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Au bien (27 avril 1949) :

Ô merveille impossible sans naissance et sans fin
J’ai connu la merveille d’être paralysé
Et d’être plein de vie absent présent total
Tous les désirs sur moi se frottaient s’allumaient
Tous les désirs en moi se levaient fleurissaient
Je recevais l’éclair la pluie et le soleil
J’étais aveugle et je courbais mon arc-en-ciel
Sur des moissons velues sur des maisons tout en fenêtres
Sur des cimes ardues sur des mains étendues
J’étais paralysé j’étais aveugle et sans passé
Sans lendemain j’avais un cœur pour tout connaître
En un instant et sans bouger d’un millimètre
J’étais couché j’étais debout mort et vivant
Comme on se pense mort comme on se sent vivant

L’amour autour de moi frissonnait s’exténuait
Et se renouvelait comme les feuilles dans les bois
Mes cinq sens confondaient en un seul vol leurs chaînes
J’étais la proie et le chasseur qui s’agenouille
Le maître qui oublie ses raisons de régner
Le diamant qui brille au delà de sa gangue
Je parfumais mes yeux ma langue et mes oreilles
De tout ce qui passait les rives des ténèbres
Jour par jour les contacts ne sont pas toujours simples