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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Mémoire sur la méthode d’interpolation

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MÉMOIRE
SUR
LA MÉTHODE D’INTERPOLATION.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, années 1792 et 1793.)


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La méthode d’interpolation est, après les logarithmes, la découverte la plus utile qu’on ait faite dans le calcul ; elle est surtout ; comme les logarithmes, d’un usage immense dans l’Astronomie, où elle sert non-seulement pour remplir dans les Tables les lieux intermédiaires entre ceux qu’on a calculés directement, mais encore pour suppléer dans une suite d’observations à celles qui manquent. Lorsque les nombres donnés, entre lesquels il s’agit d’insérer des nombres intermédiaires, sont en progression arithmétique, il est naturel de supposer que les termes intermédiaires forment aussi une même progression arithmétique avec les nombres donnés. Il n’y a donc alors qu’à insérer des moyens arithmétiques entre les nombres donnés c’est en quoi consiste la méthode des parties proportionnelles dont l’usage paraît connu de tout temps.

Mais cette méthode si simple ne peut avoir lieu qu’autant que les nombres donnés croissent ou décroissent également, c’est-à-dire par des différences constantes. Si ces différences ne sont pas constantes, on ne peut pas supposer non plus que celles des termes intermédiaires le soient, et la question se réduit alors à trouver la loi de l’augmentation ou diminution des nombres donnés pour pouvoir y assujettir aussi les nombres intermédiaires c’est l’objet de la méthode d’interpolation.

Ce qui se présente de plus simple dans cette recherche, c’est d’examiner si les différences des nombres donnés forment elles-mêmes une progression arithmétique ; dans ce cas il est visible qu’on peut âppliquer la méthode des parties proportionnelles à la suite des différences, ensuite il n’y aura qu’à remonter de cette suite à celle des nombres cherchés. De même, si les différences des nombres donnés ne formant pas une progression arithmétique, les différences de ces différences, qu’on appelle différences secondes, en forment elles-mêmes une, on pourra trouver les termes intermédiaires de cette dernière suite, et remonter de là successivement à celle des différences premières et enfin à celle des nombres à interpoler. C’est sur ce principe qu’est fondée la Théorie ordinaire de l’interpolation, laquelle se réduit ainsi à la solution de ce Problème :

Étant donnée une suite de termes dont les différences d’un ordre quelconque soient constantes, trouver un nombre quelconque de termes intermédiaires qui suivent la même loi.

Mouton, Astronome de Lyon, est le premier qui ait envisagé l’interpolation sous ce point de vue, dans son Ouvrage intitulé Observationes diametrorum Solis et Lunæ, etc., et imlorimé à Lyon en 1670. Ayant entrepris de calculer une Table des déclinaisons du Soleil pour chaque degré et minute de longitude, il a vu qu’on pouvait se contenter de la calculer directement de degré en degré, et de l’étendre ensuite de minute en minute par la méthode des différences. Il explique par différents exemples l’usage de cette méthode, et il donne d’après François Regnaud, à qui il avait proposé cette question, un procédé général, mais très-long, pour trouver la loi des termes à interpoler dans une Table dont les termes ont des différences constantes d’un ordre donné.

Il paraît néanmoins que la Théorie de l’interpolation est plus ancienne ; et il est bien naturel de penser en effet qu’elle a dû se présenter aux premiers calculateurs des Tables trigonométriques et logarithmiques, vu les secours prodigieux qu’elle offre dans ces sortes de calculs. Aussi je trouve que Henri Briggs, qui a calculé le premier les logarithmes des nombres naturels depuis l’unité jusqu’à et depuis jusqu’à propose, pour remplir la lacune, une méthode d’interpolation fondée sur la considération des différences successives, qu’il dit avoir employée avec succès dans la construction du Canon trigonométrique pour les sinus et tangentes des degrés et centièmes de degré. (Voyez le Chapitre XIII de son Arithmetica logarithmica, et le XIIe de sa Trigonometria Britannica.) Cette méthode, dont Briggs donne les résultats sans démonstration, a été ensuite généralisée par Cotes dans sa Canonotechnia sive constructio tabularum per differentias ; mais ce dernier a également supprimé la démonstration de ses formules, et je ne connais personne qui jusqu’ici ait entrepris d’y suppléer ; ce qui vient peut-être de ce que d’un côté ces formules sont un peu compliquées, et de l’autre, de ce que l’usage en a été abandonné depuis que Newton en a proposé de plus simples, fondées sur la considération des courbes paraboliques.

