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Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.31

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CHAPITRE XXXI.

PROPRIÉTÉS DES SOLUTIONS DU DEUXIÈME GENRE.


Les solutions du deuxième genre et le principe de moindre action.

371.Je ne puis passer sous silence les rapports entre la théorie des solutions du deuxième genre et le principe de moindre action ; et c’est même à cause de ces rapports que j’ai écrit le Chapitre XXIX. Mais, pour les faire bien comprendre, quelques préliminaires sont encore nécessaires.

Supposons deux degrés de liberté ; soient et les deux variables de la première série, que l’on pourra considérer comme les coordonnées d’un point dans un plan ; les courbes planes qui satisferont à nos équations différentielles constitueront ce que nous avons appelé des trajectoires.

Soit un point quelconque du plan. Considérons l’ensemble des trajectoires issues du point et soit leur enveloppe. Soit le ième foyer cinétique de sur la trajectoire cette trajectoire touchera l’enveloppe au point d’après la définition même des foyers cinétiques ; je rappelle que le ième foyer de ou son foyer d’ordre est le ième point d’intersection de avec la trajectoire infiniment voisine passant par Mais les circonstances de ce contact peuvent varier. Il peut se faire que ne soit pas un point singulier de la courbe et que le contact soit du premier ordre ; c’est là le cas le plus général.

Soient

les équations de la trajectoire et d’une trajectoire très voisine, issue du point

Soient et les coordonnées du point et celles de Comme passe par et et par on aura

La trajectoire étant très voisine de la fonction sera très petite ; je pourrai appeler l’angle sous lequel les deux trajectoires se coupent au point ce sera cet angle qui définira la trajectoire alors la fonction dépendra de l’angle elle sera très petite si, comme nous le supposons, cet angle est lui-même très petit, et elle s’annulera avec .

La valeur de (en désignant par la dérivée de ) sera de même signe que Quant à [si nous supposons très petit et si le système de coordonnées a été défini de telle sorte que la fonction soit uniforme, ce qui est toujours possible] il est de même signe que si est un foyer d’ordre pair, et de signe contraire si est un foyer d’ordre impair.

Ce qui caractérise le cas qui nous occupe, c’est que est du même ordre que et toujours du même signe.

Supposons par exemple que soit positif.

Alors si le signe de est tel que soit positif, la trajectoire coupera en un point voisin du point et moins éloigné de que le point (en supposant ). Dans ce cas, touche avant tandis que touche après d’après un raisonnement bien connu, l’action est plus grande (au moins dans le mouvement absolu) quand on va de en en parcourant que quand on va de en en suivant

Si le signe de est tel que soit négatif, coupe en un point plus éloigné de que alors touche après et touche avant l’action, quand on va de en est plus grande le long de que le long de

Les résultats seraient renversés si était négatif ; mais en tous cas parmi les trajectoires voisines de il y en a qui coupent près de et au delà de et d’autres qui coupent près de et en deçà de

Dans ce cas nous dirons que est un foyer ordinaire.

Il ne peut pas arriver que soit un point ordinaire de et que le contact soit d’ordre supérieur au premier.

Développons suivant les puissances de et soit

La condition pour qu’il y eût un contact d’ordre supérieur, serait

Mais nous avons déjà

et la fonction satisfait à une équation différentielle linéaire du second ordre, dont les coefficients sont des fonctions finies et données de le coefficient de la dérivée seconde se réduisant à l’unité.

Si pour l’intégrale s’annulait ainsi que sa dérivée première, elle serait identiquement nulle, ce qui est absurde.

Il n’y a donc jamais de contact d’ordre supérieur.

Mais il peut arriver que soit un point de rebroussement de la courbe soit qu’il présente sa pointe du côté de de façon qu’un mobile allant de en le prenne en pointe, soit qu’il présente sa pointe du côté opposé de façon que le mobile le prenne en talon. Dans le premier cas je dirai que est un foyer en pointe et dans le second cas que c’est un foyer en talon.

Dans l’un et l’autre cas, est de l’ordre de dans le cas d’un foyer en pointe il est du signe de si est un foyer d’ordre impair et de signe contraire à si est un foyer d’ordre pair ; c’est le contraire dans le cas d’un foyer en talon.

Dans le cas d’un foyer en pointe, toutes les trajectoires coupent en un point voisin de et au delà de l’action en allant de en est plus grande le long de que le long de

Dans le cas d’un foyer en talon, toutes les trajectoires coupent en un point voisin de et en deçà de l’action de en est plus grande le long de que le long de

Soit alors un point de suffisamment voisin de Dans le cas d’un foyer en pointe, je puis joindre à par une trajectoire si est au delà de dans le cas d’un foyer en talon, je puis joindre à si est en deçà de

Il pourrait arriver enfin que fût un point singulier de plus compliqué qu’un point de rebroussement ordinaire ; je dirais alors que c’est un foyer singulier.

Je ferai seulement observer qu’on ne peut passer d’un foyer en pointe à un foyer en talon que par un foyer singulier ; car, au moment du passage, doit être de l’ordre de

372.Considérons maintenant une solution périodique quelconque ; elle correspondra à une trajectoire fermée. Soit l’exposant caractéristique et la période. Nous avons vu au Chapitre XXIX comment on parvient à déterminer les foyers cinétiques successifs (no 347).

Supposons que soit égal à étant un nombre commensurable dont le numérateur est Dans ce cas l’application de la règle du no 347 montre que chaque point de coïncide avec son ième foyer.

