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Lettres à Herzen et Ogareff/Projet de l'Avis

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Lettres à Herzen et Ogareff
Projet de l'«Avis »



PROJET DE L’« AVIS »[1]


Je déclare par la présente avoir transmis à Nétchaïeff directement et personnellement la totalité de la somme composant la caisse des « fonds » dits Bakhmétieff, pour qu’il la remette au Comité russe, dont Nétchaïeff était le mandataire à l’étranger, d’après ses affirmations et les documents dont il était porteur.

Bakounine n’était investi d’aucun droit de disposer des sommes constituant les « fonds Bakhmétieff ». Ce droit appartenait exclusivement à Herzen et à moi ; et, après la mort de Herzen, à moi seul. Par conséquent, Bakounine n’a pas assisté à la procédure de la remise de ce capital à Nétchaieff, effectuée par moi seul, en présence de Natalia Alexandrovna Herzen. Cependant j’ai fait dans cette occasion une très grande omission : ayant une confiance absolue en la foi révolutionnaire de Netchaïeff, je ne lui ai pas demandé de me faire un reçu. Ce n’est que plus tard, lorsque mon opinion sur Nétchaïeff fut ébranlée, que j’ai exigé de lui un reçu en présence de Bakounine, de O—ff, de R-s et de Semène Serebrennikoff. Nétchaïeff, tout en reconnaissant d’avoir reçu de moi les « fonds Bakhmétieff », se refusa, néanmoins, de me délivrer le reçu que je lui demandais, sous prétexte que le Comité russe n’a pas l’habitude de procéder ainsi. Cette attitude malhonnête de Nétchaïeff ne fit que me confirmer entièrement dans la pensée que l’équité morale lui était inconnue.

La part que Bakounine avait prise dans cette affaire était celle-ci. Après la mort de Herzen, il me persuada de remettre à Nétchaïeff, en sa qualité de mandataire du Comité en Russie et comme au représentant unique, à l’étranger, de la cause révolutionnaire russe, la totalité de la somme du capital Bakhmétieff. D’ailleurs, il n’eut pas grand’peine à me persuader d’agir ainsi, car, de même que Bakounine, j’avais foi dans l’existence et le caractère sérieux de ce Comité et tous les deux nous avons considéré Nétchaïeff comme son principal représentant à l’étranger.

Je déclare cette déposition conforme à la vérité en y apposant ma signature.


N. Og.


Témoins oculaires :

Zaitzeff,
O— ff
J—i, s’il veut


Nota. — Sur l’original de Bakounine, les initiales N. Og. sont effacées ; en face signé par Ogareff : « Nicolas Ogareff ». Il n’y a rien d’écrit en face des noms des témoins.

Nous devons observer à propos de Nétchaïeff que nous avons pu constater une antipathie générale pour sa personne dans tous les cercles de l’émigration russe avec lesquels nous avons fait connaissance à Zurich, en 1873 et à Genève, en 1876. On nous avait affirmé même, qu’il serait facile d’enlever Nétchaïeff aux quelques agents de la police qui le conduisirent à la gare, disant que ceux-ci n’opposeraient pas beaucoup de résistance à cette tentative ; ce n’est que l’antipathie pour l’homme lui-même qui empêcha de le tenter. En effet, les protestations des réfugiés russes contre son extradition, dans lesquelles ils attribuèrent à l’assassinat d’Ivanoff[2] le caractère d’un crime politique, en désignant Ivanoff comme un mouchard, furent signées par un grand nombre de personnes, contrairement à leur conviction. Nous tenons de plusieurs de ces signataires l’affirmation que Ivanoff n’était nullement un mouchard. La première chose que les réfugiés russes résidant à Zurich s’empressèrent de faire après l’arrestation de Nétchaïeff fut de s’emparer de ses papiers et de détruire tous les documents compromettants vis-à-vis du gouvernement et de l’opinion publique[3]. Parmi ces paperasses se trouvait, dit-on, l’engagement de Bakounine, donné par écrit à Nétchaïeff, de se soumettre en tout aux ordres de celui-ci, comme représentant du Comité révolutionnaire russe, même dans le cas où Nétchaïeff lui eût commandé de faire de faux billets de banque. En signe d’abnégation complète de sa propre personnalité, il avait signé ce papier d’un nom féminin, Matrena, si nous ne nous trompons pas. Assurément, Bakounine n’eût jamais consenti à faire de faux billets de banque, mais cette promesse devait servir d’encouragement aux adeptes moins soumis, qui, selon la coutume jésuitique, devaient perinde ad codover entre les mains des chefs (Drag.).


  1. Ce titre est écrit de la main de Bakounine (Drag.).
  2. Étudiant, perfidement assassiné par Netchaïeff (Trad).
  3. Dans ses « Mémoires sur Nétchaïef », publiées dans le « Messager de la Volonté du peuple ». par Z. R., l’auteur dit qu’après son arrestation ses papiers furent examinés par MM. Z. R., Sajine et L.-off. Où sont-ils actuellement ? (Drag.).