons, en développant suivant les puissances de

une série de la forme suivante

ne contenant que des puissances paires de

La condition pour que le développement de suivant les puissances croissantes de commence par un terme en s’obtient aisément en égalant dans les deux membres de (3) les termes en qui sont alors les termes de degré le moins élevé ; elle s’écrit

d’où
(4)

Si elle est remplie et si est entier, l’équation (3) admet une intégrale particulière qui aura un pôle pour

Comment se comportera l’autre intégrale ? La théorie des équations linéaires nous apprend qu’elle ne pourra non plus avoir d’autre singularité qu’un pôle en ou un point logarithmique ; mais l’étude du développement de suivant les puissances de montre aisément que du moment que est une fonction paire de on n’a pas à craindre que le développement des intégrales contienne un logarithme ; je renvoie pour plus de détails aux travaux bien connus de M. Fuchs, sur les équations linéaires dans le tome 66 du Journal de Crelle et à la thèse de M. Tannery (Paris, Gauthier-Villars, 1873) où ces travaux sont résumés. Ainsi, si la condition (4) est remplie, l’équation (3) admettra deux intégrales particulières de la forme

en désignant par celle des quatre fonctions qui s’annule pour

Les quantités peuvent être facilement déterminées, ainsi que l’ont fait voir les recherches de M. Hermite sur l’équation de Lamé qui ont épuisé complètement la question.

Maintenant nous pouvons choisir un entier assez grand, pour que la valeur de qui satisfait à la condition (4) soit aussi petite que nous voudrons, et, par conséquent, pour que les équations (2) et (3) diffèrent aussi peu l’une de l’autre qu’on le voudra.

Mais, comme est généralement très petit, M. Gyldén estime que, dans les applications, on pourra se contenter de la première approximation et faire

Méthode de M. Bruns.

183.Reprenons l’équation

(1)

et faisons-y

L’équation deviendra

(2)

Supposons maintenant que l’on développe suivant les puissances croissantes de et qu’on ait

Nous déterminerons successivement

par la suite d’équations.

(3)

Les équations (3) permettent de calculer les par récurrence ; si, en effet, on a intégré les premières de ces équations, et si l’on connaît par conséquent

la (+1)ième s’écrira (en prenant par exemple)

étant une fonction connue de

Si sont des fonctions périodiques de de période il en sera de même de et nous pourrons écrire

d’où

Nous pourrons donc, à moins que ne soit entier, égaler à une fonction périodique de

Alors est une fonction périodique de que nous pourrons écrire

étant la valeur moyenne de cette fonction périodique et une autre fonction périodique. On en déduit pour une intégrale particulière de (1)

Ce que nous avons appelé dans le no 178 est alors la partie réelle de

Cette méthode est la plus simple quand on veut le développement de suivant les puissances de

Méthode de M. Lindstedt.

184.Considérons l’équation

(1)

et sa solution paire

Il est clair que nous aurons

(2)

Le problème consiste à déterminer et les de façon que les équations (2) soient satisfaites et la série convergente. Nous pouvons considérer également l’équation à second membre

(3)

cette équation admet une solution de la forme

Il serait aisé d’ailleurs (par la méthode ordinaire d’intégration des équations linéaires à second membre) de calculer les coefficients une fois qu’on connaîtrait et les mais, si l’on veut les calculer directement, on est conduit aux équations suivantes analogues aux équations (2)

(4)

Pour cette équation devrait être remplacée par la suivante

(4 bis)

qui se réduit encore aux équations (2), quand on y fait Posons alors

sera une fonction de

Posons pour

et, au contraire, pour

de telle façon que

les équations (4) deviendront, en supposant

d’où

Nous sommes donc conduit à exprimer par la fraction continue

Cette fraction continue est-elle convergente ? Soit sa ième réduite, nous aurons

(5)

et, d’autre part,

Je remarque d’abord que, quand croît indéfiniment, tend vers 0 et que la série

(6)

est absolument convergente (sauf dans le cas où l’une des quantités est infinie, c’est-à-dire où est égal à à un entier près ; ce cas doit être exclu de la discussion qui va suivre). D’ailleurs, à partir d’un certain rang, tous les termes de cette série seront positifs.