Si en effet on prend comme au no 347 une unité de temps telle que la période soit égale à il vient Si l’on désigne par la valeur de la fonction au point soient les valeurs de cette fonction au premier, au second, au ième foyer de nous aurons d’après la règle du no 347,

Si est le numérateur de on voit que est un multiple de c’est-à-dire que et son ième foyer coïncident.

La trajectoire issue du point et infiniment voisine de viendra donc repasser par le point après avoir fait fois le tour de la trajectoire fermée si est le dénominateur de

Le point est donc son ième foyer ; mais on peut se demander à quelle catégorie de foyers il appartient, au point de vue de la classification du numéro précédent.

Adoptons un système de coordonnées analogues au coordonnées polaires de telle sorte que l’équation de la trajectoire fermée soit

et que varie de à quand on fait le tour de cette trajectoire fermée. Les courbes sont alors des courbes fermées s’enveloppant mutuellement à la façon de cercles concentriques, et les courbes forment un faisceau de courbes divergentes qui viennent couper toutes les courbes et de telle façon que la courbe coïncide avec la courbe

Soit alors la valeur de qui correspond au point de départ la valeur de qui correspondra à ce même point considéré comme le ième foyer du point de départ, sera

Soit

l’équation d’une trajectoire voisine de et passant par La fonction correspondra à la fonction du numéro précédent. Nous aurons et ce qu’il s’agit de discuter c’est le signe de

Il s’agit donc de former la fonction et pour cela nous n’avons qu’à appliquer, soit les principes du Chapitre VII, soit ceux du no 274. Si nous appliquons par exemple ces derniers, voici ce que nous trouverons : La fonction est développable suivant les puissances des deux quantités

Les coefficients du développement sont des fonctions périodiques de période et sont deux constantes d’intégration ; quant à c’est une constante qui est développable suivant les puissances du produit

D’ailleurs est égal à l’exposant caractéristique de c’est-à-dire à

Si diffère peu de les deux constantes et sont très petites ; elles sont de l’ordre de l’angle que j’appelais dans le numéro précédent et qu’il ne faut pas confondre avec l’exposant que je désigne par la même lettre dans le présent numéro.

Si nous poussons l’approximation jusqu’au troisième ordre inclusivement par rapport à et se réduira à un polynôme du troisième ordre par rapport à ces deux constantes et je pourrai écrire

étant un polynôme entier par rapport à ne contenant que des termes du second et du troisième degré. Les coefficients du polynôme de même que et sont des fonctions périodiques de période

Cela posé, comme est égal à à des quantités près du second ordre, et à à des quantités près du quatrième ordre, nous pouvons écrire, en négligeant toujours les quantités du quatrième ordre par rapport à et

ou bien encore

Quand augmente de les coefficients de non plus que et ne changent pas. Il en est de même de puisque a pour dénominateur il en est donc encore de même de

Il vient donc enfin

Or est nulle ; la quantité dont nous devons déterminer le signe est donc

Je désigne par et les valeurs de et pour

J’observe d’abord que cette quantité est du troisième ordre, ce qui, d’après le numéro précédent, nous montre que nos foyers seront en général des foyers en pointe ou en talon. Je dis maintenant que cette quantité est toujours de même signe et que son coefficient ne peut s’annuler.

En effet, les deux constantes et sont liées par la relation

ce qui peut s’écrire, puisque et sont des quantités infiniment petites

(1)

D’autre part est purement imaginaire, et sont imaginaires conjuguées ; il en est de même de et de

Le produit est donc essentiellement positif et ne peut s’annuler ; car et ne peuvent être nuls à la fois.

D’autre part on ne peut avoir

(2)

car les équations (1) et (2) entraîneraient

Mais ces équations sont impossibles ; elles signifieraient que toutes les trajectoires très voisines de vont passer par le point ce qui est évidemment faux.

Notre quantité a donc toujours le même signe. Nos foyers sont donc tous en pointe, ou tous en talon ; tout dépend du signe de

373.Nous avons dû laisser de côté le cas où serait nul, cas exceptionnel où tous les foyers seraient singuliers ; et celui où serait égal à 2, 3 ou 4 ; voici pourquoi :

On a vu que, dans les calculs du Chapitre VII, s’introduisent de petits diviseurs

(Cf. no 104, t. I, p. 338).

Le calcul se trouve arrêté et des termes séculaires apparaissent si l’un de ces diviseurs s’annule.

Or, on constate aisément que, si est égal à 2, 3 ou 4, on pourra se trouver arrêté ainsi dans le calcul des termes des trois premiers ordres qui sont ceux dont nous avons été obligés de tenir compte. Si au contraire on ne sera arrêté que dans le calcul des termes d’ordre supérieur qui n’interviennent pas dans l’analyse précédente.

374.Supposons, par exemple, que tous les foyers soient en pointe ; soit un point quelconque de ce point sera à lui-même son ième foyer. Soit un point situé un peu au delà du point dans la direction où l’on parcourt la trajectoire et les trajectoires voisines de Je pourrai tracer une trajectoire issue du point qui s’écartera très peu de qui fera fois le tour de et viendra finalement aboutir au point et qui aura points d’intersection avec en comptant les points d’intersection et

En effet, le foyer étant en pointe, les trajectoires voisines de viennent toutes recouper au delà du foyer. Nous pourrons donc tracer la trajectoire qui satisfait aux conditions que je viens d’énoncer, pourvu que la distance soit plus petite que Il est clair que la limite supérieure que ne doit pas dépasser la distance dépend de la position de sur mais elle ne s’annule jamais puisqu’il n’y a pas de foyer singulier. Il me suffira alors d’égaler à la plus petite valeur que puisse prendre cette limite supérieure et je pourrai regarder comme une constante.

