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Lettres à la princesse/Lettre179

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Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 246-248).

CLXXIX

Ce 27 novembre 1866.
Princesse,

J’apprends les détails sur cette fin de l’aimable et charmant artiste notre ami.

Il avait un emphysème du poumon (enflure du tissu cellulaire) qui produisait une oppression continue. Il était si affaibli, que, ayant voulu, il y a quelque temps, aller consulter un docteur (Éd. Fournier) spécial sur les maladies du larynx, il avait pu à peine revenir à Auteuil en voiture, et que, dans un café du boulevard, chez Durand, où il s’était arrêté un moment, chacun le regardait avec inquiétude. Il n’avait d’ailleurs nulle altération dans son humeur et gardait sa douce ironie. Le docteur Veyne (un ami), ayant des craintes, adressa à son fils un télégramme à Marseille. Le jeune homme arriva le vendredi matin. C’est le soir que Gavarni s’est comme endormi et s’est éteint. Il n’avait pas de douleurs et n’accusait que du malaise. La machine ne fonctionnait plus. Sa femme est arrivée le soir et a voulu le veiller seule la nuit, — lui mort, — et elle a renvoyé les domestiques et les témoins pour cette veille funèbre. — Il avait d’ailleurs depuis quelque temps une situation arrangée : plus de dettes, une partie encore de terrains. Un procès avec Hetzel était arrangé. On a trouvé chez lui huit mille francs en billets ; ses papiers très en ordre, surtout ses papiers de mathématiques. — Enfin, il a pu sourire encore tristement à la vie, — jusqu’à son dernier moment.

À demain, Princesse. J’ai été, ces temps-ci, fort retenu par mes petites indispositions et fatigues. Daignez m’excuser et agréer, Princesse, l’hommage de mon tendre et inviolable attachement.


On a pu mouler le crâne et la face ; on fera son buste.