Je dis maintenant que va tendre vers une limite finie et qu’il en sera de même de

En effet, et sont définis par les équations de récurrence (5). Déterminons par les mêmes équations deux quantités et de telle sorte que

Nous pourrons nous donner arbitrairement deux quelconques des quantités et aussi deux quelconques des quantités

Considérons dans la série (6) les premiers termes qui suivent le ième

Soit la somme de ces termes, nous pourrons toujours prendre assez grand pour que soit positif et plus petit que 1.

Considérons alors l’équation de récurrence

Cette équation montre que, si l’on a

on aura également

(7)

Il suffit donc que l’on choisisse et de façon à satisfaire à l’inégalité (7) pour que tous les termes y satisfassent. est donc toujours plus grand que et, par conséquent, positif. De plus, l’équation de récurrence montre que va constamment en décroissant quand l’indice croît. Donc tend vers une limite finie et déterminée. Choisissons donc et et de façon à satisfaire aux inégalités (7) et de façon que le déterminant

ne soit pas nul.

Alors et tendront vers deux limites finies, déterminées et différentes de 0, et

Comme et satisfont aux mêmes relations de récurrence que et et que ces relations sont linéaires, nous aurons

étant des coefficients constants et la limite de notre fraction continue sera

Pour certaines valeurs de et par conséquent, pour certaines valeurs des coefficients il peut arriver que cette fraction soit nulle ou infinie ; mais elle ne se présentera jamais sous la forme indéterminée

Dans le cas où et où, par conséquent, il n’y a presque rien à changer à ce qui précède. Si, par exemple, on avait notre fraction continue deviendrait

La limite de notre fraction continue étant une fonction de nous pouvons l’appeler et écrire

On trouverait de même

ce qui met en évidence la propriété caractéristique de la fonction à savoir que

Quand on a calculé et il est facile de calculer tous les rapports et Si alors on avait la valeur de on en déduirait facilement celle de tous les coefficients Or il est évident que satisfera à l’équation

ce qui détermine

Pour doit se réduire à et à 0 ; d’où l’équation suivante qui détermine

Une fois déterminé (et cela se fera en général plus aisément par l’une des méthodes exposées plus haut), on calculerait comme nous venons de l’expliquer les et les

Méthode de M. Hill.

185.Reprenons les équations (1), (2), (3), (4) et (4 bis) du numéro précédent ; ces équations sont linéaires et, bien qu’elles soient en nombre infini, M. Hill a eu la hardiesse de les traiter par les procédés ordinaires de résolution des équations linéaires en nombre fini, c’est-à-dire par les déterminants.

Cette hardiesse est-elle justifiée ? C’est ce que j’ai essayé de faire voir dans une discussion que j’ai publiée dans le Tome XIV du Bulletin de la Société mathématique de France et dont je vais rappeler ici les principaux résultats.

Considérons un Tableau à double entrée, indéfini,

(5)

Dans ce Tableau les termes de la diagonale principale sont tous égaux à 1.

Soit le déterminant formé en prenant les premières lignes et les premières colonnes du Tableau (5). Je dirai que le Tableau (5) est un déterminant d’ordre infini et que ce déterminant convergé si tend vers une limite finie et déterminée quand croît indéfiniment.

Pour nous rendre compte des conditions de convergence d 'un déterminant, appuyons-nous sur le mode suivant de génération, qui n’est autre que celui qui est connu sous le nom de clefs algébriques.