Si donc la distance est plus petite que nous pouvons mener une trajectoire satisfaisant à nos conditions ; nous pouvons même en mener deux, l’une coupant en sous un angle positif, l’autre sous un angle négatif.

Cela posé, supposons que nos équations différentielles canoniques dépendent d’un paramètre pour la trajectoire fermée a pour exposant caractéristique Supposons que, pour l’exposant caractéristique, divisé par soit plus grand que et que, pour il soit au contraire plus petit que

Alors, pour le point ne sera plus son propre ième foyer ; son ième foyer sera situé en deçà de pour et au delà de pour Soit ce foyer. La distance dépendra naturellement de la position de sur j’appelle la plus grande valeur de cette distance ; il est clair que sera une fonction continue de et qu’elle s’annulera avec remarquons que, pour d’après les principes du no 347, le foyer est toujours au delà de ou toujours en deçà, suivant la valeur de l’exposant caractéristique, et la distance ; ne peut jamais s’annuler.

Soit un point situé un peu au delà de nous pourrons joindre à par une trajectoire pourvu que la distance reste inférieure à une certaine quantité Il est clair que est une fonction continue de et elle se réduit à pour

Prenons de façon que soit au delà de nous pourrons faire jouer à le rôle de et joindre à lui-même par une trajectoire pourvu que la distance soit plus petite que ou pourvu que

pour est nul et donc on peut prendre assez petit pour que l’inégalité soit satisfaite.

On peut alors joindre le point à lui-même par une trajectoire s’écartant peu de faisant fois le tour de et coupant fois

Fig. 12.

Sur la figure, représente un arc de sur lequel se trouve est un arc de partant de et est un autre arc de cette même trajectoire aboutissant à Des flèches indiquent le sens dans lequel les trajectoires sont décrites.

Le point peut être ainsi joint à lui-même, non pas par une, mais par deux trajectoires pour l’une, comme l’indique la figure, l’angle est positif, de telle façon que est au-dessus de pour l’autre, l’angle serait négatif.

La trajectoire ne doit pas être regardée comme une trajectoire fermée ; elle part bien du point pour revenir au point mais la direction de la tangente n’est pas la même au point de départ et au point d’arrivée, de sorte que les arcs et ne se raccordent pas.

La trajectoire allant ainsi de en avec un point anguleux en formera ainsi ce qu’on pourra appeler une boucle. En faisant la même construction pour tous les points de on obtiendra une série de boucles ; on en obtiendra même deux, la première correspondant au cas où l’angle est positif, et la seconde au cas où cet angle est négatif. Ces deux séries sont bien séparées l’une de l’autre ; et en effet, le passage de l’une à l’autre ne pourrait se faire que si l’angle devenait infiniment petit.

Alors, la trajectoire devenue infiniment voisine de irait passer par le foyer d’après la définition même des foyers ; mais, comme elle doit aboutir au point les points et se confondraient ; cela ne peut arriver d’après les principes du no 347.

Ainsi donc, si tous les foyers sont en pointe, nous avons deux séries de boucles pour et nous n’en avons plus pour

Si tous les foyers étaient en talon, on pourrait répéter les mêmes raisonnements ; on trouverait qu’il y a deux séries de boucles pour , et qu’il n’y en a plus pour

375.Considérons une des séries de boucles définies dans le numéro précédent ; l’action calculée le long d’une de ces boucles variera avec la position du point elle aura au moins un maximum ou un minimum.

Je dis que, si l’action est maximum ou minimum, les deux arcs et se raccordent, de telle façon que la trajectoire est fermée et correspond à une solution périodique du deuxième genre.

En effet, supposons par exemple que la trajectoire corresponde au minimum de l’action et que l’angle soit plus grand que l’angle comme sur la figure ; prenons alors un point à gauche de et infiniment près de construisons une boucle infiniment peu différente de la boucle et ayant son point anguleux en soient et deux arcs de cette boucle.

De et de j’abaisse deux normales et sur et sur

D’après un théorème bien connu, l’action le long de depuis le point jusqu’au point sera égale à l’action le long de depuis le point jusqu’à On aura donc

ou

ou enfin

ce qui est absurde, puisque a été supposé correspondre au minimum de l’action.

Si l’on supposait

on arriverait à la même absurdité en plaçant à droite de

On doit donc supposer

c’est-à-dire que les deux arcs se raccordent.

Le même raisonnement est applicable au cas du maximum.

Chaque série de boucles contient donc au moins deux trajectoires fermées.

Chacune de ces trajectoires fermées fait fois le tour de et coupe en points. Pour d’entre eux, l’angle analogue à est positif et, pour les autres, il est négatif ; et, en effet, la courbe étant fermée, doit couper autant de fois dans un sens que dans l’autre.

Donc, cette trajectoire fermée peut être regardée comme une boucle de manières différentes ; car nous pouvons regarder l’un quelconque de nos points d’intersection comme le point anguleux ; pour de ces manières, la boucle ainsi définie appartiendra à la première série et pour les autres à la seconde.

Parmi les boucles de chaque série, il y en a donc non pas deux, mais au moins qui se réduisent à des trajectoires fermées. Seulement on obtient ainsi non pas mais seulement deux trajectoires fermées distinctes.

