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Mélanges historiques/13/01

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II  ►


Papineau et son temps

I

Le nom de Papineau est répandu, depuis trois ou quatre siècles, dans le Poitou et dans les environs de La Rochelle. L’histoire du commerce de cette dernière ville renferme la mention de plusieurs membres de cette famille qui exerçait une forte influence dans les affaires de la région.

La lignée d’où est sorti l’honorable Louis-Joseph Papineau commence au Canada par Samuel Papineau dit Montigny, né en 1670 dans la ville de Montigny, près Bordeaux, en Poitou, fils de Samuel Papineau et de Marie Delain. Il était arrivé au pays en qualité de soldat. Il s’établit à la Rivière-des-Prairies, au nord de Montréal, où, le 6 juin 1704,[1] il épousa Catherine, fille d’Adrien Quevillon, cordier, né en 1641 et mort avant 1697, de Rouen, et de Jeanne Hunault. Agée de vingt-cinq ans au recensement de Montréal en 1681, cette dernière était fille de Toussaint.

Catherine Quevillon avait été baptisée à la Pointe-aux-Trembles de Montréal, le 14 mars 1686, au moment où la guerre des Iroquois recommençait. En 1689, elle fut enlevée par ces Sauvages, avec l’une de ses sœurs âgée de sept ans qui fut brûlée. Après plusieurs années, Catherine, ayant été rachetée par les Français, rentra dans sa famille. Mariée à Montréal, le 30 juillet 1703 avec Guillaume Lacombe dit Saint-Amant, elle devint veuve peu après et épousa Samuel Papineau.

Le ménage Papineau fit baptiser neuf enfants à Montréal de 1705 à 1727 : Marguerite, Catherine, Louise, François, Pierre, Jean-Baptiste, Joseph, Michel, Louis. Samuel Papineau fut inhumé au Sault-au-Récollet le 23 avril 1737. Sa veuve se remaria avec Jacques Daniel, au Sault-au-Récollet, le 3 avril 1742. En quatrième noces, elle épousa Jean-Baptiste de Verac, le 18 février 1754.

Les neuf enfants de Samuel Papineau se sont mariés et leur descendance est nombreuse.

Joseph, né le 19 mars 1719, épousa le 17 février 1749 Josette Beaudry à la Longue-Pointe, et s’établit à Montréal où, en 1763, il tenait une boutique de tonnelier sur la rue Bonsecours, coin Saint-Paul. C’est là qu’il mourut le 8 septembre 1785.

Joseph, son fils, né à Montréal le 16 octobre 1752, fut notaire ; il épousa, à Montréal, le 23 août 1779, Rosalie Cherrier. Nous parlerons de sa carrière politique.

Louis-Joseph, fils de ce dernier, naquit à Montréal le 7 et fut baptisé le 10 octobre 1786 (et non pas 1789). Il épousa, le 29 avril 1818, Julie Bruneau, de Québec.[2]

Ces deux derniers furent des hommes remarquables.

Joseph, né en 1752, étudia au séminaire tenu par les Sulpiciens de Montréal[3] et s’y distingua par la facilité avec laquelle il apprenait ce qu’on lui enseignait.

Le bureau de M. Delisle, dans lequel il fit sa cléricature,[4] était le rendez-vous des hommes qui s’occupaient de politique, bien que ce mot n’eût à peu près aucun cours à cette époque. On demandait des réformes. Tout le gouvernement était compris dans la personne du gouverneur et, bien que le général Guy Carleton fût un brave garçon, un habile administrateur, un bon ami des Canadiens, cela ne garantissait pas le régime qu’il plairait à son successeur de nous faire suivre. Les gens intelligents causaient de la situation et le jeune Joseph Papineau écoutait, sans se douter que vingt ans plus tard il représenterait les intérêts de ses compatriotes et que son fils Louis-Joseph livrerait pour eux des combats oratoires dont retentiraient tous les échos du pays.

Le 20 juillet 1773, Joseph Papineau était reçu arpenteur breveté et le 19 juillet 1780 il devenait notaire. La maison de Saint-Sulpice lui donna sa clientèle.

Dès l’année 1776, il eut occasion de manifester ses sentiments de patriotisme. L’armée américaine occupait Montréal et le reste de la contrée jusqu’à Québec. La vieille forteresse était assiégée ; mais, défendue par la milice canadienne, elle tenait bon en attendant des nouvelles d’Angleterre. Il n’y avait pas plus d’un régiment dans tout le Canada. Un navire arriva sur les côtes de Boston en janvier et livra des dépêches qu’un messager secret apporta à Montréal. Pour transmettre ces papiers à Québec, où le général Guy Carleton était enfermé par les troupes américaines, il fallait courir des risques très sérieux, sans compter que l’on n’était nullement certain de réussir. Joseph Papineau s’offrit, avec un compagnon nommé Lamothe, qui a laissé une belle famille parmi nous. Le fils de Lamothe rendit des services signalés durant et après la bataille de Chateauguay en 1813.