Soit à développer le déterminant

Développons le produit

puis affectons chacun des termes du produit développé, suivant les cas, de l’un des coefficients ou nous obtiendrons ainsi

Il est aisé d’en déduire l’inégalité suivante : formons le produit

on aura

(6)

Supposons maintenant qu’on remplace dans le déterminant un certain nombre d’éléments par zéro, le déterminant deviendra et deviendra un certain nombre de termes s’annuleront dans le développement de et les termes correspondants s’annuleront aussi dans le développement de On aura alors

(7)

Telles sont les deux inégalités très simples qui vont nous servir de point de départ.

Pour que le déterminant d’ordre infini converge, il suffit que le produit correspondant, qui s’écrit

(8)

converge lui-même ou, d’après un théorème bien connu, que la série

converge elle-même.

En effet, soient et les déterminants obtenus en prenant dans le Tableau (5) les premières, puis les premières lignes et colonnes. Soient et les valeurs correspondantes du produit défini plus haut.

Comme dans le Tableau (5) les termes de la diagonale principale sont égaux à 1, on passera de à en annulant un certain nombre des éléments de ce déterminant on aura donc

Mais, si le produit (8) converge, le second membre de cette inégalité tend vers zéro quand et croissent indéfiniment. Il en est donc de même du premier membre, ce qui prouve que tend vers une limite finie et déterminée.C.Q.F.D.

Donc, pour que le déterminant converge, il suffit que la série obtenue en prenant dans ce déterminant tous les éléments qui n’appartiennent pas à la diagonale principale converge absolument.

Je vais faire voir maintenant que le déterminant converge absolument, c’est-à-dire qu’on peut modifier l’ordre des colonnes ou des lignes sans changer la valeur limite du déterminant.

Soient en effet deux Tableaux analogues à (5) et ne différant que par l’ordre des colonnes et des lignes. Je supposerai toutefois que, dans l’un comme dans l’autre Tableau, les éléments égaux à 1 occupent la diagonale principale. Soit le déterminant obtenu en prenant les premières lignes et colonnes du premier Tableau. Soit le déterminant obtenu en prenant les premières lignes et colonnes du second Tableau, étant assez grand pour que tous les éléments de se retrouvent dans Soient et les produits correspondant à et On passera de à en annulant dans un certain nombre d’éléments. Je puis donc écrire

Mais, le produit (8) étant absolument convergent, on aura

On aura donc aussi

C.Q.F.D.

Imaginons maintenant que le Tableau (5) soit indéfini dans les deux sens, de sorte que les colonnes et les lignes soient numérotées depuis jusqu’à

Le terme qui appartiendra à la fois à la ligne numérotée et à la colonne numérotée s’appellera D’ailleurs et pourront prendre toutes les valeurs entières positives ou négatives, y compris la valeur zéro.

Nous appellerons le déterminant formé en prenant les lignes numérotées et les colonnes portant les mêmes numéros. Le déterminant d’ordre infini convergera si tend vers une limite finie et déterminée.

Nous supposerons toujours que les termes de la diagonale principale sont égaux à 1, c’est-à-dire que

Alors, en raisonnant tout à fait comme plus haut, on trouverait que le déterminant converge absolument pourvu que la série

variant de à

soit convergente.

Supposons maintenant que dans notre Tableau à double entrée, c’est-à-dire d’après la définition qui précède, dans notre déterminant d’ordre infini, on remplace tous les éléments d’une certaine ligne par une suite de quantités

qui soient toutes plus petites en valeur absolue qu’un certain nombre positif Je dis que le déterminant restera convergent si la série

converge.

En effet, prenons, comme il a été dit plus haut, lignes et colonnes dans le Tableau à double entrée, de façon à former le déterminant Supposons que l’on fasse la somme des valeurs absolues des éléments de chaque ligne, en exceptant la ligne dont les éléments ont été remplacés par des quantités Faisons ensuite le produit des sommes ainsi obtenues. Un terme quelconque du déterminant sera un terme du produit multiplié par une des quantités ou par cette quantité changée de signe. Donc, d’après l’hypothèse

on devra avoir

Si l’on annule quelques-uns des éléments de ce déterminant devient et le produit devient Quelques-uns des termes du produit s’annulent et les termes correspondants de s’annulent également. On a donc

Observons maintenant que, pour passer du déterminant au déterminant il suffit d’y annuler certains éléments ; nous trouverons

et nous en déduirons, comme précédemment, que tend vers une limite finie et déterminée, pourvu qu’il en soit ainsi de et c’est précisément ce qui arrive quand la série

converge.