Qu’il n’y en ait pas davantage en général, c’est ce qui ne résulte pas du raisonnement précédent, mais ce qu’on peut déduire des principes du Chapitre précédent.

La trajectoire ainsi définie aura points doubles si est impair et points doubles si est pair. Cela est vrai pour les petites valeurs de mais je dis que cela reste vrai quelque grand que soit tant que existe. Et, en effet, le nombre des points doubles ne pourrait varier que si deux branches de la courbe venaient à être tangentes entre elles ; mais deux trajectoires ne peuvent être tangentes entre elles sans se confondre.

Pour la même raison, quelque grand que soit tant que les deux trajectoires et existeront, elles se couperont en points.

376.Tous les raisonnements du numéro précédent supposent qu’il s’agit du mouvement absolu.

En voulant les étendre au cas du mouvement relatif, on rencontrerait des difficultés qui ne sont sans doute pas insurmontables, mais que je ne chercherai pas à surmonter.

Tout d’abord, il faudrait modifier la construction employée dans le numéro précédent. Au lieu de mener et normales à et voici ce qu’il faudrait faire. Pour construire par exemple, on construirait un cercle infiniment petit satisfaisant aux conditions suivantes : il coupe en et touche en ce point la droite la droite qui joint au centre doit avoir une direction donnée et être dans un rapport donné avec le rayon. La droite ainsi construite jouit des mêmes propriétés qu’a la normale dans le mouvement absolu. Malheureusement cette construction peut dans certains cas entraîner une difficulté.

De plus l’action n’est pas toujours positive ; si elle devenait nulle, le raisonnement se trouverait encore en défaut ; le maximum ou le minimum pourrait être atteint au point tel que l’action soit nulle, et cela sans que les arcs et aient besoin de se raccorder.

Nos raisonnements ne s’appliqueraient donc au cas du mouvement relatif que si l’action reste positive tout le long de

Dans tous les cas, l’une des conclusions reste vraie ; la trajectoire fermée existe toujours puisque si le raisonnement du numéro précédent est en défaut, il n’en est pas de même de ceux des Chapitres XXVIII et XXX ; de plus coupe en points et possède ou points doubles.

Cela est vrai pour les petites valeurs de mais je ne peux plus conclure que cela reste vrai quel que soit car deux trajectoires peuvent être tangentes sans se confondre, pourvu qu’elles soient parcourues en sens contraire.

Stabilité et instabilité.

377.Supposons qu’il y ait seulement deux degrés de liberté ; deux des exposants caractéristiques sont nuls, les deux autres sont égaux et de signes contraires.

L’équation qui a pour racines

est une équation du second ordre dont les coefficients sont réels ( représente la période et l’un des exposants caractéristiques).

Ses racines sont donc réelles ou imaginaires conjuguées.

Si elles sont réelles et positives, les sont réels et la solution périodique est instable.

Si elles sont imaginaires, les sont imaginaires conjuguées ; comme le produit est égal à les sont purement imaginaires et la solution périodique est stable.

Si elles sont réelles et négatives, les sont imaginaires, mais complexes, la partie imaginaire étant égale à la solution périodique est encore instable.

Elles ne peuvent d’ailleurs être réelles et de signes contraires puisque le produit est égal à

Il y a donc deux sortes de solutions instables, correspondant aux deux hypothèses

Le passage des solutions stables aux solutions instables de la première sorte se fait par la valeur

Le passage des solutions stables aux solutions instables de la seconde sorte se fait par la valeur

378.Étudions d’abord le passage aux solutions instables de la première sorte. Au moment du passage on a

Reprenons les quantités et définies au Chapitre III et envisageons l’équation

(1)

cette équation a pour racines

Au moment du passage les quatre racines deviennent nulles.

Mais avant d’étudier ce cas simple où l’on a affaire à des équations de la Dynamique avec deux degrés de liberté, et où l’on suppose que la fonction ne dépend pas du temps explicitement et que par conséquent les équations admettent l’intégrale des forces vives avant, dis-je, d’étudier ce cas simple, il convient peut-être de nous arrêter un instant sur un cas plus simple encore.

Soit une fonction quelconque de et périodique de période par rapport à envisageons les équations canoniques

(2)

ce sont les équations de la Dynamique avec un seul degré de liberté ; mais, dépendant de elles n’admettent pas l’équation des forces vives

Supposons que ces équations (2) admettent une solution périodique de période Les exposants caractéristiques nous seront donnés par l’équation suivante analogue à (1)

(3)

qui a pour racines

Ces racines deviennent nulles toutes deux au moment du passage.

Supposons que dépende d’un certain paramètre et que, pour les deux racines de l’équation (3) soient nulles. Les fonctions et dépendront non seulement de et de mais de Nous supposerons que est développable suivant les puissances de et que par conséquent et sont développables suivant les puissances de et

Les solutions périodiques nous seront données par les équations

(4)

Pour le déterminant fonctionnel des par rapport aux est nul ; mais en général les quatre dérivées ne s’annuleront pas à la fois. Supposons par exemple

on tirera de la première équation (4) en série développée suivant les puissances de et de et l’on substituera dans la seconde équation (4). Soit

(5)

le résultat de la substitution. Notre déterminant fonctionnel étant nul, on aura

mais deux cas sont à distinguer :

1o La dérivée n’est pas nulle, ou, en d’autres termes, le déterminant fonctionnel de et par rapport à et n’est pas nul.