Les deux Canadiens se mirent en route à pied, par la rive sud du Saint-Laurent et, de presbytère en presbytère, ils atteignirent la pointe Lévis. L’histoire des tentatives qu’ils firent pour traverser le fleuve sans être vus des sentinelles et des patrouilles américaines fait penser aux ruses des trappeurs de Fenimore Cooper.

Un jour, ils mirent leurs chemises blanches par-dessus leurs habits et se couvrirent la tête de tuques blanches ; dans cet accoutrement ils marchaient à quatre pattes, se cachant le plus possible derrière les blocs de glace qui formaient çà et là des ondulations sur la traverse du fleuve. Rendus près de la ville, les sentinelles canadiennes les prirent pour des ours blancs ou quelque chose de ce genre et voulurent leur envoyer du plomb. Par bonheur, ils se firent reconnaître à temps, et bientôt après le gouverneur recevait les précieuses lettres qui annonçaient de grands secours dès l’ouverture de la navigation. Là-dessus, les miliciens firent la promesse de tenir bon jusqu’à l’arrivée de la flotte, et l’on sait qu’ils ne reculèrent pas.

Papineau et Lamothe, ne voulant pas se faire pendre par les Américains en retournant chez eux, devinrent soldats de la garnison de Québec dans la compagnie du capitaine Marcoux et ne rentrèrent à Montréal qu’après le départ des troupes étrangères du Canada.[5]

M. Delisle fut chargé en 1783 d’aller en Angleterre, avec deux autres délégués, demander une constitution pour la colonie.[6] C’était l’époque où Pierre Ducalvet, sortant des prisons de Québec, publiait à Londres un livre intitulé Appel à la justice, et réclamait le gouvernement responsable pour le Bas-Canada.

Jusque-là, Joseph Papineau avait travaillé à s’instruire et il savait parfaitement quelle différence il y a entre un gouvernement absolu, comme celui de la monarchie française, et un État constitutionnel comme l’Angleterre. En un mot, il était armé pour l’avenir et avait réfléchi sur la conduite qu’il devait tenir si jamais il entrait dans la vie publique. De 1783 à 1790, il employa toute son influence pour décider ses compatriotes à signer les pétitions qui furent envoyées en Angleterre, dans lesquelles on demandait une chambre élective et, au nom des Canadiens, des droits égaux à ceux des Anglais. C’est alors que son talent oratoire se révéla.

Aux élections de 1792, les premières qui eurent lieu en ce pays, il devint député du comté de Montréal-Est. En 1796, il représenta Montréal-Ouest avec Denis-Benjamin Viger, et en 1800 le comté de Montréal-Est l’élit de nouveau.

Dès les premières séances de 1792 il prit place à la tête de la chambre d’assemblée par la justesse de ses vues, l’éloquence de sa parole et, mérite très appréciable, l’art de procéder avec ordre et de profiter de toutes les chances qui s’offrent dans un débat. Il fut le principal champion des Canadiens et dépassa Pierre Bédard aussi bien que Chartier de Lotbinière, deux hommes de grande valeur cependant. Joseph Papineau était né en 1752 et Pierre Bédard en 1763. Tous deux disparurent de la vie parlementaire presque en même temps.

La taille imposante, le geste sobre et bien calculé, la voix sonore, une figure aux grands traits et pleine de vie, le flot des paroles coulant comme l’eau d’une source, rendaient Joseph Papineau admirable, et ses adversaires eux-mêmes faisaient son éloge. Il avait l’estime de tout le monde. Sa vie privée en faisait un modèle du citoyen utile et respectable.

Aux élections de 1800, il refusa de se porter candidat parce qu’il voulait consacrer son temps et ses ressources à l’éducation de ses enfants, les députés n’étant pas indemnisés pour leurs services. Il fut élu quand même, mais n’ayant assisté ni à la session de 1802 ni à celle de 1803, la chambre ordonna au sergent d’armes de le faire comparaître. Le 4 mars 1803, il parut à la barre de l’assemblée législative et supplia ses collègues de l’exempter de siéger, ce qui lui fut accordé après un assez long débat.

Lorsque la chambre fut dissoute, en 1804, il ne voulut pas y rentrer cette fois encore, à cause de l’état de ses affaires personnelles, qu’il avait négligées pour servir le public.[7] Mais en 1810, voyant que le gouverneur James Craig était déterminé à écraser les Canadiens, il se fit élire à Montréal-Est, et reprit la direction qu’il avait eue autrefois. Toutes les difficultés paraissant aplanies en 1814, il se retira définitivement et vécut encore de longues années entouré du respect universel.

La seigneurie de la Petite-Nation avait été concédée à Mgr de Laval le 27 novembre 1674, mais était restée en bois debout jusqu’à 1802, alors que Joseph Papineau l’acheta du séminaire de Québec.[8] On a prétendu que c’était l’une des plus anciennes seigneuries du Canada, mais au contraire c’est la plus récente. Les deux Papineau y travaillèrent pour s’en faire un gagne-pain et vraiment, avant 1850, elle ne rapportait guère, de sorte que Joseph Papineau mourant à Montréal le 8 juillet 1841, n’en avait encore tiré que peu de chose. Il s’y était établi, en 1810,[9] et commença à y attirer des colons de sa race. Il était le seul Français fixé sur l’Ottawa ; car les Irlandais n’apparurent dans cette région qu’à l’ouverture des exploitations de bois en 1812, et se portèrent tout d’abord au fort Coulonges, où les Canadiens ne tardèrent pas à les suivre.