Tout le monde connait la formule de Newton pour trouver une ordonnée quelconque d’une courbe parabolique, par les différences successives des ordonnées équidistantes ; c’est celle dont on se sert journellement en Astronomie pour interpoler les lieux des Planètes. Cette formule donne en effet tout de suite le terme que l’on cherche, et est par conséquent très-utile pour calculer la valeur de quelques termes ; mais, comme elle demande un calcul particulier pour chaque terme, elle est peu commode pour construire des Tables, où l’on aurait un grand nombre de termes consécutifs à interpoler ; au lieu que la méthode de Mouton, qui consiste à déterminer par les différences de la série donnée celles de la série interpolée, et à remonter de celles-ci aux termes de cette série, a l’avantage de réduire tout le calcul à des additions successives ; ce qui doit la rendre aussi propre pour la construction des Tables que celle de Newton l’est peu.

Mais la difficulté est de trouver ces différences, quel que soit le nombre des termes à interpoler et l’ordre des différences constantes de la série primitive. Mouton a fait le premier cette remarque importante que, dans une série qui conduit à des différences constantes d’un ordre quelconque, si l’on prend les termes de deux en deux, ou de trois en trois, ou, on a une série du même genre, mais dont la différence constante est égale à la différence constante de la première série multipliée par le nombre ou ou élevé à une puissance égale à l’exposant de l’ordre de la différence constante. D’où il a conclu réciproquement, qu’en insérant dans une série à différences constantes des termes intermédiaires qui divisent chaque intervalle en parties, la nouvelle série aura des différences constantes du même ordre que celles de la série donnée, et qui seront égale à celles-ci divisées par les nombres élevés à la puissance dont l’exposant indiquera l’ordre des différences constantes. On peut donc trouver ainsi la différence constante de la série interpolée, et il ne s’agit plus que d’avoir les différences des ordres inférieurs, et même il suffit d’avoir les premiers termes des suites de ces différences. Mouton ne donne pour cela que quelques règles particulières sans démonstration, et il renvoie pour la solution générale à la méthode de Regnaud, qui consiste à construire une série dont les différences d’un ordre donné soient constantes, à prendre cette série pour la série interpolée, et à comparer ses termes pris de deux en deux, de trois en trois, ou, avec ceux de la série donnée à interpoler, suivant qu’on veut partager l’intervalle d’un terme à l’autre en deux, en trois ou en un nombre plus grand de parties ; mais, quoiqu’on puisse toujours de cette manière résoudre la question dans chaque cas, il reste néanmoins à trouver des formules générales. Lalande est, je crois, le seul qui en ait cherché pour les cas de la seconde et de la troisième différence constante, dans un Mémoire sur les interpolations imprimé parmi ceux de l’Académie des Sciences de Paris pour 1761. Sa méthode est à proprement parler celle de Regnaud réduite en Analyse, et, si l’on voulait l’appliquer aux séries dont les différences constantes seraient d’un ordre supérieur au troisième, on tomberait dans des calculs longs et peut-être impraticables ; à plus forte raison serait-il comme impossible de parvenir par cette voie à la solution générale pour des différences constantes d’un ordre quelconque. J’ai donné en 1772 une formule qui renferme cette solution dans un Mémoire qui a pour titre Sur une nouvelle espèce de calcul, et qui est imprimé dans le volume de cette année[1] ; mais, comme je ne pensais pas alors à l’usage dont elle pouvait être pour les interpolations, je ne cherchai pas à développer cette formule.

Je crois donc devoir revenir sur cet objet, et donner ici une solution complète du Problème dont il s’agit, pour servir de Supplément au Mémoire cité. La méthode que j’ai employée dans ce Mémoire est fondée sur une analogie singulière qui a lieu entre les exposants des puissances et les indices du rang des termes dans une série, ou de l’ordre des différences de ces termes, en vertu de laquelle on peut traiter ces indices comme si c’étaient des exposants, et y appliquer les mêmes règles. Je ne m’arrêterai pas ici à démontrer cette analogie, dont on peut aisément vérifier les résultats par les méthodes connues ; je me contenterai de m’en servir, ainsi que je l’ai déjà fait, comme d’un instrument propre à découvrir des formules qu’on ne pourrait trouver par les moyens ordinaires qu’en connaissant leur forme d’avance ; je l’emploierai même ici d’une manière plus simple et plus uniforme, ce qui servira à donner encore à ce nouvel instrument d’Analyse un plus grand degré de perfection.

1. Pour distinguer les indices des exposants, je les placerai au bas des quantités, comme ceux-ci le sont au haut ; on suivra d’ailleurs le même algorithme pour les uns et les autres.