Dans ce cas, si l’on regarde et comme les coordonnées d’un point dans un plan, la courbe représentée par l’équation (5) aura à l’origine un point ordinaire, où la tangente sera la droite

En général, la dérivée seconde

ne sera pas nulle, c’est-à-dire que l’origine ne sera pas un point d’inflexion pour la courbe (5).

Si nous coupons par la droite étant une constante assez petite, nous pourrons, suivant le signe de avoir deux points d’intersection de cette droite et de la courbe (5) dans le voisinage de l’origine ou n’en avoir aucun.

Si, par exemple, la courbe est au-dessus de sa tangente, nous aurons, pour deux intersections et, par conséquent, deux solutions périodiques, pour nous n’en aurons aucune.

Nous voyons donc deux solutions périodiques se rapprocher l’une de l’autre, se confondre, puis disparaître.

Considérons les deux points d’intersection de la droite avec la courbe (5) ; ils correspondront à deux racines consécutives de l’équation (5) et, par conséquent, à deux valeurs de signes contraires de la dérivée donc à deux valeurs de signes contraires du déterminant fonctionnel des par rapport aux c’est-à-dire du produit

c’est-à-dire de

Donc l’une des deux solutions périodiques qui se confondent ainsi pour disparaître, est toujours stable et l’autre instable.

2o La dérivée ou, en d’autres termes, le déterminant fonctionnel de et par rapport à et est nul.

La courbe (5) a alors à l’origine un point singulier qui, en général, sera un point double ordinaire.

Deux branches de courbe se coupent à l’origine, la droite rencontrera toujours la courbe en deux points ; nous aurons donc deux solutions périodiques, quel que soit le signe de

Les deux branches de courbe déterminent dans le voisinage de l’origine quatre régions ; dans deux de ces régions opposées par le sommet, sera positif ; dans les deux autres, il sera négatif.

Soient les quatre demi-branches qui aboutissent à l’origine ; sera le prolongement de et de et correspondront à et à la fonction sera positive dans les angles et négative dans les angles

Nous venons de voir que la stabilité dépend du signe de la dérivée alors quand on franchira par exemple, passera du négatif au positif ; la dérivée sera positive et la solution sera, par exemple, stable ; elle sera stable aussi quand on franchira instable quand on franchira ou

Les solutions périodiques correspondant à sont stables et elles sont la suite analytique de celles qui correspondent à et qui sont instables.

Inversement celles qui correspondent à et qui sont instables sont la suite analytique de celles qui correspondent à et qui sont stables.

Nous avons donc deux séries analytiques de solutions périodiques qui, pour se confondent, et à ce moment les deux séries échangent leur stabilité.

Nous venons d’étudier les deux cas les plus simples, mais une foule d’autres cas peuvent se présenter correspondant aux différentes singularités que peut présenter la courbe (5) à l’origine.

Mais, quelles que soient ces singularités, nous verrons rayonner autour de l’origine un nombre pair de demi-branches de courbes, à savoir du côté de et du côté Supposons qu’un petit cercle décrit autour de l’origine les rencontre dans l’ordre suivant

Soient

(6)

celles qui correspondent à et

(7)

celles qui correspondent à

Alors les demi-branches (6) correspondent alternativement à des solutions périodiques stables et à des solutions instables ; je dirai pour abréger que ces demi-branches sont alternativement stables ou instables.

Il en est de même des demi-branches (7).

D’autre part et sont toutes deux stables ou toutes deux instables.

Il en est de même par conséquent de et

Soient donc et le nombre des demi-branches stables et celui des demi-branches instables pour de sorte que

Soient et les nombres correspondants pour de sorte que Il n’y a alors que trois hypothèses possibles

Dans tous les cas on a

Supposons que ne soit pas égal à et par exemple que de telle façon qu’un certain nombre de solutions périodiques disparaissent quand on passe de à on voit d’abord que ce nombre est toujours pair et de plus d’après l’équation précédente, il disparaît toujours autant de solutions stables que de solutions instables.

Supposons maintenant que nous ayons une série analytique de solutions périodiques et que, pour on passe de la stabilité à l’instabilité ou inversement (et cela de façon que l’exposant s’annule). Alors et (par exemple) sont au moins égaux à 1. Donc est au moins égal à 2. D’où il suit qu’il y aura au moins une autre série analytique de solutions périodiques réelles se confondant avec la première pour

Donc si, pour une certaine valeur de une solution périodique perd la stabilité ou l’acquiert (et cela de telle façon que l’exposant soit nul) c’est qu’elle se sera confondue avec une autre solution périodique, avec laquelle elle aura échangé sa stabilité.

379.Revenons maintenant au cas que je m’étais d’abord proposé de traiter, celui où le temps n’entre pas explicitement dans les équations, où par conséquent on a l’intégrale des forces vives où enfin il y a deux degrés de liberté.

Je raisonnerai alors comme au no 317, je supposerai que la période de la solution périodique qui est pour la solution qui correspond à est égale à et peu différente de pour les solutions périodiques voisines ; et j’écrirai les équations

(1)

où entrent les variables

D’après nos hypothèses, le déterminant fonctionnel des par rapport aux doit s’annuler ainsi que tous ses mineurs du premier ordre ; mais les mineurs du second ordre ne seront pas en général tous nuls à la fois.

Faisons donc dans les équations (1) et envisageons le déterminant fonctionnel de

par rapport à

Ce déterminant s’annule quand les et s’annulent ; mais en général les mineurs du premier ordre ne s’annuleront pas.