Montebello est la plus ancienne paroisse du diocèse d’Ottawa. Les archives de la mission de Notre-Dame-de-Bonsecours (seigneurie de la Petite-Nation) remontent à 1815. Un prêtre de la maison des Sulpiciens d’Oka allait y desservir les rares Canadiens groupés autour de Joseph Papineau. Mais ce n’est qu’en 1855, cependant, que Montebello prendra quelqu’importance. Louis-Joseph Papineau écrivait au mois de mai 1855 à son ami Robert Christie lui exposant le plan qu’il a formé de fonder un village : « J’ai acheté une terre voisine qui gâtait ma vue parce qu’elle était mal tenue. Je me suis résolu d’y avoir un village ; je me suis fait arpenteur pour le tracer en rues larges de soixante pieds, bordées d’arbres, obligeant les acheteurs à en garnir le front des lots que je vends. Chaque rue portera le nom des arbres… avenue des Ormes, rue des Cèdres… J’ai obtenu de la fabrique des terrains adjoignants, à la charge de lui bâtir maison et chapelle. Je me suis décidé à me bâtir une haute tour, détachée de la maison, mais assez rapprochée pour qu’à distance elle en paraîtra comme une aîle. Je la fais à l’abri du feu pour mettre à couvert de ce risque mes chers livres et le grand nombre de contrats et de papiers, à la conservation desquels tant de familles peuvent être intéressées dans la seigneurie. J’ai commencé force défrichements, clôtures, ponts et chemins. J’ai attiré quelqu’un à bâtir un moulin à carder, dans le village, sur le joli ruisseau du domaine. Toutes ces diverses entreprises sont en plein progrès. J’y suis nécessairement dans un mouvement perpétuel, dirigeant les travaux les plus divers, de cinq heures du matin à sept heures du soir. Oh ! j’oubliais — j’ai fait planter 150 pommiers et un plus grand nombre d’arbres d’ornement… »

Louis-Joseph, qui fut admis avocat le 9 mai 1810, était entré au parlement dès 1808, comme représentant du comté de Chambly (Kent), et depuis lors jusqu’à 1834 il s’est fait élire dix fois.[10] On raconte qu’il se contenta durant les sessions de 1808 et de 1809 de suivre avec attention les pratiques et usages de la chambre d’assemblée, afin de se mettre au courant de ce mécanisme assez compliqué et qu’il faut absolument connaître si l’on veut prendre part aux travaux des législateurs.

En 1810, son père, reprenant la place qu’il avait occupée avec tant d’éclat l’espace de douze ans, n’avait pas encore ouvert la bouche lorsque le fils se leva pour faire une observation au sujet d’un projet de loi soumis à la chambre. On lui répondit de manière à rebuter un jeune homme ordinaire, mais le lion sentit la piqûre ; il attaqua le bill sous toutes ses faces, le démolit et termina en proposant sur le même sujet une mesure préparée par lui et qui passa comme une lettre à la poste.

En sortant de cette séance, Joseph Papineau, père, dit aux membres qui l’accompagnaient :

— Qu’avais-je besoin de me faire réélire ! Vous avez dans celui-là mieux que moi.

On voulut savoir de Louis-Joseph Papineau où il avait appris le métier de la parole. Sa réponse devrait être méditée par tous ceux qui se destinent à la vie publique :

— Je me suis exercé dans notre petit cercle littéraire de Québec.

C’était pourtant une réunion bien humble que cette académie d’écoliers, mais il en est sorti sept ou huit hommes brillants qui n’auraient pu se former ailleurs que là et dont la carrière a dépendu de cette heureuse circonstance.

De Gaspé, condisciple de Louis-Joseph Papineau, dit que la renommée du jeune Papineau « l’avait précédé avant même son entrée au séminaire de Québec. Tout faisait présager, dès lors, une carrière brillante à cet enfant précoce, passionné pour la lecture, et dont l’esprit était déjà plus orné que celui de la plupart des élèves qui achevaient leur cours d’études. Il jouait rarement avec les enfants de son âge, mais lisait pendant une partie des récréations, faisait une partie de dames, d’échecs, ou s’entretenait de littérature, soit avec ses maîtres, soit avec les écoliers des classes supérieures à la sienne. L’opinion générale était qu’il aurait été constamment à la tête de ses classes, s’il n’eût préféré la lecture à l’étude de la langue latine ».

Remarquons que Louis-Joseph Papineau a fait son éducation au séminaire de Québec.[11] Toutefois sa famille demeurait à Montréal ; comme la législature siégeait à Québec, le père et le fils avaient souvent l’occasion de se trouver ensemble. On peut dire que le fils était élevé dans l’atmosphère politique, au milieu d’hommes qui se nommaient Bédard, Chartier de Lotbinière, Borgia, Debartzch, Neilson, Papineau, le seul groupe, dans le monde entier, qui possédât la juste conception de la manière d’administrer les colonies à cette époque.