Soient donc

les termes consécutifs d’une série quelconque, et

les différences successives de ces termes, c’est-à-dire la différence première la différence seconde la différence troisième et ainsi de suite. On aura sur-le-champ l’expression de la différence ième par l’opération suivante.

Puisque

en élevant les deux membres à l’indice on aura

développant le second membre comme un binôme, en mettant les exposants au bas pour servir d’indices, on aura

(A)

formule connue et qu’on peut trouver par induction.

Si l’on fait on a

d’où il s’ensuit que le terme qui doit précéder le terme dans la série des différences est égal à

Si l’on fait négatif, les différences se changent en sommes ; de sorte que désignant les sommes de différents ordres par

on aura

par conséquent, en changeant en on aura

formule connue aussi.

2. Si au contraire on veut avoir l’expression d’un terme quelconque par le moyen des différences, on reprendra l’équation

laquelle donne

ou bien, en mettant pour le terme qui lui est égal,

élevant à l’exposant ou indice on aura de même

et développant par la formule du binôme, en ayant soin de mettre les exposants au bas pour servir d’indices,

(B)

où l’on se souviendra que est la même chose que C’est la formule différentielle de Newton, dont on se sert communément pour les interpolations, en donnant à l’indice des valeurs fractionnaires.

Lorsque est un nombre entier, on peut construire cette formule par des additions successives ; la manière la plus simple est de ranger les différences

dans une ligne horizontale, et de former au-dessous successivement d’autres lignes correspondantes, en faisant chaque terme de ces lignes égal à la somme de celui qui est au-dessus et de celui qui est à la droite de celui-ci dans la ligne immédiatement supérieure ; la première ligne verticale contiendra par ordre les termes ou On peut ainsi, quand la série des différences se termine, ce qui a lieu pour toutes les suites qui conduisent à des différences constantes, construire une Table aussi étendue que l’on voudra, pour avoir successivement tous les termes de la suite proposée.

Mais ce moyen mécanique ne peut plus être employé lorsque le nombre est fractionnaire. Alors il faut calculer chaque terme séparément par la formule (B), en donnant successivement à les valeurs convenables ainsi, s’il était question d’interpoler partout un terme entre deux termes consécutifs de la série

il faudrait trouver les valeurs des termes

en faisant successivement

et ainsi des autres cas semblables. La méthode de Mouton a l’avantage de réduire tous ces cas au premier, et de rendre par conséquent le procédé des additions successives applicable aux interpolations, comme nous le verrons plus bas.

3. Si l’on voulait que la formule fût ordonnée suivant les puissances mêmes de ce qui en rendrait peut-être l’usage plus commode dans le cas de fractionnaire, rien ne serait plus aisé que de lui donner cette forme par le moyen de notre Analyse.

On n’a qu’à reprendre l’équation

et l’écrire d’abord ainsi

ce qui est la même chose, puisque

en observant pour les indices les lois des exposants ; on transformera ensuite en étant le nombre dont le logarithme hyperbolique désigné par est l’unité ; ce qui donnera

et, élevant les deux membres à l’exposant ou indice

or on a par les formules connues donc on aura

donc on aura

(C)

j’ai négligé ici de multiplier par les termes qui contiennent des puissances de parce que cette multiplication n’y apporterait aucun changement, l’indice ne pouvant rien changer à ceux auxquels il se trouverait ajouté.

Maintenant il n’y aura qu’à développer par les formules ordinaires, et l’on aura

où il reste encore à développer les puissances de

à la manière ordinaire, en traitant les indices comme des exposants. Cette formule ne sera donc que le développement de la formule (B) en effectuant les multiplications et ordonnant suivant les puissances de mais, de la manière dont elle est présentée, on y voit la loi des termes qu’il serait très-difficile de découvrir par le développement dont il s’agit.

4. Au reste la formule (C) donne le moyen de trouver d’une manière générale l’expression de la différence d’un ordre quelconque de toute série algébrique dont le terme général serait de la forme

étant des coefficients donnés, et étant supposé successivement Car, en comparant cette expression de à celle de la formule (C), on aura

et, en général,

Cette équation donne

donc

et de là, pour un indice quelconque

où il n’y aura qu’à développer la puissance en convertissant les exposants de en indices, et observant relativement à ces indices les mêmes lois que pour les exposants. Cette formule peut être utile dans quelques occasions ; elle l’est surtout pour transformer une série de la forme en une série équivalente de la forme

en une série équivalente de la forme

5. Considérons maintenant deux séries correspondantes, l’une représentée par

dont les différences successives soient

comme plus haut, l’autre représentée par

et dont les différences successives soient

supposons que les termes de la première série soient identiques avec les termes de la seconde pris à des intervalles égaux, de manière que l’on ait, en général,

c’est-à-dire que si par exemple on ait

si on ait

et ainsi de suite ; on propose de trouver la relation entre les différences et les différences

L’équation

se réduit, en extrayant la racine à

et, mettant pour sa valeur (2) de même que pour sa valeur elle donnera

d’où l’on tirera la valeur de en ou de en suivant qu’on vou-

dra avoir les différences de la première série exprimées par celles de la seconde, ou réciproquement.