Considérons en effet les déterminants fonctionnels de et de deux des quatre fonctions par rapport à et à deux des quatre variables Peuvent-ils être tous nuls à la fois ?

D’après la théorie des déterminants cela ne pourrait arriver :

1o Que si tous les mineurs des deux premiers ordres du déterminant des par rapport aux étaient nuls, à la fois, ce qui n’arrive pas en général et ce que nous ne supposerons pas.

2o Ou si les dérivées de étaient toutes nulles à la fois ; nous avons vu au no 64 qu’elles devraient l’être tout le long de la solution périodique ; nous ne supposerons pas cela non plus.

3o Ou enfin si les dérivées des et de par rapport à étaient toutes nulles à la fois ; alors les valeurs

correspondraient non pas à une solution périodique proprement dite, mais à une position d’équilibre (Cf. no 68).

Nous ne supposerons pas cela non plus.

Nous pouvons donc toujours supposer que tous les mineurs du premier ordre de ne sont pas nuls.

Éliminons alors quatre de nos inconnues et entre les équations (1).

Éliminons par exemple il restera une équation de la forme

cette équation étant tout à fait de même forme que l’équation (5) du numéro précédent se traiterait de la même manière et nous arriverions aux mêmes résultats :

1o Quand des solutions périodiques disparaissent après s’être confondues, il en disparaît toujours un nombre pair et autant de stables que d’instables.

2o Quand une solution périodique perd ou acquiert la stabilité quand on fait varier d’une façon continue (et cela de telle manière que s’annule) on peut être certain qu’au moment du passage une autre solution périodique réelle de même période s’est confondue avec elle.

380.Passons au second cas, celui où

Alors, aucun des exposants caractéristiques ne s’annulant pour

sauf les deux qui sont toujours nuls, il n’existe pas de solution périodique de période se confondant avec la première pour

Mais en revanche, en vertu des principes du Chapitre XXVIII, il existe des solutions périodiques du deuxième genre, de période qui, pour se confondent avec la solution donnée dont la période est

Que dirons-nous de leur stabilité ? Pour nous aurons par exemple une solution stable de période qui deviendra instable pour

Pour soient et le nombre des solutions stables et celui des solutions instables qui admettent la période sans admettre la période Soient et les nombres correspondants pour

Considérant alors toutes les solutions de période qu’elles admettent ou non la période et leur appliquant les principes du no 378, je reconnaîtrai que je puis faire au sujet de ces quatre nombres les trois hypothèses suivantes :

Mais si l’on se reporte aux principes du Chapitre XXVIII on verra que ces quatre nombres ne peuvent pas prendre toutes les valeurs compatibles avec les trois hypothèses. On trouvera au no 335 l’étude des cas les plus simples et les plus fréquents.

Application aux orbites de Darwin.

381.Dans le Tome XXI des Acta mathematica, M. G.-H. Darwin a étudié en détail certaines solutions périodiques. Il se place dans les hypothèses du no 9 et considère une planète troublante qu’il appelle Jupiter et à laquelle il attribue une masse dix fois plus petite que celle du Soleil. Cette planète fictive décrit autour du Soleil une orbite circulaire, et une petite planète troublée de masse nulle se meut dans le plan de cette orbite.

Il a reconnu ainsi l’existence de certaines solutions périodiques qui rentrent dans celles que j’ai appelées de première sorte et dont il a fait une étude détaillée. Ces orbites sont rapportées à des axes mobiles, tournant autour du Soleil avec la même vitesse angulaire que Jupiter ; dans le mouvement relatif par rapport à ces axes mobiles, ces orbites sont des courbes fermées.

La première classe d’orbites périodiques est celle que M. Darwin appelle celle des planètes L’orbite est une courbe fermée entourant le Soleil, mais n’entourant pas Jupiter. L’orbite est stable quand la constante de Jacobi est plus grande que 39 et instable dans le cas contraire. L’instabilité correspond à un exposant caractéristique ayant pour partie imaginaire

Donc pour les valeurs de la constante de Jacobi voisines de 39, il existe des solutions périodiques de deuxième genre dont la période est double.

L’orbite correspondante sera une courbe fermée avec un point double faisant deux fois le tour du Soleil. Les deux boucles de cette courbe sont très peu différentes l’une de l’autre et toutes deux peu différentes d’un cercle.

Nous étudierons plus loin, plus en détail, ces solutions du deuxième genre.

M. Darwin a trouvé également des satellites oscillants qu’il appelle et et qui sont ceux dont nous avons parlé au no 52. Ils sont toujours instables.

Enfin, il a trouvé des satellites proprement dits qui, par rapport au système d’axes mobiles envisagés, décrivent des courbes fermées entourant Jupiter, mais n’entourant pas le Soleil.

Pour C=40 (C est la constante de Jacobi), on n’a qu’un satellite qui est stable. Pour C=39,5, le satellite est devenu instable avec un exposant réel ; mais nous avons deux satellites nouveaux et le second stable, le premier instable avec un exposant réel. Pour C=39, on retrouve le même résultat ; pour C=38,5, le satellite est devenu instable avec un exposant complexe dont la partie imaginaire est enfin, pour C=38, on retrouve le même résultat.

Nous avons donc à envisager trois passages :

1o Le passage du satellite de la stabilité à l’instabilité ;

2o L’apparition des satellites et  ;

3o Le passage du satellite de la stabilité à l’instabilité.

Les deux derniers passages ne soulèvent aucune difficulté.