La question coloniale, telle qu’on la comprenait il y a un siècle et plus, est très peu connue de nos jours, du moins en Amérique, car l’Europe est encore encroûtée dans les idées du temps de Christophe Colomb et elle nourrit ces faux principes avec une persistance inconcevable. Le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne, Écosse et Irlande, était de beaucoup en avant de toute l’Europe dans l’art de se gouverner ; cependant, il était comme toute l’Europe dans l’ornière des préjugés dès qu’il s’agissait des colonies.

Les Canadiens du temps de Louis XIV n’avaient aucun désir de se gouverner eux-mêmes, ayant toujours été soumis au régime de la monarchie absolue, où le roi est propriétaire de tout. Il nous venait de France une dizaine de fonctionnaires qui faisaient la pluie et le beau temps, puis on les remplaçait par d’autres, et plus on changeait le personnel, plus c’était la même chose.

Le système anglais que l’on nous imposa tout d’abord ne différait guère de celui des Français ; par conséquent les Canadiens ne virent rien de neuf dans l’administration nouvelle, sinon le côté commercial.[12]

Vers 1768, il y avait à Montréal et à Québec quelques Anglais que cet état de bêtes de somme mécontentait, vu qu’ils étaient habitués en Angleterre à prendre connaissance des affaires publiques. De là naquit chez quelques-uns des nôtres la pensée des réformes ; et j’ai déjà dit que M. Delisle s’entourait d’amis qui discutaient la situation. En peu de temps ces Canadiens d’élite comprirent le vice de tous les systèmes coloniaux et entreprirent d’y porter remède, en ce qui concernait le Canada.

Les Espagnols, les Portugais, les Français, les Hollandais et après eux les Anglais, découvrirent autrefois des terres lointaines, y construisirent quelques cahutes et y logèrent une poignée de fonctionnaires pour exploiter les produits naturels du pays. Si, par hasard, un certain nombre de familles s’établissaient autour de cette colonie officielle et artificielle, il fallait les administrer au bout de la fourche et ne leur accorder aucune indépendance, puisque le principe fondamental de la colonie était l’exploitation de la forêt, du sol et des gens par le gouvernement de la mère-patrie. En dehors de cette mesure, pas de salut, pas d’espérance, rien ! Est-il étonnant que les colons ne comprissent pas leur situation abjecte ? Ils étaient dressés à cette école et ne songeaient pas même à en sortir. Espagnols, Portugais, Français, Hollandais sont encore dans cet état pitoyable.

Voilà cent cinquante ans révolus que les Canadiens ont fait entendre des revendications et, depuis ce moment-là jusqu’à présent, ils ont sans cesse gagné du terrain dans l’ordre des libertés politiques ; aussi l’histoire de nos grands hommes sur la scène parlementaire est-elle à la fois unique et admirable.

Le parlement de Londres adopta en 1774 une loi qui autorisait le gouverneur du Canada à s’entourer d’une vingtaine de conseillers pris dans la colonie et nommés par lui.

Le conseil de Québec, qui existait du temps des Français, ressemblait sur presque tous les points à celui de 1774. Nous étions en progrès en ce sens que, de 1760 à 1774, nous n’avions pas eu de conseil du tout, mais deux excellents gouverneurs : Murray et Carleton ;[13] en le rétablissant nous faisions un pas vers le « self-government », un pas de coq.

L’agitation de Delisle, Powell, Adhémar, Ducalvet, Papineau, de 1780 à 1790, portait, nous l’avons dit, sur la nécessité d’avoir une chambre élue par le peuple.[14] Lorsque nos pétitions arrivaient au pied du trône, les ministres avaient le cœur gonflé de chagrin. « Ces pauvres colons, disaient-ils, sont des enfants qui demandent à jouer avec des armes dangereuses ; il faut les détourner de ce projet, car nous ne voulons que leur bien-être. » Et, en effet, ils étaient tous enclins à se conduire envers nous comme de bons pères de famille ; seulement, ces sortes de pères ne donnent pas d’ordinaire une éducation pratique à leurs fils.

La preuve de la candeur des ministres de George III est tellement facile à faire que je ne comprends pas les écrivains d’à présent qui les qualifient de tyranneaux et de despotes. Ces écrivains s’imaginent que, en 1780, en Europe, on pensait comme l’on pense en Amérique aujourd’hui.

Mettez la France à la place de l’Angleterre en 1780, et figurez-vous comment nos pétitions auraient été reçues ! On aurait d’abord promulgué un édit royal contre l’esprit de révolte et proféré des menaces terribles contre les chefs de la « conspiration ». Puis des surveillances, des actes de contrainte, des abus de pouvoir à tout moment pour lasser le courage des « patriotes » ; car le mot patriote était en horreur au roi et à sa cour. En Espagne, en Portugal, même situation. Le temps a beau s’écouler, l’exemple du Canada et de quelques autres colonies anglaises ne fait pas ouvrir les yeux aux gouvernements de l’Europe. Ceux-ci ne sont pas même aussi avancés que l’était le cabinet de Saint-James en 1770, alors que nous le regardions comme infiniment arriéré.