6. Nous aurons d’abord

mais

donc

et, élevant à l’indice

Or se développe dans la série

donc, faisant cette substitution, on aura

(D)

on développera le second membre de cette équation comme si c’était la puissance ième d’un polynôme en en ayant soin de placer toujours au bas de la lettre les exposants qui devraient affecter la quantité suivant les règles des exposants.

Ainsi, si l’on suppose, pour abréger,

on aura sur-le-champ :

Cette formule peut servir, comme l’on voit, à trouver les différences

de tous les ordres d’une série proposée dans laquelle on ne prendrait les termes que de deux en deux, ou de trois en trois, ou, en général, de en

À l’égard des coefficients on peut les trouver par le développement de la puissance du polynôme, ou bien par la comparaison des termes qui contiendront les mêmes puissances de après avoir pris les différentielles logarithmiques des deux membres. Ce dernier procédé donne les formules suivantes dont la loi se présente d’elle-même

7. La même équation

en extrayant pour ainsi dire la racine donnera celle-ci

d’où l’on tire, à cause de

et de là

formule qu’on développera comme la précédente ; et il est clair qu’il n’y

aura pour cela qu’à changer, dans les formules du numéro précédent, en et en Ainsi l’on aura, en général,

en faisant

Ces formules renferment la solution générale du Problème de Mouton. En effet, si l’on a à interpoler la série

dont les différences

sont connues, et qu’on veuille partager en parties chaque intervalle d’un terme à l’autre en y insérant termes intermédiaires qui soient liés entre eux et avec ceux de la série donnée par une même loi, en supposant que

soit la nouvelle série interpolée, il faudra par les conditions du Problème que les termes de cette série, pris de en coïncident avec les termes de la série donnée, en sorte qu’on ait

ce qui est l’équation fondamentale d’où nous sommes partis pour la so-

lution du Problème que nous venons de traiter (5). Ainsi l’on aura par les formules ci-dessus l’expression de la différence d’un ordre quelconque de la série interpolée, au moyen des différences données de la série proposée. On connaîtra donc par là les différences successives

de la série

dont le premier terme et au moyen de ces différences on pourra trouver successivement tous les termes de cette série par des additions successives, comme nous l’avons vu dans le no 2, parce qu’en employant ces différences, un terme quelconque de la série dont il s’agit sera exprimé par la formule

dans laquelle sera un nombre entier comme dans le no 2.

8. Si est la dernière différence de la série donnée

en sorte que

on aura :

1o En faisant

ce qui s’accorde-avec ce que Mouton avait trouvé par induction.

2o En faisant

3o En faisant

et

ainsi de suite. À l’égard des différences plus hautes que la rième, elles seront toutes nulles, comme on le voit par la formule en faisant Ainsi il suffira de chercher les valeurs de jusqu’à et l’on pourra ensuite employer les additions successives pour former et continuer aussi loin qu’on voudra la Table des termes

9. Si dans la formule (D) du no 6 on fait infiniment grand, et par conséquent les différences représentées par infiniment petites, on aura la relation entre les différences finies et les différentielles d’une fonction quelconque. Considérant donc une fonction de dont les différences finies soient désignées par et les différentielles par celles de l’étant de même par et il n’y aura qu’à faire et écrire au lieu de et en plaçant suivant l’usage les indices de l’ordre des différences et des différentielles au haut des lettres et On aura ainsi

(E)

où il n’y aura qu’à développer le second membre comme une puissance du polynôme en ayant soin d’écrire au lieu de

Par cette formule on peut trouver les différences finies de tous les ordres au moyen des différentielles, et, si l’on fait négatif, ce qui changera les différences en sommes et les différentielles en intégrales, on aura la somme d’un ordre quelconque des termes d’une série par les intégrales, et les différentielles de la fonction qui exprime le terme général de la série.