Nous voyons apparaître simultanément deux solutions périodiques et d’abord très peu différentes l’une de l’autre ; l’une est stable et l’autre instable ; l’exposant pour la solution instable est réel. Tout cela est conforme aux conclusions du no 378.

Le passage de la stabilité à l’instabilité du satellite ne soulève pas non plus de difficulté ; car l’exposant dans le cas de l’instabilité est complexe ; on se trouve donc dans les conditions du no 380. Il existe donc des solutions périodiques du deuxième genre, correspondant à des courbes fermées faisant deux fois le tour de Jupiter.

382.En revanche, le passage du satellite de la stabilité à l’instabilité présente de grandes difficultés puisque dans le cas de l’instabilité, l’exposant est réel. Il devrait donc y avoir, d’après le no 378, échange de stabilité, avec d’autres solutions périodiques correspondant à des courbes fermées faisant une seule fois le tour de Jupiter. C’est ce qui ne parait pas résulter des calculs de Darwin.

On est naturellement conduit à penser que les satellites instables découverts par Darwin ne sont pas la continuation analytique de ses satellites stables.

D’autres considérations conduisent au même résultat.

Les satellites stables ont pour orbites des courbes fermées ordinaires ; les satellites instables ont des orbites en forme de huit.

Comment aurait-on pu passer d’un cas à l’autre ? Ce ne peut être que par une courbe présentant un point de rebroussement ; mais au point de rebroussement la vitesse devrait être nulle, et, par raison de symétrie, ce point de rebroussement ne pourrait se trouver que sur l’axe des il ne peut être entre le Soleil et Jupiter. En effet, dans la fig. 1, Darwin donne les courbes de vitesse nulle ; pour C>40,18, ces courbes coupent l’axe des entre le Soleil et Jupiter ; mais cela n’a plus lieu pour C<40,18 et le passage a lieu entre C=40 et C=39,5.

Il reste l’hypothèse que le point de rebroussement se trouve au delà de Jupiter ; mais celle-là non plus n’est pas satisfaisante. Comparons les deux orbites correspondant à C=40 et à C=39,5 ; la première coupe deux fois l’axe des à angle droit, une fois au delà de Jupiter, une fois en deçà ; soient et les deux points d’intersection ; de même, la seconde orbite, si on laisse de côté le point double, coupe deux fois l’axe des à angle droit, une fois au delà et une fois en deçà de Jupiter ; soient et les deux points d’intersection. Considérons le point d’intersection ou qui est au delà de Jupiter et voyons le signe de nous verrons que pour une orbite comme pour l’autre ce signe est positif. Or aurait dû changer de signe au moment du passage par le point de rebroussement.

Le point le point de rebroussement hypothétique, et le point ne peuvent donc pas être regardés comme la continuation analytique l’un de l’autre. Il faudrait alors supposer qu’à un moment donné, il y a eu échange entre les deux points d’intersection de l’orbite du satellite et de l’axe des celui qui est à droite passant à gauche et inversement. Rien dans l’allure des courbes construites par M. Darwin n’autorise une semblable supposition.

Donc, je conclus que les satellites instables ne sont pas la continuation analytique des satellites stables. Mais alors que sont devenus les satellites stables ?

Sur ce point, je ne puis faire que des hypothèses et, pour pouvoir faire autre chose, il faudrait reprendre les quadratures mécaniques de M. Darwin. Mais si l’on examine l’allure des courbes, il semble qu’à un certain moment l’orbite du satellite a dû passer par Jupiter et qu’ensuite il est devenu ce que M. Darwin appelle un satellite oscillant.

383.Étudions de plus près les planètes et le passage de ces planètes de la stabilité à l’instabilité.

Les orbites de ces planètes correspondent à ce que nous avons appelé solutions périodiques de la première sorte (no 40). L’orbite à point double qui fait deux fois le tour du Soleil et qui diffère peu de celle de la planète au moment où l’orbite de cette planète vient de devenir instable ; cette orbite à point double, dis-je, correspond à ce que nous avons appelé solutions périodiques de la deuxième sorte (47).

Et, en effet, si l’on applique aux solutions de la première sorte le procédé par lequel nous avons déduit les solutions périodiques du deuxième genre de celles du premier genre, on retombe précisément sur les solutions de la deuxième sorte.

Dans les solutions de la deuxième sorte, les moyens mouvements anomalistiques, peu différents des moyens mouvements proprement dits, sont dans un rapport commensurable. Nous devons donc nous attendre à ce que pour notre solution de la deuxième sorte (et, par conséquent, pour la planète au moment du passage de la stabilité à l’instabilité), le rapport des moyens mouvements soit voisin d’un nombre commensurable simple et même ici, puisque l’orbite doit faire deux fois le tour du Soleil, il sera voisin d’un multiple de

En d’autres termes, au moment du passage, la quantité que M. Darwin appelle doit être voisine d’un multiple de

C’est, en effet, ce qui arrive ; les tableaux de M. Darwin nous donnent

C = 40 stable, = 154°,
C = 39,5 stable, = 165°,
C = 39 instable, = 177°,
C = 38,5 instable, = 191°.

On voit que le passage a dû se faire environ pour 170°, et ce nombre est voisin de 180°.

Le moyen mouvement de la planète est donc à peu près trois fois celui de Jupiter.

On pourrait songer à appliquer à l’étude de ces solutions de la deuxième sorte les principes du Chapitre XXX ; mais on rencontrerait des difficultés parce qu’on se trouve dans un cas d’exception. Il vaut mieux reprendre cette étude directement.