À force d’entendre bourdonner à ses oreilles les plaintes des Canadiens, William Pitt présenta en 1791 un bill qui accordait au Canada un régime, copié sur la constitution anglaise, affirmait-il, — et il croyait que c’était une vraie copie, sauf de légères variantes que nous allons examiner. On nous donnait un conseil exécutif et un conseil législatif, nommés par la couronne ; plus une assemblée législative élue par le peuple.

En Angleterre, le conseil exécutif ou ministère est choisi par les Communes ou assemblée législative, responsable à cette assemblée et ne tient son existence que d’elle. Au Canada, l’assemblée n’avait aucune prise sur les ministres.

En Angleterre, le conseil législatif ou chambre des lords est formé par droit d’hérédité et se compose des premières familles du pays sous le rapport de la richesse et des influences de tous genres. Au Canada, ce conseil ne pouvait se recruter que dans une classe de pauvres gens et il ne représentait que les favoris du pouvoir.

En Angleterre, un employé du gouvernement ne peut avoir de siège dans aucune des chambres. Au Canada, ces fonctionnaires étaient admis partout et votaient comme les autres membres des chambres.

En Angleterre, les ministres nommés par les chambres soumettaient le budget aux Communes et les dépenses étaient expliquées item par item afin d’être votées en détail, en parfaite connaissance de cause. Au Canada, le conseil exécutif, indépendant de l’assemblée législative ou populaire, envoyait à celle-ci une liste des dépenses requises, arrangées sous quatre ou cinq titres en bloc, et encore cette liste ne couvrait-elle que le tiers des besoins de l’année. Si la chambre acceptait, très bien ; si elle refusait, c’était pareil, on prenait à même le trésor.

Voilà la constitution qui passait pour être une copie de celle de la Grande-Bretagne. Elle était bien imparfaite, et pourtant jamais rien de pareil n’avait été octroyé aux colonies par aucune puissance. Pitt pouvait se proclamer avec raison le plus libéral des ministres et des rois présents et passés.

Il y avait dans la colonie, comme en Angleterre, un parti ancré dans la vieille école européenne qui maudissait l’œuvre de Pitt, parce que l’on pensait que les Canadiens allaient pouvoir en profiter pour se faire entendre en haut lieu. Ce parti se qualifia lui-même d’« anglais ». Par contre, le parti de Joseph Papineau et de Pierre Bédard s’appela « canadien ».

Les Anglais commencèrent à manifester leur dépit et leur mécontentement lorsque l’on vit les Canadiens élire des Canadiens, ou encore des Anglais décidés à suivre Papineau. Ils ne se gênaient pas de dire que le devoir des habitants était d’envoyer en chambre des Anglais, autant qu’ils en pourraient trouver, mais du parti « anglais ».

Sur cette base insolente et injuste il n’y avait pas moyen de s’entendre, de sorte que l’assemblée législative se composait de quarante-quatre membres marchant ensemble et six soutenant les prétentions de l’oligarchie. Ajoutons que le conseil législatif supportait cette petite poignée d’autoritaires ; que le conseil exécutif était composé de leurs créatures, et que les instructions venues d’Angleterre, de temps à autre, leur donnaient raison à tous.

Le parti anglais partait de ce principe : 1o une colonie ne doit avoir que le moins de liberté possible ; 2o s’il faut relâcher les rênes, plaçons cette liberté entre les mains des Anglais, attendu que les Canadiens sont incapables de se gouverner eux-mêmes.

Et ces jolis principes étaient débités avec sentiment, dans notre intérêt. On ne nous disait pas : « Vous voyez combien je vous aime », mais c’était tout proche d’une déclaration d’amour.

Les ministres de Londres avaient nommé Caldwell receveur-général du Canada, et celui-ci n’avait de compte à rendre à personne dans la colonie. On sut, par la suite, qu’il n’en rendait pas davantage à Londres. Lorsque le gouverneur ou le conseil exécutif avait des dépenses à couvrir, on donnait un bon à Caldwell et tout était dit.

Vers 1818, Louis-Joseph Papineau voulut connaître les registres du receveur, mais on se montra surpris et on s’écria : « Vous êtes bien curieux ! » Il insista. Pour le coup on lui dit qu’il manquait de respect à Sa Majesté, de qui Caldwell tenait sa place. Bref, de 1792 à 1830 et même plus tard, ce fut un mystère que la question des finances ; la chambre d’assemblée n’a jamais vu les comptes concernant l’argent de la province. En 1823, Caldwell, fils, successeur de son père dans la charge des finances, déclara banqueroute sur un chiffre d’un demi-million de piastres.[15] Les Canadiens n’étaient pas contents ; le parti anglais prétendait que cela ne nous regardait pas.