10. Réciproquement, si dans la même formule (D) on change en et en comme nous l’avons dit dans le no 7, et que par conséquent suivant l’hypothèse du numéro précédent, on écrive au lieu de au lieu de et au lieu de qui devient alors une quantité infiniment petite, on aura

(F)

où il faudra de même développer le second membre comme une puissance en ayant soin d’écrire au lieu de

Cette formule donnera les différentielles de tous les ordres d’une fonction quelconque par le moyen de ses différences finies, et, si l’on fait négatif, elle donnera les intégrales de la fonction par le moyen des sommes et des différences des valeurs de la même fonction répondantes aux valeurs de dont est la différence finie ; ce qui revient à la détermination des aires par les ordonnées équidistantes. [Voyez là-dessus le Mémoire cité dans le volume de 1772[2].]

11. On peut traiter par les mêmes-principes les séries doubles, triples, c’est-à-dire celles dont les termes varient de deux ou de pluf sieurs manières différentes, et qui forment des Tables à double, à triple entrée, Soit, par exemple, la série double

dans laquelle un terme quelconque comme a deux indices, le premier pour marquer son rang dans la direction horizontale, et le second pour marquer son rang dans la direction verticale.

Si l’on désigne de même par

et, en général, par n les différences successives de ces termes, de manière que le premier indice indique des différences prises dans le sens horizontal, et le second des différences prises dans le sens vertical, on aura

et ainsi de suite ; et l’on pourra trouver tout de suite l’expression de par une opération semblable à celle du no 1.

12. Car, puisque

on aura d’abord, en élevant aux indices et

et, multipliant ces équations l’une par l’autre, en observant de rapporter toujours les premiers indices aux premiers et les seconds aux seconds, il viendra

c’est-à-dire, en développant d’abord les deux facteurs,

(G)
Maintenant il n’y aura plus qu’à faire le produit de ces quantités, en observant la règle prescrite, et l’on aura

13. Réciproquement on aura l’expression d’un terme quelconque par les différences, au moyen des équations

à cause de

comme il résulte de la formule précédente ; car, en élevant d’abord la première à l’indice et la seconde à l’indice les multipliant ensuite l’une par l’autre, on aura

d’où l’on tirera comme dans le numéro précédent

14. On peut aussi étendre par des opérations semblables les formules des nos 6 et 7 pour les interpolations aux séries doubles. En eflet, si l’on imagine la nouvelle série

dont les différences soient désignées par

et qui soit telle qu’un terme quelconque soit égal à en faisant et on aura

et, faisant on aura

deux équations qui, étant élevées l’une à l’indice et l’autre à l’indice et multipliées ensuite l’une par l’autre, redonnent l’équation générale. Or ces deux équations, en y substituant à la place de à la place de et de même à la place de à la place de par conséquent à la place de à la place de deviennent

d’où, à cause de

comme il résulte des formules ci-dessus, on aura

par conséquent, en multipliant l’une par l’autre,

et, développant les deux facteurs,
(H)

De sorte qu’il n’y aura plus qu’à développer suivant les indices et comme on l’a fait dans le no  6, et ensuite effectuer la multiplication comme dans les deux numéros précédents. On aura ainsi pour les séries doubles une formule semblable à celle du no  6 pour les séries simples.

Pareillement, par l’extraction des indices et on aura

et de là on tirera par un procédé semblable au précédent

savoir

(I)

où il faudra encore développer le second membre comme dans la formule (H) ci-dessus. Cette expression de sera analogue à celle de du no  7, et pourra servir aux mêmes usages pour l’interpolation des Tables à double entrée.

15. Enfin, si l’on suppose et infinis, les différences désignées par deviendront infiniment petites, et l’on aura pour les fonctions à deux variables des formules analogues à celles des nos 9 et 10. Ainsi, en regardant comme fonction de et et désignant par la caractéristique les différences finies et par la caractéristique les différentielles, on fera

et la formule (H) se transformera en celle-ci

(K)

dont il faudra développer le second membre par les méthodes ordinaires, en regard’ant et traitant les exposants des différentielles de comme des exposants de puissances. Cette formule donnera la valeur de la différence finie de de l’ordre par rapport à et de l’ordre par rapport à exprimée par les différentielles de relativement à et

16. Faisant les mêmes substitutions dans la formule (I), et écrivant les indices de l’ordre des différences et des différentielles en forme d’exposants suivant la notation reçue, on aura cette transformée

qu’on développera suivant les méthodes ordinaires, en observant relativement aux exposants des différences les mêmes règles que pour ceux des puissances, et ayant soin de calculer séparément les premiers exposants qui sont relatifs à la variable et les seconds qui se rapportent à la variable


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  1. Œuvres de Lagrange, t. III, p. 441.
  2. Œuvres de Lagrange, t. III, p. 441.