384.Reprenons les notations du no 313 et posons, comme dans ce numéro

La quantité doit être de même signe que (Cf. p. 200, in fine) et l’excentricité très petite ; comme est de l’ordre du carré de l’excentricité, cette variable sera également très petite.

Comme il ne s’agit que de déterminer le nombre des solutions périodiques et leur stabilité, nous pouvons nous contenter d’une approximation.

Nous négligerons donc et les termes suivants. Dans le terme nous ne tiendrons compte que des termes séculaires et des termes à très longue période et nous négligerons, en outre, les puissances supérieures de Nous aurons ainsi

sont des fonctions de seulement et où est le terme à très longue période conservé.

Les termes à très longue période sont les termes en c’est-à-dire les termes en nous avons donc

Il vient alors

et nous pouvons appliquer la méthode de Delaunay.

Les équations canoniques admettent l’intégrale

d’où

Avec l’approximation adoptée, nous pouvons remplacer par

en désignant par ce que deviennent quand on y remplace par

Ainsi

désignent des constantes dépendant de et nous avons

Regardons comme une constante ; comme les coordonnées rectangulaires d’un point dans un plan et construisons la courbe

désignant une seconde constante.

Cette courbe dépend ainsi des deux constantes et Si elle présente un point double, ce point- double correspondra à une solution périodique, qui sera stable si les deux tangentes au point double sont imaginaires, et instable si les deux tangentes sont réelles.

Observons que la courbe est symétrique par rapport aux deux axes de coordonnées et que deux points doubles symétriques l’un de l’autre par rapport à l’origine ne correspondent pas à deux solutions périodiques véritablement distinctes.

Les points doubles ne peuvent se trouver que sur l’un des axes de coordonnées, de telle sorte qu’on les trouvera tous en faisant

Si l’on fait

la courbe passe par l’origine et y présente un point double. Les tangentes au point double sont données par l’équation

Si donc

(1)

les tangentes sont imaginaires. Si

(2)

les tangentes sont réelles. Si enfin

(3)

les tangentes sont de nouveau imaginaires.

Le coefficient est positif ; j’ai écrit les inégalités précédentes en supposant aussi positif. Si était négatif, on n’aurait d’ailleurs qu’à changer en

Le point double à l’origine correspond à la solution de la première sorte, c’est-à-dire à la planète de M. Darwin. On voit que cette solution est stable quand les inégalités (1) ou (3) ont lieu et instable quand les inégalités (2) ont lieu.

Étudions maintenant les points doubles qui peuvent se trouver sur la droite

Si l’on fait la fonction devient

(4)

Si, laissant constant, on fait varier depuis jusqu’à on voit que les maxima et minima de sont donnés par l’équation

(5)

laquelle admet une solution si l’inégalité (3) a lieu et n’en admet pas dans le cas contraire.

Si donc l’inégalité (3) n’a pas lieu, la fonction est constamment décroissante si elle a lieu ; la fonction d’abord croissante atteint un maximum et décroît ensuite.

Ce maximum correspond à un point double situé sur la droite ou plutôt à deux points doubles symétriques par rapport à l’origine.

Mais il nous faut chercher combien nous trouvons de ces points doubles pour une valeur donnée de la constante l’équation (5) nous donne en fonction de il faut en déduire en fonction de

Or les équations (4) et (5) peuvent s’écrire

d’où

Or on a, en négligeant les termes en

d’où

d’où

d’où il résulte que est une fonction constamment décroissante de

Donc pour une valeur de nous avons seulement au plus un maximum, c’est-à-dire que nous avons au plus deux points doubles symétriques l’un de l’autre par rapport à l’origine sur la droite

Soit donc la valeur de qui satisfait à la double égalité

nous verrons que, pour il n’y aura pas de point double sur la droite et que, pour il y en aura deux.

La même discussion est applicable au cas des points doubles situés sur la droite Les valeurs de seront données par l’équation

(5 bis)

laquelle admet une solution si les inégalités (2) ou (3) ont lieu.

Si alors est la valeur de qui satisfait à la double égalité

la condition pour qu’il existe deux points doubles sur la droite

c’est que

Nous remarquerons que que est la valeur de pour laquelle on passe de l’inégalité (2) à l’inégalité (3) et que est celle pour laquelle on passe de l’inégalité (1) à l’inégalité (2).

D’ailleurs en construisant les courbes, on reconnaît aisément que pour les points doubles situés sur les tangentes sont réelles et que, pour les points doubles situés sur elles sont imaginaires.

Nous pouvons donc résumer nos résultats comme il suit :

Premier cas

L’inégalité (1) a lieu.

La solution de la première sorte (planète ) est stable.

Il n’y a pas de solution de la deuxième sorte (orbite à point double).

Deuxième cas

Les inégalités (2) ont lieu.

La solution de la première sorte est devenue instable. Il y a une solution de la deuxième sorte qui est stable.

Troisième cas

L’inégalité (3) a lieu.

La solution de la première sorte est redevenue stable.

Il y a deux solutions de la deuxième sorte, l’une stable et l’autre instable : la première correspondant aux deux points doubles situés sur la droite et la seconde aux deux points doubles situés sur la droite

Ces conclusions sont vraies pourvu que soit suffisamment petit ; la valeur adoptée par M. Darwin, est-elle suffisamment petite ?

Je ne l’ai pas vérifié, mais cela semble très probable.

Il est donc vraisemblable que, si M. Darwin avait continué l’étude des planètes pour des valeurs de plus petites que 38, il aurait retrouvé des orbites stables.

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