Il va sans dire que les employés du gouvernement étaient de la même opinion que les ministres de Londres et que le parti anglais du Canada, à l’égard des finances de la colonie. Le patronage était entre les mains de ce parti, au lieu de subir le contrôle de la chambre d’assemblée. Tout était au roi ; donc les Canadiens ne devaient pas prétendre à jouir des prérogatives réservées au seul souverain et aussi à ses conseillers ! Les terres en forêt étaient distribuées aux favoris du pouvoir. Dans toutes les colonies du monde le même système prévalait, et vous n’auriez pas trouvé un Européen pour approuver les folles prétentions des Canadiens.

Mais, dans les autres colonies anglaises, vers 1830, on commença à se dire : « Savez-vous que les Canadiens ont raison ! Pourquoi n’aurions-nous pas chacun chez nous la conduite de nos affaires, au lieu de recevoir des ordres d’une bande d’étrangers qui vivent à nos dépens et nous méprisent ? »

La Nouvelle-Écosse comprit la situation ; ensuite le Haut-Canada se mit à réfléchir. L’idée du « self-government » faisait son chemin au dehors du Bas-Canada — mais Louis-Joseph Papineau n’en était que plus attaqué. Lorsqu’il exposait devant le public les noms de divers personnages qui demeuraient en Angleterre, mais qui recevaient de gros salaires pour de prétendues fonctions dans le gouvernement du Canada, on doit s’imaginer si le peuple se montrait content ! Jusqu’au poète Thomas Moore qui touchait de $1,500 à $2,000 par année sous prétexte d’un emploi qu’on lui avait donné à Montréal et qui, une fois dans sa vie, passa quinze jours au Canada — pour composer sa fameuse chanson de voyageurs.

Vous comprenez maintenant que Papineau père et fils avaient de la besogne toute taillée devant eux et qu’ils n’étaient pas à la peine d’imaginer des griefs pour appuyer leurs réclamations.

Les discours des chefs canadiens prouvaient leur compétence à juger les affaires publiques ; pourtant, la réponse qu’on leur adressait était toujours pour les dissuader d’une ambition qui dépassait leurs forces, croyait-on. On leur disait : « Vous êtes étonnants. Quoi ! vous qui vous êtes si bien comportés en tout temps, dans la guerre comme dans la paix, vous demandez à usurper les privilèges du roi et à vous charger de gouverner la colonie ! Allons, braves gens, laissez-nous ce fardeau et vous n’en serez que mieux. »

Lorsqu’un officier de milice se permettait de parler de réforme, il était réprimandé. Plusieurs se virent retirer leurs commissions, entr’autres Bédard, Panet, Borgia, Taschereau et Blanchet.

La résistance des deux Papineau contre le genre de gouvernement imposé au pays n’avait aucune couleur ou rapport avec la pensée d’une révolution. Ils voulaient des réformes et ne les demandaient pas toutes à la fois, de crainte de bouleverser les affaires.[16] On ne les vit jamais prêcher en démagogues, qui affectent de soutenir les intérêts du peuple et se rendent favorables à la cause populaire afin de gagner sa faveur et de le dominer. Ils n’exagéraient rien, ne sortaient pas de la vérité ; aussi étaient-ils irréfutables.

La chambre d’assemblée comptait à cette époque des talents de premier ordre et, bien que le Mercury, de Québec, et les cercles officiels affectassent un grand mépris pour ces « habitants illettrés », le gouvernement anglais savait très bien que ces prétendus ignorants étaient, le plus souvent, des hommes d’une grande valeur, d’une parfaite dignité de manières et d’un patriotisme à toute épreuve, et que leurs chefs, loin d’être des démagogues, auraient été dignes de s’asseoir sur les bancs de la chambre des Communes.[17] Citons quelques-uns de ces députés remarquables.

Louis Bourdages révéla un talent d’orateur de première force. Pierre-Dominique Debartzch surprit la chambre par l’expression mesurée d’une indépendance de caractère qu’il soutint toute sa vie. Denis-Benjamin Viger posa aux partisans du gouverneur des questions savantes autant qu’habiles. J.-T. Taschereau s’éleva comme un homme d’honneur contre les pratiques abusives du pouvoir. Enfin, Pierre Bédard et les deux Papineau faisaient entendre la grande voix des libertés politiques qui allait remuer le pays durant trente ans.

L’enquête de 1828 devant la chambre des Communes de Londres a été imprimée et forme un volume des plus instructifs. On y trouve à peu près toute la question coloniale sous la forme qu’elle affectait en Canada depuis non seulement la constitution de 1791, mais en remontant à 1763. Ce livre bleu suffirait à lui seul pour nous expliquer Papineau et son temps si nous n’avions pas, d’autre part, de nombreux documents pour nous éclairer.

L’enquête n’amena guère de changements dans l’administration de la colonie, mais elle fournit un sujet de réflexion à plusieurs hommes publics déjà disposés à sortir des vieilles idées relatives aux possessions d’outre-mer. C’était l’époque de l’agitation d’O’Connell en faveur de l’Irlande et de l’émancipation des catholiques. L’aube de la liberté des colonies se mêla au rayon matinal de la réforme qui allait s’opérer en Angleterre dans plusieurs branches de la politique active et pratique. Pour nous, ce fut juste un pas de gagné, pas beaucoup plus.