186.Appliquons ces principes au cas particulier qui a été traité par M. Hill dans son Mémoire sur le mouvement du périgée de la Lune (Acta math., t. VIII).

Reprenons les équations (2) du no 184

(2)

Nous avons une infinité d’équations linéaires à une infinité d’inconnues. Pour avoir le droit de les traiter d’après les règles ordinaires du calcul et de calculer leur déterminant je veux d’abord que la diagonale principale ait tous ses éléments égaux à 1 et j’écris, par conséquent, cette équation sous la forme

(2 bis)

On aura donc, en appelant encore l’élément du déterminant qui appartient à la ligne numérotée et à la colonne numérotée

Pour que le déterminant converge, il suffit donc que la série

converge, condition qui est évidemment remplie.

Ce déterminant est évidemment une fonction de que j’appellerai avec M. Hill

Alors sera déterminé par l’équation

(3)

sur laquelle nous allons revenir.

Supposons ensuite que dans ce déterminant nous remplacions les éléments de la ligne numérotée zéro par des indéterminées que nous remplacions par conséquent

respectivement par

D’après ce qui précède, le déterminant ainsi obtenu convergera encore pourvu que les quantités soient plus petites qu’un nombre donné Il sera une fonction linéaire des et pourra s’écrire

On obtiendra d’ailleurs évidemment en donnant à la valeur 1 et aux autres indéterminées la valeur zéro.

Je dis que les quantités ainsi définies, satisfont aux équations (2). Si nous donnons, en effet, à la valeur c’est-à-dire la valeur

ou

selon que

ou que

notre déterminant deviendra

et il devra être nul, car il y a deux lignes identiques ; l’équation (2 bis) sera donc satisfaite.

Il y a exception pour car le déterminant n’a plus alors deux lignes identiques ; mais il est encore nul, parce qu’il se réduit alors à qui est nul en vertu de l’équation (3).

Enfin la série

converge ; car on l’obtient en faisant dans

et la valeur absolue de est alors limitée, ce qui est, comme nous l’avons vu, une condition suffisante de la convergence de Δ.

Application du théorème de M. Hadamard.

187.Il nous reste à étudier l’équation

(3)

Pour cela, il nous faut d’abord définir le déterminant que M. Hill appelle

Pour cela, reprenons notre déterminant et multiplions la ligne numérotée zéro par

et la ligne numérotée par

Je dis que le déterminant ainsi obtenu, sera encore convergent ; et, en effet, si nous nous rappelons la définition donnée plus haut de la limite d’un déterminant indéfini dans les deux sens, nous verrons que

étant la limite vers laquelle tend le produit des facteurs

quand croît indéfiniment : est donc la limite du produit infini

lequel est évidemment convergent. Donc converge.

Appelons celui des éléments de ce déterminant qui appartient à la ligne numérotée et à la colonne numérotée Nous aurons

Nous allons remplacer dans par et étudier les propriétés de la fonction ainsi définie.

Je dis d’abord que c’est une fonction entière.

En effet, on aura évidemment, en remplaçant par

Par conséquent, d’après l’inégalité (6) du no 185, on aura

(4)

Or, en posant, pour abréger, et associant les facteurs du produit qui correspondent à des valeurs de égales et de signe contraire, ce produit infini peut s’écrire

et il est évidemment convergent et toujours fini. Donc il en est de même de

Dans cette démonstration j’ai supposé réel ; mais, si était imaginaire, il n’y aurait rien d’essentiel à y changer ; il suffirait d’écrire

au lieu de

Donc est encore fini quelle que soit la valeur imaginaire de c’est donc une fonction entière.

