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Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne/Lettres/Impératrice/En 1790

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Vienne, en 1790.


M A D A M E,


JE ne suis pas plus content que de raison de la lettre de Votre Majesté Impériale, sur une indiscrétion prétendue : ce reproche qu’elle me fait revient un peu trop souvent. Il ne faut pas bouder un homme qui n’a pas quatre cent mille hommes à lui envoyer pour s’expliquer.

Un jour un de nos très-amiables roués, le Baron de Bezenval, qui s’étoit enivré avec M. le Duc d’Orléans le père, mettoit le feu à son escalier à Bagnolet. Celui-ci voulut l’en empêcher : — Voilà ce que c’est que les Princes, dit-il ; ils sont toujours Princes, on ne peut pas jouer avec eux. —

Mais moi, Madame, je n’ai rien brûlé ; je me suis laisse aller, apparemment sans le savoir, au plaisir de laisser admirer vos lettres par-dessus mon épaule.

Cependant, Madame, j’en suis désolé si cela déplaît à Votre Majesté Impériale. Ce n’est pourtant pas au grand homme que je demande pardon, c’est à une grande Impératrice : quelle épigramme ! Votre Majesté me la pardonne-t-elle ? N’importe, je me suis vengé ; et me voilà encore à ses pieds avec tout mon fanatisme pour Catherine-le-Grand.