En 1834, Papineau, formulant les Quatre-vingt-douze Résolutions, pouvait dire que l’on en était encore à 1828 ou mieux à 1807, sinon plus arriérés encore ; et pourtant aucune colonie ne possédait autant de liberté que nous, d’après ce raisonnement que, dans le royaume des aveugles les borgnes sont rois. Il fallait plus de lumière que cela pour satisfaire les Canadiens.[18]

Les Quatre-vingt-douze Résolutions ne contenaient rien de nouveau. C’est la reprise des anciens griefs, exprimés dans une rédaction étirée, pâteuse, sans allure. L’enquête de 1828 vaut cent fois davantage. Néanmoins, ces résolutions étant présentées à l’assemblée législative de Québec, notre peuple y attacha son attention par-dessus tout, et les débats qui s’ensuivirent le passionnèrent comme l’eût fait un discours de Papineau.

Car la parole de Papineau enlevait les imaginations, et c’est même ce qu’il ne calculait pas assez de 1834 à 1837. Le sentiment populaire se nourrissait de sa verve et de ses terribles coups de langue, mais l’orateur se contenait parfaitement et croyait que le peuple pensait avec le même sang-froid et la même modération que lui. Il déchaînait des forces qu’il savait exister et qu’il croyait pouvoir contenir. Illusion qu’avait eue Mirabeau, illusion de presque tous les agitateurs. Je ne sais quel sens vous donnez au mot agitateur, mais n’oublions pas que, sous un gouvernement constitutionnel, ce genre de politique est nécessaire, tandis qu’il constitue un embarras public sous la monarchie absolue.

Papineau a vécu de 1786 à 1871 ; il s’est occupé de politique de 1808 à 1837, et de 1847 à 1855 ; l’époque où il agit en chef va de 1817 à 1837 ; deux dates sont mémorables et le montrent à l’apogée du prestige : 1823 et 1834, c’est-à-dire deux crises où l’agitateur fournit la mesure de ses ressources oratoires et impressionna toute l’Amérique du Nord. Dans un cas comme dans l’autre, le ministère britannique fit la sourde oreille parce qu’il était pénétré de ce vieux préjugé européen : « Il faut conserver les colonies en tutelle et les exploiter pour le seul avantage de la mère-patrie. »

La destinée de Papineau n’était pas de réussir à nous faire accorder les réformes dont se composait son programme, mais il était venu au monde pour faire l’éducation politique des Canadiens. Sa carrière, répétons-le, commence à cet égard en 1817 et finit en 1837. Après les troubles et son exil,[19] il n’avait plus de rôle à jouer, car il repoussa l’acte d’union des Canadas de 1841, qui nous était imposé, et ne songea pas à l’utiliser dans un sens pratique comme le comprit LaFontaine. En un mot, il n’avait qu’une idée, qu’un désir, c’était de nous procurer une constitution parfaite, un rêve trop beau pour ce bas monde.

Alors, direz-vous, il n’avait qu’une note dans la voix et ne pouvait faire qu’un seul discours constamment le même ? C’était à peu près cela, en effet ; mais, quel virtuose ! Il avait trouvé un thème d’une grande justesse et de plus approprié à l’entendement populaire ; son but était de le développer et d’en tirer tous les accents, les accords, les sentiments qu’il pouvait produire, et il y parvint en maître, électrisant à tout coup son auditoire. Paganini avait ramassé à Venise un air dont personne ne s’occupait ; il le couvrit d’une de ses interprétations comme il savait les imaginer, l’enroula dans des variations fantaisistes, le fit soupirer, rire, chanter, lui imprima des allures contraires les unes aux autres tout en étant charmantes, et le Carnaval de Venise fit l’admiration des artistes comme celle de la foule. C’est absolument le cas de Papineau.

Durant les années 1838-1845, le proscrit vécut presque constamment dans la capitale de la France et y rencontra des personnages instruits qui durent le faire parler. Savons-nous quelque chose de la tournure de ces causeries ? Je crois que non. Étant donné la manière d’envisager les colonies qui règne en Europe, je me persuade que les Français s’étonnèrent tout d’abord en apprenant que l’Angleterre avait concédé depuis longtemps une chambre élective et d’autres faveurs au Canada. Leur surprise devait être plus grande en entendant Papineau exposer son programme de réformes, et je ne suis pas loin de croire qu’ils se dirent à mi-voix : « Voilà un homme que nous n’endurerions pas dans nos colonies ! » Celui d’entre nous qui se trouverait à présent dans la situation du patriote de 1837, ne serait pas mieux compris en France.

Il est dans notre destinée de nous tirer d’affaire par nous-mêmes. C’est perdre notre temps que de vouloir acquérir les sympathies des étrangers. L’adresse avec laquelle nos hommes d’État ont mis en pratique l’acte d’union inévitable de 1841, et la Confédération de 1867, également inévitable, prouve que nous avons des ressources suffisantes pour nous maintenir sous n’importe quel régime ; et comme, après tout, il n’y a pas de bon régime en ce monde, il ne faut pas avoir peur de la lutte. Les petits peuples qui sont forts doivent leur courage au danger. Les peuples nombreux ne peuvent pas tous en dire autant.