Si l’on voulait démontrer par le menu que jouit des autres caractères d’une fonction entière, c’est-à-dire qu’elle est continue et a une dérivée, il suffirait d’observer que le déterminant dont la limite est converge uniformément.

Appelons, en effet, le déterminant formé en prenant dans les lignes et les colonnes numérotées de à On aura

Soit alors dans le plan des un contour fermé quelconque ; soit un point de ce contour et un point intérieur à ce contour. Comme est un polynôme entier, on aura évidemment

l’intégrale étant prise bien entendu le long du contour C. La fonction

sera évidemment une fonction holomorphe de je dis que est égal à

En effet, comme il résulte des démonstrations précédentes que la convergence de est uniforme, nous pourrons prendre assez grand pour que l’on ait au point et sur tout le contour

et, par conséquent,

étant la longueur du contour divisée par le minimum de

Ainsi les différences et peuvent être rendues aussi petites qu’on le veut, ce qui ne peut avoir lieu que si C. Q. F. D.

Donc est holomorphe.

Je dis maintenant que est périodique.

Désignons, en effet, par le déterminant fini obtenu en prenant dans les lignes et les colonnes numérotées de à et par le déterminant obtenu en prenant dans les lignes et les colonnes correspondantes.

La démonstration de la convergence d’un déterminant indéfini dans les deux sens a été donnée au no 185, quand la diagonale principale a tous ses éléments égaux à 1. Elle ne suppose pas que l’on s’astreigne à prendre autant de lignes dont les numéros sont négatifs que de lignes dont les numéros sont positifs. On aura donc

 pour 

D’autre part, il est clair que

est le produit des facteurs

(5)

prend les valeurs et

On aura d’ailleurs, ce qui se voit immédiatement en comparant les déterminants,

Nous allons faire tendre vers l’infini, le premier membre tendra vers quant au second membre, il tendra vers

Nous avons trouvé plus haut

étant le produit des facteurs (5) où l’on donne à les valeurs

On aura donc

d’où

d’où enfin

C.Q.F.D.

De plus, on a

et, par conséquent,

Poursuivant l’étude de la fonction entière je me propose de démontrer qu’elle est de genre zéro, quand on la regarde comme fonction de On sait qu’une fonction entière est dite de genre zéro quand elle peut se développer en un produit infini de la forme

Plus généralement on dit qu’une fonction entière est de genre lorsqu’elle est développable en un produit d’un nombre infini de facteurs primaires de la forme

étant un polynôme d’ordre en

Pour démontrer ce point capital, je dois faire usage de certaines inégalités que je vais d’abord établir.

Cherchons une limite supérieure de

Comme la fonction est périodique de période 2, j’e pourrai toujours supposer que est compris entre et On aura alors

et, par conséquent, en posant comme plus haut,

il viendra en faisant usage de notre inégalité fondamentale

(α)

Le second membre de cette inégalité est une fonction de que je désignerai par

Posons pour un instant et considérons la fonction Il est aisé de voir qu’elle est de genre 1.

En effet, la fonction est de genre 0 et peut se mettre sous la forme

Je représente par les racines de l’équation d’où

ou

On vérifierait sans peine que les trois produits du second membre sont absolument convergents.

J’ai démontré dans le Bulletin de la Société mathématique de France que, si une fonction est de genre 1, on aura

si tend vers l’infini avec un argument déterminé et de telle sorte que tende vers zéro.

Si donc et sont réels positifs, on aura

Quand on fera varier de à le premier membre tendra vers sa limite uniformément, d’où cette conséquence ; on pourra trouver deux nombres positifs et tels que

en faisant et remarquant que

il viendra

Considérons maintenant le développement de

il viendra

l’intégrale étant prise le long d’un cercle de rayon quelconque ayant pour centre l’origine.

On en conclut

et cela quel que soit Or le minimum de

est

d’où

Nous observerons que, la fonction étant paire, les coefficients sont nuls.

Je me propose de démontrer que considéré comme fonction de est de genre zéro. En vertu d’un théorème de M. Hadamard (Cf. Comptes rendus, t. CXV, p. 1121), il suffit pour cela d’établir que

étant plus grand que 1.

Or il vient

Si l’on remplace par sa valeur approchée, le second membre devient

Il s’agit de démontrer que, pour une valeur de cette expression reste limitée. Or, si

elle tend vers zéro, quand croît indéfiniment.

Il suffira donc de prendre

Il résulte de là que la fonction peut se développer en un produit de la forme

[5]

Il reste donc à connaître les zéros de la fonction d’après la nature même de la question, ces zéros seront

étant un entier. En effet, c’est pour ces valeurs, et pour elles seulement, que les équations (2) et (2 bis) du no 186 et par conséquent l’équation (3) du no 186 pourront être satisfaites.

Les zéros de sont donc les mêmes que ceux de

comme ces deux fonctions sont toutes deux développables en produits infinis de la forme (5) et que les facteurs de ces deux produits, sauf la constante sont les mêmes, les deux fonctions ne pourront différer que par un facteur constant et l’on aura

(6)

Mais n’est pas seulement fonction de c’est une fonction entière de et de et l’on démontrerait absolument de la même manière que c’est une fonction de genre zéro tant par rapport à que par rapport à

Il y a plus ; soit, par exemple,

on aura

On peut démontrer, absolument de la même manière que plus haut, que

si est compris entre 1 et 3/2. Comme cette inégalité doit avoir lieu quel que soit devra satisfaire à une inégalité de même forme, de sorte que sera une fonction de genre zéro par rapport à et l’on verrait de la même façon que c’est une fonction de genre zéro par rapport à

Mais ne peut jamais s’annuler ; car ne s’annule jamais identiquement (je veux dire quel que soit ). Or une fonction de genre zéro qui ne s’annule pas se réduit à une constante.

Donc est indépendant à la fois de et de

Écrivons l’égalité (6) pour mettre en évidence la valeur de sous la forme

Pour est égal à il vient donc

d’où, en divisant et faisant

ou enfin

(7)

car

c’est de l’égalité (7) que M. Hill a tiré la valeur de

Grâce aux considérations qui précèdent, la légitimité de sa méthode est désormais rigoureusement établie.

Remarques diverses.

188.Dans le cas particulier que nous traitons, on pourrait arriver à quelques-uns de ces résultats sans avoir recours au théorème de M. Hadamard.

En effet, observons d’abord que, quand même et sont imaginaires, l’égalité fondamentale (α) subsiste encore, pourvu que

Si nous nous rappelons alors le développement connu

nous en déduirons

d’où

L’inégalité (α) est vraie quels que soient et pourvu que et soient réels.

Nous savons maintenant que le rapport

tend vers 1/2 quand croît indéfiniment par valeurs réelles. Il résulte de là qu’on peut trouver une constante numérique telle que

on en déduit

d’où

Considérons maintenant le rapport

Le numérateur s’annule toutes les fois que le dénominateur s’annule, et il en résulte que ce rapport est une fonction entière, tant en qu’en et en

Comme ce rapport est une fonction périodique de nous pouvons toujours supposer que la partie réelle de reste comprise entre et faisons donc tendre la partie imaginaire vers l’infini et voyons comment se comporte notre rapport

Le premier facteur du second membre reste inférieur en valeur absolue à le second facteur tend vers 1/2 : notre rapport reste donc fini. C’est donc une fonction entière de qui reste constamment inférieure à une certaine limite ; cette fonction doit donc d’après un théorème connu se réduire à une constante indépendante de

Il faut toujours avoir recours au théorème de M. Hadamard pour

démontrer qu’elle est en outre indépendante de et de

Extension des résultats précédents.