  1. C’est la première rencontre du nom de Papineau dans les archives du Canada. Sur la carte cadastrale de Gédéon de Catalogne, ingénieur du roi, dressé vers 1709, on voit à la Rivière-du-Loup (Louiseville) un colon du nom de Papineau, qu’on a cru erronément être Samuel Papineau. Ce n’est pas, non plus, Jean Papineau, dont la fille, Madeleine, serait née en 1715 et qui fut inhumée au Cap-de-la-Madeleine le 7 mai 1791, ni Pierre-Joseph-François Papineau, marié à Marie-Louise Desmarets, qui fit baptiser sa fille Louise à Saint-Michel d’Yamaska le 14 novembre 1752, et, au même endroit, Geneviève, le 1 septembre 1754, et Joseph, le 14 octobre 1756, comme des auteurs l’ont écrit ; c’est Jean-Baptiste Testard de Folleville qui portait le surnom de Papineau. Mgr Tanguay, Dictionnaire généalogique, VI, 206, 207 ; Mélanges historiques, vol. 10, p. 35, 37.
  2. Mgr Tangay, Dictionnaire généalogique, I, 312, 505 ; III, 53 ; VI, 206, 207.
  3. Garneau et L.-O. David disent qu’il étudia au séminaire de Québec.
  4. Il y entra en 1771.
  5. L.-O. David, les Deux Papineau, p. 13, 14.
  6. Voir Mélanges historiques, vol. I, p. 114, 115.
  7. C’est alors qu’il commença l’exploitation de sa seigneurie de la Petite-Nation, tout en habitant à Montréal une maison sise rue Saint-Paul, dont l’arrière touchait à la maison paternelle des Papineau, sur la rue Bonsecours, occupée par son fils Louis-Joseph, L.-O. David, les Deux Papineau, p. 34.
  8. Il la paya en partie en honoraires et en services professionnels. Le titre de la seigneurie de la Petite-Nation accordé en 1674 n’est pas dans le recueil des titres seigneuriaux publié par le gouvernement canadien en 1852, mais il a été fourni par M. Higginson, registrateur du comté de Prescott. Alexis de Barbezieux, Histoire de la province ecclésiastique d’Ottawa, I, 70.
  9. C’est plutôt 1814. Quoi qu’il en soit, il eut toujours un domicile à Montréal où il passait la rude saison.
  10. En 1808, 1810 et 1810, Kent (maintenant Chambly) ; 1814, 1816, 1820, 1824, 1827, 1830, Montréal-Ouest ; 1834, Montréal-Est.
  11. De vingt-deux écoliers entrés en rhétorique en 1802, il était le seul survivant en 1855.
  12. Voir Mélanges historiques, vol, 5, p. 81-97, sur les sentiments des Canadiens de 1760 à 1763. Le conseil, de 1763 à 1773, ne renferma aucun catholique. En 1773 les nobles pétitionnèrent demandant qu’on augmente le conseil en leur y donnant une juste part et que l’on rappelle cette partie de la proclamation de 1763 qui établit les lois anglaises seules.
  13. Les conseillers de Carleton approuvés par le roi en 1768 étaient : William Hey, juge en chef non susceptible de remplacer le gouverneur par intérim ; Hector-Théophile Cramahé, James Goldfrap, Hugh Finlay, Thomas Mills, Thomas Dunn, Walter Murray, Samuel Holland, Francis Mounier, Benjamin Price, Colin Drummond.
  14. Voir Mélanges historiques, vol. 7, p. 90-93 sur l’agitation de Ducalvet.
  15. La faillite du receveur-général Caldwell éclata en 1823, mais elle était connue depuis longtemps par l’insolvabilité de ce fonctionnaire. On constata un déficit de £96,000, mais seulement sur ce que l’on put connaître. Il n’y avait aucune décharge du trésor postérieure à 1814, quoique l’on parvint à établir quelques balances jusqu’à 1819.
  16. En 1834, en présentant les Quatre-vingt-douze Résolutions, on oublia ce bon principe : tout fut rejeté en bloc.
  17. Les chefs du parti canadien étaient en effet tous des hommes de bonne compagnie et d’étude, aussi les gouverneurs les considéraient personnellement et les traitaient avec une grande courtoisie.
  18. Les Quatre-vingt-douze Résolutions ont été publiées avec commentaires incomplets par le Dr N.-E. Dionne dans sa Galerie historique, vol. 2. M. Sulte eut le dessein dans sa quatre-vingtième année d’interpréter ces résolutions, mais il n’a pas pu exécuter ce projet. La mort l’a frappé au moment où il allait y mettre la plume.
  19. En 1837, Papineau passa sa dernière nuit sur le sol canadien dans la maison du capitaine Luc Fortin, de Saint-Georges d’Henryville, comté d’Iberville, d’après une lettre reçue de Georges-E. Fortin, Minneapolis, É.-U., son petit-fils. On dit que la tête de Fortin fut mise à prix pour sa conduite en cette circonstance. Voir Saint-Georges d’Henryville, par Fr. J.-D. Brosseau, o.p., p. 130, 131.