189.Toutes ces méthodes, sauf celle de M. Gyldén, s’appliquent à toute équation de la forme

(1)

est une fonction périodique de développable par conséquent en série trigonométrique.

Il n’y aurait à faire que des changements de détail que le lecteur pourra faire sans peine s’il veut traiter de cette manière une équation de la forme (1). La plupart des résultats sont encore vrais ; quelques-uns cependant ne le sont que si la fonction est paire.

M. Gyldén, voulant rendre son procédé applicable à l’équation (1), a imaginé une méthode ingénieuse de tâtonnement sur laquelle je ne juge pas utile d’insister, car il n’a eu que rarement l’occasion d’en faire usage.

Supposons maintenant que la fonction φ(t) ne soit pas périodique, mais soit de la forme

étant un coefficient numérique très petit, et étant la somme de termes de la forme

de sorte que

Les les et les sont des constantes ; mais les ne sont pas commensurables entre eux, sans quoi la fonction serait périodique.

Dans ce cas, les procédés précédents sont encore applicables, mais les séries auxquelles on parvient ainsi, et qu’on peut ordonner suivant les puissances de ne sont plus convergentes, de sorte que ces procédés n’ont plus d’autre valeur que celle que peut posséder, d’après le Chapitre VIII, toute méthode de calcul formel.

Nous pourrons donc satisfaire formellement à l’équation (1), en faisant

(2)

Dans cette formule, et sont des séries ordonnées suivant les puissances de et dont les coefficients sont des constantes. Les sont des combinaisons linéaires à coefficients entiers des de sorte que

et les sommations doivent être étendues à toutes les combinaisons des valeurs entières des

La divergence de la série (2) pourra causer quelque étonnement. Supposons, en effet, que les sont de la forme

les et les étant des entiers et une constante qui est la même pour tous les

Faisons varier en conservant à aux aux aux et aux des valeurs invariables.

Pour toutes les valeurs commensurables de les seront commensurables entre eux et la fonction sera périodique. Nous savons alors, par le no 29, que l’équation (1) admet une solution de la forme (2) et de plus que cette solution n’est pas purement formelle et que les séries sont convergentes.

Comme, dans tout intervalle, il y a une infinité de nombres commensurables, on s’étonnera que les séries auxquelles on parvient, quand varie dans un intervalle si petit qu’il soit, puissent être ainsi une infinité de fois convergentes et une infinité de fois divergentes.

On comprendra mieux ce fait paradoxal si l’on étudie l’exemple simple qui va suivre.

Soit l’équation du premier ordre

(3)

Je supposerai que est une série de la forme

Les et les prennent toutes les valeurs entières possibles, est une constante, les sont des coefficients constants, et est un paramètre très petit, par rapport aux puissances duquel nous développerons.

L’intégration donne alors

(4)

Cette solution doit être modifiée quand est commensurable ; soit en effet et étant premiers entre eux, sera nul quand on aura

étant entier.

Il viendra alors

(5)

où sous le signe on ne donne à et à que les valeurs qui n’annulent pas et où

Si dans les formules (4) et (5) on passe des logarithmes aux nombres, on trouvera dans un cas comme dans l’autre

étant une série ordonnée suivant les puissances de et dont les coefficients sont formés d’un nombre fini de termes en

ou

Seulement il y a entre les deux cas deux différences :

1o Si est commensurable, la série est convergente ; si au contraire est incommensurable, la série pourra être divergente et la solution deviendra purement formelle.

2o La valeur de l’exposant n’est pas la même dans les deux cas. Si est incommensurable, est égal à si est commensurable, est égal à Donc n’est pas une fonction continue de 

Il doit en être de même de dans le cas de l’équation (1) et c’est ce qui nous explique pourquoi dans ce genre de questions il n’est pas permis de raisonner par continuité.

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